L’unité 8200 est aujourd’hui un incubateur de start-up spécialisées dans la cybersécurité qui défendent les plus grandes entreprises du monde contre les hackers.
L’endroit d’où l’on vient est important quand on cherche des financements dans la Silicon Valley, qu’il s’agisse des arcades en grès du campus de l’université de Stanford ou des bureaux couverts de graffitis des débuts de Facebook. Or les capital-risqueurs ont désormais les yeux de Chimène pour une nouvelle catégorie de fondateurs : les anciens militaires d’une unité spécialisée de l’armée israélienne.
L’unité 8200, connue pour ses capacités avancées en matière de cybersécurité et de cyberguerre, a en effet vu ses membres fonder des dizaines d’entreprises de cybersécurité. Certains sont devenus des investisseurs en capital-risque influents et des mentors pour des entrepreneurs tout juste diplômés.
Au moins cinq entreprises technologiques créées par des anciens de l’unité 8200 sont cotées en Bourse aux Etats-Unis, représentant une capitalisation cumulée d’environ 160 milliards de dollars. Les entreprises non cotées créées par des ex-soldats de l’unité 8200 ajoutent à ce total des milliards de dollars de valorisation supplémentaires.
La plus importante d’entre elles, Wiz, est une société spécialisée dans la sécurité du cloud. Elle a failli signer en juillet un accord de 23 milliards de dollars pour être rachetée par Google. Il se serait agi de la plus grosse acquisition jamais réalisée par le numéro 1 mondial de la recherche en ligne. Après l'échec des négociations, le directeur général de Wiz, Assaf Rappaport, un vétéran de l’unité 8200, a annoncé à ses employés qu’il souhaitait atteindre un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars avant d’engager une introduction en Bourse.
Wiz et les anciens de 8200 s’attaquent à énorme problème de l’économie — celui de la sécurité numérique des grandes entreprises — avec les compétences et l’intensité qu’ils ont éprouvées au cours de leur carrière militaire. Un service aussi essentiel suscite une forte demande car de plus en plus d’activités sont amenées à transférer d'énormes quantités de documents et de données dans le cloud, qui est constamment attaqué par des hackers opportunistes. Alors que les anciens de l’unité 8200 n’évoquaient leur travail qu’à voix basse du temps de leur service, ils en font aujourd’hui la promotion à grands coups de communiqués de presse afin d’attirer des clients et des fonds d’investissement vers leurs start-up.
Palo Alto Networks, la plus grande société de cybersécurité cotée en Bourse, elle-même issue de la filière 8200, a racheté ces dernières années plusieurs entreprises dirigées par des ex-membres de l’unité. Greylock Partners et Sequoia Capital, deux des sociétés de capital-risque les plus célèbres de la Silicon Valley, ont récemment recruté des partenaires basés en Israël.
Dans tous les autres secteurs, la machine à investir de la Silicon Valley tourne au ralenti. Les fonds de d’amorçage sont plus difficiles à décrocher qu’il y a quelques années, et l’investissement en capital-risque a chuté environ de moitié par rapport au pic atteint en 2022.
L’armée israélienne recrute pour l’unité 8200 dès l'école primaire, en cherchant des talents dans les clubs de robotique et les programmes de codage extrascolaires. Une fois que les soldats ont travaillé dans l’unité, ils restent généralement en contact avec les commandants et les autres recrues pour la vie.
Une association d’anciens de l’unité 8200, basée à Tel-Aviv, organise des événements de formation à la gestion des affaires et des webinaires pour ses membres. Ils montent aussi souvent des réunions avec d’autres soldats avec lesquels ils ont travaillé dans le passé dans des villes du monde entier.
« On a l’impression de pouvoir tout faire »
Au sein de l’unité 8200, ils apprennent des techniques pratiques de cybersécurité et les tactiques de surveillance les plus récentes, racontent des anciens. Leur focalisation sur la sécurité nationale d’Israël leur donne un savoir incomparable en matière de cyberattaque et de cyberdéfense une fois qu’ils ont quitté le service.
