Pressions, menaces de boycott... Le grand sommet entre Africains et Européens, prévu à Abidjan le 29 novembre prochain, est l'objet d'un bras de fer. La République Arabe sahraouie démocratique veut en être, mais la Côte d'Ivoire ne veut pas l'inviter. Qui est derrière ce bras de fer ? Quelle en seront les conséquences ? Le Mauritanien Ahmedou Ould Abdallah a été, de 1979 à 1980, le chef de la diplomatie de son pays, puis l'un des secrétaires généraux adjoints de l'ONU. Aujourd'hui, il préside une société de conseil, le Centre 4S - Stratégie, Sécurité, Sahel, Sahara. En ligne de Nouakchott, il répond aux questions de RFI.
RFI : Ahmedou Ould-Abdallah, qu’est-ce que vous pensez de ce bras de fer entre le Maroc et la République arabe sahraouie à propos du prochain sommet d’Abidjan ?
Ahmedou Ould-Abdallah : Pour moi, ce sommet entre l’Union européenne et les pays africains, est très intéressant. Ce sera d’ailleurs le 4ème, après Le Caire, Lisbonne, Tripoli. Ce sera très intéressant de voir Ouattara, qui est un économiste et qui attache une importance à l’économie. Contrairement à ce qu’on peut penser, Ouattara est jeune dans son approche des relations internationales. Il sait que sans économie on fait du surplace ou on fait des slogans comme dans les années 1970. Et donc ce sommet, la tenue de ce sommet à Abidjan, est importante.
En tant que membre de l’Union africaine, la République arabe sahraouie veut être présente. Mais en tant que pays organisateur, la Côte d’Ivoire ne veut pas l’inviter et déclare : « Nous convions qui nous voulons ».
Je sais qu’il y a eu des relations entre l’Afrique et certaines grandes puissances, comme les Etats-Unis et l’Afrique en 2014 ou la Chine. Je ne sais pas comment les arrangements se sont faits, mais je suis sûr qu’entre pays et dirigeants responsables une formule peut être dégagée.
Le 16 octobre à Addis-Abeba le Conseil exécutif de l’Union africaine a réaffirmé le droit de tous les Etats membres à participer à ce sommet, donc y compris la République arabe sahraouie, mais la Côte d'Ivoire ne veut y voir que les Etats souverains et donc pas la République arabe sahraouie.
L’intérêt pour beaucoup d’Africains est : comment faire en sorte que l’Afrique passe de l’aide au commerce. Et je pense qu’ils doivent arrêter ces querelles politiques qui datent depuis des décennies. Même avant qu’on ne parle de la guerre du Sahara, déjà l’Afrique était lancée dans ce qu’un ami sénégalais appelait « les guerres d’anciens combattants ». Des guerres qui ne concernent pas l’Afrique.
Si la République arabe sahraouie n’est pas invitée à Abidjan, les Etats qui la soutiennent menacent de boycotter le sommet d’Abidjan et d’exiger sa délocalisation à Addis-Abeba. Est-ce que cela vous inquiète ?
Je ne pense pas que ce soit faisable. Parce que, quand même, ce n’est pas les Africains seulement qui vont décider. Ce sont leurs partenaires. Et je suis sûr qu’il y aura assez de compréhension et de contact entre Africains pour que le sommet ait lieu à Abidjan. Le sommet à Abidjan donne une autre dimension. C’est la dimension, une fois de plus, commerce. Ce n’est pas une réunion diplomatique. C’est l’investissement et les échanges.
Derrière le forcing de la République arabe sahraouie certains disent qu’il y a l’Algérie. Et derrière le blocage de la Côte d’Ivoire certains disent qu’il y a le Maroc. Qu’en pensez-vous ?
