Autour du livre Le Roi prédateur de Catherine Graciet et d’Eric Laurent sur le roi du Maroc. Il ne s’agit pas ici de faire une synthèse de l’analyse des auteurs mais d’en faire une lecture politique et militante à partir d’une grille d’analyse critique.
Au préalable, il est important de noter que la monarchie marocaine n’est pas qu’une forme de régime politique autoritaire mais aussi le noyau dur de la classe dominante locale, sa fraction principale, hégémonique dont le fondement repose sur la logique de prédation.
Le fonctionnement du système
1) Un des mécanismes essentiels de la prédation repose sur l’usage des ressources et finances publiques à des fins d’accumulation privé : au-delà du financement spécifique consacré aux dépenses royales (entretien des palais, frais de déplacement, pensions et salaires royaux…) dont le coût est exorbitant, ce qui est essentiel est l’étendue du « transfert de valeur » et de moyens publics pour assoir une rente monopolistique dans les secteurs stratégiques de l’économie. La prédation repose sur un usage patrimonial de l’Etat et de l’espace public considérés comme une propriété privée. Cet élément est important. L’état n’est pas seulement l’appareil institutionnel, politique et matériel, d’organisation des rapports de domination, il est le socle par lequel s’organise l’accumulation par la prédation. D’une certaine manière, Mohamed 6 peut dire que « l’Etat c’est moi », l’Etat pris ici dans un double sens, celui de l’espace territorial où s’exerce la logique économique des classes dominantes et forme d’organisation concrète des relations politiques et matérielles de pouvoir entre les forces sociales.
Les auteurs notent que « L’Etat marocain est la vache à lait de la monarchie » et « puisque les deniers publics financent la monarchie, autant en profiter davantage pour enrichir davantage le roi sur le dos de l’Etat ». La logique mise en œuvre induit en réalité un rapport particulier à l’économie réelle. L’état n’est pas seulement une superstructure politique au-dessus du fonctionnement concret de l’économie capitaliste dépendante, il est au cœur de la production et reproduction du processus d’accumulation par la prédation. D’une part, les ministères de souveraineté qui consacrent l’absolutisme politique ont leurs correspondants économiques : le roi a le contrôle direct, stratégique sur les institutions publiques, financières et économiques. Tout comme les politiques publiques intègrent l’agenda spécifique des « entreprises royales » au niveau sectoriel et global.
2) A cette usage patrimonial de l’Etat capitaliste dépendant (ce que ne met pas en valeur le concept d’Etat makhzen) se combine une domination économique très étendue dans la sphère privée. L’articulation est la suivante : le processus de privatisation a permis l’émergence de monopoles privés liés directement ou indirectement aux intérêts de la famille royale. L’ONA/SNI en est la colonne vertébrale. Mais là encore, il ne s’agit pas de deux sphères séparés : les politiques publiques, au travers de la fiscalité, la règlementation économique, l’octroi de prêts bancaires, la mise à disposition du foncier, l’ouvertures de marchés, les commandes publiques, participent pleinement à l’expansion du capital royal privé. Mais ça va plus loin : la fonction même du secteur public au sens large est non seulement d’assurer l’accumulation privée de la famille régnante mais d’assurer des taux de profits exceptionnels.
Nous retiendrons deux exemples : la pratique généralisée de la surfacturation bien au-delà des prix de production et la sous facturation qui permet le racket légal et de comprimer les couts de production, auquel se combine un système de subventions taillés sur mesure.( cas par exemple de la COSUMAR ). Ou encore la fonction érigée comme norme de fonctionnement qui consiste à « socialiser les pertes » des entreprises royales. L’usage de la CDG ou la manière dont été réparées les pertes financières suite à des investissements douteux au club med ou dans l’OCP illustre ce dernier propos.
3) Le troisième élément qui fait système dans cette économie de la prédation tient à son articulation à la mondialisation capitaliste. Cet aspect est souvent méconnu et généralement peu analysé. Au-delà des aides financières et des investissements directs étrangers, les accords de libre-échange avec l’UE ont influé sur la dynamique d’accumulation du capital local en général et du capital royal en particulier. A plusieurs niveaux : en développant la libéralisation financière et partant les formes de spéculations boursière (Adoha) , en ouvrant de nouveaux marchés taillés sur mesure aux exigences du capital international mais aussi local (de Tanger med au TGV) , en ficelant des accords d’exportation taillés là aussi sur mesure, au bénéfice de l’agrobusiness européen mais aussi des domaines royaux. Le secteur même de l’éolien (Nareva) est contenu dans les accords types de l’Union pour la méditerranée (UPM) dans son volet énergétique. Cette mise à niveau permet en réalité de drainer les flux financiers accordés dans le cadre des programme MEDA et autres fonds publics ou privés. A partir de 2007, le Maroc a bénéficié du nouvel Instrument Européen de Voisinage et de Partenariat (IEVP) servant essentiellement à la rénovation des équipements hydrauliques, à la construction de tronçon d’autoroutes et l’extension du réseau routier, pour le démarrage du chantier du deuxième port à Tanger, à la reforme de l’administration publique.
Les politiques publiques d’investissement sont devenus largement tributaires des mécanismes de financement européens et ces mêmes projets dans le cadre de contrats publics-privé ; visent essentiellement à renforcer ou créer les infrastructures nécessaires au développement des capitaux étrangers et à la circulation des marchandises. Dans le cadre des accords de libre-échange, les aides ont visé la promotion des investissements privés : octroi d’aide aux promoteurs immobiliers pour l’acquisition de terrains dans des zones touristiques, création et réhabilitation de parcs industriels et plus largement soutien à ce qui est décrit, par les liberaux, comme étant les « métiers mondiaux » du Maroc.
