Rodrigo Duterte, dans un retournement d’alliance spectaculaire, dit «au revoir» aux Etats-Unis. La Chine applaudit
Rodrigo Duterte, le président philippin, a fait part jeudi depuis Pékin d’un renversement d’alliance aussi soudain que spectaculaire. Après sa rencontre avec le président chinois, Xi Jinping, il a annoncé lors d’un séminaire économique «sa séparation d’avec les Etats-Unis». «Vous êtes restés dans mon pays pour votre propre intérêt, a-t-il expliqué à l’adresse de Washington, sous les applaudissements. Donc c’est l’heure de se dire au revoir mon ami.»
Elu en mai dernier, Rodrigo Duterte fait plus que désavouer le protecteur américain des Philippines depuis 70 ans. Il affirme vouloir se ranger aux côtés de la Chine et de la Russie. «Je me suis réaligné à votre courant idéologique, a-t-il encore déclaré devant le même cénacle. Et peut-être vais-je aussi aller en Russie pour parler avec Poutine et lui dire que nous sommes trois contre le monde – la Chine, les Philippines et la Russie. C’est le seul moyen.»
Pourquoi ce revirement?
Pour Pékin, ce revirement est plus qu’appréciable: les Philippines étaient le principal opposant dans la région à la politique chinoise de mainmise sur les îles de la mer de Chine du Sud. En juillet dernier, une cour internationale d’arbitrage avait donné raison à Manilles dans son différent frontalier avec Pékin sur tous les points de litige. Rodrigo Duterte déclare désormais qu’il faut mettre cette question de côté. Le pouvoir chinois parle d’un «nouveau printemps» entre les deux pays.
Pourquoi ce basculement diplomatique? Rodrigo Duterte se fait le relais d’un ressentiment encore vivace aux Philippines face à l’ancienne puissance coloniale (jusqu’en 1946) qui a ensuite longtemps considéré l’archipel comme une forme de protectorat. Porté au pouvoir par un discours musclé pour lutter contre la criminalité, notamment liée à la drogue, le nouveau président s’est ensuite braqué contre les critiques américaines (mais aussi européennes et de l’ONU) sur les violations des droits de l’homme associées à cette campagne. Sur ce plan, Rodrigo Duterte dit pouvoir compter sur le «respect» de Pékin et de Moscou. Le Philippin espère enfin bénéficier d’importants investissements chinois, en particulier dans les infrastructures, pour relancer l’économie de son pays.
Fin de la coopération militaire
Pour les Etats-Unis, c’est un désaveu qui pourrait s’avérer dramatique alors même que Barack Obama avait fait de sa politique de «rééquilibrage» vers le Pacifique une priorité. L’armée américaine accède à cinq bases militaires dans l’archipel et sa flotte patrouille avec la marine philippine pour assurer la liberté de navigation dans la région. Rodrigo Duterte a promis de mettre fin à cette coopération.
«C’est un tournant notoire. On peut l’attribuer en partie au populisme de Duterte qui joue la carte de l’anti-américanisme. Mais il reste à voir comment cela va se traduire dans les faits», explique Jussi Hanhimäki, professeur d’histoire internationale à l’Institut des Hautes études internationales et du développement à Genève. Si la lutte contre le crime du président philippin s’est avérée très populaire, il n’est pas certains que ce pivot vers Pékin le soit tout autant. En début de semaine, un sondage montrait qu’une large majorité de Philippins faisaient davantage confiance aux Etats-Unis qu’à la Chine.
Washington n’a pas réagi aux déclarations d’un président qui avait déjà traité Barack Obama de «fils de pute» (tout comme le pape François alors même que les Philippins sont majoritairement catholiques). Le Pentagone se contente pour l’heure d’indiquer qu’«aucune demande visant à modifier la coopération» entre les deux pays n’avait été faite. Mais les Etats-Unis doivent d’ores et déjà chercher une alternative à l’allié philippin dans la région.
