Les théoriciens du « combat culturel » mené par les sphères identitaires ne cachent plus leur satisfaction de voir leurs thèmes et leurs soutiens essaimer dans le groupe Bolloré, mais aussi en dehors, renforçant leur exposition.
Par Clément Guillou et Aude Dassonville
Le 15 décembre 2023, une partie du paysage médiatique français s’est passionnée pour une agression survenue deux mois plus tôt, à Lyon : le passage à tabac d’une adolescente par deux jeunes filles du même âge. Pourquoi ce soudain intérêt national, dans un pays qui recense, bon an mal an, 2 000 victimes de violences physiques chaque jour ?
Pour comprendre, il faut retracer le parcours de la vidéo et ajouter cette circonstance : l’agresseuse portait un hidjab. La veille, un compte X spécialisé dans les vidéos violentes publie les images de l’agression. La scène est reprise par un compte phare de la fachosphère, Fdesouche, et par une chaîne Telegram de l’extrême droite radicale. CNews, sur son site Internet, est le premier média à l’évoquer, le soir même.
Dans la nuit, un journaliste du magazine Valeurs actuelles publie de premières informations de source policière, relayées par Damien Rieu, un cadre du parti Reconquête !, très suivi sur les réseaux sociaux. Dès 9 heures, le 15 décembre 2023, BFM-TV consacre un premier sujet au fait divers et mobilise des envoyés spéciaux : la séquence, ponctuée de plusieurs « alertes info » au gré des évolutions de l’enquête policière – rapidement conclue –, rythmera son antenne durant deux jours. Sur X, un journaliste du Figaro remercie Pierre Sautarel, le militant responsable du site Fdesouche, pour son « travail de veille [qui] atteste d’une sauvagerie quotidienne ».
Cet épisode succédait à la lecture politique faite de la mort du jeune Thomas, tué dans une fête de village à Crépol (Drôme) en novembre 2023, et précédait les débats sur la loi relative à l’immigration présentée par le gouvernement, deux thèmes qui auront largement dominé les débats médiatiques en décembre.
Le « Figaro » et BFM-TV, des espaces « accueillants »
Depuis la campagne pour l’élection présidentielle de 2022, la place accordée aux faits divers, à l’immigration et aux porte-voix de l’extrême droite dans les médias français s’est accrue.
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Les théoriciens du « combat culturel » mené par les sphères identitaires s’en félicitent ouvertement, soulignant l’hospitalité qui leur est réservée en dehors de Vivendi, l’empire médiatique de Vincent Bolloré – CNews, C8, Europe 1, et désormais Paris Match et Le Journal du dimanche (JDD). Le Figaro et les plateaux de BFM-TV sont maintenant perçus, à l’extrême droite, comme des espaces « accueillants ».
Jean-Yves Le Gallou, « intellectuel organique » de la mouvance identitaire, convaincu que la victoire politique n’est possible qu’à la condition de la victoire culturelle, souligne le rôle-clé de Vincent Bolloré, « chaînon manquant » entre les médias confidentiels radicaux et la presse généraliste : « Elle s’abreuve comme les autres à la concurrence et aux réseaux sociaux. Le JDD, CNews ou Europe 1 sont devenus des médias de transition, ils imposent le réel et leurs invités aux médias de grand chemin, qui suivent, dans une course effrénée à l’audience, quitte à s’en brûler les doigts. »
Charlotte d’Ornellas, le 28 novembre 2023 sur la chaîne CNews. CAPTURE D’éCRAN / CNEWS
Ce parcours de la pénombre à la lumière, des personnalités le font également. Après avoir fait une partie de leurs classes sur BFM-TV alors qu’ils travaillaient pour Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune et Charlotte d’Ornellas sont désormais attachés à CNews, où Elisabeth Lévy, la directrice de la rédaction de Causeur, mais aussi des journalistes du site Boulevard Voltaire, du média identitaire Livre noir ou du magazine conservateur L’Incorrect ont leurs habitudes.L’extrême droite est également la plus conviée, et de loin, dans l’émission Touche pas à mon poste (TPMP, sur C8), où Cyril Hanouna valide la plupart des propos des invités lepénistes ou zemmouristes.
