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Les politiques français pris de court par le chaos mondial provoqué par Donald Trump

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  • Les politiques français pris de court par le chaos mondial provoqué par Donald Trump



    Décryptage

    Dans un monde chamboulé par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, les responsables des formations politiques françaises, par peur d’un faux pas avant la présidentielle de 2027, peinent à s’emparer des sujets internationaux, qui devraient pourtant constituer un enjeu majeur de la campagne électorale.
    Dans la nuit du 5 au 6 novembre 2024, Donald Trump remporte pour la seconde fois l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Contrairement à son premier succès obtenu sur le fil, en 2016, son retour à la Maison Blanche signifie l’ébranlement de l’ordre américain instauré au sortir de la seconde guerre mondiale. Mieux préparé à la fonction suprême, adossé à un Parti républicain tout à sa dévotion, il est désormais entouré de responsables partageant sa volonté de remettre en question les alliances patiemment nouées par Washington, considérées jusqu’ici comme un démultiplicateur de puissance. Plus indifférent que jamais au droit international et aux contraintes de celui-ci, Donald Trump a les coudées franches.

    La même nuit, à Paris, l’Assemblée nationale se révèle incapable d’examiner dans les délais impartis le budget de la Sécurité sociale, transmis sans vote au Sénat sous les huées des oppositions. Un mois plus tard, la France se retrouve sans gouvernement et sans loi de finances à la suite de l’adoption d’une motion de censure déposée par la gauche et soutenue par le Rassemblement national (RN).

    A ce tableau s’ajoute un président de la République durablement affaibli par le résultat des législatives, le 7 juillet 2024, à la suite de la dissolution, en juin, de l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron en avait fait le choix après des élections européennes aux allures de désaveu pour sa majorité relative, qui recule encore face au RN et au Nouveau Front populaire, rassemblant les familles de la gauche à l’issue des législatives anticipées.

    Quand le 7 janvier, sans même attendre son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump dévoile ses ambitions impérialistes, lors d’une conférence de presse historique dans sa résidence luxueuse de Mar-a-Lago, en Floride, donnant libre cours à ses visées sur le canal de Panama, le Groenland et le Canada, les réactions françaises sont maigres. A Paris, la politique reste, à cet instant, dominée par la quête d’un budget…

    Depuis le tourbillon des premières semaines au pouvoir du républicain – avec, comme point d’orgue, l’humiliation du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, le 28 février –, jamais le contraste n’a été aussi saisissant entre un ordre mondial chancelant et l’impréparation des responsables des principales formations politiques hexagonales. Concentrés depuis des années sur des enjeux strictement nationaux, qu’il s’agisse de l’âge du départ à la retraite ou de la fiscalité, aussi légitimes soient-ils, ils paraissent s’être isolés « dans une bulle », selon Jean-Louis Bourlanges, ancien député (MoDem) et ex-président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Cette« bulle » est à peine troublée par les débats consacrés à la « situation en Ukraine » et à la « sécurité en Europe », lundi 3 et mardi 4 mars, dans les deux chambres d’un Parlement à moitié vide.

    Une « déconnexion » plus grande qu’en Allemagne


    Ce constat sévère est partagé par de nombreux membres de cercles de réflexion, spécialistes des questions internationales. Selon Gilles Gressani, fondateur et directeur de la revue de géopolitique Le Grand Continent, cette torpeur pourrait être l’une des explications d’un « sous-investissement politique et bureaucratique » de la France, qu’il déplore, à un échelon de décision devenu structurant – l’Union européenne –, et oppose au volontarisme allemand.

    Chef du bureau de Paris du German Marshall Fund of the United States, une des institutions de la relation transatlantique remises en question par le nouveau président américain, Martin Quencez dispose de l’élément de comparaison que constituent les antennes de son organisation dans d’autres capitales européennes. Il note, en France, une « déconnexion » plus grande qu’en Allemagne, où le terme Zeitenwende employé, dès le 27 février 2022, par le chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, a témoigné que l’invasion de l’Ukraine, bousculant les piliers de la stabilité allemande, augurait bien un « changement d’époque ».

    Son successeur probable, Friedrich Merz, affiche une volonté plus grande de revoir les fondamentaux de la sécurité continentale. Il en appelle à une Europe « indépendante des Etats-Unis », redoute la fin de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et veut « discuter » avec les Britanniques et les Français pour savoir si leur protection nucléaire pourrait s’étendre à son pays.

