Abbas premier ministre. Aïe !
C’était sa dernière chance. Il vient d’exaucer le rêve de sa vie. La soumission, son ultime credo, a fini par faire la différence.
Abbas El Fassi ne pouvait rêver meilleur cadeau d'anniversaire : le 18 septembre, jour de ses 67 ans, il a appris qu'il allait devenir le 14ème premier ministre de l'histoire du Maroc indépendant. Annonce confirmée le lendemain, quand le roi a reçu, à Rabat, le secrétaire général du Parti de l'Istiqlal. à l’ahurissement général.
A l'Istiqlal, et en dehors d'un cercle très restreint, regroupé autour des anciens du parti, personne n'avait vu le coup venir. “Il (Abbas) était favori, mais on pensait que sa nomination allait être différée de quelques jours encore puisque, jusqu'en début de semaine, sa candidature n'était pas la seule en lice”, explique cette source de l'Istiqlal.
L'autre (sérieux) postulant s'appelait Toufiq Hjira, et semblait bien tenir la corde. Karim Ghellab rapidement éliminé de la course parce que jugé “rigide et peu rompu aux négociations politiques”, Adil Douiri également écarté pour la minceur de son vécu politique, il ne restait plus que le seul Hjira, fils d'un grand résistant de l'Oriental, comme dernier recours pour éviter la piste Abbas. “Abbas avait les faveurs du parti, Hjira avait davantage de partisans en dehors du parti”, poursuit notre source, comme pour signifier que la préférence de l'Istiqlal (Abbas plutôt que Hjira) a pu peser sur la décision finale du roi. à voir…
Dans tous les cas, la hiérarchie partisane et la logique démocratique ont été scrupuleusement respectées. Il n'y a rien à y redire. Au sein du parti, plusieurs sources évoquent volontiers le risque d'une grave crise interne si, comme on nous l'a expliqué, “le roi avait choisi un autre Istiqlalien à la place de Abbas”. Car, alors, Abbas aurait perdu la face et tout l'organigramme de l'Istiqlal, parti très à cheval sur la hiérarchie et le respect de son supérieur (de son aîné aussi), aurait été chamboulé avant l'heure. Un péril que les “sages” du parti, emmenés par le toujours influent Mhammed Douiri, ont tout fait pour épargner à leurs troupes.
Miraculé de l'ère hassanienne
Donc, c'est Abbas. Enfin ! A 67 ans, sa désignation à la primature ressemble à un aboutissement, une fin en soi. Dans son propre parti, où il ne compte pas que des amis, on rappelle combien le numéro Un de l'Istiqlal avait fait de la primature une question de vie ou de mort. “Le rêve, qui a commencé à se dessiner en 1998, avec l'arrivée de Abbas à la tête du parti, s'est transformé en obsession à partir de 2002, au moment des élections législatives”, résume notre source. Abbas ne pensait qu'à ça. En 2002, donc, il croyait son heure venue. A 62 ans, l'homme se voyait bien succéder à Abderrahmane Youssoufi à la tête du gouvernement. Mais le souverain, cette année-là, choisit de ne pas respecter la logique démocratique, ignorant royalement l'USFP et l'Istiqlal, pour désigner le technocrate Driss Jettou à la primature. Déprimé, frustré, échaudé par le scandale Annajat qui l'a rattrapé dans la foulée de son échec à la porte de la primature (lire encadré), Abbas a reporté ses espoirs, les derniers, sur une échéance : septembre 2007.
