La chute du gouvernement néerlandais est la dernière manifestation en date des dissensions provoquées par l’arrivée d’immigrés dans de nombreux alors que celle-ci atteint des niveaux record, alimentant le populisme
L’immigration record que connaissent les pays riches suscite partout des oppositions de plus en plus vives, renforçant les partis populistes et mettant la pression sur les gouvernements pour qu’ils durcissent leurs politiques et endiguent la vague migratoire.
De nombreux pays — notamment le Canada et certains Etats d’Europe et d’Asie — ont encouragé l’immigration dans le but de réduire les pénuries de main-d'œuvre et de compenser le déclin démographique.
Mais que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, la forte hausse des arrivées légales conjuguée à celle de l’immigration clandestine, inquiète de plus en plus d'électeurs. Cet afflux renforcé depuis la fin de la pandémie impacte les sociétés et de nombreuses personnes accusent les immigrants d’être responsables de l’augmentation de la criminalité et des coûts du logement.
Le gouvernement néerlandais est tombé vendredi faute d’accord entre les partis de la coalition sur de nouvelles mesures visant à restreindre l’immigration. De nouvelles élections seront organisées cet automne pour régler la crise.
Les partis anti-immigration progressent dans toute l’Europe. Ils ont récemment conquis le pouvoir en Italie et en Finlande et l’un d’eux soutient depuis peu un gouvernement minoritaire en Suède. En Autriche, le Parti de la liberté (FPO), d’extrême droite, est en tête des sondages nationaux.
L’année dernière, les pays riches ont vu s’installer environ cinq millions de personnes étrangères supplémentaires (en net, départs compris), alors que les restrictions de voyage de l'ère Covid ont été assouplies, que les pénuries de main-d'œuvre dans les pays riches se sont intensifiées et que les problèmes économiques dans les pays en voie de développement se sont aggravés. Cela représente une hausse de 80 % par rapport aux niveaux prépandémiques, selon une analyse des données par The Wall Street Journal.
Les sondages réalisés dans les pays riches révèlent une forte augmentation de l’opposition à l’immigration, y compris dans ceux qui se montraient traditionnellement les plus accueillants envers les nouveaux arrivants.
Environ la moitié des Canadiens pensent ainsi que le nouvel objectif d’un demi-million d’immigrants par an fixé par le gouvernement est trop élevé pour un pays de 40 millions d’habitants, selon un sondage réalisé par Léger, un institut d’étude de l’opinion basé à Montréal. Les trois quarts craignent que cela n’entraîne une demande excessive de logements et de services sociaux et de santé.
Au Royaume-Uni, où les règles ont été assouplies afin d’attirer davantage de diplômés étrangers pour pallier la pénurie de travailleurs qualifiés, près de la moitié des personnes interrogées pensent que l’immigration légale est trop élevée, selon un sondage réalisé en mars par le cabinet Public First.
La tendance est la même aux Etats-Unis. Si une grande partie de la population s’oppose depuis longtemps à l’immigration, les attitudes se sont encore durcies au cours de l’année écoulée. Selon un sondage Gallup, le taux de satisfaction des Américains à l'égard du niveau d’immigration est tombé à 28 % en février contre 34 % l’année précédente, soit son niveau le plus bas depuis dix ans.
Secouée par de violentes manifestations après qu’un policier a tué un adolescent d’origine nord-africaine, la France n’échappe pas non plus au mouvement. De récents sondages suggèrent que la dirigeante du Front national, Marine Le Pen, favorable à des règles plus strictes en matière d’immigration, pourrait remporter la prochaine élection présidentielle.
En général, la préoccupation des électeurs concerne surtout l’immigration clandestine, qui a tendance à peser sur les salaires et les systèmes de protection sociale. Les entrées illégales en Europe par la Méditerranée et aux Etats-Unis par le Mexique ont atteint des niveaux records au cours des derniers mois.
Mais l’inquiétude s'étend aussi aux migrants légaux peu qualifiés, voire aux travailleurs hautement qualifiés, qui sont accusés d’alimenter la flambée des prix du logement et d’autres coûts alors que l’inflation fait rage.