L’unité 8200 encourage ses recrues à remettre en question leurs supérieurs et à s’attaquer à des problèmes complexes n’ayant encore aucune solution connue. Beaucoup disent que cette culture du travail sous forte pression et cette capacité à réfléchir rapidement font partie des clés de leur succès dans le monde des affaires, une fois qu’ils ont quitté l’armée.
« Cela vous donne presque l’impression que vous pouvez tout faire », confie Kobi Samboursky à propos des six années qu’il a passées dans l’unité 8200. En 2011, il a fondé la société de capital-risque Glilot Capital Partners, baptisée d’après le nom de la base militaire de l’unité, située à proximité de Tel-Aviv. « J’ai connu des situations tellement plus difficiles, ajoute-t-il. Par rapport à cela, qu’est-ce qu’une deadline ? Qu’est-ce qu’un concurrent ? Qu’est-ce qu’un investisseur ? Tout semble plus facile. »
La plupart des entreprises dans lesquelles a investi le premier fonds de Glilot Capital, doté de 30 millions de dollars, étaient dirigées par d’anciens soldats de l’unité. Depuis, la valeur du fonds a augmenté de 84,1 % par an, après déduction des frais, indique M. Samboursky. Il aime trouver des équipes dont les cofondateurs sont issus de l’unité 8200, car cela signifie qu’ils ont traversé ensemble des situations difficiles, précise-t-il.
« Il y a une incroyable liberté d’action accordée à un âge très jeune, et les problèmes auxquels vous êtes confrontés sont assez bruts », renchérit Yotam Segev, PDG de Cyera, une entreprise fondée en 2021 par d’anciens officiers de l’unité 8200. A l’instar de Wiz, Cyera analyse les fichiers des entreprises dans le cloud pour détecter des vulnérabilités potentielles en matière de sécurité des données. Elle a levé 300 millions de dollars en avril auprès d’investisseurs qui l’ont valorisée à 1,4 milliard de dollars.
M. Segev a créé Cyera à New York avec une autre vétéran de l’unité 8200, Tamar Bar-Ilan, afin de commercialiser les techniques de sécurisation des données dans le cloud sur lesquelles il a travaillé quand il était militaire. Lorsqu’il a commencé à chercher des fonds, d’autres membres de l’unité lui ont suggéré de s’adresser au capital-risqueur Gili Raanan, un des premiers investisseurs de Wiz, par l’intermédiaire de sa société de capital-risque Cyberstarts, basée dans la ville balnéaire israélienne de Mikhmoret. M. Raanan est devenu le premier investisseur de Cyera.
M. Raanan a ensuite recommandé Cyera à Doug Leone, un associé principal de Sequoia. M. Leone a supervisé les investissements de Sequoia dans quatre entreprises dirigées par d’anciens soldats de l’unité 8200, qui ont toutes été également financées par Cyberstarts.
Lorsque Sanaz Yashar, une autre militaire de l’unité 8200, a levé des fonds pour sa start-up de cybersécurité Zafran, M. Segev lui a recommandé de suivre la même voie et de rechercher un financement auprès de M. Leone.
« Il est presque de notre unité, lui a-t-il dit. Il vient du quartier. »
Mme Yashar, qui a immigré d’Iran en Israël à l'âge de 17 ans, a été recrutée par l’unité 8200 alors qu’elle étudiait la biologie à l’université de Tel-Aviv. Au début du processus de sélection, un officier l’a emmenée dans une salle de réunion sans fenêtre et lui a montré comment accéder à distance à l’appareil d’un officier de l’armée iranienne afin d’intercepter ses communications.
« L’adrénaline que l’on ressent dans le sang à ce moment-là n’est comparable à rien d’autre », raconte Mme Yashar. Elle a servi pendant quinze ans et a fini par superviser un département d’analystes.
