Le Makhzen, cette organisation sociale, politique, économique et sécuritaire qui régit, depuis des siècles et sous l’autorité des souverains alaouites successifs, le Maroc, est une forme de domination tout à fait « originale», un cadre « institutionnel » politique, social et militaire confectionné dans le seul et unique but, et ce au mépris des droits les plus élémentaires des Marocains à une vie digne, de permettre aux rois du Maroc (les anciens comme l’actuel) de disposer de pouvoirs et de prérogatives exorbitants et illimités, à l’abri de tout contrôle.
Le Makhzen, une réelle deus ex machina d’une efficacité redoutable pour susciter et d’entretenir, par la peur et la crainte, la soumission au commandeur des croyants. Il est un rouleau compresseur dont le principe de fonctionnement et les modus operandi ne peuvent que faire rougir de jalousie les partisans des dictatures les plus dures et féroces
Système destinée à entretenir, par tous les moyens, la servitude, l’organisation Makhzen privilégie, dans le traitement des « sujets » une palette de méthodes allant de l’usage de la force brute, de préférence contre les opposants déterminés, jusqu’aux moyens les plus durs et sournois pour gagner les faveurs des contestataires les moins résolus.
Dans le cadre de ce système à nul n’est pareil, Le roi s’est imposé une règle d’or dans la gestion des affaires de l’Etat qui consiste à ne laisser subsister, dans l’esprit d’aucun de « ses sujets », le moindre doute quant à la ferme détermination du makhzen d’utiliser tous les moyens dont il dispose pour sévir contre toute forme de manifestation d’opposition ou de désobéissance.
En tant qu’organisation sociale, politique, militaire et économique, le Makhzen est un système d’allégeances « intégrées » et «superposées » où, comme le souligne Gérard Mairet, « sous le tyran ultime, et de proche en proche, l’illusion de commander fait de tous jusqu’à être sous le grand tyran tyranneaux eux-mêmes. ». Organisation de domination sophistiquée, s’il en est, le Makhzen est en réalité une véritable « pyramide de servitudes et de dépendances où chacun se croyant le maître de l’autre est [en fait] l’esclave d’un autre», un système où «l’assimilation au chef, la transparence au prince sont les moyens grâce auxquels chacun prend sur soi de s’ériger en maître de son voisin. »
Les Marocains partagés entre volonté d’en découdre et la tentation d’accepter fatalement leur « sort »
Face à la monstrueuse pieuvre qu’est l’appareil du Makhzen qui enserre, depuis des siècles, le Royaume dans ses tentacules, épie, emprisonne, torture, neutralise, corrompt et écrase qui il veut et quand il veut, dans l’anonymat des « trous » personnels des centres de détention secrets, la clandestinité des mouroirs collectifs ou, sur la voie publique, au grand jour et devant tout le monde, les Marocains donnent, par moments, l’impression de ne plus savoir ce qu’ils doivent ou peuvent réellement faire pour retrouver leur condition d’humains.
Il est vrai qu’après les cuisants échecs enregistrés et les déboires encaissés au cours des dernières décennies par leurs forces vives, les massacres et les tueries qui s’en sont suivis, de nombreux Marocains ne cachent plus leur hésitation (toute humaine) entre la volonté réelle et sincère de continuer par tous les moyens d’essayer d’en découdre avec la monarchie et l’irrésistible tentation de ravaler leur fierté et d’accepter fatalement leur Maktoub (sort). Ce dilemme cornélien est vécu tragiquement, on s’en doute, par des millions de Marocains condamnés à endurer au quotidien, à côté des affres physiques, morales et psychologiques d’une servitude innommable, des injustices sociales, économiques et politiques criantes et intolérables.
Et pourtant, si les Marocains peinent (toujours) à trouver les moyens de se délivrer de la servitude moyenâgeuse qui les terrasse et les déshumanise, à titre individuel et collectif, s’ils n’ont pas (encore) réussi à éliminer la monarchie ou à en abattre les symboles, il faut bien reconnaître, par honnêteté, que ce n’est pour n’avoir pas essayé et encore moins par manque de courage, ou de détermination. Les incessantes luttes que les Marocains ont livrées, tout au long des dernières décennies, dans les différentes villes, villages et douars du Royaume, montrent, s’il en est besoin, que le peuple marocain a tout tenté pour se débarrasser de la monarchie et se délivrer de l’insupportable et pesante tutelle que celle-ci lui impose.
Pour reconquérir leur liberté et retrouver leur dignité de citoyens, les « sujets » marocains n’ont pas hésité, par le passé, à braver toutes les difficultés et à montrer leur disponibilité à consentir tous les sacrifices dans le but de jouir des conditions naturelles de citoyens. Ils n’ont reculé devant aucune épreuve ; ils n’ont négligé aucune possibilité ou moyen susceptible de leur permettre d’abattre la monarchie et de s’affranchir de son emprise : les coups d’État, les soulèvements populaires tantôt spontanés, tantôt organisés, les émeutes, les grèves, les sit-in, etc... Mais rien n’y fait.
Plus grave, après chaque épreuve, le roi s’est senti encore plus fort et l’appareil du Makhzen plus puissant et plus redoutable qu’il ne l’était auparavant. Ce qui ne peut que nous amener à nous interroger sur la nature de ce que certains médias de l’Hexagone, à la suite de ceux à la solde du Makhzen, ont appelé complaisamment la baraka (la bonne étoile) des monarques ; baraka qui a permis, du moins jusqu’ici, à la maison du Makhzen et à sa clef de voûte, le monarque, de se maintenir et de perdurer. Alors que partout ailleurs, à la faveur de la fin de la guerre froide et de la chute du mur de Berlin, des bunkers de pouvoir qui semblaient inexpugnables ont été emportés par la colère populaire ou se sont effondrés sous la pression de la communauté internationale.
