vendredi, 21 septembre 2018

(Ecofin Hebdo) - Violences, traite d’humains, immigration et terrorisme sont aujourd’hui devenus les quatre cavaliers de l’apocalypse libyen, sept années après la révolution ayant abouti à la chute du colonel Mouammar Al-Kadhafi. Encore aujourd’hui, le monde entier se pose des questions sur la justesse d’un événement qui, à ses débuts, a été décrit comme une « victoire de la démocratie », une « victoire du peuple face au tyran ».
Près d’une décennie après l’intervention militaire d’une « coalition internationale » dans ce qui était autrefois l’un des pays les plus prospères d’Afrique, au systeme social le plus avancé, le chaos de la Libye d’aujourd’hui, au-delà de la nécessité d’y trouver une solution durable, soulève surtout des interrogations quant à la manière dont les événements se sont enchaînés pour aboutir à une situation de chaos, dans le Sahel, en proie aux djihadistes, et en Europe destablisée par la crise des migrants.
2011 : la chute de l’indéboulonnable « Guide libyen »
Le 20 octobre 2011 est probablement la date marquant le basculement de la Libye dans la nouvelle ère de chaos qui est la sienne. En effet, c’est ce jour-là qu’est tué l’ancien dictateur libyen, Mouammar Al-Kadhafi, après huit mois de guerre civile sanglante.
Tout commence un 13 janvier 2011, lorsque les premières manifestations inspirées de la révolution tunisienne ont lieu dans le pays. Le peuple libyen, qui peut alors se targuer de vivre dans un pays où le PIB par habitant est, en 2010, de 13 800 $, et où le taux d’alphabétisation culmine à 83%, se sent néanmoins opprimé par 42 années de dictature.
Comme pour prouver que le peuple ne peut pas seulement se contenter de « pain et de jeux », les citoyens réclament plus de libertés et de démocratie, un meilleur respect des droits de l'homme, une meilleure répartition des richesses ainsi que l'arrêt de la corruption au sein de l'État et de ses institutions.
Pour éviter la chute de son pouvoir principalement axé sur les alliances tribales, le Guide libyen va d’abord prendre des mesures préventives : interdiction des rassemblements, annulation de rencontres sportives, suppression des taxes et droits de douane sur les aliments, prime de 324 euros par famille.
Le guide libyen va d’abord prendre des mesures préventives : interdiction des rassemblements, annulation de rencontres sportives, suppression des taxes et droits de douane sur les aliments, prime de 324 euros par famille.
Il annoncera même le déblocage d’un fonds de 24 milliards $ pour construire des logements et développer le pays. Grâce à cette mesure, le président libyen réussira à contenir la grogne populaire, et à s’éviter le même destin que son homologue égyptien Hosni Moubarak…mais pas pour longtemps.
17 février 2011 : « Journée de la colère ».
A partir de la mi-février, les manifestations prendront une nouvelle tournure. En effet, alors qu’à Benghazi des Libyens protestent contre l’arrestation de Fathi Tirbil, qui défendait les prisonniers morts lors du massacre d’Abou Salim en 1996, les manifestations se mueront en insurrection avec pour mot d’ordre le départ du Guide libyen. A partir du 17 février dite « la journée de la colère », l’insurrection s’engagera sur le chemin irréversible de la violence, marquée entre autre par l’attaque suicide de la caserne des militaires de Benghazi, perpétrée par Al-Mahdi Mohamed Ziou, un ingénieur pétrolier de 47 ans.
A partir du 17 février dite « la journée de la colère », l’insurrection s’engagera sur le chemin irréversible de la violence, marquée entre autre par l’attaque suicide de la caserne des militaires de Benghazi, perpétrée par Al-Mahdi Mohamed Ziou, un ingénieur pétrolier de 47 ans.
Commencera alors une série d’affrontements et de batailles armées, puis une véritable guerre civile qui fera des milliers de morts. Le colonel Kadhafi, dirigeant « providentiel » pour qui la révolution est animée par une « jeunesse droguée qui imite celles de la Tunisie et de l’Égypte », essuiera des défections au sein de son gouvernement et de son armée (dont une bonne partie a été affaiblie au cours de sa présidence afin de se prémunir contre les coups d’Etats).
Pourtant la guerre civile libyenne de 2011 aurait pu prendre une toute autre tournure, sans l’intervention d’une coalition internationale dirigée principalement par la France et la Grande-Bretagne.
Le rôle de la France et de la communauté internationale dans le conflit
Si aujourd’hui le rôle de la France et de la communauté internationale est devenu un sujet sensible, cela est dû à la tournure d’une opération, censée arrêter les violences issues du conflit libyen.
En effet, dès le 23 février, la France, dirigée alors par Nicolas Sarkozy, propose à l’Union Européenne l’adoption rapide de sanctions contre le régime du guide libyen. Appuyé par la Grande-Bretagne du premier ministre David Cameron, elle mène un front diplomatique anti-Kadhafi au sein de l’Organisation des Nations-Unies.