    Avant l’élection de Donald Trump, ni l’onde de choc géopolitique provoquée par l’invasion de l’Ukraine ou par celle de l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, ni le retrait forcé de l’armée française de nombreux pays africains, n’avait, selon M. Quencez, ébranlé la torpeur hexagonale. Seule la relation avec l’Algérie suscite des passions, principalement à droite et à l’extrême droite.

    Conseiller à l’Institut Montaigne, un laboratoire d’idées proche de la droite, l’ancien ambassadeur Michel Duclos abonde, déplorant un regard alors limité à des considérations étroites de politique intérieure. « Dans le premier cas, l’Ukraine, l’analyse a surtout porté sur les conséquences électorales possibles pour Marine Le Pen et le Rassemblement national, identifiés comme liés à Moscou, note-t-il. Dans le second [attaque du 7-Octobre], le débat s’est déporté sur La France insoumise [LFI] avec le même questionnement, compte tenu de son positionnement propalestinien, sans aller plus loin. »

    Les enjeux sont pourtant immenses. « Le retour des empires, russe, chinois, américain, est effrayant, les Européens sont au pied du mur, observe l’ancien premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation Jean Jaurès. Il existe un espace pour une voix originale de la France, intégrée dans la dynamique européenne. »

    Un « avachissement » des grands partis politiques


    Pour Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), l’apathie nourrie après la disparition de l’Union soviétique par les « dividendes de la paix » – une paix perçue comme définitivement acquise en Europe – rend aujourd’hui douloureuse la simple question du maintien de la sécurité en France.

    La guerre ne peut plus être envisagée uniquement dans le cadre d’opérations extérieures contre des entités non étatiques, conduites par une armée de métier. L’opinion publique s’est habituée à mesurer ces opérations à l’aune de pertes réduites, loin du tribut de la guerre conventionnelle, de haute intensité, telle qu’elle a fait son retour sur le sol européen, en Ukraine. Emmanuel Macron, le 5 mars, pointant la « menace » russe et le désengagement américain, en a appelé à la « force d’âme » de ses concitoyens.

    Les raisons du désintérêt des responsables politiques françaissont diverses. Certaines sont conjoncturelles et tiennent à l’affaiblissement des partis politiques au sein desquels s’élaborait traditionnellement une vision politique et stratégique. « A mon époque, se souvient François Hollande avec une évidente nostalgie, quand on était bien formés politiquement, on analysait la situation en se demandant comment on voyait le monde, comment on voulait peser sur lui. Ensuite, on déclinait. Quelle Europe pour ce monde-là ? Comment on s’y prépare, et avec quelle France pour agir ? C’était simple comme plan. Il faut commencer par la première question : pas tout de suite par la France, mais par l’analyse du monde. »

    Pour l’ancien président de la République, premier secrétaire du Parti socialiste (PS) pendant onze ans, de 1997 à 2008, l’élection d’Emmanuel Macron, en 2017, qui a coïncidé avec son propre départ du pouvoir, a constitué un « tournant ». « Les grands partis politiques [dits « de gouvernement », à droite comme à gauche] se sont liquéfiés et ont perdu l’énergie et leurs leaders », estime François Hollande. « Il y a eu un avachissement », insiste-t-il.

    Le poids accru de mouvements à la structure verticale, organisés autour d’une personnalité charismatique, qu’il s’agisse de Renaissance, du RN ou de LFI, a aussi privé la politique d’espaces de réflexion et de débat. Les revirements soudains, comme le renoncement par le RN à sa revendication du retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, dans le contexte de la guerre en Ukraine, sont une illustration de cette personnalisation maximale des questions internationales. Au RN, la géopolitique relève du « domaine réservé » de la direction du parti, admet le député européen Pierre-Romain Thionnet, ancien assistant parlementaire de Jordan Bardella.

    Les Français s’inquiètent


    D’autres raisons sont structurelles, liées à la concentration de la décision en politique étrangère dans la personne du président de la République. La Constitution de la Ve République ne mentionne pourtant pas le moindre « domaine réservé ». Le locataire de l’Elysée est le chef des armées, préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale, mais le premier ministre est responsable de la défense nationale et le gouvernement « dispose » de la force armée. Dans la pratique, la politique étrangère est bien décidée par le président, et par lui seul. Le Parlement, devant lequel ce dernier ne peut s’exprimer qu’à titre exceptionnel et où sont représentés les partis, a été réduit à un rôle de spectateur.« Le responsable de la politique étrangère n’était pas responsable devant moi », rappelle M. Bourlanges, après trois années à la tête de la commission des affaires étrangères au Palais-Bourbon, ce qui, selon lui, a alimenté un détachement des élus vis-à-vis des sujets internationaux.


