ENQUÊTERésident marocain, l’ancien directeur général du FMI a domicilié une société dans le paradis fiscal de Ras Al-Khaïma, près de Dubaï. Depuis le Maroc, il dispense ses conseils à des régimes autoritaires, des groupes russes ou chinois.
Le désert à perte de vue, des dunes de sable rouge striées par les vents où cheminent des Bédouins et leurs dromadaires, d’où surgissent soudain, à vingt kilomètres de la capitale, quelques constructions éparses autour d’un bâtiment de verre. L’effet de surprise est fort, mais l’adresse sur le certificat d’immatriculation ne fait aucun doute : c’est là, dans ce no man’s landincongru sur le territoire de Ras Al-Khaïma, l’un des sept Emirats arabes unis, le plus sauvage, enclavé entre le golfe Persique et le djebel Jais, qu’est enregistré Parnasse Global Limited, la nouvelle société de Dominique Strauss-Kahn.
Une « société commerciale internationale » que l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a discrètement domiciliée ici, le 3 avril 2018, comme le révèlent les « Pandora Papers ». Il en est l’unique actionnaire et directeur.
Que diable est venu faire ici l’homme qui a refait sa vie au Maroc, après la succession de scandales qui ont défrayé la chronique judiciaire des années 2010 ? C’est pourtant depuis son riad de Tassoultante, au sud de Marrakech, où il a créé en 2013 sa première société, Parnasse International, que DSK dispense ses conseils politiques et économiques aux gouvernements qui font appel à ses services.
Les « Pandora Papers », c’est quoi ?
« Pandora Papers » est une enquête collaborative menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec 150 médias internationaux, dont Le Monde. Elle repose sur la fuite de près de 12 millions de documents confidentiels, transmis par une source anonyme à l’ICIJ, provenant des archives de quatorze cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore dans les paradis fiscaux (îles Vierges britanniques, Dubaï, Singapour, Panama, les Seychelles…).
Cinq ans après les « Panama Papers », l’enquête révèle l’ampleur des dérives de l’industrie offshore et de ses sociétés anonymes. Elle montre comment ce système profite à des centaines de responsables politiques, et comment de nouveaux paradis fiscaux prennent le relais à mesure que les anciens se convertissent à la transparence.
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Dominique Strauss-Kahn a refusé de répondre aux questions du Monde et de ses partenaires. Son entourage fait toutefois savoir que le choix de Ras Al-Khaïma répond non pas à des « motivations fiscales », mais à la volonté d’un important client de la région d’y domicilier ses contrats. Pourtant, ce micro-émirat, privé de ressources propres en hydrocarbures, recèle d’autres atouts : un secret des affaires étanche et une fiscalité égale à zéro, qui n’a rien à envier à son clinquant voisin Dubaï, un paradis fiscal et réglementaire dont la réputation n’est plus à faire.
https://www.algerie-dz.com/forums/co...;%3E%3C/svg%3ELe RAK International Corporate Centre, où sont enregistrées plus de 30 000 sociétés offshore, à Ras Al-Khaïma (Emirats arabes unis), le 29 septembre 2021. ERIN TRIEBConfidentiel et virtuel
Ici, nul besoin de bureau ni même de boîte aux lettres pour les étrangers qui y domicilient leurs affaires. L’offshore y est roi et le business souverain, sous la protection de la famille royale Al-Qasimi : une société-écran s’ouvre en quelques heures, sans capital minimum, sans qu’il soit besoin d’en publier les comptes, et, donc, sans acquitter le moindre impôt. Tout y reste confidentiel. Et virtuel, comme le confirme une standardiste, au huitième étage du bâtiment planté en plein désert, qui abrite en réalité le RAK International Corporate Centre, un registre fort de 30 000 sociétés défiscalisées : « Ici vous n’aurez pas de renseignements, nous ne sommes pas un registre public », répond-elle par téléphone. Tout juste le service juridique concède-t-il que Parnasse Global Limited est « inactive depuis le 2 avril 2021 ».
Le Monde
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