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Maroc : 10 ans après, les chantiers de la "révolution silencieuse" de 2011 se poursuivent

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  • Maroc : 10 ans après, les chantiers de la "révolution silencieuse" de 2011 se poursuivent

    Agence Ecofin) - Le 8 septembre prochain le Maroc s’apprête à renouveler ses élus locaux et son parlement. Après la révision constitutionnelle de 2011, l’heure est au bilan concernant les acquis et l’état actuel du processus de démocratisation et d’inclusion mis en place depuis 10 ans.

    Sur le plan politique, les prochaines élections générales consacrent pour la troisième fois consécutive l’exception de la situation marocaine dans le paysage post printemps arabe. Contrairement à d’autres pays du Maghreb où les contestations ont déstabilisé des régimes, la révolution marocaine, bien moins violente, a plutôt abouti à un nouveau système de monarchie constitutionnelle, équilibrant plus ou moins le pouvoir entre le peuple, le roi et le gouvernement.

    Dans sa thèse sur le processus de démocratisation et la monarchie constitutionnelle au Maroc, Hynd Saidi Azbeg indique : « A la différence de la Tunisie et de l’Egypte, le régime marocain a toujours su montrer sa capacité d’adaptation avec le contexte politique qu’il soit national ou international pour éviter toute dérive afin de garantir la sécurité du pays » Et d’ajouter : « C’est dans ce sens que le Roi Mohammed VI a annoncé le 9 mars 2011 une réforme constitutionnelle, alors que les révolutions tunisiennes et égyptiennes plus menaçantes que les manifestations au Maroc n’avaient pas abouti à une telle décision ».

    Des institutions étatiques renforcées

    Néanmoins, il faut préciser que dès le départ, la version marocaine de la révolution du jasmin n’a jamais remis en cause le caractère monarchique de l’Etat. L’objectif était plutôt de passer d’une monarchie absolue à un système de monarchie constitutionnelle comme l’avait d’ailleurs entrepris le roi Mohammed VI lui-même depuis son arrivée au pouvoir, en 1999.

    « Il ne s’agit pas de passer d’un régime politique à un autre puisque le Roi reste omniprésent dans le système politique, mais d’intégrer des principes démocratiques dans le régime en place […] il s’agit plus d’une mutation de l’ordre constitutionnel en place mais certainement pas de sa rupture » indique Hynd Saidi Azbeg. Dans le sillage des mouvements de pression qui ont progressivement façonné l’Etat marocain, la société civile réunie au sein du mouvement dit du « 20 février » a ainsi obtenu la rédaction d’une nouvelle constitution, la cinquième du pays, qui consacre de nouvelles réformes démocratisant la structure de l’Etat.

    En plus d’être désormais issu du parti ayant remporté la majorité lors des législatives, le chef du gouvernement, a désormais la possibilité de dissoudre la chambre basse du parlement et de nommer certains hauts fonctionnaires ; des prérogatives jusque-là concentrées dans les mains du roi. Désormais, la politique générale de l’Etat est délibérée par le conseil de gouvernement, et les domaines de compétence du parlement ont été considérablement élargis, renforçant ainsi son rôle de contre-pouvoir. A cela s’ajoute une consécration de l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’exécutif, avec notamment la mise en place d’un ministère public.

    Ces réformes confirment la réduction du pouvoir royal, le principe de sacralité du souverain étant dès lors remplacé par un principe d’inviolabilité et de respect, avec une distinction entre ses prérogatives religieuses, et son pouvoir temporel.

    Ainsi, bien que Mohammed VI conserve un rôle de premier plan dans le secteur politique, gardant notamment ses prérogatives pour la gestion des affaires étrangères et de la défense, il concède une marge de manœuvre importante au parlement et au gouvernement dont le chef forme désormais avec lui un quasi-duo à la tête du pays.

    Réaffirmation du pluralisme identitaire

    En dehors de l’aspect politique, la nouvelle constitution marocaine de 2011 a eu un véritable impact sociétal. En effet, elle consacre le pluralisme identitaire du pays et accorde une place plus importante aux différents groupes qui composent sa mosaïque culturelle.

    Preuve de cette ambition portée non seulement par le pouvoir royal mais également par le peuple marocain, la nouvelle constitution consacre la langue Amazigh comme une langue officielle de l’Etat, parachevant une lutte vieille de plusieurs années. Fait inédit dans un pays arabe, la nouvelle loi fondamentale ira jusqu’à reconnaître la composante juive du Maroc, notamment dans son préambule qui souligne que l’unité du royaume « forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ».

    Cette consécration du pluralisme identitaire du royaume chérifien offre une base solide pour un renforcement du pluralisme politique, à travers une meilleure représentativité des différents groupes socio-culturels voire religieux dans les partis. D’ailleurs, le cas du Parti de la Justice et du Développement (PJD) d’idéologie islamiste, majoritaire au parlement depuis 10 ans dans un pays où l’islamisme a d’abord été opposé au pouvoir royal, semble confirmer cette thèse.

    Un équilibre limité ?

    La révision constitutionnelle de 2011 a pour elle d’avoir réussi à instaurer un relatif équilibre entre le pouvoir traditionnel du roi et le pouvoir public moderne, symbolisé par un gouvernement et un parlement aux pouvoir publics renforcés. Impulsé dans le sillage de l’ouverture démocratique lente mais certaine du pouvoir royal, entamé sous le règne du roi Hassan II et dans un contexte de manifestations populaires, ce changement est à juste titre considéré comme l’une des réformes majeures du roi Mohamed VI.

    Mais après trois élections, ce nouveau système a-t-il enfin assis sa pérennité ? Rien n’est moins sûr, comme en témoigne d’ailleurs l’histoire politique marocaine depuis l’avènement de la monarchie. A ce jour, le pays a déjà connu cinq changements constitutionnels, preuve que le pouvoir royal marocain a été obligé au fil des ans de s’adapter aux évolutions de son temps pour se maintenir.

    Les élections du 8 septembre, bien que s’inscrivant dans la droite ligne de la constitution de 2011, pourraient n’être qu’un prélude à une nouvelle révolution politique par les urnes. L’ouverture démocratique qui impose une pluralité d’opinion pourrait ainsi aboutir à l’arrivée au pouvoir d’idéologies réclamant toujours plus de changement, qu’elles soient influencées par un islam conservateur ou par d’autres courant culturels ou idéologiques. Quoi qu’il soit, il semble évident qu’à ce moment-là, Mohammed VI ou son successeur devront encore une fois essayer de trouver le juste milieu entre un système monarchique ancré dans la tradition, et un modernisme en perpétuel évolution.

    Moutiou Adjibi Nourou
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