« Toutes les chaînes info se sont alignées »
Mais le rôle des chaînes du groupe Canal+ dans la propagation de leurs paroles décomplexées excède leur propre périmètre : en se réservant l’exclusivité des apparitions de certaines personnalités, elles ont contraint BFM-TV à renouveler son casting, quitte, pour la chaîne du groupe Altice, à aller un cran plus loin.
Ainsi, après s’être fait remarquer lors d’un passage dans TPMP, Juliette Briens, collaboratrice à L’Incorrect et à la station d’extrême droite Radio Courtoisie, a fait ses premiers pas de chroniqueuse sur BFM-TV à la fin de 2023. L’antiféministe Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération identitaire, a été l’invitée de l’émission Les Grandes Gueules, et Laurent Obertone, un essayiste maurrassien hostile au métissage, dans celle d’Yves Calvi.
Sarah Knafo, la principale conseillère et l’épouse d’Eric Zemmour, se réjouit d’un phénomène qui « dépasse le groupe Bolloré : toutes les chaînes info se sont alignées, et même le journal télévisé de TF1. Regardez les invitations : Obertone sur BFM-TV, c’est tout de même incroyable ! Regardez les thèmes abordés et le suivi désormais naturel de ce qui ressemble de moins en moins à des faits divers isolés ».
Une vision des choses que conteste Marc-Olivier Fogiel, le directeur général de la chaîne, talonnée par sa rivale (CNews pourrait bientôt s’arroger la plus grosse part de marché des chaînes d’info) : « La ligne éditoriale de BFM-TV n’est pas dictée par ce que peuvent proposer ses concurrentes. Ces mouvements politiques [d’extrême droite], leurs représentants et leurs soutiens sont traités sur BFM-TV comme tous les autres partis du pays, à hauteur de leur poids politique, de leur représentation et des enquêtes d’opinion. Ni plus, ni moins. »
Un phénomène européen
La venue de Thaïs d’Escufon a suscité un tel émoi en interne que les syndicats SNJ et CGT se sont fendus d’un communiqué pour « dire non au racisme en direct » et rappeler que « la course à l’audience ne fera que des perdants parmi ses téléspectateurs ». Dans la foulée, le délégué syndical SNRT-CGT d’Altice-Média a lui-même saisi l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ex-CSA) après que la jeune femme a tenu des propos qualifiés de « stigmatisants et racistes ».
« Nous ne faisons pas un métier comme les autres et nous devons veiller à la qualité de l’information qu’on délivre à la population. Or là, nous sommes allés trop loin », persiste et signe Alban Azaïs. Pour lui, BFM-TV n’est pas en train de changer de ligne éditoriale mais « suit les mouvements que l’on observe dans l’opinion. Pendant la réforme des retraites, l’antenne pouvait pencher, par moments, du côté de l’extrême gauche. Mais si le nouveau gouvernement penche à droite, on penchera plus à droite ».
Laurent Obertone, sur la chaîne BFM-TV, le 29 novembre 2023. CAPTURE D’éCRAN / BFMTV
Le politiste américano-néerlandais Cas Mudde, spécialiste des extrêmes droites, décrit un phénomène similaire à l’échelle européenne. Selon lui, les médias et partis politiques « pensent l’électorat plus à droite qu’il ne l’est réellement » sur les questions culturelles, dans un mouvement de balancier inverse à celui des années 1990, et adaptent leur ligne éditoriale à cette intuition afin d’attirer audience et revenus publicitaires.
Hors période électorale, l’Arcom vérifie tous les trimestres qu’un tiers du temps de parole politique est réservé à la majorité présidentielle, les deux tiers restants allant à l’opposition dans des proportions respectant celles de l’Assemblée nationale. En envoyant pour la première fois 88 députés au Palais-Bourbon, le Rassemblement national a mécaniquement fait grimper le temps d’antenne des discours d’extrême droite.
