Ramtane Lamamra (Algérie): «Le Maroc est bienvenu dans l’Union africaine»
Par Christophe Boisbouvier
Diffusion : vendredi 27 janvier 2017
Le 30 janvier 2017, le Maroc devrait faire son retour dans la grande maison africaine à l'occasion du 28e sommet de l'Union Africaine. Qu'en pense l'Algérie ? Et surtout que pense Alger du projet marocain de faire suspendre à cette occasion la République arabe Sahraouie démocatrique (RASD) de l'Union africaine ? Sans langue de bois, Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, répond à RFI.
RFI : A Brazzaville, ce vendredi, ce retrouvent plusieurs chefs d’Etat et le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal pour essayer de débloquer la situation en Libye. Qu’est-ce qui ne marche dans l’accord qui a été validé par l’ONU ?
Ramtane Lamamra : L’accord du 17 décembre 2015 est un accord qui a marché, qui a produit des instances légales. Néanmoins, l’accord lui-même n’a pas pu être opérationnalisé dans son ensemble, lié aux difficultés de formation du gouvernement, lié surtout à l’approbation par la Chambre des représentants du gouvernement qui a été proposée, lié aussi au fait qu’il y a des agendas variés à l’intérieur de la Libye. Et l’action qui a été menée par l’Algérie continue de tendre vers la réunion des Libyens eux-mêmes autour d’un agenda unique de soutien aux Libyens.
Vous parlez des agendas variés. Est-ce que l’homme fort de l’est, le maréchal Haftar, n’a pas la volonté de renverser la table et de prendre le pouvoir pour lui tout seul ?
Nous pensons en tout cas qu’il doit être partie prenante à la solution. Il n’y aura pas de solution sans réconciliation nationale et le maréchal Haftar est certainement une personnalité qui a sa contribution à apporter à cet effort.
Voilà plus de dix-huit mois qu’ont été signés les accords d’Alger entre le gouvernement de Bamako et les groupes armés du nord du Mali et la situation ne cesse d’empirer, notamment avec l’attentat meurtrier de Gao la semaine dernière. Est-ce que les accords d’Alger tiennent toujours ?
Absolument. Il n’y a pas d’alternative aux accords d’Alger. Nous savions également que le succès de l’accord d’Alger implique automatiquement la défaite du terrorisme et de l’économie criminelle dans le nord du Mali et nous nous attendions à une riposte féroce de la part du terrorisme.
Vous n’êtes pas surpris par ce qui s’est passé à Gao ?
Absolument. Mais au-delà de Gao, ça visait à tuer dans l’œuf la mise en œuvre de l’une des dispositions essentielles de l’accord d’Alger : l’opérationnalisation du MOC, ce sont les patrouilles communes, les patrouilles mixtes et je crois que cet attentat spectaculaire c’est vraiment une tentative désespérée de faire dérayer le processus. Je crois que toutes les parties maliennes ont pris conscience maintenant que la meilleure des réponses possibles, c’est de faire opérationnaliser le MOC, c’est de mettre ensemble les troupes des trois parties signataires de l’accord d’Alger et d’aller de l’avant.
Vingt-sept ans après avoir quitté l’OUA, le Maroc souhaite entrer dans l’UA à l’occasion de ce 28e sommet d’Addis-Abeba. Quelle est votre réaction ?
Il y a un âge de contestation et un âge de raison. Sans doute sommes-nous maintenant dans cet âge de raison. La cohérence de la géographie qui veut qu’un pays africain puisse naturellement avoir sa place dans la maison commune de l’Union africaine implique une cohérence de l’histoire également. Et l’histoire de cette maison, c’est la libération de l’Afrique, c’est la décolonisation, c’est le triomphe sur l’Apartheid. Je m’empresse d’ajouter que depuis le 22 novembre, la réponse officielle du président Abdelaziz Bouteflika lui-même à madame Zuma, c’était que le Maroc était bienvenu au sein de l’Union africaine en tant que 55e membre de notre union, égal en droits et en devoirs avec les 54 membres actuels.
Donc vous dites bienvenue au Maroc ?
Bien sûr. Dans l’esprit que j’ai indiqué, c’est-à-dire une contribution au programme, aux idéaux de l’organisation continentale.
A l’occasion de ce retour annoncé le Maroc souhaite que l’un des 54 autres membres la République arabe sahraouie démocratique soit suspendue des instances de l’Union africaine.
Il n’en est pas question, naturellement.
Il y a six mois, 28 Etats de l’Union africaine ont signé un document dans lequel ils se prononcent en faveur de cette suspension. Qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est derrière nous et ça ne reflète absolument pas la réalité des choses ni à l’époque et encore moins maintenant.
Est-ce que vous ne craignez pas en réalité que le Maroc ne parvienne à trouver une majorité d’Etats de l’UA sur sa position ?