Mme Yashar dit regretter que de plus en plus de jeunes entrent à l’unité 8200 parce qu’ils pensent que c’est la voie royale pour devenir des leaders de la tech. Elle a été déçue que des toutes nouvelles recrues lui posent des questions sur les recrutements et les salaires dans les entreprises technologiques lorsqu’elle est venue donner une conférence il y a quelques années.
« Il est temps de comprendre que la mission est plus importante que tout le reste, et que la technologie n’est qu’un outil au service de la mission », insiste Mme Yashar.
L’endroit d’où l’on vient est important quand on cherche des financements dans la Silicon Valley, qu’il s’agisse des arcades en grès du campus de l’université de Stanford ou des bureaux couverts de graffitis des débuts de Facebook. Or les capital-risqueurs ont désormais les yeux de Chimène pour une nouvelle catégorie de fondateurs : les anciens militaires d’une unité spécialisée de l’armée israélienne.
L’unité 8200, connue pour ses capacités avancées en matière de cybersécurité et de cyberguerre, a en effet vu ses membres fonder des dizaines d’entreprises de cybersécurité. Certains sont devenus des investisseurs en capital-risque influents et des mentors pour des entrepreneurs tout juste diplômés.
Au moins cinq entreprises technologiques créées par des anciens de l’unité 8200 sont cotées en Bourse aux Etats-Unis, représentant une capitalisation cumulée d’environ 160 milliards de dollars. Les entreprises non cotées créées par des ex-soldats de l’unité 8200 ajoutent à ce total des milliards de dollars de valorisation supplémentaires.
La plus importante d’entre elles, Wiz, est une société spécialisée dans la sécurité du cloud. Elle a failli signer en juillet un accord de 23 milliards de dollars pour être rachetée par Google. Il se serait agi de la plus grosse acquisition jamais réalisée par le numéro 1 mondial de la recherche en ligne. Après l'échec des négociations, le directeur général de Wiz, Assaf Rappaport, un vétéran de l’unité 8200, a annoncé à ses employés qu’il souhaitait atteindre un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars avant d’engager une introduction en Bourse.
L’armée israélienne recrute pour l’unité 8200 dès l'école primaire, en cherchant des talents dans les clubs de robotique et les programmes de codage extrascolaires
Palo Alto Networks, la plus grande société de cybersécurité cotée en Bourse, elle-même issue de la filière 8200, a racheté ces dernières années plusieurs entreprises dirigées par des ex-membres de l’unité. Greylock Partners et Sequoia Capital, deux des sociétés de capital-risque les plus célèbres de la Silicon Valley, ont récemment recruté des partenaires basés en Israël.
Dans tous les autres secteurs, la machine à investir de la Silicon Valley tourne au ralenti. Les fonds de d’amorçage sont plus difficiles à décrocher qu’il y a quelques années, et l’investissement en capital-risque a chuté environ de moitié par rapport au pic atteint en 2022.
L’armée israélienne recrute pour l’unité 8200 dès l'école primaire, en cherchant des talents dans les clubs de robotique et les programmes de codage extrascolaires. Une fois que les soldats ont travaillé dans l’unité, ils restent généralement en contact avec les commandants et les autres recrues pour la vie.
Une association d’anciens de l’unité 8200, basée à Tel-Aviv, organise des événements de formation à la gestion des affaires et des webinaires pour ses membres. Ils montent aussi souvent des réunions avec d’autres soldats avec lesquels ils ont travaillé dans le passé dans des villes du monde entier.
« On a l’impression de pouvoir tout faire »
Au sein de l’unité 8200, ils apprennent des techniques pratiques de cybersécurité et les tactiques de surveillance les plus récentes, racontent des anciens. Leur focalisation sur la sécurité nationale d’Israël leur donne un savoir incomparable en matière de cyberattaque et de cyberdéfense une fois qu’ils ont quitté le service.
L’unité 8200 encourage ses recrues à remettre en question leurs supérieurs et à s’attaquer à des problèmes complexes n’ayant encore aucune solution connue. Beaucoup disent que cette culture du travail sous forte pression et cette capacité à réfléchir rapidement font partie des clés de leur succès dans le monde des affaires, une fois qu’ils ont quitté l’armée.