A partir du 24 février, les avoirs du clan Kadhafi dans des pays comme la Suisse, les Etats-Unis, l’Autriche, la Grande-Bretagne et l’Espagne sont gelés tandis que la Turquie s’oppose à des sanctions qui « risquent de punir la population libyenne ».
Le 17 mars, le conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973, qui autorise la création d’une zone d’exclusion aérienne au dessus du pays et la mise en place de mesure nécessaires pour assurer « la protection des civils ».
Le 17 mars, le conseil de sécurité de l’ONU votera la résolution 1973, qui autorise la création d’une zone d’exclusion aérienne au dessus du pays et la mise en place de mesure nécessaires pour assurer « la protection des civils ».
Dès lors, la coalition internationale lance une vague de bombardements sur les forces pro-Kadhafi, détruisant chars et systèmes de défense aérienne, et assurant un rôle de surveillance qui facilite la contre-offensive des insurgés dans le pays.
Cependant les critiques envers la coalition se font grandissantes au fur et à mesure de l’évolution des combats. Si l’opinion publique française semble afficher son soutien au président Sarkozy, d’autres pays dénoncent un détournement des objectifs fixés par l’ONU à la coalition.
La mission de protection des populations se transforme en guerre contre Kadhafi et en destruction de son armée. Tout d’abord, la ligue arabe qui soutenait les actions de la coalition internationale se ravisera estimant que les interventions devaient se limiter à des tactiques de brouillages et des stratégies logistiques.
La mission de protection des populations se transforme en guerre contre Kadhafi et en destruction de son armée.
L’Union africaine, la Chine et la Russie (qui s’étaient abstenus de voter lors de l’adoption de la résolution 1973), et plusieurs autres pays, appelleront à la cessation des hostilités afin de trouver une autre solution.
L’Union africaine, la Chine et la Russie appelleront à la cessation des hostilités afin de trouver une autre solution.
Gianpiero Cantoni, président de la commission Défense du Sénat italien à l’époque, accuse la France d’être « mue par la volonté d'obtenir des contrats pétroliers auprès des futures autorités libyennes, en cas de victoire des insurgés, et d'accroître son influence en Méditerranée ».
Pendant que les « grands » discutent pour savoir qui aura le commandement des opérations en Libye, les combats continuent de faire rage sur le terrain. Finalement, les bombardements de la coalition internationale et la ténacité des réfugiés auront raison de l’armée loyaliste, fidèle au régime de Kadhafi, accusé d’avoir fait appel à des mercenaires pour massacrer la population.
Le 20 octobre 2011, Mouammar Al-Kadhafi sera tué par les rebelles, alors qu’il tentait de se faire exfiltrer de Syrte, sa ville natale.
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(Ecofin Hebdo) - Violences, traite d’humains, immigration et terrorisme sont aujourd’hui devenus les quatre cavaliers de l’apocalypse libyen, sept années après la révolution ayant abouti à la chute du colonel Mouammar Al-Kadhafi. Encore aujourd’hui, le monde entier se pose des questions sur la justesse d’un événement qui, à ses débuts, a été décrit comme une « victoire de la démocratie », une « victoire du peuple face au tyran ».
Près d’une décennie après l’intervention militaire d’une « coalition internationale » dans ce qui était autrefois l’un des pays les plus prospères d’Afrique, au systeme social le plus avancé, le chaos de la Libye d’aujourd’hui, au-delà de la nécessité d’y trouver une solution durable, soulève surtout des interrogations quant à la manière dont les événements se sont enchaînés pour aboutir à une situation de chaos, dans le Sahel, en proie aux djihadistes, et en Europe destablisée par la crise des migrants.
2011 : la chute de l’indéboulonnable « Guide libyen »
Le 20 octobre 2011 est probablement la date marquant le basculement de la Libye dans la nouvelle ère de chaos qui est la sienne. En effet, c’est ce jour-là qu’est tué l’ancien dictateur libyen, Mouammar Al-Kadhafi, après huit mois de guerre civile sanglante.
Tout commence un 13 janvier 2011, lorsque les premières manifestations inspirées de la révolution tunisienne ont lieu dans le pays. Le peuple libyen, qui peut alors se targuer de vivre dans un pays où le PIB par habitant est, en 2010, de 13 800 $, et où le taux d’alphabétisation culmine à 83%, se sent néanmoins opprimé par 42 années de dictature.
Comme pour prouver que le peuple ne peut pas seulement se contenter de « pain et de jeux », les citoyens réclament plus de libertés et de démocratie, un meilleur respect des droits de l'homme, une meilleure répartition des richesses ainsi que l'arrêt de la corruption au sein de l'État et de ses institutions.
Pour éviter la chute de son pouvoir principalement axé sur les alliances tribales, le Guide libyen va d’abord prendre des mesures préventives : interdiction des rassemblements, annulation de rencontres sportives, suppression des taxes et droits de douane sur les aliments, prime de 324 euros par famille.
Le guide libyen va d’abord prendre des mesures préventives : interdiction des rassemblements, annulation de rencontres sportives, suppression des taxes et droits de douane sur les aliments, prime de 324 euros par famille.