Pour bien comprendre l'obstination d'El Fassi, il suffit de s'arrêter sur quelques escales de son long CV. Deux fois ministre sous Hassan II, entre 1977 et 1985, Abbas est un parfait miraculé. A la fin de sa mission d'ambassadeur à Paris, où il a été en poste de 1990 à 1994, une des périodes les plus sombres de l'histoire des rapports franco-marocains, personne ne donnait cher de sa peau. Abbas semble alors condamné à végéter parmi les “jeunes” (à 54 ans quand même !) du vieux parti de l'Istiqlal. Son destin bascule pourtant sur un coup de dés, quand le secrétaire général du parti, M'hammed Boucetta, refuse à plusieurs reprises de devenir le premier ministre de Hassan II. “Par ces refus successifs (ndlr : justifiés par le maintien de Driss Basri comme ministre de l'Intérieur), Boucetta s'est attiré les foudres du Palais. Dire non au roi, c'était impensable. Aussi, personne n'a été surpris quand l'Istiqlal, aux élections de 1997, essuya l'un de ses plus grands échecs électoraux (21 élus à peine). C'était une forme de punition pour le parti, et le message était clair : Hassan II ne voulait plus de Boucetta à la tête de l'Istiqlal”. Tout s'est joué alors au 13ème congrès du parti, quand Boucetta, prié de se trouver un successeur plus conciliant, jeta son dévolu sur le “jeune” Abbas El Fassi, bien sûr avec la bénédiction du Palais.
Merci Majesté !
Miraculeusement porté à la tête de l'Istiqlal, Abbas El Fassi a tout fait pour s'y maintenir au moins jusqu'à septembre 2007. Un authentique exploit quand on sait que la formation politique a été traversée de plusieurs spasmes depuis les élections de 2002, comme nous le résume cette source à l'Istiqlal : “Depuis sa réélection au 14ème congrès de 2003, Abbas a dû faire face à une forte contestation interne qui aurait dû aboutir à la tenue d'un nouveau congrès…et à son propre départ, puisque les statuts du parti ne lui permettaient pas de briguer un troisième mandat”. A défaut d'amender les règlements du parti, Abbas a tenté et réussi, contre vents et marées, à repousser le congrès à l'après septembre 2007. Avec, vis-à-vis du peuple istiqlalien, un discours qui tient à peu près à ceci : “Laissez-moi une dernière chance et allons-y (aux élections 2007) groupés, unis, nous avons encore une chance de gagner”.
En l'occurrence, le numéro Un de l'Istiqlal a vu juste : il a gagné son pari. Sa première qualité, l'une des seules incontestables, aura été, comme l'explique cet observateur neutre, “de bien comprendre la mentalité et les rouages du système”. “Entre des islamistes populaires mais indésirables et des socialistes trop sûrs d'eux, il a compris qu'il y avait une brèche dans laquelle il pouvait parfaitement s'engouffrer”. Abbas a surtout eu la chance que le roi, cette fois, se soit tourné vers la logique démocratique. “Et qu'il (le roi) n'ait pas choisi un quadra à la place du chef, ce qui aurait plongé l'Istiqlal dans une crise profonde”, ajoute notre observateur.
Logiquement favori dans la course à la primature au lendemain du scrutin du 7 septembre, Abbas El Fassi n'a pas dérogé à ses habitudes. Aucun programme, aucune revendication, aucune réflexion personnelle. Sur les rêves de primature qui ont si longtemps peuplé ses nuits et jours, il se contente de répondre en toute circonstance : “Sa Majesté décidera”. Sur son programme, ses idées, il ânonne invariablement : “Les discours royaux me serviront de programme”.
“Abbas premier ministre ? Non, je ne crois pas, même si le roi respectait la logique démocratique”, répétaient de nombreux leaders politiques, il y a encore une semaine. Les meilleurs supporters de la candidature de Abbas, par un étrange retournement de situation, auront été les Istiqlaliens, même parmi ceux qui contestaient son leadership. “Il ne faut pas oublier, nous explique l'un d'eux, que c'est le secrétaire général du parti. Choisir un Premier ministre istiqlalien autre que lui aurait été une gifle pour lui, et pour tout le parti. Cela veut dire que nos structures, notre organisation, notre organigramme, ne servent à rien. Autant dire que le parti entier ne sert à rien, ce qui ne serait pas sérieux !”. “Imaginez Abbas El Fassi ministre dans un gouvernement conduit par un Istiqlalien de la 25ème heure (ndlr : allusion au tandem Karim Ghellab - Adil Douiri), enchaîne un autre dirigeant de l'Istiqlal. Comment voulez-vous que l'on explique cela à nos bases, comment voulez-vous que l'on nous respecte ?”.