Cette règle identique pour tous n’empêche pas CNews de se distinguer par la coloration très conservatrice de son antenne : l’Arcom ne décompte pas les prises de parole des présentateurs, tels que l’essayiste conservateur Mathieu Bock-Côté ou encore Pascal Praud et Laurence Ferrari, aux éditos parfois très engagés.
Le vocabulaire se répand
« Je ne vous laisserai pas dire qu’on a un prisme d’extrême droite », pouvait ainsi déclarer, le 11 janvier sur Franceinfo, le numéro deux de Canal+, Gérald-Brice Viret. En capturant les images de la chaîne d’opinion toute l’année 2023, les activistes de Sleeping Giants, un collectif qui lutte contre le financement publicitaire de médias propageant « des discours de haine », a pourtant calculé que CNews avait parlé, dans ses bandeaux, d’islam et d’immigration (hors loi « immigration ») 335 jours sur 365.
Des études conduites par l’institut de sondage CSA (partie intégrante du groupe Havas, filiale de Vivendi) alimentent ces débats à un rythme effréné : entre juillet et décembre 2023, pas moins de vingt enquêtes d’opinion sur l’immigration, l’islamisme et l’insécurité ont irrigué l’antenne. Leurs questions simplistes – « Faites-vous confiance à la justice ? », « Faut-il accueillir plus de migrants en France ? » – servent de support aux controverses du jour présentées comme prioritaires dans les préoccupations des « Français ».
Cette droitisation du débat s’accentue lorsque des termes, très connotés idéologiquement, essaiment et colonisent les conversations. En ouverture du premier conseil des ministres du gouvernement Attal, le président de la République demandait aux nouveaux ministres d’éviter « le grand effacement »,usant d’une rhétorique chère à ceux qui théorisent la disparition de la culture européenne. Appelée à faire florès, elle intègre un glossaire déjà bien fourni : « décivilisation », « francocide », « grand remplacement », etc.
Par Clément Guillou et Aude Dassonville
Le 15 décembre 2023, une partie du paysage médiatique français s’est passionnée pour une agression survenue deux mois plus tôt, à Lyon : le passage à tabac d’une adolescente par deux jeunes filles du même âge. Pourquoi ce soudain intérêt national, dans un pays qui recense, bon an mal an, 2 000 victimes de violences physiques chaque jour ?
Pour comprendre, il faut retracer le parcours de la vidéo et ajouter cette circonstance : l’agresseuse portait un hidjab. La veille, un compte X spécialisé dans les vidéos violentes publie les images de l’agression. La scène est reprise par un compte phare de la fachosphère, Fdesouche, et par une chaîne Telegram de l’extrême droite radicale. CNews, sur son site Internet, est le premier média à l’évoquer, le soir même.
Dans la nuit, un journaliste du magazine Valeurs actuelles publie de premières informations de source policière, relayées par Damien Rieu, un cadre du parti Reconquête !, très suivi sur les réseaux sociaux. Dès 9 heures, le 15 décembre 2023, BFM-TV consacre un premier sujet au fait divers et mobilise des envoyés spéciaux : la séquence, ponctuée de plusieurs « alertes info » au gré des évolutions de l’enquête policière – rapidement conclue –, rythmera son antenne durant deux jours. Sur X, un journaliste du Figaro remercie Pierre Sautarel, le militant responsable du site Fdesouche, pour son « travail de veille [qui] atteste d’une sauvagerie quotidienne ».
Cet épisode succédait à la lecture politique faite de la mort du jeune Thomas, tué dans une fête de village à Crépol (Drôme) en novembre 2023, et précédait les débats sur la loi relative à l’immigration présentée par le gouvernement, deux thèmes qui auront largement dominé les débats médiatiques en décembre.
