Le modus operandi est bien établi et systématique. Le pouvoir marocain « écrase toute opposition » à travers l’application méthodique d’un « véritable manuel » de« techniques indirectes et sournoises » tout en s’efforçant de préserver son image de« pays modéré et respectueux des droits », détaille l’organisation Human Rights Watch (HRW) dans un rapport, publié jeudi 28 juillet. L’enquête, fondée sur des entretiens avec près de 90 personnes et l’analyse de douze procès impliquant huit journalistes ou intellectuels, est la première recherche d’envergure sur la méthodologie employée par le régime de Rabat ces dix dernières années pour « museler les voix critiques » et « effrayer tous les détracteurs potentiels de l’Etat ».
Derrière les dossiers apparemment épars des journalistes Omar Radi, Hicham Mansouri, Soulaimane Raissouni, Hajar Raissouni et Taoufik Bouachrine, des militants des droits de l’homme Maati Monjib et Fouad Abdelmoumni ou de l’avocat Mohammed Ziane, les mêmes procédés de surveillance policière, d’intimidation médiatique et de harcèlement judiciaire sont à l’œuvre, décrypte le rapport intitulé « “D’une manière ou d’une autre, ils t’auront” : manuel des techniques de répression au Maroc ». Cette « série de techniques (…)employées en combinaison forme un écosystème de répression », résume le rapport de HRW
Si la mise au pas des opposants a une très vieille histoire au Maroc, elle a revêtu une forme inédite à partir du milieu des années 2010, relève le rapport, avec l’imputation à ces voix dissidentes de « crimes autres que d’expression » : adultère, viol et agression sexuelle, espionnage, blanchiment d’argent et même traite d’êtres humains. L’idée sous-jacente est d’éviter autant que possible des procès trop ouvertement politiques – susceptibles d’héroïser les personnes poursuivies –, en les abaissant au vil rang d’escroc, de dépravé ou de violeur. Les dossiers d’agression sexuelle visent particulièrement à se retrancher derrière la vague internationale de #metoo, pour mieux rendre indéfendables les prévenus.
Quant aux affaires d’adultère ou de sexe hors mariage, l’objectif est de souiller l’honneur dans une société marocaine très conservatrice. « Au Maroc, on dit que la réputation, c’est du verre, déclarait, en avril 2021, au Monde l’historien Maati Monjib, poursuivi pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » et « escroquerie ». Quand ça se casse, ça ne se recolle pas. Les gens ont davantage peur de la diffamation que de la prison. »
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