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Le Golfe, Eldorado Culturel.

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  • Le Golfe, Eldorado Culturel.

    L'Arabisation a aussi eu lieu au coeur des pays du Golfe et pas uniquement au Maghreb.
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    De Perse, d'Inde et d'Afrique.

    En réalité, les liens avec le monde non arabe datent de l'Antiquité. Avant l'essor des transports aériens et des richesses pétrolières, les Arabes du Golfe avaient surtout des relations commerciales avec l'Asie et l'Afrique. La plupart des marchands de la région s'étaient installés dans les ports persans, indiens et africains, tandis que beaucoup de marchands persans et indiens, et d'esclaves africains, habitaient dans les ports d'Arabie.

    Epouses indiennes et costume-cravates.

    Ces échanges commerciaux ont évidemment soumis les ports et les peuples d'Arabie orientale à de fortes influences culturelles persanes, indiennes et africaines, qui se manifestent clairement dans les styles d'architectures, de vêtements et de cuisine. Les constructions à la persane ou à l'indienne, souvent réalisées pour des Persans ou des Indiens, prédominaient dans les ports d'Arabie orientale. Les boutres arabes étaient en bois importé d'Inde, et les maisons arabes en bois africain. Des châles du Cachemire ornaient les têtes des familles régnantes de Dubai, Abou Dhabi et Bahrein. Les élites arabes chiites portaient le turban blanc à la persane dans toute la région du Golfe. Les Omanis, Emiratis du Nord, Qataris et Bahreïnis, en particulier les Arabes persanisés que l'on appelle hawalas, préféraient les turbans multicolores à l'indienne.

    Beaucoup d'hommes, parmis les élites arabes du Golfe, avaient des épouses persanes, indiennes ou africaines, et leurs enfants parlaient farsi, ourdou, baloutche, hindi ou swahili, en plus de l'arabe. Beaucoup avaient fait leurs études en Inde. Les Arabes du Golfe mangeaient l'agneau et les poissons avec du riz au curry indien. Par tous ces aspects et bien d'autres encore, les ports et les peuples d'Arabie orientale appartenaient d'avantage à l'océan Indien qu'au monde arabe.

    Avec l'essor des transports aériens et des richesses pétrolières, beaucoup de choses changent. Il y a toujours des Persans et des Indiens qui habitent dans les ports arabes du Golfe, mais peu d'Arabes du Golfe ont des relations avec l'Iran, l'Inde ou l'Afrique. L'influence étrangère dominante, à présent est anglaise et américaine. Parmi les élites arabes du Golfe, la plupart ont des liens étroits avec l'Angleterre ou avec les Etats-Unis, voire avec les deux. Elles y passent l'été et sortent souvent des universités américaines ou britanniques. Dans les petits Etats du Golfe, beaucoup se sont occidentalisés dans les années 1940, 1950, 1960 ou 1970. Ils parlent anglais, adoptent certains usages occidentaux et s'habillent à l'occidentale, depuis le mélange blazer et robe (thobe), très répandu, jusqu'au costume-cravate. Les bâtiments de cette période sont souvent construits par des architectes occidentaux selon les normes occidentales. La présence d'importantes communautés d'expatriés occidentaux dans le Golfe ne fait que renforcer l'occidentalisation.

    L'ère de l'arabisation.

    Depuis les années 1970 et 1980, les élites arabes du Golfe ont pris un nouveau tournant culturel. La plupart ont abandonné les vêtements occidentaux au profit du costume national, afin d'affirmer leur identité arabe régionale. Le nationalisme panarabe a contribué à cette évolution, tout comme les transports aériens entre l'Arabie orientale et un monde arabe dont elle était isolée jusque-là. Un autre facteur tient au sentiment grandissant que l'occidentalisation commençait à menacer l'identité arabe du Golfe. Un autre encore était le besoin croissant, chez les Arabes du Golfe, de se distinguer des expatriés toujours plus nombreux dans la région, et singulièrement des expatriés arabes. Le costume national est devenu la marque de l'appartenance aux pays du Golfe.

