Interview de Mohammed-Saïd Karrouk, docteur et professeur de climatologie.
Mohammed-Saïd Karrouk : "Les ressources hydriques de l'Algérie proviennent en majorité des montagnes du Maroc"
Maroc Hebdo - 31 Mai 2024
Professeur Mohammed-Saïd Karrouk, professeur de climatologie à l’Université Hassan II de Casablanca, apporte sa grille de lecture concernant la dernière sortie du ministre algérien de l’Hydraulique, Taha Derbal, accusant le Maroc de tarir ses ressources hydriques. Interview.
L’Algérie a récemment accusé le Maroc de compromettre son équilibre environnemental en portant préjudice à ses ressources en eau, sachant bien qu’allusion a été faite aux eaux marocaines utilisées il y a plus de cinq décennies par notre voisin de l’Est. Comment interprétez-vous ces allégations ?
Dans le cas d’espèce, l’utilisation des ressources hydriques du Maroc par l’Algérie devait être régie par un accord mutuel et non pas à la manière dont elle le faisait il y a des décennies, avec comme particularité ces dernières années, la montée en flèche d’une attitude belliqueuse envers son voisin de l’Ouest. L’Algérie a entrepris une série de mesures et de démarches offensives et hostiles à l’encontre du Maroc.
Et donc, elle a créé une crise diplomatique de manière unilatérale avec le Royaume, dans laquelle notre pays a toujours adopté une position rationnelle. Je rappelle ici une partie du discours royal prononcé à l’occasion du 22ème anniversaire de la Fête du trône, où le souverain avait rassuré nos frères en Algérie en affirmant n’ils n’auront jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc.
Et c’est tout à fait le contraire de ce que fait le régime algérien. Mais au-delà de toutes ces considérations, le Maroc et l’Algérie vivent au rythme du stress hydrique. Les répercussions de la pénurie d’eau sont manifestes dans les deux pays. Si l’Algérie souffre de la pénurie d’eau, le Maroc est aussi impacté par la sécheresse, sauf qu’il n’ira pas jusqu’à jeter la responsabilité de cette situation sur un autre pays, comme le fait notre voisin.
Le régime algérien en place joue la carte de la victimisation en faisant croire que le Maroc serait en train de truster son or bleu, alors que ce dont il parle réellement n’est autre que les affluents de l’Oued Guir, qui déversaient dans le barrage Djorf Torba en Algérie…
Le Maroc a une politique nationale pour la gestion de son eau et pour la protection des citoyens. Il est de son droit de gérer ses ressources comme bon lui semble et de la manière la plus adéquate. Et ceux qui prétendent que le Maroc assèche leurs ressources hydriques, ils n’ont qu’à apporter leurs preuves. Ce n’est qu’un détour pour se déresponsabiliser de l’échec de la stratégie de gestion des ressources hydriques. Il faut d’abord qu’ils prouvent cela à leur peuple. A mon sens, tout cela ne débouchera sur rien finalement, car infondé.
Le Maroc oeuvre à utiliser son patrimoine et ses richesses de manière souveraine. Et si l’Algérie aspire à résoudre certains de ses problèmes hydriques à l’avenir, il faut nécessairement qu’elle trouve une solution avec le Maroc. Car en dépit du fait que notre voisin de l’Est dispose de stations de dessalement de l’eau de mer au nord, l’alimentation du centre et du sud algérien demeure un défi de taille.
Le Sud-Est de l’Oriental se ressource naturellement des eaux qui proviennent de l’Ouest du Maroc, et il paraît que l’Algérie tirait profit des conditions géographiques dans la région. A quand remonte cette situation ?
Le Maroc est un très beau pays et le plus important c’est qu’il a beaucoup de montagnes qu’on ne trouve pas ailleurs. Il a les montagnes de l’Atlas et les montagnes du Rif. Ces dernières sont uniques au reste du Maghreb arabe et l’avantage du Maroc en Afrique du Nord en termes de géographie, c’est qu’il est le seul pays à avoir des chaînes montagneuses de ce calibre. Géographiquement, ce constat est valable jusqu’en Egypte. Nous avons donc raison de dire que le Maroc est fier de ses montagnes, lesquelles montagnes lui ont conféré une position privilégiée dans le reste de la région.
Et c’est justement cette distinction qui lui a permis d’établir un système politique stable depuis la nuit des temps, car les conditions de stabilité étaient réunies. Auparavant, les ressources hydriques de l’Algérie proviennent en majorité des montagnes du Maroc. Tandis que les reliefs des chaînes montagneuses, qui ne sont que le prolongement du Haut-Atlas et du Moyen-Atlas, sont une route côtière étroite.
Chose qui joue en défaveur des précipitations en Algérie. Donc à la lumière de toutes ces données, on comprendra que l’Algérie dispose de très peu de ressources hydriques au nord. Le reste des ressources en eau qui alimentent le centre et le sud d’Algérie provient du Maroc, c’est-à-dire du Haut-Atlas et du Moyen-Atlas. Et si la démographie de certaines régions algériennes telles que Oran, Tlemcen In Salah, ainsi que d’autres zones très éloignées dont les limites peuvent aller jusqu’à Tindouf, a pu se développer au fils des ans, c’est parce que les eaux marocaines ressourçaient sa population.
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