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A Istanbul, Erdogan et Poutine en couple réglé

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  • A Istanbul, Erdogan et Poutine en couple réglé

    Malgré leur rivalité en Syrie et en Libye, Turquie et Russie ne cessent de se rapprocher. Lors de l’inauguration d’un gazoduc mercredi, les deux dirigeants ont mis en scène leur proximité.

    Tout est censé les opposer. Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, réunis mercredi à Istanbul, ont pourtant passé la journée à se serrer la main. L’inauguration du gazoduc TurkStream, reliant la Russie et la Turquie via la mer Noire, suffit-elle à expliquer ces démonstrations de complicité ? Les chefs d’Etat, tout sourire, ont symboliquement ouvert les vannes de ce pipeline géant qui doit approvisionner le sud de l’Europe, en contournant l’Ukraine.

    Confrontation. A plusieurs milliers de kilomètres de là, leurs soldats se font pourtant face sur deux terrains de guerre. En Syrie, Moscou appuie militairement le régime de Bachar al-Assad depuis quatre ans, bombardant sans répit les régions rebelles, tandis qu’Ankara parraine des groupes insurgés. En 2016, l’armée turque est entrée à son tour en Syrie, officiellement pour protéger sa frontière. Elle est aujourd’hui déployée dans le canton d’Idlib, dernier bastion des rebelles syriens, et dans le nord du pays depuis son opération contre les forces kurdes, cet automne.

    Les deux pays soutiennent également deux camps opposés en Libye. Et leur confrontation s’est intensifiée ces dernières semaines. Des mercenaires russes se battent aux côtés du maréchal Haftar, qui refuse d’accepter l’autorité du gouvernement d’union nationale et assiège Tripoli depuis neuf mois. Les Turcs, eux, soutiennent le Premier ministre Faïez el-Serraj, reconnu par les Nations unies, en lui fournissant des drones et du matériel militaire pour résister à Haftar, en violation de l’embargo sur les armes décrété par l’ONU. La semaine dernière, le Parlement turc a voté une motion autorisant l’envoi de troupes en Libye, après la signature d’un accord de défense entre Tripoli et Ankara. «La Turquie endossera un rôle de coordination. Les soldats ne combattront pas», a précisé Erdogan mercredi, cité par le journal turc Hurriyet, évoquant la présence de seulement une trentaine de militaires turcs en Libye.

    En 2016, la tension entre Ankara et Moscou avait atteint son paroxysme, quand un avion chasseur turc descend un bombardier Soukhoï Su-24 de l’armée russe qui flirtait avec la frontière turco-syrienne. C’est la première fois qu’un Etat membre de l’Otan abat un appareil russe depuis la guerre de Corée. Poutine dénonce alors un «coup de poignard dans le dos de la part des complices du terrorisme». Le 19 décembre, l’ambassadeur de Russie en Turquie, Andreï Karlov, est assassiné à Ankara dans une galerie d’art par un policier turc qui se dit du jihad.

    Alliance. Trois ans plus tard, les deux présidents font assaut d’amabilités. «Le partenariat entre la Russie et la Turquie se renforce dans tous les domaines malgré les efforts de ceux qui s’y opposent», a déclaré Poutine mercredi. «Avec la Russie, nous n’avons pas laissé nos récentes divergences de points de vue prendre le dessus sur nos intérêts communs», a répondu Erdogan en conférence de presse.

    «Ils partagent le même conservatisme, le même machisme militariste, le même credo ultralibéral autoritariste, anti-occidental, anti-intellectuel, souligne Jean-François Pérouse, maître de conférences à l’université de Toulouse-II. Sans parler de la même fascination pour la richesse et les signes de puissance.» Leur «style de leadership populiste est similaire», ajoute Dorothée Schmid, directrice de la recherche sur le Moyen-Orient et la Turquie à l’Institut français des relations internationales, mais «Erdogan est plus sanguin. Il évolue surtout dans un contexte politique beaucoup plus compétitif, qui le fait réagir rapidement, tandis que Poutine peut déconnecter la politique intérieure de ses manœuvres internationales.»

    Les dossiers énergétiques, en premier lieu, ont permis le rapprochement. «La Turquie a besoin de la Russie pour son approvisionnement et l’aventure nucléaire turque va renforcer cette dépendance durablement, poursuit Jean-François Pérouse. Il y a une communauté d’intérêts entre les deux pays et un froid réalisme calculateur des deux côtés.» Cette alliance de circonstance bénéficie «beaucoup plus aux Russes qu’aux Turcs», analyse Dorothée Schmid : «Le génie de Poutine est d’avoir réussi à détacher la Turquie de l’Otan et des Européens, puis de l’avoir imposée comme un interlocuteur majeur sur le dossier syrien. Or c’est un interlocuteur faible, plus malléable, malgré la mise en scène de sa puissance.»

    Ce schéma pourrait-il se répéter en Libye, au moment où la crise semble s’accentuer ? Poutine et Erdogan ont appelé à un cessez-le-feu à partir de dimanche. Aucun des précédents n’a été respecté. Si celui-là tient bon, les deux acteurs pourraient une nouvelle fois tenter de s’imposer comme les parrains de la paix, au nez et à la barbe des Américains désinvestis et des Européens impuissants.
    libe
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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