Pourquoi le Maroc s’acharne-t-il
Par A. Alouache La perspective de l’ouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc continue d’alimenter et de produire, de part et d’autre, des polémiques et des questionnements chez les dirigeants politiques des deux pays.
Aux appels directs et incessants des responsables marocains de lever cet obstacle majeur, Alger répond que le problème ne se situe pas seulement au niveau de la simple réouverture des frontières, mais il s’agit d’une question qui mérite vraiment un tour d’horizon à la faveur des dernières évolutions survenues dans la région, plus particulièrement au Sahel où le terrorisme international tente de s’implanter avec tout son lot de «désagréments sécuritaires». En outre, la dernière déclaration du porte-parole du FLN, Saïd Bouhadja, vient de surprendre plus d’un observateur en affirmant, à un journal arabophone, que son parti «est favorable à la réouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc». Il a, bien entendu, tenté de défendre le point de vue de son parti en expliquant qu’en tant que parti politique, «nous souhaitons la réouverture des frontières car il ne devrait pas y avoir de frontières entres les Etats maghrébins et nous aspirons à l’union des peuples maghrébins». Selon ce responsable, «il revient aux dirigeants des pays maghrébins d’œuvrer en faveur du règlement des questions en suspens en vue de répondre aux aspirations des partis maghrébins pour la concrétisation du Maghreb, dont l’édification est basée sur l’union des peuples». Il a également annoncé que le FLN a reçu une invitation de la part du parti l’Istiqlal pour participer à une conférence et qu’il y sera représenté par une délégation de haut rang. «Cette rencontre qui regroupera des partis maghrébins sera une occasion pour la réactivation du projet du Maghreb», a-t-il ajouté, précisant que ces «formations politiques ont toujours été animées de l’esprit de l’Union du Maghreb». Si la fermeture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc a été décidée par Alger, celle-ci est toutefois venue en réponse à l’instauration d’une façon unilatérale de la part du Maroc d’un visa d’entrée aux Algériens. L’escalade a pris de l’ampleur quand le gouvernement marocain a accusé des Algériens de se livrer à des actes de violences sur son territoire lors de l’assassinat de deux touristes espagnols dans le casse d’un hôtel à Marakech.
Le Maroc a aussitôt fait porter toute la responsabilité à l’Algérie et annoncé l’obligation immédiate de visa pour les Algériens.
Alger a répondu, dans un premier temps, par la réciprocité. Mais, très vite, les choses se sont aggravées compte tenu de l’attitude des autorités marocaines. L’ambassade d’Algérie à Rabat a signalé les cas de dizaines d’Algériens mis à la porte des hôtels et priés de regagner immédiatement leur pays, tandis que des centaines d’autres affirmaient avoir été brutalisés par les policiers. Une centaines de ressortissants algériens qui devaient regagner la France en transitant par le Maroc et l’Espagne étaient également bloqués à la frontière du Maroc.
A Alger, le chargé d’affaires de l’ambassade du Maroc a été convoqué par le ministère des Affaires étrangères qui lui a fait part «des préoccupations de l’Etat algérien à l’égard des agissements des agents de l’ordre marocains vis-à-vis des citoyens Algériens résidents au Maroc».
Depuis, les Marocains ont révisé leur position en supprimant définitivement le visa d’entrée, espérant par là que les Algériens fassent preuve de réalisme en pratiquant le principe de la réciprocité.
Des dizaines de milliers d’Algériens se rendaient annuellement au Maroc pour des séjours touristiques, depuis 1988, date de la réouverture de la frontière algéro-marocaine, après une dizaine d’années de fermeture en raison de la tension provoquée dans les relations entre Alger et Rabat par le conflit du Sahara occidental. Depuis quelques années, le régime alaouite exerce une pression terrible afin d’amener Alger à rouvrir sa frontière terrestre.