Il annoncera même le déblocage d’un fonds de 24 milliards $ pour construire des logements et développer le pays. Grâce à cette mesure, le président libyen réussira à contenir la grogne populaire, et à s’éviter le même destin que son homologue égyptien Hosni Moubarak…mais pas pour longtemps.
17 février 2011 : « Journée de la colère ».
A partir de la mi-février, les manifestations prendront une nouvelle tournure. En effet, alors qu’à Benghazi des Libyens protestent contre l’arrestation de Fathi Tirbil, qui défendait les prisonniers morts lors du massacre d’Abou Salim en 1996, les manifestations se mueront en insurrection avec pour mot d’ordre le départ du Guide libyen. A partir du 17 février dite « la journée de la colère », l’insurrection s’engagera sur le chemin irréversible de la violence, marquée entre autre par l’attaque suicide de la caserne des militaires de Benghazi, perpétrée par Al-Mahdi Mohamed Ziou, un ingénieur pétrolier de 47 ans.
A partir du 17 février dite « la journée de la colère », l’insurrection s’engagera sur le chemin irréversible de la violence, marquée entre autre par l’attaque suicide de la caserne des militaires de Benghazi, perpétrée par Al-Mahdi Mohamed Ziou, un ingénieur pétrolier de 47 ans.
Commencera alors une série d’affrontements et de batailles armées, puis une véritable guerre civile qui fera des milliers de morts. Le colonel Kadhafi, dirigeant « providentiel » pour qui la révolution est animée par une « jeunesse droguée qui imite celles de la Tunisie et de l’Égypte », essuiera des défections au sein de son gouvernement et de son armée (dont une bonne partie a été affaiblie au cours de sa présidence afin de se prémunir contre les coups d’Etats).
Pourtant la guerre civile libyenne de 2011 aurait pu prendre une toute autre tournure, sans l’intervention d’une coalition internationale dirigée principalement par la France et la Grande-Bretagne.
Le rôle de la France et de la communauté internationale dans le conflit
Si aujourd’hui le rôle de la France et de la communauté internationale est devenu un sujet sensible, cela est dû à la tournure d’une opération, censée arrêter les violences issues du conflit libyen.
En effet, dès le 23 février, la France, dirigée alors par Nicolas Sarkozy, propose à l’Union Européenne l’adoption rapide de sanctions contre le régime du guide libyen. Appuyé par la Grande-Bretagne du premier ministre David Cameron, elle mène un front diplomatique anti-Kadhafi au sein de l’Organisation des Nations-Unies.
A partir du 24 février, les avoirs du clan Kadhafi dans des pays comme la Suisse, les Etats-Unis, l’Autriche, la Grande-Bretagne et l’Espagne sont gelés tandis que la Turquie s’oppose à des sanctions qui « risquent de punir la population libyenne ».
Le 17 mars, le conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1973, qui autorise la création d’une zone d’exclusion aérienne au dessus du pays et la mise en place de mesure nécessaires pour assurer « la protection des civils ».
Le 17 mars, le conseil de sécurité de l’ONU votera la résolution 1973, qui autorise la création d’une zone d’exclusion aérienne au dessus du pays et la mise en place de mesure nécessaires pour assurer « la protection des civils ».
Dès lors, la coalition internationale lance une vague de bombardements sur les forces pro-Kadhafi, détruisant chars et systèmes de défense aérienne, et assurant un rôle de surveillance qui facilite la contre-offensive des insurgés dans le pays.
Cependant les critiques envers la coalition se font grandissantes au fur et à mesure de l’évolution des combats. Si l’opinion publique française semble afficher son soutien au président Sarkozy, d’autres pays dénoncent un détournement des objectifs fixés par l’ONU à la coalition.
La mission de protection des populations se transforme en guerre contre Kadhafi et en destruction de son armée. Tout d’abord, la ligue arabe qui soutenait les actions de la coalition internationale se ravisera estimant que les interventions devaient se limiter à des tactiques de brouillages et des stratégies logistiques.
La mission de protection des populations se transforme en guerre contre Kadhafi et en destruction de son armée.
L’Union africaine, la Chine et la Russie (qui s’étaient abstenus de voter lors de l’adoption de la résolution 1973), et plusieurs autres pays, appelleront à la cessation des hostilités afin de trouver une autre solution.
L’Union africaine, la Chine et la Russie appelleront à la cessation des hostilités afin de trouver une autre solution.
Gianpiero Cantoni, président de la commission Défense du Sénat italien à l’époque, accuse la France d’être « mue par la volonté d'obtenir des contrats pétroliers auprès des futures autorités libyennes, en cas de victoire des insurgés, et d'accroître son influence en Méditerranée ».
Pendant que les « grands » discutent pour savoir qui aura le commandement des opérations en Libye, les combats continuent de faire rage sur le terrain. Finalement, les bombardements de la coalition internationale et la ténacité des réfugiés auront raison de l’armée loyaliste, fidèle au régime de Kadhafi, accusé d’avoir fait appel à des mercenaires pour massacrer la population.
Le 20 octobre 2011, Mouammar Al-Kadhafi sera tué par les rebelles, alors qu’il tentait de se faire exfiltrer de Syrte, sa ville natale.
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