    Ce phénomène a été accentué par le sentiment que l’investissement dans la diplomatie est une cause perdue. Jusqu’en 2022, « aucune élection présidentielle ne s’est jamais jouée sur les sujets de politique étrangère », observe Frédéric Dabi, directeur de l’institut de sondage IFOP. « Il faut toujours s’éloigner de l’international en période électorale : il n’y a que des coups à prendre et aucun électeur à gagner », commente un lieutenant de Marine Le Pen, reconnaissant les difficultés du parti d’extrême droite liées à sa proximité avec la Russie.

    Les Français s’inquiètent aujourd’hui du désordre mondial, mais les responsables politiques peinent à investir le sujet, comme s’ils redoutaient la faute, deux ans avant l’échéance de 2027. Peu de candidats, officiels ou pressentis, en particulier au RN, ont donné suite à nos propositions d’entretien. Chez Les Républicains, où persiste, chez certains anciens soutiens de François Fillon, une bienveillance pragmatique à l’égard de Moscou, aucune ligne franche ne se dessine. Avec une honnêteté déconcertante, un conseiller de Laurent Wauquiez, qui nourrit des ambitions présidentielles, arguait auprès du Monde, le 25 février, que l’élu de la Haute-Loire était sur un « autre sujet »,dans une allusion à la bataille menée contre son rival Bruno Retailleau pour occuper la présidence du parti de droite.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2

    « Dans le processus de sélection des élites, [les questions géopolitiques], ce n’est pas valorisé », juge M. Gomart. Une erreur, pense-t-il, considérant que la vision d’une politique étrangère n’a rien d’accessoire pour les citoyens. « Les Français sont peut-être plus inquiets que d’autres, je ne crois pas du tout qu’il y ait une indifférence du corps social », abonde François Hollande. « En 2027, plus aucun candidat ne pourra faire l’impasse sur ce sujet », présage aussi M. Dabi.

    Un prêt-à-penser français ébranlé


    La remise en question croissante de l’ordre international qu’ont défendu les Etats-Unis à partir de 1945 – non sans s’en affranchir ponctuellement, comme en envahissant l’Irak sans mandat des Nations unies, en 2003 – ébranle un prêt-à-penser français en matière de diplomatie, longtemps réputé inoxydable : le « gaullo-mitterrandisme », présenté comme un relatif non-alignement permettant d’entretenir l’idée d’une France « puissance d’équilibre », mais susceptible d’un nombre extensible d’interprétations. M. Gressani, du Grand Continent, assure qu’il n’a jamais compris avec précision ce que le terme recoupe.

    La formule a longtemps suscité le consensus, au point de devenir un réflexe de facilité. « La doctrine gaulliste, ça plaît à tout le monde », constate Jean-Philippe Tanguy, député (RN) de la Somme, proche de Marine Le Pen. Inutile de dire que l’invocation des mânes du fondateur de la Ve République a régulièrement été utilisée dans les jeux d’influence russes et chinois pour inciter les responsables politiques français à s’éloigner de l’Alliance atlantique.

    Derrière l’écran du « gaullo-mitterrandisme », l’ancien ambassadeur Michel Duclos constate plusieurs phénomènes comme la persistance du « parti russe » dans la politique française. Celui-ci est favorable au dialogue avec Moscou, quelles que soient les circonstances, en dépit de l’hostilité croissante de Vladimir Poutine à l’égard d’un Occident qu’il considère comme décadent.Ce constat est partagé par M. Gomart, qui rappelle que trois des quatre candidats arrivés en tête au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 (Marine Le Pen, reçue à Moscou, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon) pouvaient être rangés dans le camp d’une bienveillance assumée vis-à-vis de Vladimir Poutine, en dépit des interventions militaires russes en Géorgie, en Syrie et en Ukraine.

    M. Duclos constate également un affaiblissement du message politique français adressé au Moyen-Orient, réduit à un positionnement politique justifié par des considérations électorales sur le conflit israélo-palestinien, ainsi qu’un paradoxe européen.

    « Il n’y a plus de partis antieuropéens, même le Rassemblement national a accepté l’UE, mais la perspective européenne ne soulève plus ni élan ni enthousiasme, depuis des années », alors qu’elle est une cible revendiquée de la nouvelle administration américaine, juge-t-il. En témoigne le discours extrêmement agressif prononcé lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février, par le vice-président, J. D. Vance.