Frédéric Koller
Le Temps
Rodrigo Duterte, le président philippin, a fait part jeudi depuis Pékin d’un renversement d’alliance aussi soudain que spectaculaire. Après sa rencontre avec le président chinois, Xi Jinping, il a annoncé lors d’un séminaire économique «sa séparation d’avec les Etats-Unis». «Vous êtes restés dans mon pays pour votre propre intérêt, a-t-il expliqué à l’adresse de Washington, sous les applaudissements. Donc c’est l’heure de se dire au revoir mon ami.»
Elu en mai dernier, Rodrigo Duterte fait plus que désavouer le protecteur américain des Philippines depuis 70 ans. Il affirme vouloir se ranger aux côtés de la Chine et de la Russie. «Je me suis réaligné à votre courant idéologique, a-t-il encore déclaré devant le même cénacle. Et peut-être vais-je aussi aller en Russie pour parler avec Poutine et lui dire que nous sommes trois contre le monde – la Chine, les Philippines et la Russie. C’est le seul moyen.»
Pourquoi ce revirement?
Pour Pékin, ce revirement est plus qu’appréciable: les Philippines étaient le principal opposant dans la région à la politique chinoise de mainmise sur les îles de la mer de Chine du Sud. En juillet dernier, une cour internationale d’arbitrage avait donné raison à Manilles dans son différent frontalier avec Pékin sur tous les points de litige. Rodrigo Duterte déclare désormais qu’il faut mettre cette question de côté. Le pouvoir chinois parle d’un «nouveau printemps» entre les deux pays.
Pourquoi ce basculement diplomatique? Rodrigo Duterte se fait le relais d’un ressentiment encore vivace aux Philippines face à l’ancienne puissance coloniale (jusqu’en 1946) qui a ensuite longtemps considéré l’archipel comme une forme de protectorat. Porté au pouvoir par un discours musclé pour lutter contre la criminalité, notamment liée à la drogue, le nouveau président s’est ensuite braqué contre les critiques américaines (mais aussi européennes et de l’ONU) sur les violations des droits de l’homme associées à cette campagne. Sur ce plan, Rodrigo Duterte dit pouvoir compter sur le «respect» de Pékin et de Moscou. Le Philippin espère enfin bénéficier d’importants investissements chinois, en particulier dans les infrastructures, pour relancer l’économie de son pays.
Fin de la coopération militaire
Pour les Etats-Unis, c’est un désaveu qui pourrait s’avérer dramatique alors même que Barack Obama avait fait de sa politique de «rééquilibrage» vers le Pacifique une priorité. L’armée américaine accède à cinq bases militaires dans l’archipel et sa flotte patrouille avec la marine philippine pour assurer la liberté de navigation dans la région. Rodrigo Duterte a promis de mettre fin à cette coopération.
«C’est un tournant notoire. On peut l’attribuer en partie au populisme de Duterte qui joue la carte de l’anti-américanisme. Mais il reste à voir comment cela va se traduire dans les faits», explique Jussi Hanhimäki, professeur d’histoire internationale à l’Institut des Hautes études internationales et du développement à Genève. Si la lutte contre le crime du président philippin s’est avérée très populaire, il n’est pas certains que ce pivot vers Pékin le soit tout autant. En début de semaine, un sondage montrait qu’une large majorité de Philippins faisaient davantage confiance aux Etats-Unis qu’à la Chine.
Washington n’a pas réagi aux déclarations d’un président qui avait déjà traité Barack Obama de «fils de pute» (tout comme le pape François alors même que les Philippins sont majoritairement catholiques). Le Pentagone se contente pour l’heure d’indiquer qu’«aucune demande visant à modifier la coopération» entre les deux pays n’avait été faite. Mais les Etats-Unis doivent d’ores et déjà chercher une alternative à l’allié philippin dans la région.
Frédéric Koller
Le Temps
Commentaire