Au préalable, il est important de noter que la monarchie marocaine n’est pas qu’une forme de régime politique autoritaire mais aussi le noyau dur de la classe dominante locale, sa fraction principale, hégémonique dont le fondement repose sur la logique de prédation.
Le fonctionnement du système
1) Un des mécanismes essentiels de la prédation repose sur l’usage des ressources et finances publiques à des fins d’accumulation privé : au-delà du financement spécifique consacré aux dépenses royales (entretien des palais, frais de déplacement, pensions et salaires royaux…) dont le coût est exorbitant, ce qui est essentiel est l’étendue du « transfert de valeur » et de moyens publics pour assoir une rente monopolistique dans les secteurs stratégiques de l’économie. La prédation repose sur un usage patrimonial de l’Etat et de l’espace public considérés comme une propriété privée. Cet élément est important. L’état n’est pas seulement l’appareil institutionnel, politique et matériel, d’organisation des rapports de domination, il est le socle par lequel s’organise l’accumulation par la prédation. D’une certaine manière, Mohamed 6 peut dire que « l’Etat c’est moi », l’Etat pris ici dans un double sens, celui de l’espace territorial où s’exerce la logique économique des classes dominantes et forme d’organisation concrète des relations politiques et matérielles de pouvoir entre les forces sociales.
Les auteurs notent que « L’Etat marocain est la vache à lait de la monarchie » et « puisque les deniers publics financent la monarchie, autant en profiter davantage pour enrichir davantage le roi sur le dos de l’Etat ». La logique mise en œuvre induit en réalité un rapport particulier à l’économie réelle. L’état n’est pas seulement une superstructure politique au-dessus du fonctionnement concret de l’économie capitaliste dépendante, il est au cœur de la production et reproduction du processus d’accumulation par la prédation. D’une part, les ministères de souveraineté qui consacrent l’absolutisme politique ont leurs correspondants économiques : le roi a le contrôle direct, stratégique sur les institutions publiques, financières et économiques. Tout comme les politiques publiques intègrent l’agenda spécifique des « entreprises royales » au niveau sectoriel et global.
2) A cette usage patrimonial de l’Etat capitaliste dépendant (ce que ne met pas en valeur le concept d’Etat makhzen) se combine une domination économique très étendue dans la sphère privée. L’articulation est la suivante : le processus de privatisation a permis l’émergence de monopoles privés liés directement ou indirectement aux intérêts de la famille royale. L’ONA/SNI en est la colonne vertébrale. Mais là encore, il ne s’agit pas de deux sphères séparés : les politiques publiques, au travers de la fiscalité, la règlementation économique, l’octroi de prêts bancaires, la mise à disposition du foncier, l’ouvertures de marchés, les commandes publiques, participent pleinement à l’expansion du capital royal privé. Mais ça va plus loin : la fonction même du secteur public au sens large est non seulement d’assurer l’accumulation privée de la famille régnante mais d’assurer des taux de profits exceptionnels.
Nous retiendrons deux exemples : la pratique généralisée de la surfacturation bien au-delà des prix de production et la sous facturation qui permet le racket légal et de comprimer les couts de production, auquel se combine un système de subventions taillés sur mesure.( cas par exemple de la COSUMAR ). Ou encore la fonction érigée comme norme de fonctionnement qui consiste à « socialiser les pertes » des entreprises royales. L’usage de la CDG ou la manière dont été réparées les pertes financières suite à des investissements douteux au club med ou dans l’OCP illustre ce dernier propos.
3) Le troisième élément qui fait système dans cette économie de la prédation tient à son articulation à la mondialisation capitaliste. Cet aspect est souvent méconnu et généralement peu analysé. Au-delà des aides financières et des investissements directs étrangers, les accords de libre-échange avec l’UE ont influé sur la dynamique d’accumulation du capital local en général et du capital royal en particulier. A plusieurs niveaux : en développant la libéralisation financière et partant les formes de spéculations boursière (Adoha) , en ouvrant de nouveaux marchés taillés sur mesure aux exigences du capital international mais aussi local (de Tanger med au TGV) , en ficelant des accords d’exportation taillés là aussi sur mesure, au bénéfice de l’agrobusiness européen mais aussi des domaines royaux. Le secteur même de l’éolien (Nareva) est contenu dans les accords types de l’Union pour la méditerranée (UPM) dans son volet énergétique. Cette mise à niveau permet en réalité de drainer les flux financiers accordés dans le cadre des programme MEDA et autres fonds publics ou privés. A partir de 2007, le Maroc a bénéficié du nouvel Instrument Européen de Voisinage et de Partenariat (IEVP) servant essentiellement à la rénovation des équipements hydrauliques, à la construction de tronçon d’autoroutes et l’extension du réseau routier, pour le démarrage du chantier du deuxième port à Tanger, à la reforme de l’administration publique.
Les politiques publiques d’investissement sont devenus largement tributaires des mécanismes de financement européens et ces mêmes projets dans le cadre de contrats publics-privé ; visent essentiellement à renforcer ou créer les infrastructures nécessaires au développement des capitaux étrangers et à la circulation des marchandises. Dans le cadre des accords de libre-échange, les aides ont visé la promotion des investissements privés : octroi d’aide aux promoteurs immobiliers pour l’acquisition de terrains dans des zones touristiques, création et réhabilitation de parcs industriels et plus largement soutien à ce qui est décrit, par les liberaux, comme étant les « métiers mondiaux » du Maroc.
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