Ce que je pense c’est que l’Afrique du Nord à laquelle j’appartiens largement, comme j’appartiens à l’Afrique de l’Ouest… N’exagérons pas, la Tunisie est un pays dynamique et actif, mais le Maroc et l’Algérie doivent trouver des capacités qui les aident à ne pas donner l’impression de bloquer l’Afrique subsaharienne dans ses efforts d’investissement et d’économie. Je sais que le Maroc est très présent sur tous les plans : économiques et autres en Afrique subsaharienne, en particulier en Afrique de l’Ouest, mais les statistiques de la Banque mondiale et de l’Organisation internationale du commerce montrent que le commerce intra-africain est bloqué, à cause de la faiblesse, de l’inexistence de commerce entre le Maroc et l’Algérie, qui sont quand même de grandes économies de ce continent. Ces querelles doivent épargner l’Afrique subsaharienne, en particulier le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Le 20 octobre dernier lors d’un forum des chefs d’entreprise à Alger, le ministre algérien des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, a accusé certaines entreprises marocaines de blanchir l’argent du hachisch en Afrique et la Royal Air Maroc de transporter, peut-être, des substances illicites. Et du coup, le lendemain, le royaume a rappelé son ambassadeur à Alger. Pourquoi cette crispation soudaine ?
Ce sont ces genres de querelles dont il faut épargner, et la Côte d’Ivoire et l’Afrique subsaharienne, en particulier le Mali, le Niger, le Sénégal et le Burkina Faso, sans parler du Tchad. Nos querelles en Afrique du Nord qui atteignent déjà l’Europe, qui bloquent les échanges entre les populations des deux pays, doivent épargner l’Afrique subsaharienne.
Est-ce que cette dernière crispation est liée au bras de fer sur le sommet d’Abidjan ?
Très probablement. Et dans mon esprit c’est assez regrettable que des pays frères et voisins depuis 1975 soient dans cette mésentente, tout en me félicitant en même temps qu’il n’y ait pas eu de guerre chaude. Mais je crois qu’il est temps de dépasser cette querelle qui ne fait pas honneur au Maghreb vis-à-vis des frères africains, des Européens ou des Asiatiques.
Quand vous dites depuis 1975 c’est depuis le conflit du Sahara occidental ?
Depuis le conflit du Sahara occidental, même si certains le font remonter à la première Guerre des Sables de 1962 ou 1963.
Voilà 27 ans que la frontière est fermée entre l’Algérie et le Maroc. Est-ce qu’on a chiffré le manque à gagner pour ces deux pays et peut-être au-delà ?
La commission économique pour l’Afrique, ou l’Organisation mondiale du commerce, ont considéré que ce blocage - cette fermeture des frontières - plombe le commerce intra-africain. Le commerce intra-africain est le plus faible dans le monde. Les vraies causes de la faiblesse du commerce intra-africain est la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc, deux économies - quand même - parmi les plus puissantes du continent.
RFI
RFI : Ahmedou Ould-Abdallah, qu’est-ce que vous pensez de ce bras de fer entre le Maroc et la République arabe sahraouie à propos du prochain sommet d’Abidjan ?
Ahmedou Ould-Abdallah : Pour moi, ce sommet entre l’Union européenne et les pays africains, est très intéressant. Ce sera d’ailleurs le 4ème, après Le Caire, Lisbonne, Tripoli. Ce sera très intéressant de voir Ouattara, qui est un économiste et qui attache une importance à l’économie. Contrairement à ce qu’on peut penser, Ouattara est jeune dans son approche des relations internationales. Il sait que sans économie on fait du surplace ou on fait des slogans comme dans les années 1970. Et donc ce sommet, la tenue de ce sommet à Abidjan, est importante.
En tant que membre de l’Union africaine, la République arabe sahraouie veut être présente. Mais en tant que pays organisateur, la Côte d’Ivoire ne veut pas l’inviter et déclare : « Nous convions qui nous voulons ».
Je sais qu’il y a eu des relations entre l’Afrique et certaines grandes puissances, comme les Etats-Unis et l’Afrique en 2014 ou la Chine. Je ne sais pas comment les arrangements se sont faits, mais je suis sûr qu’entre pays et dirigeants responsables une formule peut être dégagée.
Le 16 octobre à Addis-Abeba le Conseil exécutif de l’Union africaine a réaffirmé le droit de tous les Etats membres à participer à ce sommet, donc y compris la République arabe sahraouie, mais la Côte d'Ivoire ne veut y voir que les Etats souverains et donc pas la République arabe sahraouie.