    Ce discours, puis la scène violente de la Maison Blanche, accompagnée quelques jours plus tard par l’interruption du soutien militaire et des renseignements américains à l’Ukraine, un pays allié victime d’une guerre d’agression, a cependant créé une situation nouvelle. Elle a ainsi poussé Edouard Philippe, chef du parti Horizons, jusqu’alors silencieux, à dénoncer vivement, le 4 mars, une « trahison » américaine et un probable « effondrement des bases sur lesquelles l’ordre du monde est fondé depuis 1945 ». A l’opposé, Marine Le Pen s’évertue à minimiser la menace russe. « Ça n’est pas parce qu’un dirigeant est hostile à un continent qu’il lui fait la guerre ! », dit-elle au Figaro, le 7 mars, tout en ménageant Donald Trump, qui a, selon elle, « un défaut majeur aux yeux des responsables politiques français : il tient ses promesses. Il avait promis la paix, il va donc y mettre tout son poids ».

    Deux visions du monde


    Selon M. Gressani, cette brutalité a eu un effet révélateur, posant en termes crus les questions de souveraineté et de vassalisation. « Il y avait une fenêtre de tir possible pour la nouvelle administration américaine de faire des concessions symboliques en échange d’une abdication de notre souveraineté, dit-il. Mais, en s’exprimant de cette manière, cette administration se présente désormais comme une menace existentielle. Ellepose des défis redoutables à la fois à La France insoumise et au Rassemblement national. Pour les premiers, comment s’accrocher à la vision d’un monde menacé par l’empire américain lorsque ce dernier s’aligne sur l’empire russe ? Pour le RN, il est aussi délicat de camper sur le réveil des nations, lorsque la Russie et les Etats-Unis n’offrent pas d’alternative à la vassalisation de l’Europe. »

    Cette « nouvelle ère », décrite, le 5 mars, par Emmanuel Macron,porte la promesse d’une opposition durable entre deux visions du monde françaises. La première est défendue par Jean-Luc Mélenchon. Passionné par les questions géopolitiques, nourri de lectures, de voyages et de rencontres avec des dirigeants étrangers proches de son univers intellectuel, l’« insoumis » estime n’avoir nullement besoin de réviser son logiciel, bâti sur le non-alignement et l’altermondialisme. L’histoire, pense-t-il, lui donne raison.

    L’ancien lambertiste, passé par le PS, avant de fonder le parti de gauche radicale, pense que le basculement de Donald Trump dans le camp des adversaires de l’Europe signe le temps de sa revanche idéologique. « On vient de passer dix ans avec des gens qui ont répété sur tous les tons une psalmodie à propos de l’omnipotence des Etats-Unis, qui a orienté toute leur construction intellectuelle et leur vision du monde », raille-t-il. « Il s’agit de faire son deuil jusqu’au bout à propos du mythe des Etats-Unis bienfaisants et libérateurs », écrit-il encore dans une note de son blog, au lendemain de l’humiliation du président ukrainien à la Maison Blanche.

    La ligne de fracture à venir porte sur les leçons à tirer de ce constat. Pour contrebalancer la puissance américaine, l’ancien candidat à la présidentielle défend, depuis plus de quinze ans, une « coopération privilégiée avec la Chine ». « Mon sujet, dit-il, c’est l’équilibre des puissances », tout en reconnaissant que « le problème qui arrive devant nous, c’est celui de la puissance chinoise ». Le renforcement de l’Europe, poussé par Emmanuel Macron et les grands partis de gouvernement pour pallier la défection américaine, est à ses yeux un « songe creux ». « On est en train de raconter une histoire qui sert de paravent à une réalité qui, elle, continue son petit chemin »,pense celui qui rappelle avoir été un ancien partisan du fédéralisme européen avant d’admettre ce rêve « impossible ».

    L’Europe de la défense, jugée plus que jamais nécessaire par Emmanuel Macron – qui l’évoque de longue date – et par les partis du bloc central,pour en finir avec la dépendance du Vieux Continent vis-à-vis des garanties de sécurité américaines, est interprétée au mieux comme un « projet fumeux », au pire comme un « glissement » belliqueux. « On a été l’Europe de la paix, puis on est devenus l’Europe de la défense, et maintenant nous voilà dans l’Europe de la guerre ! », s’insurge Jean-Luc Mélenchon, conscient de faire écho à une inquiétude grandissante des citoyens. « Attention à ceux qui jouent à la guerre. Tout mais pas la guerre », insiste-t-il, s’opposant catégoriquement à l’idée que la France, avec ses alliés européens, puisse envisager de riposter à la Russie pour venir en aide à l’Ukraine.

