Le Sommet de la francophonie qui se tient ce week-end à Antananarivo (Madagascar), doit se prononcer sur la délicate demande d'adhésion de l'Arabie Saoudite, en quête d'un cercle d'influence.
Bien plus qu’une ambiance détendue, c’est une chaleureuse convivialité qui caractérise tous les deux ans les retrouvailles des «chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage», selon la formulation officielle. Rare assemblée multilatérale sans enjeu politique ou économique majeur, la réunion au sommet des 80 pays de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui se tient à partir de samedi à Madagascar, examine les demandes d’adhésion de nouveaux membres.
Cette question suscite «une grande nervosité inhabituelle dans les couloirs» à la veille du Sommet, nous confie un participant aux instances préparatoires. Car, parmi les nouveaux pays à demander leur adhésion comme membre observateur, figure l’Arabie Saoudite. La candidature a été présentée en bonne et due forme au printemps dernier dans une lettre adressée par le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud au président du Sénégal, Macky Sall, président en exercice de la Francophonie en tant qu’hôte du denier sommet à Dakar. Libération a pu consulter une copie du dossier de candidature présentée par l’ambassade d’Arabie Saoudite au Sénégal.
Un mouvement d’élargissement
L’absence de lien historique ou culturel entre la grande monarchie arabe du Golfe et la francophonie n’est pas le plus surprenant. L’OIF a en effet intégré ces vingt dernières années, à titre de membres associés ou observateurs, des pays aussi peu francophones que le Mexique, le Ghana, l’Estonie ou la Thaïlande. Le mouvement d’élargissement avait commencé dans les années 1990, au lendemain de la chute du Mur de Berlin. Les nouveaux pays d’Europe centrale et des Balkans en quête d’affirmation de leur souveraineté à l’international ont rejoint les uns après les autres ce cercle d’influence pour se rapprocher de la France et de l’UE. En outre, les Emirats arabes unis et le Qatar ont déjà été admis, respectivement en 2010 et 2012, le premier comme observateur et le deuxième comme membre associé. Le sommet d’Antananarivo s’apprête d’ailleurs à accueillir parmi ses nouveaux observateurs l’Argentine et la Corée.
Les conditions d’adhésion pour l’obtention du statut d’observateur auprès de l’OIF laissent en effet une grande marge de souplesse. Elles se résument à «une volonté de favoriser le développement de l’usage du français, quel que soit son usage effectif au moment de la demande» et «traduire un intérêt réel pour les valeurs défendues par la francophonie». En ce qui concerne le premier point, le dossier de candidature présentée par l’Arabie Saoudite détaille, chiffres précis à l’appui, le nombre d’écoles, d’universités et d’élèves apprenant le français dans le Royaume.
Les femmes, point de blocage
Quant à la question des «valeurs», elles restent vagues pour l’OIF qui compte encore parmi ses membres historiques de solides dictatures. Toutefois, l’organisation proclame que «l’égalité homme-femme est au cœur de toutes les actions de la Francophonie». Un point de blocage évident pour l’Arabie Saoudite où les femmes ne jouissent pas du statut d’adulte majeur. La mention en quelques lignes dans le dossier de candidature de «l’attention accordée à la condition de la femme», se résume essentiellement à «l’octroi du droit de se présenter et de voter lors des élections municipales de 2011».
La très féministe Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie depuis janvier 2015 n’est pas la seule à être «turbulée», comme pourrait dire cette Québécoise d’origine haïtienne, par la candidature de l’Arabie Saoudite. Après moult réflexions et discussions, les fins diplomates francophones ont trouvé une porte de sortie face à la demande saoudienne. Une proposition de report de la décision, pour des raisons de procédure, a été acceptée par la conférence ministérielle à la veille du sommet d’Antananarivo.
On craint toutefois un rebondissement de la question pendant la réunion des chefs d’Etat. «Chacun s’attend à une offensive du président du Sénégal ou du roi du Maroc», nous confie le participant aux réunions préparatoires. Les président et roi respectifs des deux pays piliers de la Francophonie, sont les plus ardents avocats de l’adhésion du Royaume, ce qui pourrait embarrasser plusieurs autres chefs d’Etat participant au sommet.