Le « Figaro » et BFM-TV, des espaces « accueillants »
Depuis la campagne pour l’élection présidentielle de 2022, la place accordée aux faits divers, à l’immigration et aux porte-voix de l’extrême droite dans les médias français s’est accrue.
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Les théoriciens du « combat culturel » mené par les sphères identitaires s’en félicitent ouvertement, soulignant l’hospitalité qui leur est réservée en dehors de Vivendi, l’empire médiatique de Vincent Bolloré – CNews, C8, Europe 1, et désormais Paris Match et Le Journal du dimanche (JDD). Le Figaro et les plateaux de BFM-TV sont maintenant perçus, à l’extrême droite, comme des espaces « accueillants ».
Jean-Yves Le Gallou, « intellectuel organique » de la mouvance identitaire, convaincu que la victoire politique n’est possible qu’à la condition de la victoire culturelle, souligne le rôle-clé de Vincent Bolloré, « chaînon manquant » entre les médias confidentiels radicaux et la presse généraliste : « Elle s’abreuve comme les autres à la concurrence et aux réseaux sociaux. Le JDD, CNews ou Europe 1 sont devenus des médias de transition, ils imposent le réel et leurs invités aux médias de grand chemin, qui suivent, dans une course effrénée à l’audience, quitte à s’en brûler les doigts. »
Charlotte d’Ornellas, le 28 novembre 2023 sur la chaîne CNews. CAPTURE D’éCRAN / CNEWS
Ce parcours de la pénombre à la lumière, des personnalités le font également. Après avoir fait une partie de leurs classes sur BFM-TV alors qu’ils travaillaient pour Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune et Charlotte d’Ornellas sont désormais attachés à CNews, où Elisabeth Lévy, la directrice de la rédaction de Causeur, mais aussi des journalistes du site Boulevard Voltaire, du média identitaire Livre noir ou du magazine conservateur L’Incorrect ont leurs habitudes.L’extrême droite est également la plus conviée, et de loin, dans l’émission Touche pas à mon poste (TPMP, sur C8), où Cyril Hanouna valide la plupart des propos des invités lepénistes ou zemmouristes.
« Toutes les chaînes info se sont alignées »
Mais le rôle des chaînes du groupe Canal+ dans la propagation de leurs paroles décomplexées excède leur propre périmètre : en se réservant l’exclusivité des apparitions de certaines personnalités, elles ont contraint BFM-TV à renouveler son casting, quitte, pour la chaîne du groupe Altice, à aller un cran plus loin.
Ainsi, après s’être fait remarquer lors d’un passage dans TPMP, Juliette Briens, collaboratrice à L’Incorrect et à la station d’extrême droite Radio Courtoisie, a fait ses premiers pas de chroniqueuse sur BFM-TV à la fin de 2023. L’antiféministe Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération identitaire, a été l’invitée de l’émission Les Grandes Gueules, et Laurent Obertone, un essayiste maurrassien hostile au métissage, dans celle d’Yves Calvi.
Sarah Knafo, la principale conseillère et l’épouse d’Eric Zemmour, se réjouit d’un phénomène qui « dépasse le groupe Bolloré : toutes les chaînes info se sont alignées, et même le journal télévisé de TF1. Regardez les invitations : Obertone sur BFM-TV, c’est tout de même incroyable ! Regardez les thèmes abordés et le suivi désormais naturel de ce qui ressemble de moins en moins à des faits divers isolés ».
Une vision des choses que conteste Marc-Olivier Fogiel, le directeur général de la chaîne, talonnée par sa rivale (CNews pourrait bientôt s’arroger la plus grosse part de marché des chaînes d’info) : « La ligne éditoriale de BFM-TV n’est pas dictée par ce que peuvent proposer ses concurrentes. Ces mouvements politiques [d’extrême droite], leurs représentants et leurs soutiens sont traités sur BFM-TV comme tous les autres partis du pays, à hauteur de leur poids politique, de leur représentation et des enquêtes d’opinion. Ni plus, ni moins. »
Un phénomène européen
La venue de Thaïs d’Escufon a suscité un tel émoi en interne que les syndicats SNJ et CGT se sont fendus d’un communiqué pour « dire non au racisme en direct » et rappeler que « la course à l’audience ne fera que des perdants parmi ses téléspectateurs ». Dans la foulée, le délégué syndical SNRT-CGT d’Altice-Média a lui-même saisi l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ex-CSA) après que la jeune femme a tenu des propos qualifiés de « stigmatisants et racistes ».