« Cela vous donne presque l’impression que vous pouvez tout faire », confie Kobi Samboursky à propos des six années qu’il a passées dans l’unité 8200. En 2011, il a fondé la société de capital-risque Glilot Capital Partners, baptisée d’après le nom de la base militaire de l’unité, située à proximité de Tel-Aviv. « J’ai connu des situations tellement plus difficiles, ajoute-t-il. Par rapport à cela, qu’est-ce qu’une deadline ? Qu’est-ce qu’un concurrent ? Qu’est-ce qu’un investisseur ? Tout semble plus facile. »
La plupart des entreprises dans lesquelles a investi le premier fonds de Glilot Capital, doté de 30 millions de dollars, étaient dirigées par d’anciens soldats de l’unité. Depuis, la valeur du fonds a augmenté de 84,1 % par an, après déduction des frais, indique M. Samboursky. Il aime trouver des équipes dont les cofondateurs sont issus de l’unité 8200, car cela signifie qu’ils ont traversé ensemble des situations difficiles, précise-t-il.
« Il y a une incroyable liberté d’action accordée à un âge très jeune, et les problèmes auxquels vous êtes confrontés sont assez bruts », renchérit Yotam Segev, PDG de Cyera, une entreprise fondée en 2021 par d’anciens officiers de l’unité 8200. A l’instar de Wiz, Cyera analyse les fichiers des entreprises dans le cloud pour détecter des vulnérabilités potentielles en matière de sécurité des données. Elle a levé 300 millions de dollars en avril auprès d’investisseurs qui l’ont valorisée à 1,4 milliard de dollars.
M. Segev a créé Cyera à New York avec une autre vétéran de l’unité 8200, Tamar Bar-Ilan, afin de commercialiser les techniques de sécurisation des données dans le cloud sur lesquelles il a travaillé quand il était militaire. Lorsqu’il a commencé à chercher des fonds, d’autres membres de l’unité lui ont suggéré de s’adresser au capital-risqueur Gili Raanan, un des premiers investisseurs de Wiz, par l’intermédiaire de sa société de capital-risque Cyberstarts, basée dans la ville balnéaire israélienne de Mikhmoret. M. Raanan est devenu le premier investisseur de Cyera.
M. Raanan a ensuite recommandé Cyera à Doug Leone, un associé principal de Sequoia. M. Leone a supervisé les investissements de Sequoia dans quatre entreprises dirigées par d’anciens soldats de l’unité 8200, qui ont toutes été également financées par Cyberstarts.
Lorsque Sanaz Yashar, une autre militaire de l’unité 8200, a levé des fonds pour sa start-up de cybersécurité Zafran, M. Segev lui a recommandé de suivre la même voie et de rechercher un financement auprès de M. Leone.
« Il est presque de notre unité, lui a-t-il dit. Il vient du quartier. »
Mme Yashar, qui a immigré d’Iran en Israël à l'âge de 17 ans, a été recrutée par l’unité 8200 alors qu’elle étudiait la biologie à l’université de Tel-Aviv. Au début du processus de sélection, un officier l’a emmenée dans une salle de réunion sans fenêtre et lui a montré comment accéder à distance à l’appareil d’un officier de l’armée iranienne afin d’intercepter ses communications.
L’unité 8200 est une branche de l’Aman, le service de renseignement militaire israélien. Elle est particulièrement compétente pour collecter des communications et des signaux électroniques provenant d’adversaires étrangers tels que l’Iran
Mme Yashar dit regretter que de plus en plus de jeunes entrent à l’unité 8200 parce qu’ils pensent que c’est la voie royale pour devenir des leaders de la tech. Elle a été déçue que des toutes nouvelles recrues lui posent des questions sur les recrutements et les salaires dans les entreprises technologiques lorsqu’elle est venue donner une conférence il y a quelques années.
« Il est temps de comprendre que la mission est plus importante que tout le reste, et que la technologie n’est qu’un outil au service de la mission », insiste Mme Yashar.
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