Dr Baba M. Sayed
Spécialiste en pensée politique, professeur à la faculté des sciences politique Alger
Le Makhzen, une réelle deus ex machina d’une efficacité redoutable pour susciter et d’entretenir, par la peur et la crainte, la soumission au commandeur des croyants. Il est un rouleau compresseur dont le principe de fonctionnement et les modus operandi ne peuvent que faire rougir de jalousie les partisans des dictatures les plus dures et féroces
Système destinée à entretenir, par tous les moyens, la servitude, l’organisation Makhzen privilégie, dans le traitement des « sujets » une palette de méthodes allant de l’usage de la force brute, de préférence contre les opposants déterminés, jusqu’aux moyens les plus durs et sournois pour gagner les faveurs des contestataires les moins résolus.
Dans le cadre de ce système à nul n’est pareil, Le roi s’est imposé une règle d’or dans la gestion des affaires de l’Etat qui consiste à ne laisser subsister, dans l’esprit d’aucun de « ses sujets », le moindre doute quant à la ferme détermination du makhzen d’utiliser tous les moyens dont il dispose pour sévir contre toute forme de manifestation d’opposition ou de désobéissance.
En tant qu’organisation sociale, politique, militaire et économique, le Makhzen est un système d’allégeances « intégrées » et «superposées » où, comme le souligne Gérard Mairet, « sous le tyran ultime, et de proche en proche, l’illusion de commander fait de tous jusqu’à être sous le grand tyran tyranneaux eux-mêmes. ». Organisation de domination sophistiquée, s’il en est, le Makhzen est en réalité une véritable « pyramide de servitudes et de dépendances où chacun se croyant le maître de l’autre est [en fait] l’esclave d’un autre», un système où «l’assimilation au chef, la transparence au prince sont les moyens grâce auxquels chacun prend sur soi de s’ériger en maître de son voisin. »
Les Marocains partagés entre volonté d’en découdre et la tentation d’accepter fatalement leur « sort »
Face à la monstrueuse pieuvre qu’est l’appareil du Makhzen qui enserre, depuis des siècles, le Royaume dans ses tentacules, épie, emprisonne, torture, neutralise, corrompt et écrase qui il veut et quand il veut, dans l’anonymat des « trous » personnels des centres de détention secrets, la clandestinité des mouroirs collectifs ou, sur la voie publique, au grand jour et devant tout le monde, les Marocains donnent, par moments, l’impression de ne plus savoir ce qu’ils doivent ou peuvent réellement faire pour retrouver leur condition d’humains.
Il est vrai qu’après les cuisants échecs enregistrés et les déboires encaissés au cours des dernières décennies par leurs forces vives, les massacres et les tueries qui s’en sont suivis, de nombreux Marocains ne cachent plus leur hésitation (toute humaine) entre la volonté réelle et sincère de continuer par tous les moyens d’essayer d’en découdre avec la monarchie et l’irrésistible tentation de ravaler leur fierté et d’accepter fatalement leur Maktoub (sort). Ce dilemme cornélien est vécu tragiquement, on s’en doute, par des millions de Marocains condamnés à endurer au quotidien, à côté des affres physiques, morales et psychologiques d’une servitude innommable, des injustices sociales, économiques et politiques criantes et intolérables.
Et pourtant, si les Marocains peinent (toujours) à trouver les moyens de se délivrer de la servitude moyenâgeuse qui les terrasse et les déshumanise, à titre individuel et collectif, s’ils n’ont pas (encore) réussi à éliminer la monarchie ou à en abattre les symboles, il faut bien reconnaître, par honnêteté, que ce n’est pour n’avoir pas essayé et encore moins par manque de courage, ou de détermination. Les incessantes luttes que les Marocains ont livrées, tout au long des dernières décennies, dans les différentes villes, villages et douars du Royaume, montrent, s’il en est besoin, que le peuple marocain a tout tenté pour se débarrasser de la monarchie et se délivrer de l’insupportable et pesante tutelle que celle-ci lui impose.
Pour reconquérir leur liberté et retrouver leur dignité de citoyens, les « sujets » marocains n’ont pas hésité, par le passé, à braver toutes les difficultés et à montrer leur disponibilité à consentir tous les sacrifices dans le but de jouir des conditions naturelles de citoyens. Ils n’ont reculé devant aucune épreuve ; ils n’ont négligé aucune possibilité ou moyen susceptible de leur permettre d’abattre la monarchie et de s’affranchir de son emprise : les coups d’État, les soulèvements populaires tantôt spontanés, tantôt organisés, les émeutes, les grèves, les sit-in, etc... Mais rien n’y fait.
Plus grave, après chaque épreuve, le roi s’est senti encore plus fort et l’appareil du Makhzen plus puissant et plus redoutable qu’il ne l’était auparavant. Ce qui ne peut que nous amener à nous interroger sur la nature de ce que certains médias de l’Hexagone, à la suite de ceux à la solde du Makhzen, ont appelé complaisamment la baraka (la bonne étoile) des monarques ; baraka qui a permis, du moins jusqu’ici, à la maison du Makhzen et à sa clef de voûte, le monarque, de se maintenir et de perdurer. Alors que partout ailleurs, à la faveur de la fin de la guerre froide et de la chute du mur de Berlin, des bunkers de pouvoir qui semblaient inexpugnables ont été emportés par la colère populaire ou se sont effondrés sous la pression de la communauté internationale.
Dr Baba M. Sayed
Spécialiste en pensée politique, professeur à la faculté des sciences politique Alger
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