    Pour défendre ses intérêts, la France n’a qu’à « prendre pied dans les lieux de débat », comme à l’Organisation des Nations unies (ONU), avance-t-il. « Le point d’appui et de repère, c’est l’existence d’un droit international », défend-il, assurant, en visant les Etats-Unis, que « l’Empire ne veut pas de l’ONU ». Il y a dans cette vision deux angles morts : le constat d’impuissance des Nations unies, et la relation avec la Russie, très rarement évoquée, mais qui demeure un partenaire potentiel pour le leader de LFI.

    A l’extrême droite, aussi, on s’étrangle à l’idée que cette transformation de l’ordre mondial mène à un renforcement de l’Europe. « L’UE, ce sont des “serial pilleurs” qui profitent de chaque crise pour s’attribuer de nouvelles compétences », attaque Marine Le Pen dans Le Figaro.

    « Trump va imposer son désordre au monde »


    Dans le camp des partisans de l’Europe de la défense, on retrouve François Hollande, aguerri par l’exercice du pouvoir et par un mandat déjà marqué par les tensions extrêmes avec Vladimir Poutine, lors de l’annexion de la Crimée, en 2014, deux ans après son arrivée à l’Elysée. L’ancien président français fait partie des rares personnalités politiques qui se sont montrées promptes à analyser les bouleversements du monde. Il en est convaincu, « la prochaine élection présidentielle portera principalement sur les questions géopolitiques, compte tenu de l’aggravation du contexte international » – sans doute, aussi, parce qu’une telle priorité pourrait l’avantager.

    Plus qu’imposer un nouvel ordre mondial, « Trump va imposer son désordre au monde », résume le socialiste. Ce nouveau paradigme conduit l’ex-premier secrétaire du PS à assumer une rupture franche avec Washington : « Donald Trump n’est plus notre allié », a-t-il asséné dans un entretien au Monde, le 28 février, avant même l’altercation historique de la Maison Blanche. François Hollande prône une contre-attaque à l’agressivité de Donald Trump et suggère de « faire mal, très mal » à Washington, en agissant sur le terrain économique et financier.

    L’ancien locataire de l’Elysée tire sans ambages un trait sur la doctrine « gaullo-mitterrandienne ». Nous avons, pense-t-il, basculé dans « un autre temps ». Et la France, poursuit-il, doit maintenant penser sa force dans l’Europe. Cette pensée proeuropéenne, assure-t-il, ne fait plus polémique à gauche. « Les débats de 2005 », qui avaient déchiré les socialistes, « sur une Europe ouverte à la mondialisation qui nous éloignerait de nos idéaux ne sont plus le sujet », dit-il. Aujourd’hui, les questionnements portent sur les moyens que peut avoir l’Union européenne de se défendre.

    C’est dans le détail de la construction de cette Europe de la défense que pourraient donc apparaître les clivages et nuances entre la gauche, le centre et la droite. Avec qui faire cette Europe de la défense ?, interroge François Hollande, précisant qu’il est impossible de bâtir une telle architecture en conviant les vingt-sept Etats membres.

    L’ancien président plaide pour un approfondissement de la relation avec l’Allemagne et avec une poignée d’Etats membres volontaristes, ainsi qu’avec les Britanniques. « La deuxième question, plus redoutable, est la suivante : est-on prêts à faire la guerre ? Y compris à utiliser la dissuasion nucléaire ? La France et le Royaume-Uni, les deux seules puissances européennes à en disposer, sont ici dans une position particulière », remarque-t-il.

    Sous la pression des événements, chaque camp politique est, peu à peu, sommé de se positionner. Signe de son embarras, le RN tergiverse, replié derrière des principes devenus obsolètes. Hostile à l’Europe de la défense, Marine Le Pen a été l’une des rares responsables à relativiser l’incident de la Maison Blanche, avant de s’indigner de la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine. Elle est désormais à découvert, comme tous les candidats potentiels à la présidentielle de 2027. Les débats promettent d’être rudes, entre les accusations de « capitulards » et de « va-t-en-guerre » qui pleuvent déjà. La « bulle » française est sur le point d’éclater.

    Claire Gatinois

    Gilles Paris

    Philippe Ricard
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

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