C’est l’âge de raison et nous espérons que de la même manière que le Maroc a siégé avec la Mauritanie ici, de 63 à 69, sans la reconnaître, nous souhaitons que cette fois-ci aussi la cohérence de l’histoire s’accomplira.
rfi
Par Christophe Boisbouvier
Diffusion : vendredi 27 janvier 2017
Le 30 janvier 2017, le Maroc devrait faire son retour dans la grande maison africaine à l'occasion du 28e sommet de l'Union Africaine. Qu'en pense l'Algérie ? Et surtout que pense Alger du projet marocain de faire suspendre à cette occasion la République arabe Sahraouie démocatrique (RASD) de l'Union africaine ? Sans langue de bois, Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, répond à RFI.
RFI : A Brazzaville, ce vendredi, ce retrouvent plusieurs chefs d’Etat et le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal pour essayer de débloquer la situation en Libye. Qu’est-ce qui ne marche dans l’accord qui a été validé par l’ONU ?
Ramtane Lamamra : L’accord du 17 décembre 2015 est un accord qui a marché, qui a produit des instances légales. Néanmoins, l’accord lui-même n’a pas pu être opérationnalisé dans son ensemble, lié aux difficultés de formation du gouvernement, lié surtout à l’approbation par la Chambre des représentants du gouvernement qui a été proposée, lié aussi au fait qu’il y a des agendas variés à l’intérieur de la Libye. Et l’action qui a été menée par l’Algérie continue de tendre vers la réunion des Libyens eux-mêmes autour d’un agenda unique de soutien aux Libyens.
Vous parlez des agendas variés. Est-ce que l’homme fort de l’est, le maréchal Haftar, n’a pas la volonté de renverser la table et de prendre le pouvoir pour lui tout seul ?
Nous pensons en tout cas qu’il doit être partie prenante à la solution. Il n’y aura pas de solution sans réconciliation nationale et le maréchal Haftar est certainement une personnalité qui a sa contribution à apporter à cet effort.
Voilà plus de dix-huit mois qu’ont été signés les accords d’Alger entre le gouvernement de Bamako et les groupes armés du nord du Mali et la situation ne cesse d’empirer, notamment avec l’attentat meurtrier de Gao la semaine dernière. Est-ce que les accords d’Alger tiennent toujours ?
Absolument. Il n’y a pas d’alternative aux accords d’Alger. Nous savions également que le succès de l’accord d’Alger implique automatiquement la défaite du terrorisme et de l’économie criminelle dans le nord du Mali et nous nous attendions à une riposte féroce de la part du terrorisme.
Vous n’êtes pas surpris par ce qui s’est passé à Gao ?
Absolument. Mais au-delà de Gao, ça visait à tuer dans l’œuf la mise en œuvre de l’une des dispositions essentielles de l’accord d’Alger : l’opérationnalisation du MOC, ce sont les patrouilles communes, les patrouilles mixtes et je crois que cet attentat spectaculaire c’est vraiment une tentative désespérée de faire dérayer le processus. Je crois que toutes les parties maliennes ont pris conscience maintenant que la meilleure des réponses possibles, c’est de faire opérationnaliser le MOC, c’est de mettre ensemble les troupes des trois parties signataires de l’accord d’Alger et d’aller de l’avant.
Vingt-sept ans après avoir quitté l’OUA, le Maroc souhaite entrer dans l’UA à l’occasion de ce 28e sommet d’Addis-Abeba. Quelle est votre réaction ?
Il y a un âge de contestation et un âge de raison. Sans doute sommes-nous maintenant dans cet âge de raison. La cohérence de la géographie qui veut qu’un pays africain puisse naturellement avoir sa place dans la maison commune de l’Union africaine implique une cohérence de l’histoire également. Et l’histoire de cette maison, c’est la libération de l’Afrique, c’est la décolonisation, c’est le triomphe sur l’Apartheid. Je m’empresse d’ajouter que depuis le 22 novembre, la réponse officielle du président Abdelaziz Bouteflika lui-même à madame Zuma, c’était que le Maroc était bienvenu au sein de l’Union africaine en tant que 55e membre de notre union, égal en droits et en devoirs avec les 54 membres actuels.
Donc vous dites bienvenue au Maroc ?
Bien sûr. Dans l’esprit que j’ai indiqué, c’est-à-dire une contribution au programme, aux idéaux de l’organisation continentale.
A l’occasion de ce retour annoncé le Maroc souhaite que l’un des 54 autres membres la République arabe sahraouie démocratique soit suspendue des instances de l’Union africaine.
Il n’en est pas question, naturellement.
Il y a six mois, 28 Etats de l’Union africaine ont signé un document dans lequel ils se prononcent en faveur de cette suspension. Qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est derrière nous et ça ne reflète absolument pas la réalité des choses ni à l’époque et encore moins maintenant.
Est-ce que vous ne craignez pas en réalité que le Maroc ne parvienne à trouver une majorité d’Etats de l’UA sur sa position ?
C’est l’âge de raison et nous espérons que de la même manière que le Maroc a siégé avec la Mauritanie ici, de 63 à 69, sans la reconnaître, nous souhaitons que cette fois-ci aussi la cohérence de l’histoire s’accomplira.
rfi
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