L’impasse nucléaire en Iran : réévaluation avant le compte à rebours final
par Général Vinod Saighal
Ancien directeur général de la formation militaire de l’armée indienne. Il fut attaché militaire d’ambassade en France et au Bénélux, et commandant en chef de forces de maintien de la paix au Proche-Orient
Pour le général indien Vinod Saighal, les provocations du président Ahmadinejad ne parviendront pas à dissuader les États-Unis de détruire l’Iran. La guerre est programmée à Washington, à la fois pour conquérir des champs pétroliers, pour renforcer la présidence Bush et pour satisfaire Israël. Plus rien ne peut l’arrêter et Téhéran a tort de croire en la protection de ses amis, qu’ils soient musulmans, russes ou chinois. Dans de telles circonstances, la sagesse serait la discrétion.
Longtemps après que les États-uniens auront quitté le sol irakien, que nous aurons découvert des sources d’énergie alternatives et que les réserves en hydrocarbures du Moyen-Orient auront été épuisées, les conséquences de l’intervention états-unienne en Irak en mars 2003 continueront toujours de hanter la région. L’accord Sykes-Picot, signé après la Première Guerre mondiale, a modelé l’histoire et la géographie du Moyen-Orient. Ses conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Les effets des politiques menées par les États-Unis dans la région durant cette première décennie du 21ème siècle seront certainement toujours visibles à la fin du siècle. L’agitation en Irak se répandra jusqu’à ce que le monde Arabe s’y engouffre, du Golfe perse à la Méditerranée. On a souvent tendance à se concentrer sur les conséquences immédiates d’un événement cataclysmique ; malheureusement les effets à long terme sont souvent insoupçonnés au moment de la catastrophe.
[...]
Malgré la pression internationale concernant leur programme nucléaire, les Iraniens se montrent de plus en plus agressifs, principalement sur le plan verbal, envers Israël et les États-Unis. Alors que ni la Chine ni la Russie n’ont voulu s’engager et que les États-Unis se préparent inexorablement pour l’épreuve de force finale en Iran, la Russie est impliquée dans un double jeu complexe. [...]
En ne se laissant aucune place pour manœuvrer, l’Iran et les États-Unis se sont mis dans une impasse. Les intérêts communs qui auraient pu être à la base d’une négociation disparaissent à une vitesse considérable. Des opinions inconciliables émergent. Les principaux décisionnaires des deux pays s’activent à exacerber leurs différends. Le président iranien Ahmadinejad, a eu tendance à afficher une rhétorique au ton presque fiévreux, bien que les décisions de l’Ayatollah Khameni prévalent sur les siennes. Que son discours ait été mal retranscrit, ou que ses propos aient été déformés, il n’empêche qu’il est perçu comme ayant appelé publiquement à l’anéantissement d’Israël . Bien que sa lettre adressée au Président G. W. Bush soit une demande d’introspection digne d’attention et pourrait être interprétée par certains comme une tentative sérieuse pour réduire les divergences, elle n’offre aucune proposition concrète au gouvernement états-unien .Ses déclarations montrent qu’il choisit de façon délibérée d’aller de provocation en provocation, en exagérant souvent les capacités iraniennes.
[...]
L’Iran, selon toute vraisemblance, va tomber. Les États-Unis cherchaient un casus belli plausible. Les Iraniens en ont apporté un à George W. Bush, presque sur un plateau. M. Ahmadinejad et ses soutiens commettraient une grave erreur en supposant que la faible popularité du président états-unien le force à changer de cap. Le président Bush et son équipe, notamment le vice-président Dick Cheney et l’ex secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ont été accusés d’avoir bâclé l’intervention en Irak. On dit qu’ils ont gagné la guerre pour finalement perdre la paix. Leurs adversaires ont mal compris la hiérarchie présidentielle. George W. Bush n’est pas un lâcheur. Il s’est déjà exprimé sur la Troisième Guerre mondiale et la longue guerre ouverte contre le terrorisme mondial. George W. Bush fera tomber l’Iran avant que son deuxième mandat ne touche à sa fin. Sauf un séisme politique aux États-Unis en fin d’année, l’attaque de l‘Iran par les États-Unis est une quasi-certitude. Cette fois-ci, George W. Bush et son équipe espèrent mieux s’en tirer. Ils auront tiré les leçons des erreurs commises en Irak. Cette fois-ci, ils veulent en sortir comme les vainqueurs indiscutables. La nation iranienne sera pulvérisée dans la foulée, pour qu’il ne subsiste pas de doute dans l’esprit de quiconque sur l’issue de la confrontation. Si le président des États-Unis décidait, contre tous les avis provenant de diverses directions, de frapper l’Iran, le parti républicain auquel il appartient ainsi que les Démocrates se rangeraient derrière lui comme ils le firent après le 11 septembre. Et la nation états-unienne ferait de même. À ce moment-là, le taux de popularité du président états-unien pourrait de nouveau franchir le seuil des 50 %. George Bush ambitionne de sortir de la Maison-Blanche en vainqueur.