C’était sa dernière chance. Il vient d’exaucer le rêve de sa vie. La soumission, son ultime credo, a fini par faire la différence.
Abbas El Fassi ne pouvait rêver meilleur cadeau d'anniversaire : le 18 septembre, jour de ses 67 ans, il a appris qu'il allait devenir le 14ème premier ministre de l'histoire du Maroc indépendant. Annonce confirmée le lendemain, quand le roi a reçu, à Rabat, le secrétaire général du Parti de l'Istiqlal. à l’ahurissement général.
A l'Istiqlal, et en dehors d'un cercle très restreint, regroupé autour des anciens du parti, personne n'avait vu le coup venir. “Il (Abbas) était favori, mais on pensait que sa nomination allait être différée de quelques jours encore puisque, jusqu'en début de semaine, sa candidature n'était pas la seule en lice”, explique cette source de l'Istiqlal.
Dans tous les cas, la hiérarchie partisane et la logique démocratique ont été scrupuleusement respectées. Il n'y a rien à y redire. Au sein du parti, plusieurs sources évoquent volontiers le risque d'une grave crise interne si, comme on nous l'a expliqué, “le roi avait choisi un autre Istiqlalien à la place de Abbas”. Car, alors, Abbas aurait perdu la face et tout l'organigramme de l'Istiqlal, parti très à cheval sur la hiérarchie et le respect de son supérieur (de son aîné aussi), aurait été chamboulé avant l'heure. Un péril que les “sages” du parti, emmenés par le toujours influent Mhammed Douiri, ont tout fait pour épargner à leurs troupes.
Miraculé de l'ère hassanienne
Donc, c'est Abbas. Enfin ! A 67 ans, sa désignation à la primature ressemble à un aboutissement, une fin en soi. Dans son propre parti, où il ne compte pas que des amis, on rappelle combien le numéro Un de l'Istiqlal avait fait de la primature une question de vie ou de mort. “Le rêve, qui a commencé à se dessiner en 1998, avec l'arrivée de Abbas à la tête du parti, s'est transformé en obsession à partir de 2002, au moment des élections législatives”, résume notre source. Abbas ne pensait qu'à ça. En 2002, donc, il croyait son heure venue. A 62 ans, l'homme se voyait bien succéder à Abderrahmane Youssoufi à la tête du gouvernement. Mais le souverain, cette année-là, choisit de ne pas respecter la logique démocratique, ignorant royalement l'USFP et l'Istiqlal, pour désigner le technocrate Driss Jettou à la primature. Déprimé, frustré, échaudé par le scandale Annajat qui l'a rattrapé dans la foulée de son échec à la porte de la primature (lire encadré), Abbas a reporté ses espoirs, les derniers, sur une échéance : septembre 2007.
Pour bien comprendre l'obstination d'El Fassi, il suffit de s'arrêter sur quelques escales de son long CV. Deux fois ministre sous Hassan II, entre 1977 et 1985, Abbas est un parfait miraculé. A la fin de sa mission d'ambassadeur à Paris, où il a été en poste de 1990 à 1994, une des périodes les plus sombres de l'histoire des rapports franco-marocains, personne ne donnait cher de sa peau. Abbas semble alors condamné à végéter parmi les “jeunes” (à 54 ans quand même !) du vieux parti de l'Istiqlal. Son destin bascule pourtant sur un coup de dés, quand le secrétaire général du parti, M'hammed Boucetta, refuse à plusieurs reprises de devenir le premier ministre de Hassan II. “Par ces refus successifs (ndlr : justifiés par le maintien de Driss Basri comme ministre de l'Intérieur), Boucetta s'est attiré les foudres du Palais. Dire non au roi, c'était impensable. Aussi, personne n'a été surpris quand l'Istiqlal, aux élections de 1997, essuya l'un de ses plus grands échecs électoraux (21 élus à peine). C'était une forme de punition pour le parti, et le message était clair : Hassan II ne voulait plus de Boucetta à la tête de l'Istiqlal”. Tout s'est joué alors au 13ème congrès du parti, quand Boucetta, prié de se trouver un successeur plus conciliant, jeta son dévolu sur le “jeune” Abbas El Fassi, bien sûr avec la bénédiction du Palais.