«La vraie raison est purement mercantile»
Depuis quand les Marocains ont-ils commencé à lorgner Alger ? Depuis quand ces voisins de l’Ouest se font-ils de plus en plus insistants pour l’ouverture de la frontière terrestre ? S’interroge une de nos source qui ajoute que «la vraie raison de cette sollicitation est purement mercantile» parce que, depuis 1994, ce pays n’a jamais cherché à normaliser ses relations avec l’Algérie ou, du moins, à atténuer ses critiques acerbes émises à longueur d’années par les médias de Sa Majesté. En réalité, les Marocains ont commencé à «manifester leur intérêt» pour l’Algérie depuis peu : c’est-à-dire depuis que le prix du baril du pétrole a commencé à grimper au début des années 2000, a tenu à ajouter notre source. En effet, et avec le prix du baril qui a connu plusieurs hausses successives, l’Algérie a réussi à engranger des recettes supplémentaires qui font aujourd’hui saliver les hommes d’affaires marocains et les politiques de ce pays. Cette énorme manne financière (plus de 150 milliards de dollars) ne laisse pas «indifférents» les Marocains qui veulent partager eux aussi ce gâteau. En espérant une réponse positive du côté algérien, les Marocains sont sûrs aujourd’hui de pouvoir «capter» les millions d’Algériens qui partent chaque année passer leurs vacances en Tunisie. Tout a été fait du côté marocain, en effet, pour accueillir ces milliers de touristes algériens et rien n’a été laissé au hasard, selon un observateur qui ajoute que le Maroc est prêt à déployer le tapis rouge pour le touriste algérien. De grandes infrastructures touristiques ont été même construites en bordure de la frontière terrestre. C’est dire que cet intérêt soudain pour la réouverture des frontières n’obéit pas uniquement à ce sacro-saint principe de stabilité et d’unité du Maghreb, comme tentent de le faire croire les officiels marocains. Le Maroc continue de croire pourtant à une possible réouverture des frontières. En réponse au non ferme et précis du ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, le ministre marocain, Fassi Fihri, a affirmé que le royaume «attend qu’Alger fasse preuve de bonne foi et de volonté politique». Il a rappelé que le Maroc avait déjà pris des initiatives similaires dans ce sens, citant notamment la décision du Maroc d’annuler le visa d’entrée pour les Algériens. Le ministre a exprimé son «regret» que l’Algérie campe toujours sur ses positions et «refuse de s’engager» dans un dialogue direct et franc pour la normalisation des relations bilatérales, la construction du Maghreb et le règlement de la question du Sahara occidental.
Il a ajouté que l’Algérie «n’a pas répondu aux nombreux appels» du Maroc dans ce sens, sans toutefois fournir de justification pour cette position.
A l’inverse, Yazid Zerhouni avait rappelé aux dirigeants de ce pays que le problème de la circulation (des biens et des personnes) aux frontières (entre l’Algérie et le Maroc) «ne peut être dissocié d’une approche globale de ce que nous voulons faire de notre Maghreb». Si le Maroc y voit dans cette fermeture de la frontière «un fait singulier et exceptionnel dans le monde», il refuse catégoriquement de présenter ses excuses officielles, partant du principe que la décision prise en 1994 par Driss Basri, décédé il y a un an, était une «erreur stratégique». A. A.
Par A. Alouache La perspective de l’ouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc continue d’alimenter et de produire, de part et d’autre, des polémiques et des questionnements chez les dirigeants politiques des deux pays.
Aux appels directs et incessants des responsables marocains de lever cet obstacle majeur, Alger répond que le problème ne se situe pas seulement au niveau de la simple réouverture des frontières, mais il s’agit d’une question qui mérite vraiment un tour d’horizon à la faveur des dernières évolutions survenues dans la région, plus particulièrement au Sahel où le terrorisme international tente de s’implanter avec tout son lot de «désagréments sécuritaires». En outre, la dernière déclaration du porte-parole du FLN, Saïd Bouhadja, vient de surprendre plus d’un observateur en affirmant, à un journal arabophone, que son parti «est favorable à la réouverture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc». Il a, bien entendu, tenté de défendre le point de vue de son parti en expliquant qu’en tant que parti politique, «nous souhaitons la réouverture des frontières car il ne devrait pas y avoir de frontières entres les Etats maghrébins et nous aspirons à l’union des peuples maghrébins». Selon ce responsable, «il revient aux dirigeants des pays maghrébins d’œuvrer en faveur du règlement des questions en suspens en vue de répondre aux aspirations des partis maghrébins pour la concrétisation du Maghreb, dont l’édification est basée sur l’union des peuples». Il a également annoncé que le FLN a reçu une invitation de la part du parti l’Istiqlal pour participer à une conférence et qu’il y sera représenté par une délégation de haut rang. «Cette rencontre qui regroupera des partis maghrébins sera une occasion pour la réactivation du projet du Maghreb», a-t-il ajouté, précisant que ces «formations politiques ont toujours été animées de l’esprit de l’Union du Maghreb». Si la fermeture de la frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc a été décidée par Alger, celle-ci est toutefois venue en réponse à l’instauration d’une façon unilatérale de la part du Maroc d’un visa d’entrée aux Algériens. L’escalade a pris de l’ampleur quand le gouvernement marocain a accusé des Algériens de se livrer à des actes de violences sur son territoire lors de l’assassinat de deux touristes espagnols dans le casse d’un hôtel à Marakech.
Le Maroc a aussitôt fait porter toute la responsabilité à l’Algérie et annoncé l’obligation immédiate de visa pour les Algériens.
