40 ans après son assassinat le 4 avril 1968, le pasteur noir américain reste le symbole de la lutte pour l'égalité
Martin Luther King a été abattu sur le balcon de sa chambre d’hôtel. C’était le 4 avril 1968. Quarante ans plus tard, la ségrégation est désormais abolie aux Etats-Unis. Pour autant, la discrimination et le communautarisme n’ont pas disparu.
Il avait un rêve et il en est mort. Une balle dans le cou a eu raison de ce pasteur noir américain, apôtre de la non violence, qui croyait dur comme fer en l’égalité des races. Son nom résonne aujourd’hui comme une évidence. Aux Etats-Unis comme dans le monde, Martin Luther King reste celui qui a su faire avancer les droits civiques de son pays. Celui qui a refusé d’utiliser la violence, qui croyait sincèrement établir une égalité raciale en faisant appel à la conscience des hommes.
Dans l’imaginaire collectif, il est devenu l’homme de la réconciliation. A l’époque, Luther King était perçu comme un fauteur de troubles, voire un activiste potentiellement dangereux plus que comme une icône pacifiste.
Cet ancien étudiant en sociologie puis en théologie, né à Atlanta quelques mois avant le krach boursier de 1929 est devenu pasteur, comme son père et son grand-père. Il commence par officier à Montgomery dans l’Alabama. Un état frontalier de la Géorgie, fervent partisan du maintien de la ségrégation raciale aux Etats-Unis.
Autant dire qu’en 1954, Montgomery n’est pas l’endroit rêvé pour un jeune couple afro-américain qui cherche à s’installer. Encore moins quand on a envie, comme Martin Luther King, de changer la donne. Bien qu’ayant grandi dans un environnement plutôt aisé, très éloigné des ghettos misérables où vivaient alors de nombreux Noirs américains, impossible pour le pasteur, qui arrivait d’un Etat voisin où les Noirs n’étaient pas mieux lotis, de rester insensible à leur sort.
Rosa Parks, l'étincelle
1955. Une Afro-américaine Rosa Parks, se prend une amende pour avoir refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery. S’ensuit un mouvement de protestation et de solidarité jamais vu chez les Noirs de la ville. Leur boycott de la société de transports a duré plus d’un an. Jusqu’à ce que la compagnie frôle la faillite, et que la Cour suprême déclare anticonstitutionnelles les lois ségrégationnistes dans les bus.
Martin Luther King, alors âgé de 26 ans, devient vite le leader de ce mouvement de protestation. Avec le succès de cette opération, il s’impose comme le chef de file de la résistance sur le plan national. Charismatique et élégant, avec ses joues rondes et sa fine moustache, le pasteur ne se démet jamais de sa philosophie non violente. Il prononce des centaines de discours devant des foules d’Afro-américains, mais aussi de certains Blancs qui soutiennent son combat.
Son discours pacifiste ne convainc pas toujours, certains lui préféreraient une solution plus radicale. Mais progressivement, il incarne un espoir pour les Noirs du monde entier, et sa notoriété prend de l’ampleur au delà des frontières nationales. En 1957, lorsque le Ghana devient indépendant, le pasteur assiste au discours du « père du panafricanisme », le Premier ministre ghanéen Kwame Nkrumah.
Deux mois après le séjour ghanéen de Luther King, une grande marche est organisée à Washington. Les manifestants célèbrent l’anniversaire -trois ans seulement- de l’abolition des lois ségrégationnistes dans l’éducation. Martin Luther King est ovationné. Sa popularité grandissant auprès du peuple noir américain, il est surveillé de près par les radicaux blancs, qui multiplient les campagnes de diffamation à son encontre. A cette époque pourtant, Martin Luther King croit encore pouvoir compter sur sa foi et sur la conscience de l’homme, blanc ou noir, pour atteindre ses objectifs.
Combattre l'immobilisme
Pour autant, il doit bien admettre que les choses ne changent pas. Ou lentement, tellement lentement. La mauvaise volonté des politiciens, si prompts à promettre, crève les yeux.
En 1960, des émeutes éclatent à Greensboro en Caroline du Nord. Des étudiants noirs ont refusé de quitter un buffet réservé aux Blancs. Cinq ans après la place de bus de Rosa Parks, la situation n’a guère évolué. Et ce malgré des centaines de discours, en dépit de rencontres avec le vice-président Nixon, ou même avec le président Eisenhower. Suit une nouvelle vague de protestation pacifique avec une nouveauté : le sit-in.