L’Europe intensifie ses efforts, commencés avant la pandémie, pour construire des centaines de kilomètres de nouvelles barrières terrestres et maritimes afin d’endiguer la vague montante de l’immigration clandestine. La Finlande est ainsi en train d’édifier une clôture high-tech courant sur 200 kilomètres le long de sa frontière avec la Russie. De son côté, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a annoncé, en mars, que son pays achèverait la construction d’une clôture en acier de près de 150 kilomètres le long de sa frontière avec la Turquie, afin d’empêcher les passages clandestins.
En Europe en particulier, « il ne fait aucun doute qu’il existe un décalage important entre le type de personnes dont nos marchés du travail ont besoin et le type de personnes qui arrivent », estime Roland Freudenstein, vice-président du groupe de réflexion indépendant Globsec, basé à Bruxelles.
De nombreux immigrants en Europe sont motivés par les systèmes de protection sociale généreux de pays tels que la Suède et l’Allemagne, affirme M. Freudenstein. Cela diffère des Etats-Unis où les immigrants sont davantage motivés par le travail, en partie parce que les prestations sociales y sont moins généreuses.
En 2015-2016, l’accélération de l’immigration aux Etats-Unis et en Europe a contribué à alimenter le mécontentement qui a conduit le Royaume-Uni à sortir de l’Union européenne et Donald Trump à accéder à la présidence.
« Nous assistons aujourd’hui à une poussée similaire qui pourrait aller encore plus loin », souligne M. Freudenstein.
Aux Pays-Bas, où les partis de droite grimpent dans les sondages, le parti conservateur du Premier ministre Mark Rutte a récemment cherché à limiter le flux de demandeurs d’asile dans le pays. Mais deux de ses partenaires de coalition ont refusé, ce qui a poussé M. Rutte à présenter sa démission au roi. Aucun chef de gouvernement n’a exercé sa fonction plus longtemps dans l’histoire du pays.
D’après les projections gouvernementales, les demandes d’asile pourraient passer le cap des 70 000 cette année, battant ainsi le précédent record de 2015. Un tel afflux exerce une forte pression sur le marché du logement dans ce pays densément peuplé de 18 millions d’habitants, ce qui conduit les électeurs les plus conservateurs à réclamer des contrôles plus stricts.
Cela dit, il existe toujours un fort courant de soutien en faveur d’une augmentation du nombre de migrants, notamment du côté des chefs d’entreprise qui craignent de ne pas trouver suffisamment de candidats à certains postes sans l’apport de talents étrangers. Longtemps réputé pour sa politique de fermeture, le Japon a ainsi assoupli le mois dernier les règles applicables aux travailleurs étrangers.
L’Allemagne, l’Espagne et la Corée du Sud font également partie de ces pays qui ont admis davantage de travailleurs étrangers ou créé de nouvelles voies d’accès.
La montée des résistances dans l’opinion rend toutefois plus difficile le maintien de telles politiques par les gouvernements. Et ce, bien que certains dirigeants les estiment nécessaires pour pourvoir aux postes vacants qui vont se multiplier à mesure que les habitants des pays riches vieilliront et partiront à la retraite.
En Allemagne, le parti anti-immigrés Alternative pour l’Allemagne (AfD) est crédité d’environ 20 % des suffrages dans les sondages, soit le double de son score aux élections législatives de 2021. Elle est ainsi devenue la deuxième formation politique la plus populaire du pays, derrière l’opposition chrétienne-démocrate, mais devant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz. Toujours d’après les sondages, les électeurs de l’AfD citent l’immigration comme la principale raison de leur soutien au parti.
Bien que l’Allemagne ait accueilli des millions de réfugiés originaires d’Afghanistan, de Syrie et d’Ukraine au cours des dernières années, les entreprises du pays continuent à se plaindre de manquer de migrants très qualifiés car les réfugiés sont difficiles à former et à intégrer. Si un million d’Ukrainiens vivent en Allemagne, ils sont seulement environ 100 000 à avoir un emploi.
En France, le gouvernement du président Emmanuel Macron a récemment suspendu un projet visant à autoriser les immigrés sans papiers à travailler dans les secteurs en tension, sur fond d’un différend avec l’Italie sur les franchissements illégaux de la frontière. Environ 60 % des Français estiment nécessaire de durcir la législation sur l’immigration, selon un sondage réalisé après le début des récentes émeutes par Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro.
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