« Nous ne faisons pas un métier comme les autres et nous devons veiller à la qualité de l’information qu’on délivre à la population. Or là, nous sommes allés trop loin », persiste et signe Alban Azaïs. Pour lui, BFM-TV n’est pas en train de changer de ligne éditoriale mais « suit les mouvements que l’on observe dans l’opinion. Pendant la réforme des retraites, l’antenne pouvait pencher, par moments, du côté de l’extrême gauche. Mais si le nouveau gouvernement penche à droite, on penchera plus à droite ».
Laurent Obertone, sur la chaîne BFM-TV, le 29 novembre 2023. CAPTURE D’éCRAN / BFMTV
Le politiste américano-néerlandais Cas Mudde, spécialiste des extrêmes droites, décrit un phénomène similaire à l’échelle européenne. Selon lui, les médias et partis politiques « pensent l’électorat plus à droite qu’il ne l’est réellement » sur les questions culturelles, dans un mouvement de balancier inverse à celui des années 1990, et adaptent leur ligne éditoriale à cette intuition afin d’attirer audience et revenus publicitaires.
Hors période électorale, l’Arcom vérifie tous les trimestres qu’un tiers du temps de parole politique est réservé à la majorité présidentielle, les deux tiers restants allant à l’opposition dans des proportions respectant celles de l’Assemblée nationale. En envoyant pour la première fois 88 députés au Palais-Bourbon, le Rassemblement national a mécaniquement fait grimper le temps d’antenne des discours d’extrême droite.
Cette règle identique pour tous n’empêche pas CNews de se distinguer par la coloration très conservatrice de son antenne : l’Arcom ne décompte pas les prises de parole des présentateurs, tels que l’essayiste conservateur Mathieu Bock-Côté ou encore Pascal Praud et Laurence Ferrari, aux éditos parfois très engagés.
Le vocabulaire se répand
« Je ne vous laisserai pas dire qu’on a un prisme d’extrême droite », pouvait ainsi déclarer, le 11 janvier sur Franceinfo, le numéro deux de Canal+, Gérald-Brice Viret. En capturant les images de la chaîne d’opinion toute l’année 2023, les activistes de Sleeping Giants, un collectif qui lutte contre le financement publicitaire de médias propageant « des discours de haine », a pourtant calculé que CNews avait parlé, dans ses bandeaux, d’islam et d’immigration (hors loi « immigration ») 335 jours sur 365.
Des études conduites par l’institut de sondage CSA (partie intégrante du groupe Havas, filiale de Vivendi) alimentent ces débats à un rythme effréné : entre juillet et décembre 2023, pas moins de vingt enquêtes d’opinion sur l’immigration, l’islamisme et l’insécurité ont irrigué l’antenne. Leurs questions simplistes – « Faites-vous confiance à la justice ? », « Faut-il accueillir plus de migrants en France ? » – servent de support aux controverses du jour présentées comme prioritaires dans les préoccupations des « Français ».
Cette droitisation du débat s’accentue lorsque des termes, très connotés idéologiquement, essaiment et colonisent les conversations. En ouverture du premier conseil des ministres du gouvernement Attal, le président de la République demandait aux nouveaux ministres d’éviter « le grand effacement »,usant d’une rhétorique chère à ceux qui théorisent la disparition de la culture européenne. Appelée à faire florès, elle intègre un glossaire déjà bien fourni : « décivilisation », « francocide », « grand remplacement », etc.
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