« L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut », affirmait Luther King deux ans plus tard dans une interview accordée au Wall Street Journal.
Le prix Nobel de la paix vient récompenser la foi et la persévérance du pasteur en 1964. Un honneur qui contribue à sa célébrité dans le monde entier. Dans le même temps, notamment au nord des Etats-Unis, le mouvement du Black Power, beaucoup plus radical, attire de plus en plus de déçus des actions non violentes, jugées trop conciliantes.
La désillusion guette le pasteur, qui en fréquentant les ghettos noirs qu’il méconnaît, réalise l’ampleur de la tâche. Le racisme, qu’il voulait aussi combattre dans les cœurs est institutionnalisé, il fait partie intégrante du système américain.
De la lutte des races vers la lutte des classes
Le problème dépasse le clivage Noirs-Blancs. Le pays est sous tension, agité par des émeutes raciales mais aussi sociales. Toujours dans sa logique de désobéissance civile, le pasteur, qui se penche sur problème des mal-logés, organise une grève des loyers. Il prend parti contre la guerre du Vietnam, qui concentre des moyens financiers qu’il voudrait voir utilisés à meilleur escient.
C’est à Memphis, le 4 avril, alors qu’il est venu manifester avec les éboueurs de la ville que Martin Luther King est abattu d’une balle dans le cou sur le balcon de sa chambre d’hôtel. Son assassin présumé, James Earl Ray, a avoué avant de se rétracter, il sera condamné à 99 ans de prison.
La mort du pasteur signe pour le pays la fin d’un espoir : celui d’une solution pacifiste et non violente à la ségrégation et aux discriminations dont restent victimes les Noirs américains. Son assassinat marque également le début d’une prise en main active des Noirs pour l’amélioration de leur sort.
I have a dream...
Quarante ans plus tard, l’action du pasteur reste ancrée dans l’histoire des Etats-Unis. La ségrégation est désormais illégale. L’« affirmative action » a en partie permis aux Noirs de rattraper les inégalités. Mais le jour dont Martin Luther King rêvait, celui d’un monde où « les fils d’esclaves et les fils de propriétaires d’esclaves s’assiéraient tous ensemble à la table de la fraternité » tarde à arriver. Les différentes communautés américaines sont toujours très divisées.
L’héritage de Luther King reste omniprésent dans l’histoire de son pays. Aux Etats-Unis, le 3e lundi de janvier est férié en son hommage. Des écoles, des rues et des centres portent son nom dans le monde entier.
Partout, son discours et son image sont régulièrement revisités. A l’instar de son célèbre discours « I have a dream », dans lequel le pasteur exprime son espoir d’une société égalitaire et fraternelle. Jusqu’à Nicolas Sarkozy, qui, mettant de coté ses propos sur les « racailles » d’Argenteuil, a repris quelques phrases du discours pendant sa campagne présidentielle.
Quarante ans plus tard, Barack Obama
Pour autant, on ne peut pas jouer impunément avec un tel héritage. La candidate aux primaires démocrates Hillary Clinton en a fait les frais pendant sa campagne. Elle a été accusée de minimiser l’action du pasteur en affirmant que son rêve « a commencé à se réaliser quand le président Lyndon Johnson a passé la loi sur les droits civiques en 1964. (...) Il a fallu un président pour le faire et rendre ce rêve réel dans la vie des gens ». « Condescendante », « raciste », « ignorante »... les réactions de la communauté afro-américaine ne se sont pas fait attendre. D’autant que face à elle dans la course à l’investiture, on retrouve pour la première fois un Américain métis, d’un père kenyan et d’une mère blanche américaine.
Barack Obama, à qui certains Afro-américains ont reproché de ne pas être assez noir. Quand certains Blancs s’inquiètent plutôt de l’influence de son ami et ex « confident spirituel » Jeremiah Wright. Un pasteur noir-américain, qui accuse régulièrement les autorités de racisme.
Prudent, Barack Obama, a toujours refusé d’entrer dans des polémiques de races et de couleur, et préfère miser sur son universalité. Son accession à la présidence des Etats-Unis pourrait incarner, en partie, le fameux rêve du pasteur d’Atlanta.
