Hier dans la soirée, Israël et le Hamas ont annoncé un accord historique pour l'échange de prisonniers. Cet accord, présenté comme une victoire humanitaire par les deux parties, est en réalité le signe d'une première défaite pour Israël, qui n'a pas réussi à atteindre ses objectifs militaires et politiques dans cette guerre.
Certains diront que la décision israélienne d'accepter un accord avec le Hamas est intervenue sous la pression de la rue et notamment des familles des otages qui ont réussi à mobiliser une grande foule lors de la marche organisée de Tel-Aviv à El Qods. Mais, connaissant la fermeté de Netanyahou et les positions de l'extrême-droite au pouvoir, d'autres observateurs pensent qu'il s'agit du signe probant d'une première défaite pour Israël.
Il faut rappeler le contexte dans lequel est intervenue cette guerre. Frappée dans son amour-propre après que le Hamas ait pu s'engouffrer à travers une frontière réputée infranchissable et après les grandes pertes humaines subies le 7 octobre, Israël est partie en guerre pour "déraciner l'organisation islamiste" et "retrouver les otages par la force"
A part détruire une grande partie de la ville de Ghaza et tuer des milliers de Palestiniens, le bilan est plutôt dérisoire : le Hamas n'a pas été éliminée et les missiles pleuvent toujours sur les villes israéliennes, les otages n'ont pas été retrouvés et aucune perspective ne s'offre pour Natanyahou en vue de terminer la guerre et préparer sa suite sur le plan politique.
L'acceptation d'un accord avec ce Hamas que l'on voulait détruire à jamais est la preuve d'une déconvenue que le pouvoir israélien tentera de camoufler en se présentant comme le libérateur des otages. Or, l'opinion publique israélienne sait qu'il n'en est rien et que Natanyahou est au milieu du gué, figé dans ses positions, incapable de présenter le moindre bilan positif des opérations militaires menées à l'aveuglette et sans perspectives politiques pour l'après-guerre. A contrario, beaucoup pencheront pour un succès de la résistance palestinienne.
En effet, le Hamas a réussi à tenir tête à la puissance militaire israélienne, à infliger des pertes importantes à son ennemi, à maintenir sa popularité auprès de la population de Ghaza et à obtenir la libération de nombreux prisonniers, dont certains sont considérés comme des héros de la cause palestinienne. Le Hamas a également renforcé sa légitimité sur la scène régionale et internationale, en obtenant le soutien de pays comme l'Iran, la Turquie, le Qatar ou encore la Malaisie. Le Hamas a ainsi démontré qu'il était un acteur incontournable du conflit israélo-palestinien, au détriment de l'Autorité palestinienne, affaiblie et marginalisée.
L'accord entre Israël et le Hamas est donc loin d'être une fin en soi. Il est plutôt le reflet d'un rapport de forces qui a changé en faveur du mouvement islamiste, qui a su résister à l'agression israélienne et imposer ses conditions. Il est aussi le signe d'un échec pour Israël, qui n'a pas réussi à briser le Hamas et qui se retrouve dans une impasse stratégique et diplomatique. Cet accord pourrait être le prélude à une nouvelle phase du conflit, plus complexe et plus incertaine, où les acteurs devront revoir leurs calculs et leurs options.
M F.
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