Merci Majesté !
Miraculeusement porté à la tête de l'Istiqlal, Abbas El Fassi a tout fait pour s'y maintenir au moins jusqu'à septembre 2007. Un authentique exploit quand on sait que la formation politique a été traversée de plusieurs spasmes depuis les élections de 2002, comme nous le résume cette source à l'Istiqlal : “Depuis sa réélection au 14ème congrès de 2003, Abbas a dû faire face à une forte contestation interne qui aurait dû aboutir à la tenue d'un nouveau congrès…et à son propre départ, puisque les statuts du parti ne lui permettaient pas de briguer un troisième mandat”. A défaut d'amender les règlements du parti, Abbas a tenté et réussi, contre vents et marées, à repousser le congrès à l'après septembre 2007. Avec, vis-à-vis du peuple istiqlalien, un discours qui tient à peu près à ceci : “Laissez-moi une dernière chance et allons-y (aux élections 2007) groupés, unis, nous avons encore une chance de gagner”.
En l'occurrence, le numéro Un de l'Istiqlal a vu juste : il a gagné son pari. Sa première qualité, l'une des seules incontestables, aura été, comme l'explique cet observateur neutre, “de bien comprendre la mentalité et les rouages du système”. “Entre des islamistes populaires mais indésirables et des socialistes trop sûrs d'eux, il a compris qu'il y avait une brèche dans laquelle il pouvait parfaitement s'engouffrer”. Abbas a surtout eu la chance que le roi, cette fois, se soit tourné vers la logique démocratique. “Et qu'il (le roi) n'ait pas choisi un quadra à la place du chef, ce qui aurait plongé l'Istiqlal dans une crise profonde”, ajoute notre observateur.
Logiquement favori dans la course à la primature au lendemain du scrutin du 7 septembre, Abbas El Fassi n'a pas dérogé à ses habitudes. Aucun programme, aucune revendication, aucune réflexion personnelle. Sur les rêves de primature qui ont si longtemps peuplé ses nuits et jours, il se contente de répondre en toute circonstance : “Sa Majesté décidera”. Sur son programme, ses idées, il ânonne invariablement : “Les discours royaux me serviront de programme”.
“Abbas premier ministre ? Non, je ne crois pas, même si le roi respectait la logique démocratique”, répétaient de nombreux leaders politiques, il y a encore une semaine. Les meilleurs supporters de la candidature de Abbas, par un étrange retournement de situation, auront été les Istiqlaliens, même parmi ceux qui contestaient son leadership. “Il ne faut pas oublier, nous explique l'un d'eux, que c'est le secrétaire général du parti. Choisir un Premier ministre istiqlalien autre que lui aurait été une gifle pour lui, et pour tout le parti. Cela veut dire que nos structures, notre organisation, notre organigramme, ne servent à rien. Autant dire que le parti entier ne sert à rien, ce qui ne serait pas sérieux !”. “Imaginez Abbas El Fassi ministre dans un gouvernement conduit par un Istiqlalien de la 25ème heure (ndlr : allusion au tandem Karim Ghellab - Adil Douiri), enchaîne un autre dirigeant de l'Istiqlal. Comment voulez-vous que l'on explique cela à nos bases, comment voulez-vous que l'on nous respecte ?”.
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