Le récent succès du Parti de la justice et du développement (PJD) au Maroc pose la question du poids des islamistes dans la région.
Au Maroc, après cinq années de gouvernance, le Parti de la justice et du développement est à nouveau arrivé en tête aux législatives du 7 octobre. En augmentant son poids à l'Assemblée, passant de 107 à 125 députés. Le Premier ministre sortant, M. Benkirane, a été chargé par le roi de former le gouvernement.
Tunisie, octobre 2014. Législatives. L'Ennahda de Rached Ghannouchi arrive en seconde position le soir du scrutin. Avec 69 députés (sur 217), le parti islamiste limite la casse après un exercice du pouvoir médiocre en termes de résultats économiques et sociaux. Devancée par Nidaa Tounes du président Essebsi, 89 élus, Ennahda redeviendra le premier bloc parlementaire après une scission au sein du parti du président.
En Algérie, le thermomètre électoral est cassé après une décennie sanglante (cent mille morts) d'affrontements entre islamistes radicaux et les forces sécuritaires. Le régime politique figé – le président Bouteflika jouit du pouvoir présidentiel depuis 1999 – empêche toute irruption verte dans le champ politique. Seul un séisme, type révolution tunisienne, pourrait modifier la donne.
Quant à la Libye, l'heure n'est pas à ces subtilités démocratiques. Entre terrorisme, séparatisme (le gouvernement d'union nationale s'oppose à celui qui règne à l'est du pays) et crise économique, les élections législatives relèvent plus de la chimère que du probable. En 2012, les Frères musulmans n'y avaient guère brillé avec 10,3 % des voix.
Des partis disciplinés, organisés, clivants
Quels que soient les résultats économiques et sociaux obtenus – la priorité dans cette région –, les partis se revendiquant de l'islam s'appuient sur une base militante quasi indéfectible. Que le chômage ou l'inflation aient progressé peut mécontenter, mais l'adhésion aux valeurs religieuses primera. Méthodiquement organisés, ils sont implantés dans la plupart des villes du Maroc ou de la Tunisie. Leurs forces ? Des cadres, des militants, des moyens financiers et une ligne politique qui ne varie pas. Leurs faiblesses ? Leurs adversaires sont leurs ennemis jurés. Les récentes campagnes électorales, séquences peu propices aux câlins politiques, au Maroc comme en Tunisie, ont montré le mur de Berlin qui existe entre « progressistes » et partisans d'un islam politique. Irréconciliables. Une étude interne menée par des cadres d'Ennahda en 2014 avait démontré que son leader, Rached Ghannouchi, était à la fois le personnage le plus connu du pays et le plus détesté aussi. L'étude, qui avait anticipé le nombre exact de députés, avait terminé sa carrière dans une poubelle. Ce qui explique les doutes de celui qu'on surnomme le Cheikh quant à une candidature à la présidentielle de 2019.
L'AKP élargit sa base par une réussite économique
Les pays où l'islam politique a su se développer au point de devenir démocratiquement majoritaire ne sont pas si nombreux. La Turquie version Erdogan appartient à ce club très restreint. L'AKP a doublé son nombre de voix entre 2002 et novembre 2015, passant de dix à vingt-trois millions d'électeurs. Désormais, un Turc sur deux qui se rend dans un bureau de vote opte pour un bulletin AKP. Les résultats économiques y ont contribué ainsi qu'un opiniâtre travail de porte-à-porte dans tout le pays. Sans omettre un culte du chef « islamo-conservateur » savamment mis en musique. Et brutalement appliqué depuis une poignée d'années. Le PJD marocain ou l'Ennahda tunisienne sont loin d'obtenir de pareils résultats. Quid de leur marge de progression ?
L'abstention profite à l'islam politique
Avec un mode de scrutin à la proportionnelle (Maroc, Tunisie), impossible d'obtenir la majorité absolue. Conséquence : on cohabite. En Tunisie, les ennemis d'hier travaillent ensemble depuis début 2015. Essebsi et Ghannouchi donnent l'image d'un duo qui codirige le pays. Image que BCE tente désormais de corriger, parlant tout au plus d'une « cohabitation ». Au Maroc, le très conservateur leader du PJD, Abdelilah Benkirane, gouvernera sous la houlette sourcilleuse du Palais royal. Le spectre d'une Afrique du Nord gouverné par les islamistes n'est donc pas pour demain dans ce cadre démocratique. Seules l'abstention et les querelles de chefs chez leurs opposants peuvent doper les politiques du religieux. Car la base militante se mobilisera, quoi qu'il arrive. En Tunisie, Ennahda pèse un million de voix. C'est peu et beaucoup. Sur cinq millions d'inscrits, c'est relatif. Cela devient important quand seulement trois millions de citoyens se déplacent pour voter. Le « million de voix » se transforme alors en un 30 % significatif. Et quand son ancienne adversaire, la Nidaa de BCE, s'autodétruit par la responsabilité de quelques ambitieux, Ennahda montre un visage uni à l'Assemblée des représentants du peuple. « Chez les islamistes, on se déchire tout autant. Mais en privé. Dans le secret des réunions. Après, on fait la prière ensemble », note un visiteur du parti.
le Point fr
Au Maroc, après cinq années de gouvernance, le Parti de la justice et du développement est à nouveau arrivé en tête aux législatives du 7 octobre. En augmentant son poids à l'Assemblée, passant de 107 à 125 députés. Le Premier ministre sortant, M. Benkirane, a été chargé par le roi de former le gouvernement.