[...]
Les Iraniens ne doivent pas lui offrir une telle occasion. Au nom de la survie de leur nation, les dirigeants iraniens devraient faire marche arrière face à la détermination états-unienne de ne pas les laisser s’en tirer avec une nucléarisation, officielle ou non. Revenir sur ses positions n’est pas un prix trop important à payer à ce stade de l’histoire iranienne, étant donné le coup mortel porté à la civilisation babylonienne dont l’Iran faisait également partie par le passé. La civilisation iranienne est un héritage précieux pour l’humanité. Il ne tient qu’aux dirigeants iraniens de la sauver de la force brute qui peut être déchaînée contre elle par l’hyperpuissance états-unienne. Les sages iraniens doivent conseiller les dirigeants en conséquence. La Chine et la Russie rendraient un très mauvais service à leur ami du jour, l’Iran, en gonflant artificiellement son assurance et en ne se joignant pas à l’appel lancé par les États-Unis demandant à l’Iran de mettre fin à sa capacité nucléaire. Les amis de l’Iran ne seraient pas capables de tenir tête aux États-uniens et à l’Occident en cas de confrontation militaire. Le fait d’encourager l’intransigeance de l’Iran à ce stade serait très mal avisé.
[...]
Simultanément, la planification par Israël de la neutralisation des capacités iraniennes poursuivrait son cours, discrètement mais sûrement. Bien que les États-Unis aient une meilleure capacité en termes de renseignement contre l’Iran que jamais auparavant, l’aide israélienne à cet égard serait essentielle. Israël a eu le temps de renforcer les milices kurdes du Nord de l’Irak, tout comme sa capacité de renseignement contre l’Iran, surtout au Nord-Ouest. Au finale, Israël sait que s’il faut s’occuper du cas de l’Iran, le plus tôt sera le mieux. Si l’action devait être reportée, le temps jouerait pour l’Iran et non pas pour Israël. Donc, si une action militaire contre l’Iran devait être entreprise durant le mandat de George W. Bush, Israël y serait pour beaucoup dans cette décision.
[...]
Les États-uniens, s’ils devaient se décider à mettre le paquet, ont les moyens technologiques d’annihiler l’Iran comme nation civilisée pour les décennies à venir. Les tentatives d’intimidation initiées par le président iranien, et destinées en réalité à dissuader les États-Unis d’attaquer en démontrant les capacités de riposte de l’Iran, ne feront que garantir une offensive totale des États-Unis. Elle se fera à bâtons rompus. [B]Ni les achats d’armes à la Russie, ni une aide clandestine de la Chine ne pourraient sauver les Iraniens. Si l’Iran sombrait complètement, cela n’empêcherait pas les Arabes ou les nations musulmanes sunnites de dormir. Les Iraniens seraient bien avisés de faire marche-arrière. Dans dix ou vingt ans, cela ne fera pas de grosse différence si les successeurs des régimes iraniens ont des armes nucléaires ou pas. Le monde lui-même aura changé au-delà du reconnaissable, tourmenté par des cataclysmes environnementaux dont les effets, bien que s’étalant devant les yeux de l’humanité, ne sont pas pris en compte avec l’urgence nécessaire. L’homme est toujours un loup pour l’homme, chaque nation avance pour elle-même, jusqu’au jour où le déclin planétaire deviendra irréversible.[/B]
À ce moment de son histoire tumultueuse, l’Iran a besoin d’être dirigé par un Khatami et non pas un Ahmadinejad pour le sortir de la confrontation avec les États-Unis et leurs alliés de l’Occident. Ces derniers ont des ressources infinies en comparaison de l’Iran, ainsi que le soutien, tacite ou ouvert, de plusieurs pays. L’Iran est littéralement sans ami. Lorsqu’il en aura besoin, personne ne viendra à son secours. Pour les Iraniens, actuellement, la discrétion est certainement l’attribut le plus précieux du courage.