Martin Luther King a été abattu sur le balcon de sa chambre d’hôtel. C’était le 4 avril 1968. Quarante ans plus tard, la ségrégation est désormais abolie aux Etats-Unis. Pour autant, la discrimination et le communautarisme n’ont pas disparu.
Il avait un rêve et il en est mort. Une balle dans le cou a eu raison de ce pasteur noir américain, apôtre de la non violence, qui croyait dur comme fer en l’égalité des races. Son nom résonne aujourd’hui comme une évidence. Aux Etats-Unis comme dans le monde, Martin Luther King reste celui qui a su faire avancer les droits civiques de son pays. Celui qui a refusé d’utiliser la violence, qui croyait sincèrement établir une égalité raciale en faisant appel à la conscience des hommes.
Dans l’imaginaire collectif, il est devenu l’homme de la réconciliation. A l’époque, Luther King était perçu comme un fauteur de troubles, voire un activiste potentiellement dangereux plus que comme une icône pacifiste.
Cet ancien étudiant en sociologie puis en théologie, né à Atlanta quelques mois avant le krach boursier de 1929 est devenu pasteur, comme son père et son grand-père. Il commence par officier à Montgomery dans l’Alabama. Un état frontalier de la Géorgie, fervent partisan du maintien de la ségrégation raciale aux Etats-Unis.
Autant dire qu’en 1954, Montgomery n’est pas l’endroit rêvé pour un jeune couple afro-américain qui cherche à s’installer. Encore moins quand on a envie, comme Martin Luther King, de changer la donne. Bien qu’ayant grandi dans un environnement plutôt aisé, très éloigné des ghettos misérables où vivaient alors de nombreux Noirs américains, impossible pour le pasteur, qui arrivait d’un Etat voisin où les Noirs n’étaient pas mieux lotis, de rester insensible à leur sort.
Rosa Parks, l'étincelle
1955. Une Afro-américaine Rosa Parks, se prend une amende pour avoir refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery. S’ensuit un mouvement de protestation et de solidarité jamais vu chez les Noirs de la ville. Leur boycott de la société de transports a duré plus d’un an. Jusqu’à ce que la compagnie frôle la faillite, et que la Cour suprême déclare anticonstitutionnelles les lois ségrégationnistes dans les bus.
Martin Luther King, alors âgé de 26 ans, devient vite le leader de ce mouvement de protestation. Avec le succès de cette opération, il s’impose comme le chef de file de la résistance sur le plan national. Charismatique et élégant, avec ses joues rondes et sa fine moustache, le pasteur ne se démet jamais de sa philosophie non violente. Il prononce des centaines de discours devant des foules d’Afro-américains, mais aussi de certains Blancs qui soutiennent son combat.
Son discours pacifiste ne convainc pas toujours, certains lui préféreraient une solution plus radicale. Mais progressivement, il incarne un espoir pour les Noirs du monde entier, et sa notoriété prend de l’ampleur au delà des frontières nationales. En 1957, lorsque le Ghana devient indépendant, le pasteur assiste au discours du « père du panafricanisme », le Premier ministre ghanéen Kwame Nkrumah.
Deux mois après le séjour ghanéen de Luther King, une grande marche est organisée à Washington. Les manifestants célèbrent l’anniversaire -trois ans seulement- de l’abolition des lois ségrégationnistes dans l’éducation. Martin Luther King est ovationné. Sa popularité grandissant auprès du peuple noir américain, il est surveillé de près par les radicaux blancs, qui multiplient les campagnes de diffamation à son encontre. A cette époque pourtant, Martin Luther King croit encore pouvoir compter sur sa foi et sur la conscience de l’homme, blanc ou noir, pour atteindre ses objectifs.
Combattre l'immobilisme
Pour autant, il doit bien admettre que les choses ne changent pas. Ou lentement, tellement lentement. La mauvaise volonté des politiciens, si prompts à promettre, crève les yeux.
En 1960, des émeutes éclatent à Greensboro en Caroline du Nord. Des étudiants noirs ont refusé de quitter un buffet réservé aux Blancs. Cinq ans après la place de bus de Rosa Parks, la situation n’a guère évolué. Et ce malgré des centaines de discours, en dépit de rencontres avec le vice-président Nixon, ou même avec le président Eisenhower. Suit une nouvelle vague de protestation pacifique avec une nouveauté : le sit-in.