Tunisie, octobre 2014. Législatives. L'Ennahda de Rached Ghannouchi arrive en seconde position le soir du scrutin. Avec 69 députés (sur 217), le parti islamiste limite la casse après un exercice du pouvoir médiocre en termes de résultats économiques et sociaux. Devancée par Nidaa Tounes du président Essebsi, 89 élus, Ennahda redeviendra le premier bloc parlementaire après une scission au sein du parti du président.
En Algérie, le thermomètre électoral est cassé après une décennie sanglante (cent mille morts) d'affrontements entre islamistes radicaux et les forces sécuritaires. Le régime politique figé – le président Bouteflika jouit du pouvoir présidentiel depuis 1999 – empêche toute irruption verte dans le champ politique. Seul un séisme, type révolution tunisienne, pourrait modifier la donne.
Quant à la Libye, l'heure n'est pas à ces subtilités démocratiques. Entre terrorisme, séparatisme (le gouvernement d'union nationale s'oppose à celui qui règne à l'est du pays) et crise économique, les élections législatives relèvent plus de la chimère que du probable. En 2012, les Frères musulmans n'y avaient guère brillé avec 10,3 % des voix.
Des partis disciplinés, organisés, clivants
Quels que soient les résultats économiques et sociaux obtenus – la priorité dans cette région –, les partis se revendiquant de l'islam s'appuient sur une base militante quasi indéfectible. Que le chômage ou l'inflation aient progressé peut mécontenter, mais l'adhésion aux valeurs religieuses primera. Méthodiquement organisés, ils sont implantés dans la plupart des villes du Maroc ou de la Tunisie. Leurs forces ? Des cadres, des militants, des moyens financiers et une ligne politique qui ne varie pas. Leurs faiblesses ? Leurs adversaires sont leurs ennemis jurés. Les récentes campagnes électorales, séquences peu propices aux câlins politiques, au Maroc comme en Tunisie, ont montré le mur de Berlin qui existe entre « progressistes » et partisans d'un islam politique. Irréconciliables. Une étude interne menée par des cadres d'Ennahda en 2014 avait démontré que son leader, Rached Ghannouchi, était à la fois le personnage le plus connu du pays et le plus détesté aussi. L'étude, qui avait anticipé le nombre exact de députés, avait terminé sa carrière dans une poubelle. Ce qui explique les doutes de celui qu'on surnomme le Cheikh quant à une candidature à la présidentielle de 2019.
L'AKP élargit sa base par une réussite économique
Les pays où l'islam politique a su se développer au point de devenir démocratiquement majoritaire ne sont pas si nombreux. La Turquie version Erdogan appartient à ce club très restreint. L'AKP a doublé son nombre de voix entre 2002 et novembre 2015, passant de dix à vingt-trois millions d'électeurs. Désormais, un Turc sur deux qui se rend dans un bureau de vote opte pour un bulletin AKP. Les résultats économiques y ont contribué ainsi qu'un opiniâtre travail de porte-à-porte dans tout le pays. Sans omettre un culte du chef « islamo-conservateur » savamment mis en musique. Et brutalement appliqué depuis une poignée d'années. Le PJD marocain ou l'Ennahda tunisienne sont loin d'obtenir de pareils résultats. Quid de leur marge de progression ?
L'abstention profite à l'islam politique
Avec un mode de scrutin à la proportionnelle (Maroc, Tunisie), impossible d'obtenir la majorité absolue. Conséquence : on cohabite. En Tunisie, les ennemis d'hier travaillent ensemble depuis début 2015. Essebsi et Ghannouchi donnent l'image d'un duo qui codirige le pays. Image que BCE tente désormais de corriger, parlant tout au plus d'une « cohabitation ». Au Maroc, le très conservateur leader du PJD, Abdelilah Benkirane, gouvernera sous la houlette sourcilleuse du Palais royal. Le spectre d'une Afrique du Nord gouverné par les islamistes n'est donc pas pour demain dans ce cadre démocratique. Seules l'abstention et les querelles de chefs chez leurs opposants peuvent doper les politiques du religieux. Car la base militante se mobilisera, quoi qu'il arrive. En Tunisie, Ennahda pèse un million de voix. C'est peu et beaucoup. Sur cinq millions d'inscrits, c'est relatif. Cela devient important quand seulement trois millions de citoyens se déplacent pour voter. Le « million de voix » se transforme alors en un 30 % significatif. Et quand son ancienne adversaire, la Nidaa de BCE, s'autodétruit par la responsabilité de quelques ambitieux, Ennahda montre un visage uni à l'Assemblée des représentants du peuple. « Chez les islamistes, on se déchire tout autant. Mais en privé. Dans le secret des réunions. Après, on fait la prière ensemble », note un visiteur du parti.
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