    La manne pétrolière des années 1950 et 1960 (ou 1930 et 1940 à Bahreïn) a libéré les familles régnantes d'une dépendance financière ancestrale à l'égard des marchands, et leur a permis de bâtir des infrastructures modernes. Pour consolider les nouvelles bases de leur pouvoir, les gouvernants ont attribué la majorité des commandes de l'Etat à des membres de leur famille ou à d'autres Arabes issus d'élites de mêmes lignées ou tribus. Depuis les années 1980, les familles régnantes ont fortement valorisé la culture arabe du Golfe, la généalogie tribale et l'islam sunnite. Aujourd'hui, elles revendiquent l'autonomie culturelle et le caractère national purement arabo-islamique de leurs Etats, comme le soulignent leurs Constitutions.

    Pour les familles régnantes, l'identité nationale arabe du Golfe est une condition préalable à une participation aux instances de l'Etat, et elle est fortement recommandée pour tous les citoyens, en particulier les membres des élites. Partout sauf à Oman, les couvres-chefs à la persane et à l'indienne ont cédé la place à des coiffures purement arabes : le cordon noir (agal) d'Arabie centrale, porté soit sur le foulard à carreaux rouges et blancs (shimagh) en Arabie centrale, soit sur le foulard blanc (ghutrah) originaire d'Arabie orientale.

    Les politiques d'arabisation mises en place par leurs gouvernements incitent les familles arabes du Golfe à minimiser ou à nier leur héritage transnational. Les familles régnantes elles-mêmes ont donné l'exemple en faisant disparaître de l'histoire nationale officielle toutes les traces de relations transnationales. Dans les Etats arabes du Golfe, il est fortement déconseillé d'évoquer en public les mères persanes, indiennes et africaines des anciens cheikhs et cheikhas. Les ressortissants du Golfe qui ont une ascendance arabe et des attaches tribales se partagent presque tous les postes ministériels, tandis que ceux qui n'ont aucune ascendance arabe ont rarement, ou jamais, accès aux hautes fonctions de l'Etat. Les seules exceptions semblent être Oman et, depuis 2000, Bahreïn. Les Arabes chiites, généralement tenus à l'écart, font l'objet d'une discrimination variable d'un Etat à l'autre. Un historien qui utiliserait la chronique d'une famille arabe du Golfe fournie par cette famille même risquerait fort de se retrouver avec un passé taillé sur mesure pour servir des intérêts actuels.

    Les conséquences de l'arabisation se font sentir partout. Tous les membres du gouvernement sauf les plus subalternes portent le costume bédouin " traditionnel ". Des musées nationaux glorifient le patrimoine culturel sunnite. On a construit de grande mosquées sunnites. Les nouveaux bâtiments s'ornent d'arabesques. Les architectures à la persane et à l'indienne prédominent encore dans les quartiers historiques des villes portuaires, mais on leur accole désormais l'épithère " arabe ". Au fort portugais de Barheïn, on découvre un grand panneau qui souhaite la bienvenue au qalaat al-Bahrein, expliquant que ce fort n'est pas portugais, mais arabe. Le multiculturalisme dans les populations du Golfe est gommé, et tout est fait pour décourager les mariages mixtes entre Arabes et non-Arabes. On ne voit plus guère les métissages culturels arabo-persans et arabo-indiens qui caractérisaient autrefois les familles de marchands arabes transnationaux dans le Golfe. C'est pourquoi les Arabes du Golfe qui ont un passé transnational minimisent aujourd'hui leur héritage non arabe, et pourquoi, par une curieuse inversion de l'ancien transnationalisme, certains ressortissants d'ascendance indienne ou persane sunnite ont commencé à s'arabiser : ils parlent arabe, adoptent les usages arabes, portent le costume national arabe, alors qu'ils continuent à parler baloutche, gujrati, hindi, ourdou, ou farsi à la maison.

    Jame Onlay enseigne l'histoire du Moyen-Orient à l'institute of Arab and Islamic Studies, université d'Exeter.

    source El Qantara
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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