Manque de personnel, hôpitaux vétustes… Au Maroc, la santé publique dans un état critique
Face à un manque de moyens croissant, plus de 300 médecins ont démissionné dans le nord du Maroc. Beaucoup partent dans le privé ou à l’étranger.
Une manifestation de médecins à Rabat. Ils ne croient pas au Plan santé promis par l’État.
Ouest-FranceDe notre correspondant à Tanger, Abdeslam KADIRIPublié le 30/05/2019 à 21h32
À l’hôpital public Mohammed V, le quotidien est désolant. Des dizaines de patients attendent des rendez-vous improbables, dans des locaux dégradés, certains à même le sol.
Médecins et infirmiers sont dépassés. « Nous manquons de personnel, de matériel… Ici, un médecin fait le travail de cinq ou six personnes », s’indigne Choukri Mesrar, chirurgien pédiatrique.
Les gilets noirs
La santé publique va mal au Maroc. Très mal. Une grève nationale a secoué le pays. Les manifestations de soignants, revêtus de gilets noirs en signe de deuil, se succèdent. « Ce ras-le-bol, qui touche toutes les régions, remonte à 2003. Jusqu’ici, nos manifestations étaient sporadiques. Depuis trois ans, elles sont permanentes car le gouvernement est sourd à nos revendications. Nous avons inventé les gilets noirs, bien avant les gilets jaunes en France ! » ironise El Montadar Alaoui, secrétaire général du syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP).
Il y a un mois, 305 médecins du nord du royaume ont annoncé leur démission collective. Dans une lettre adressée à leur ministère, ils pointaient la « situation catastrophique », qui ne répond « ni aux attentes des citoyens ni à leur droit d’accès aux soins ». Le gouvernement a refusé ces démissions en bloc, qu’il considère illégales.
6 médecins pour 10 000 habitants
Avec 6,2 médecins pour 10 000 habitants, le Maroc est loin des objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la santé (15 pour 10 000). Mortalité infantile élevée, tuberculose… Les voyants sont au rouge. La faute à un sous-investissement chronique : la santé au Maroc, c’est 5,5 % du PIB, deux fois moins qu’en France.
« La situation est grave : on trouve quelquefois un seul réanimateur dans toute une province… Dans le grand Tanger, nous ne bénéficions que d’une seule et unique salle d’opération », reprend Choukri Mesrar. « Le personnel soignant est pris à partie par les citoyens. Il y a des violences physiques, des agressions », regrette El Montadar Alaoui.
Le Plan santé promis par l’État d’ici à 2025 suscite forcément des doutes. Les médecins du public réclament dès à présent une revalorisation de leurs salaires, plafonnés à 1 700 € mensuels après douze ans d’études. « Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’ils ne songent pas à démissionner pour filer dans le privé ou à l’étranger ? » constate, amer, Choukri Mesrar.
Manque de personnel, hôpitaux vétustes… Au Maroc, la santé publique dans un état critique
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