L’intérêt pour beaucoup d’Africains est : comment faire en sorte que l’Afrique passe de l’aide au commerce. Et je pense qu’ils doivent arrêter ces querelles politiques qui datent depuis des décennies. Même avant qu’on ne parle de la guerre du Sahara, déjà l’Afrique était lancée dans ce qu’un ami sénégalais appelait « les guerres d’anciens combattants ». Des guerres qui ne concernent pas l’Afrique.
Si la République arabe sahraouie n’est pas invitée à Abidjan, les Etats qui la soutiennent menacent de boycotter le sommet d’Abidjan et d’exiger sa délocalisation à Addis-Abeba. Est-ce que cela vous inquiète ?
Je ne pense pas que ce soit faisable. Parce que, quand même, ce n’est pas les Africains seulement qui vont décider. Ce sont leurs partenaires. Et je suis sûr qu’il y aura assez de compréhension et de contact entre Africains pour que le sommet ait lieu à Abidjan. Le sommet à Abidjan donne une autre dimension. C’est la dimension, une fois de plus, commerce. Ce n’est pas une réunion diplomatique. C’est l’investissement et les échanges.
Derrière le forcing de la République arabe sahraouie certains disent qu’il y a l’Algérie. Et derrière le blocage de la Côte d’Ivoire certains disent qu’il y a le Maroc. Qu’en pensez-vous ?
Ce que je pense c’est que l’Afrique du Nord à laquelle j’appartiens largement, comme j’appartiens à l’Afrique de l’Ouest… N’exagérons pas, la Tunisie est un pays dynamique et actif, mais le Maroc et l’Algérie doivent trouver des capacités qui les aident à ne pas donner l’impression de bloquer l’Afrique subsaharienne dans ses efforts d’investissement et d’économie. Je sais que le Maroc est très présent sur tous les plans : économiques et autres en Afrique subsaharienne, en particulier en Afrique de l’Ouest, mais les statistiques de la Banque mondiale et de l’Organisation internationale du commerce montrent que le commerce intra-africain est bloqué, à cause de la faiblesse, de l’inexistence de commerce entre le Maroc et l’Algérie, qui sont quand même de grandes économies de ce continent. Ces querelles doivent épargner l’Afrique subsaharienne, en particulier le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Le 20 octobre dernier lors d’un forum des chefs d’entreprise à Alger, le ministre algérien des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, a accusé certaines entreprises marocaines de blanchir l’argent du hachisch en Afrique et la Royal Air Maroc de transporter, peut-être, des substances illicites. Et du coup, le lendemain, le royaume a rappelé son ambassadeur à Alger. Pourquoi cette crispation soudaine ?
Ce sont ces genres de querelles dont il faut épargner, et la Côte d’Ivoire et l’Afrique subsaharienne, en particulier le Mali, le Niger, le Sénégal et le Burkina Faso, sans parler du Tchad. Nos querelles en Afrique du Nord qui atteignent déjà l’Europe, qui bloquent les échanges entre les populations des deux pays, doivent épargner l’Afrique subsaharienne.
Est-ce que cette dernière crispation est liée au bras de fer sur le sommet d’Abidjan ?
Très probablement. Et dans mon esprit c’est assez regrettable que des pays frères et voisins depuis 1975 soient dans cette mésentente, tout en me félicitant en même temps qu’il n’y ait pas eu de guerre chaude. Mais je crois qu’il est temps de dépasser cette querelle qui ne fait pas honneur au Maghreb vis-à-vis des frères africains, des Européens ou des Asiatiques.
Quand vous dites depuis 1975 c’est depuis le conflit du Sahara occidental ?
Depuis le conflit du Sahara occidental, même si certains le font remonter à la première Guerre des Sables de 1962 ou 1963.
Voilà 27 ans que la frontière est fermée entre l’Algérie et le Maroc. Est-ce qu’on a chiffré le manque à gagner pour ces deux pays et peut-être au-delà ?
La commission économique pour l’Afrique, ou l’Organisation mondiale du commerce, ont considéré que ce blocage - cette fermeture des frontières - plombe le commerce intra-africain. Le commerce intra-africain est le plus faible dans le monde. Les vraies causes de la faiblesse du commerce intra-africain est la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc, deux économies - quand même - parmi les plus puissantes du continent.
RFI
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