
2 décembre 2021
42 Québec, le campus sans professeurs ni cours maintenant inauguré

FÉLIX LAJOIE
Le Soleil
Le campus de programmation informatique 42 Québec a été inauguré en grande pompe, jeudi après-midi, avec la présence de plusieurs élus québécois. Toutefois, aucun professeur n’était sur place pour l’inauguration… puisque le campus n’en emploie aucun.
Le programme est unique au Québec : une école ouverte 24 heures sur 24, sept jours sur sept, où les élèves font leur propre horaire. Ils y apprennent la programmation web et informatique sans suivre de cours, sans professeur et surtout sans passer d’examen.
42 Québec propose à leurs élèves de réaliser des projets en progressant de la même manière que le font la plupart des jeux vidéo. Chaque projet réalisé par l’étudiant lui donne des points, qui eux, permettent ensuite de franchir les différents niveaux pour avancer dans la formation.
Lorsqu’un pépin survient dans un projet, ils doivent s’entraider entre étudiants, ce qui permet de développer des aptitudes en travail d’équipe.
L’inscription est complètement gratuite et les élèves mettent généralement trois ans avant de compléter la formation.
Les locaux de 42 Québec, situés sur la rue Saint-Vallier Ouest, sont très spacieux et entièrement rénovés. Outre les myriades d’ordinateurs dernier cri, les élèves ont notamment accès à des salles fermées pour le travail en groupe ainsi qu’un auditorium pour des présentations.

Plusieurs étudiants ne se sont pas laissé déconcentrer par la visite des médias et l'inauguration de l'école.
LE SOLEIL, PATRICE LAROCHE
Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale ainsi que de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Jean Boulet, a déjà visité les locaux du campus 42 de Paris, là où cette formule est née. Selon lui, les différences sont minces entre les deux établissements.
«Quand […] je faisais le tour, tout à l’heure, j’avais l’impression de revenir à Paris, parce que c’est un environnement qui est similaire, avec de grands espaces et on voit à quel point les personnes sont attentionnées et aiment collaborer entre elles-mêmes», a décrit M. Boulet.
Pour les étudiants « échappés » et les étudiants étrangers
L’organisme sans but lucratif Québec Numérique est à l’origine de l’implantation du campus 42 dans la capitale. Son directeur général, Dominic Goulet, explique en entrevue avec Le Soleil que l’école s’adresse principalement à deux types d’étudiants.
« On a un objectif fort à 42 Québec d’aller chercher des gens qui ont été échappés par le système d’éducation traditionnel, des gens qui sont éloignés du milieu du travail et des études. »
— Dominic Goulet
«C’est pour cela qu’on a mis une barrière d’entrée à 18 ans pour s’assurer que les jeunes aient le temps d’aller explorer autre chose avant», ajoute-t-il. Selon les chiffres de l’organisme, 78% des étudiants font un retour à l’école et 70% ont entre 25 et 35 ans.
Les étudiants étrangers composent l’autre clientèle spécialement visée par le campus. Le réseau 42 favorise les études étrangères avec ses 36 campus à travers le monde.
Lorsqu’un élève a acquis un certain niveau de compétence, il peut décider de terminer sa formation dans un autre campus de son choix.
Selon Sophie Viger, directrice générale de 42 Network – l’entreprise qui est à l’origine du concept – le Québec était l’endroit parfait pour établir le prochain campus 42.

«Les étudiants que je rencontre à Paris, ils hésitent toujours entre deux destinations, et c’est toujours soit Tokyo, soit Québec !», s’exclame Sophie Viger, directrice générale de 42 Network.
«J’ai l’impression que le Québec c’est un petit peu comme la France… en plus petit, en plus froid, mais en mille fois mieux!», a-t-elle dit en conférence de presse, causant un rire généralisé.
En entrevue avec Le Soleil, elle explique que le côté «chaleureux» et «collaboratif» des Québécois s’accorde parfaitement avec le concept de 42 Network. Les emplois disponibles dans le domaine, qui sont nombreux ici, étaient aussi un bon argument afin d’établir une école à Québec.
Selon Mme Viger, lorsque les conditions sanitaires le permettront, les élèves étrangers ne tarderont pas à venir étudier au campus 42 Québec. «Les étudiants que je rencontre à Paris, ils hésitent toujours entre deux destinations, et c’est toujours soit Tokyo, soit Québec !», s’exclame-t-elle.
Le campus 42 Québec a accueilli ses premiers étudiants en mai 2021 et M. Goulet prévoit atteindre un total de 200 élèves au début 2022. Le directeur général note que quelques places sont encore disponibles dès maintenant.
Une formule atypique qui plait
Lors de la visite du campus, Le Soleil a pu s’entretenir avec trois élèves de 42 Québec qui ont commencé leur parcours cet été. Lorsqu’on leur demande ce qui les a attirés vers cet établissement, la réponse est unanime : tout !
«Moi j’ai essayé le cégep, j’ai eu beaucoup, beaucoup de difficulté souvent à cause du rythme. J’apprenais de mon côté, ensuite j’allais au cours je réapprenais ce que j’avais déjà appris donc j’avais l’impression de perdre mon temps. Je croyais que l’éducation en général ce n’était pas fait pour moi», raconte Marc-André.
«Étant donné que c’est moi qui gère, quand je veux je peux y aller à 100%, 115%, pendant un nombre X de temps parce que j’ai la passion. Quand j’ai un peu moins la passion, je peux diminuer. Je vais vraiment à mon rythme et au final tout le monde se rejoint», continue-t-il.

Siham, Marc-André et André-Paul sont trois étudiants très motivés par la formule atypique du campus 42 Québec.
Selon André-Paul, c’est le fait de réaliser des projets concrets qui le motive à persévérer au campus 42 Québec. «Ça nous aide à bâtir notre portfolio, tranquillement on est en train de le bâtir et de récolter des informations. À la fin on sait que ça va nous permettre de nous trouver un emploi, moi je me sens très rassuré par ça», soutient l’étudiant.
Selon lui, la formation concrète sans examen favorise l’apprentissage, contrairement aux cours traditionnels dans lesquels seule la note à l’examen compte, pas la compréhension. « Il n’y a pas vraiment de notes ici… c’est soit que tu as fait le projet, tu as 100%...ou ta 0», dit-il en rigolant.
Pour sa part, Siham aime le côté communautaire de l’école. «Tu vas apprendre de ton côté, et si tu bloques, tu vas t’adresser à un autre étudiant. Le discours que tu vas avoir avec lui va te faire progresser vite parce qu’il va te donner des indications et tu vas pouvoir les trouver rapidement», explique-t-elle.
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