Alger a répondu, dans un premier temps, par la réciprocité. Mais, très vite, les choses se sont aggravées compte tenu de l’attitude des autorités marocaines. L’ambassade d’Algérie à Rabat a signalé les cas de dizaines d’Algériens mis à la porte des hôtels et priés de regagner immédiatement leur pays, tandis que des centaines d’autres affirmaient avoir été brutalisés par les policiers. Une centaines de ressortissants algériens qui devaient regagner la France en transitant par le Maroc et l’Espagne étaient également bloqués à la frontière du Maroc.
A Alger, le chargé d’affaires de l’ambassade du Maroc a été convoqué par le ministère des Affaires étrangères qui lui a fait part «des préoccupations de l’Etat algérien à l’égard des agissements des agents de l’ordre marocains vis-à-vis des citoyens Algériens résidents au Maroc».
Depuis, les Marocains ont révisé leur position en supprimant définitivement le visa d’entrée, espérant par là que les Algériens fassent preuve de réalisme en pratiquant le principe de la réciprocité.
Des dizaines de milliers d’Algériens se rendaient annuellement au Maroc pour des séjours touristiques, depuis 1988, date de la réouverture de la frontière algéro-marocaine, après une dizaine d’années de fermeture en raison de la tension provoquée dans les relations entre Alger et Rabat par le conflit du Sahara occidental. Depuis quelques années, le régime alaouite exerce une pression terrible afin d’amener Alger à rouvrir sa frontière terrestre.
«La vraie raison est purement mercantile»
Depuis quand les Marocains ont-ils commencé à lorgner Alger ? Depuis quand ces voisins de l’Ouest se font-ils de plus en plus insistants pour l’ouverture de la frontière terrestre ? S’interroge une de nos source qui ajoute que «la vraie raison de cette sollicitation est purement mercantile» parce que, depuis 1994, ce pays n’a jamais cherché à normaliser ses relations avec l’Algérie ou, du moins, à atténuer ses critiques acerbes émises à longueur d’années par les médias de Sa Majesté. En réalité, les Marocains ont commencé à «manifester leur intérêt» pour l’Algérie depuis peu : c’est-à-dire depuis que le prix du baril du pétrole a commencé à grimper au début des années 2000, a tenu à ajouter notre source. En effet, et avec le prix du baril qui a connu plusieurs hausses successives, l’Algérie a réussi à engranger des recettes supplémentaires qui font aujourd’hui saliver les hommes d’affaires marocains et les politiques de ce pays. Cette énorme manne financière (plus de 150 milliards de dollars) ne laisse pas «indifférents» les Marocains qui veulent partager eux aussi ce gâteau. En espérant une réponse positive du côté algérien, les Marocains sont sûrs aujourd’hui de pouvoir «capter» les millions d’Algériens qui partent chaque année passer leurs vacances en Tunisie. Tout a été fait du côté marocain, en effet, pour accueillir ces milliers de touristes algériens et rien n’a été laissé au hasard, selon un observateur qui ajoute que le Maroc est prêt à déployer le tapis rouge pour le touriste algérien. De grandes infrastructures touristiques ont été même construites en bordure de la frontière terrestre. C’est dire que cet intérêt soudain pour la réouverture des frontières n’obéit pas uniquement à ce sacro-saint principe de stabilité et d’unité du Maghreb, comme tentent de le faire croire les officiels marocains. Le Maroc continue de croire pourtant à une possible réouverture des frontières. En réponse au non ferme et précis du ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, le ministre marocain, Fassi Fihri, a affirmé que le royaume «attend qu’Alger fasse preuve de bonne foi et de volonté politique». Il a rappelé que le Maroc avait déjà pris des initiatives similaires dans ce sens, citant notamment la décision du Maroc d’annuler le visa d’entrée pour les Algériens. Le ministre a exprimé son «regret» que l’Algérie campe toujours sur ses positions et «refuse de s’engager» dans un dialogue direct et franc pour la normalisation des relations bilatérales, la construction du Maghreb et le règlement de la question du Sahara occidental.
Il a ajouté que l’Algérie «n’a pas répondu aux nombreux appels» du Maroc dans ce sens, sans toutefois fournir de justification pour cette position.
A l’inverse, Yazid Zerhouni avait rappelé aux dirigeants de ce pays que le problème de la circulation (des biens et des personnes) aux frontières (entre l’Algérie et le Maroc) «ne peut être dissocié d’une approche globale de ce que nous voulons faire de notre Maghreb». Si le Maroc y voit dans cette fermeture de la frontière «un fait singulier et exceptionnel dans le monde», il refuse catégoriquement de présenter ses excuses officielles, partant du principe que la décision prise en 1994 par Driss Basri, décédé il y a un an, était une «erreur stratégique». A. A.
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