Hala Kodmani
Liberation
Bien plus qu’une ambiance détendue, c’est une chaleureuse convivialité qui caractérise tous les deux ans les retrouvailles des «chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage», selon la formulation officielle. Rare assemblée multilatérale sans enjeu politique ou économique majeur, la réunion au sommet des 80 pays de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui se tient à partir de samedi à Madagascar, examine les demandes d’adhésion de nouveaux membres.
Cette question suscite «une grande nervosité inhabituelle dans les couloirs» à la veille du Sommet, nous confie un participant aux instances préparatoires. Car, parmi les nouveaux pays à demander leur adhésion comme membre observateur, figure l’Arabie Saoudite. La candidature a été présentée en bonne et due forme au printemps dernier dans une lettre adressée par le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud au président du Sénégal, Macky Sall, président en exercice de la Francophonie en tant qu’hôte du denier sommet à Dakar. Libération a pu consulter une copie du dossier de candidature présentée par l’ambassade d’Arabie Saoudite au Sénégal.
Un mouvement d’élargissement
L’absence de lien historique ou culturel entre la grande monarchie arabe du Golfe et la francophonie n’est pas le plus surprenant. L’OIF a en effet intégré ces vingt dernières années, à titre de membres associés ou observateurs, des pays aussi peu francophones que le Mexique, le Ghana, l’Estonie ou la Thaïlande. Le mouvement d’élargissement avait commencé dans les années 1990, au lendemain de la chute du Mur de Berlin. Les nouveaux pays d’Europe centrale et des Balkans en quête d’affirmation de leur souveraineté à l’international ont rejoint les uns après les autres ce cercle d’influence pour se rapprocher de la France et de l’UE. En outre, les Emirats arabes unis et le Qatar ont déjà été admis, respectivement en 2010 et 2012, le premier comme observateur et le deuxième comme membre associé. Le sommet d’Antananarivo s’apprête d’ailleurs à accueillir parmi ses nouveaux observateurs l’Argentine et la Corée.
Les conditions d’adhésion pour l’obtention du statut d’observateur auprès de l’OIF laissent en effet une grande marge de souplesse. Elles se résument à «une volonté de favoriser le développement de l’usage du français, quel que soit son usage effectif au moment de la demande» et «traduire un intérêt réel pour les valeurs défendues par la francophonie». En ce qui concerne le premier point, le dossier de candidature présentée par l’Arabie Saoudite détaille, chiffres précis à l’appui, le nombre d’écoles, d’universités et d’élèves apprenant le français dans le Royaume.
Les femmes, point de blocage
Quant à la question des «valeurs», elles restent vagues pour l’OIF qui compte encore parmi ses membres historiques de solides dictatures. Toutefois, l’organisation proclame que «l’égalité homme-femme est au cœur de toutes les actions de la Francophonie». Un point de blocage évident pour l’Arabie Saoudite où les femmes ne jouissent pas du statut d’adulte majeur. La mention en quelques lignes dans le dossier de candidature de «l’attention accordée à la condition de la femme», se résume essentiellement à «l’octroi du droit de se présenter et de voter lors des élections municipales de 2011».
La très féministe Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie depuis janvier 2015 n’est pas la seule à être «turbulée», comme pourrait dire cette Québécoise d’origine haïtienne, par la candidature de l’Arabie Saoudite. Après moult réflexions et discussions, les fins diplomates francophones ont trouvé une porte de sortie face à la demande saoudienne. Une proposition de report de la décision, pour des raisons de procédure, a été acceptée par la conférence ministérielle à la veille du sommet d’Antananarivo.
On craint toutefois un rebondissement de la question pendant la réunion des chefs d’Etat. «Chacun s’attend à une offensive du président du Sénégal ou du roi du Maroc», nous confie le participant aux réunions préparatoires. Les président et roi respectifs des deux pays piliers de la Francophonie, sont les plus ardents avocats de l’adhésion du Royaume, ce qui pourrait embarrasser plusieurs autres chefs d’Etat participant au sommet.
Hala Kodmani
Liberation
Commentaire