« L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut », affirmait Luther King deux ans plus tard dans une interview accordée au Wall Street Journal.
Le prix Nobel de la paix vient récompenser la foi et la persévérance du pasteur en 1964. Un honneur qui contribue à sa célébrité dans le monde entier. Dans le même temps, notamment au nord des Etats-Unis, le mouvement du Black Power, beaucoup plus radical, attire de plus en plus de déçus des actions non violentes, jugées trop conciliantes.
La désillusion guette le pasteur, qui en fréquentant les ghettos noirs qu’il méconnaît, réalise l’ampleur de la tâche. Le racisme, qu’il voulait aussi combattre dans les cœurs est institutionnalisé, il fait partie intégrante du système américain.
De la lutte des races vers la lutte des classes
Le problème dépasse le clivage Noirs-Blancs. Le pays est sous tension, agité par des émeutes raciales mais aussi sociales. Toujours dans sa logique de désobéissance civile, le pasteur, qui se penche sur problème des mal-logés, organise une grève des loyers. Il prend parti contre la guerre du Vietnam, qui concentre des moyens financiers qu’il voudrait voir utilisés à meilleur escient.
C’est à Memphis, le 4 avril, alors qu’il est venu manifester avec les éboueurs de la ville que Martin Luther King est abattu d’une balle dans le cou sur le balcon de sa chambre d’hôtel. Son assassin présumé, James Earl Ray, a avoué avant de se rétracter, il sera condamné à 99 ans de prison.
La mort du pasteur signe pour le pays la fin d’un espoir : celui d’une solution pacifiste et non violente à la ségrégation et aux discriminations dont restent victimes les Noirs américains. Son assassinat marque également le début d’une prise en main active des Noirs pour l’amélioration de leur sort.
I have a dream...
Quarante ans plus tard, l’action du pasteur reste ancrée dans l’histoire des Etats-Unis. La ségrégation est désormais illégale. L’« affirmative action » a en partie permis aux Noirs de rattraper les inégalités. Mais le jour dont Martin Luther King rêvait, celui d’un monde où « les fils d’esclaves et les fils de propriétaires d’esclaves s’assiéraient tous ensemble à la table de la fraternité » tarde à arriver. Les différentes communautés américaines sont toujours très divisées.
L’héritage de Luther King reste omniprésent dans l’histoire de son pays. Aux Etats-Unis, le 3e lundi de janvier est férié en son hommage. Des écoles, des rues et des centres portent son nom dans le monde entier.
Partout, son discours et son image sont régulièrement revisités. A l’instar de son célèbre discours « I have a dream », dans lequel le pasteur exprime son espoir d’une société égalitaire et fraternelle. Jusqu’à Nicolas Sarkozy, qui, mettant de coté ses propos sur les « racailles » d’Argenteuil, a repris quelques phrases du discours pendant sa campagne présidentielle.
Quarante ans plus tard, Barack Obama
Pour autant, on ne peut pas jouer impunément avec un tel héritage. La candidate aux primaires démocrates Hillary Clinton en a fait les frais pendant sa campagne. Elle a été accusée de minimiser l’action du pasteur en affirmant que son rêve « a commencé à se réaliser quand le président Lyndon Johnson a passé la loi sur les droits civiques en 1964. (...) Il a fallu un président pour le faire et rendre ce rêve réel dans la vie des gens ». « Condescendante », « raciste », « ignorante »... les réactions de la communauté afro-américaine ne se sont pas fait attendre. D’autant que face à elle dans la course à l’investiture, on retrouve pour la première fois un Américain métis, d’un père kenyan et d’une mère blanche américaine.
Barack Obama, à qui certains Afro-américains ont reproché de ne pas être assez noir. Quand certains Blancs s’inquiètent plutôt de l’influence de son ami et ex « confident spirituel » Jeremiah Wright. Un pasteur noir-américain, qui accuse régulièrement les autorités de racisme.
Prudent, Barack Obama, a toujours refusé d’entrer dans des polémiques de races et de couleur, et préfère miser sur son universalité. Son accession à la présidence des Etats-Unis pourrait incarner, en partie, le fameux rêve du pasteur d’Atlanta.
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