http://www.voltairenet.org/article144204.html
par Général Vinod Saighal
Ancien directeur général de la formation militaire de l’armée indienne. Il fut attaché militaire d’ambassade en France et au Bénélux, et commandant en chef de forces de maintien de la paix au Proche-Orient
Pour le général indien Vinod Saighal, les provocations du président Ahmadinejad ne parviendront pas à dissuader les États-Unis de détruire l’Iran. La guerre est programmée à Washington, à la fois pour conquérir des champs pétroliers, pour renforcer la présidence Bush et pour satisfaire Israël. Plus rien ne peut l’arrêter et Téhéran a tort de croire en la protection de ses amis, qu’ils soient musulmans, russes ou chinois. Dans de telles circonstances, la sagesse serait la discrétion.
Longtemps après que les États-uniens auront quitté le sol irakien, que nous aurons découvert des sources d’énergie alternatives et que les réserves en hydrocarbures du Moyen-Orient auront été épuisées, les conséquences de l’intervention états-unienne en Irak en mars 2003 continueront toujours de hanter la région. L’accord Sykes-Picot, signé après la Première Guerre mondiale, a modelé l’histoire et la géographie du Moyen-Orient. Ses conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Les effets des politiques menées par les États-Unis dans la région durant cette première décennie du 21ème siècle seront certainement toujours visibles à la fin du siècle. L’agitation en Irak se répandra jusqu’à ce que le monde Arabe s’y engouffre, du Golfe perse à la Méditerranée. On a souvent tendance à se concentrer sur les conséquences immédiates d’un événement cataclysmique ; malheureusement les effets à long terme sont souvent insoupçonnés au moment de la catastrophe.
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Malgré la pression internationale concernant leur programme nucléaire, les Iraniens se montrent de plus en plus agressifs, principalement sur le plan verbal, envers Israël et les États-Unis. Alors que ni la Chine ni la Russie n’ont voulu s’engager et que les États-Unis se préparent inexorablement pour l’épreuve de force finale en Iran, la Russie est impliquée dans un double jeu complexe. [...]
En ne se laissant aucune place pour manœuvrer, l’Iran et les États-Unis se sont mis dans une impasse. Les intérêts communs qui auraient pu être à la base d’une négociation disparaissent à une vitesse considérable. Des opinions inconciliables émergent. Les principaux décisionnaires des deux pays s’activent à exacerber leurs différends. Le président iranien Ahmadinejad, a eu tendance à afficher une rhétorique au ton presque fiévreux, bien que les décisions de l’Ayatollah Khameni prévalent sur les siennes. Que son discours ait été mal retranscrit, ou que ses propos aient été déformés, il n’empêche qu’il est perçu comme ayant appelé publiquement à l’anéantissement d’Israël . Bien que sa lettre adressée au Président G. W. Bush soit une demande d’introspection digne d’attention et pourrait être interprétée par certains comme une tentative sérieuse pour réduire les divergences, elle n’offre aucune proposition concrète au gouvernement états-unien .Ses déclarations montrent qu’il choisit de façon délibérée d’aller de provocation en provocation, en exagérant souvent les capacités iraniennes.
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L’Iran, selon toute vraisemblance, va tomber. Les États-Unis cherchaient un casus belli plausible. Les Iraniens en ont apporté un à George W. Bush, presque sur un plateau. M. Ahmadinejad et ses soutiens commettraient une grave erreur en supposant que la faible popularité du président états-unien le force à changer de cap. Le président Bush et son équipe, notamment le vice-président Dick Cheney et l’ex secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, ont été accusés d’avoir bâclé l’intervention en Irak. On dit qu’ils ont gagné la guerre pour finalement perdre la paix. Leurs adversaires ont mal compris la hiérarchie présidentielle. George W. Bush n’est pas un lâcheur. Il s’est déjà exprimé sur la Troisième Guerre mondiale et la longue guerre ouverte contre le terrorisme mondial. George W. Bush fera tomber l’Iran avant que son deuxième mandat ne touche à sa fin. Sauf un séisme politique aux États-Unis en fin d’année, l’attaque de l‘Iran par les États-Unis est une quasi-certitude. Cette fois-ci, George W. Bush et son équipe espèrent mieux s’en tirer. Ils auront tiré les leçons des erreurs commises en Irak. Cette fois-ci, ils veulent en sortir comme les vainqueurs indiscutables. La nation iranienne sera pulvérisée dans la foulée, pour qu’il ne subsiste pas de doute dans l’esprit de quiconque sur l’issue de la confrontation. Si le président des États-Unis décidait, contre tous les avis provenant de diverses directions, de frapper l’Iran, le parti républicain auquel il appartient ainsi que les Démocrates se rangeraient derrière lui comme ils le firent après le 11 septembre. Et la nation états-unienne ferait de même. À ce moment-là, le taux de popularité du président états-unien pourrait de nouveau franchir le seuil des 50 %. George Bush ambitionne de sortir de la Maison-Blanche en vainqueur.
[...]
Les Iraniens ne doivent pas lui offrir une telle occasion. Au nom de la survie de leur nation, les dirigeants iraniens devraient faire marche arrière face à la détermination états-unienne de ne pas les laisser s’en tirer avec une nucléarisation, officielle ou non. Revenir sur ses positions n’est pas un prix trop important à payer à ce stade de l’histoire iranienne, étant donné le coup mortel porté à la civilisation babylonienne dont l’Iran faisait également partie par le passé. La civilisation iranienne est un héritage précieux pour l’humanité. Il ne tient qu’aux dirigeants iraniens de la sauver de la force brute qui peut être déchaînée contre elle par l’hyperpuissance états-unienne. Les sages iraniens doivent conseiller les dirigeants en conséquence. La Chine et la Russie rendraient un très mauvais service à leur ami du jour, l’Iran, en gonflant artificiellement son assurance et en ne se joignant pas à l’appel lancé par les États-Unis demandant à l’Iran de mettre fin à sa capacité nucléaire. Les amis de l’Iran ne seraient pas capables de tenir tête aux États-uniens et à l’Occident en cas de confrontation militaire. Le fait d’encourager l’intransigeance de l’Iran à ce stade serait très mal avisé.
[...]
Simultanément, la planification par Israël de la neutralisation des capacités iraniennes poursuivrait son cours, discrètement mais sûrement. Bien que les États-Unis aient une meilleure capacité en termes de renseignement contre l’Iran que jamais auparavant, l’aide israélienne à cet égard serait essentielle. Israël a eu le temps de renforcer les milices kurdes du Nord de l’Irak, tout comme sa capacité de renseignement contre l’Iran, surtout au Nord-Ouest. Au finale, Israël sait que s’il faut s’occuper du cas de l’Iran, le plus tôt sera le mieux. Si l’action devait être reportée, le temps jouerait pour l’Iran et non pas pour Israël. Donc, si une action militaire contre l’Iran devait être entreprise durant le mandat de George W. Bush, Israël y serait pour beaucoup dans cette décision.
[...]
Les États-uniens, s’ils devaient se décider à mettre le paquet, ont les moyens technologiques d’annihiler l’Iran comme nation civilisée pour les décennies à venir. Les tentatives d’intimidation initiées par le président iranien, et destinées en réalité à dissuader les États-Unis d’attaquer en démontrant les capacités de riposte de l’Iran, ne feront que garantir une offensive totale des États-Unis. Elle se fera à bâtons rompus. [B]Ni les achats d’armes à la Russie, ni une aide clandestine de la Chine ne pourraient sauver les Iraniens. Si l’Iran sombrait complètement, cela n’empêcherait pas les Arabes ou les nations musulmanes sunnites de dormir. Les Iraniens seraient bien avisés de faire marche-arrière. Dans dix ou vingt ans, cela ne fera pas de grosse différence si les successeurs des régimes iraniens ont des armes nucléaires ou pas. Le monde lui-même aura changé au-delà du reconnaissable, tourmenté par des cataclysmes environnementaux dont les effets, bien que s’étalant devant les yeux de l’humanité, ne sont pas pris en compte avec l’urgence nécessaire. L’homme est toujours un loup pour l’homme, chaque nation avance pour elle-même, jusqu’au jour où le déclin planétaire deviendra irréversible.[/B]
À ce moment de son histoire tumultueuse, l’Iran a besoin d’être dirigé par un Khatami et non pas un Ahmadinejad pour le sortir de la confrontation avec les États-Unis et leurs alliés de l’Occident. Ces derniers ont des ressources infinies en comparaison de l’Iran, ainsi que le soutien, tacite ou ouvert, de plusieurs pays. L’Iran est littéralement sans ami. Lorsqu’il en aura besoin, personne ne viendra à son secours. Pour les Iraniens, actuellement, la discrétion est certainement l’attribut le plus précieux du courage.
http://www.voltairenet.org/article144204.html
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