BHL ne fera pas de prison en Tunisie. Mais cette condamnation restera comme un symbole : celui d’un monde qui n’accepte plus l’arrogance de ceux qui croient pouvoir remodeler les nations à leur guise.
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Bernard-Henri Lévy condamné par la Tunisie à 33 ans de prison
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En Tunisie, le procès pour complot contre l’Etat se termine en « folie judiciaire »
Des peines allant jusqu’à soixante-six ans de prison ferme ont été infligées à la quarantaine d’accusés, opposants, journalistes, membres de la société civile, de ce procès emblématique de la répression sous la présidence de Kaïs Saïed.
La Tunisie a assisté à une tragédie judiciaire, « une pièce de théâtre médiocre », comme l’a déploré la Coordination des familles de prisonniers politiques, vendredi 18 avril. Au terme d’une audience sous haute protection policière à laquelle ni les journalistes, ni les organisations des droits de l’homme, ni les membres de missions diplomatiques n’ont eu le droit d’assister, les juges de l’un des procès les plus décriés de la présidence de Kaïs Saïed se sont retirés pour délibérer.
Le verdict est tombé samedi avant l’aube, à 5 heures du matin, et s’est révélé particulièrement lourd pour la quarantaine d’accusés de complot contre la sûreté de l’Etat : treize à soixante-six ans de prison ont été décidés contre ces opposants politiques, journalistes, membres de la société civile qui, pour beaucoup, n’avaient pas de lien entre eux. Même le philosophe français Bernard-Henri Lévy figure sur la liste.
Aucun détail n’a été communiqué officiellement, mais, depuis, des précisions ont été diffusées par l’avocat Abdessatar Messaoudi et repris par les médias – leur confirmation officielle ne pourra avoir lieu avant lundi. Considéré comme l’un des principaux instigateurs du « complot », selon le dossier d’instruction, Kamel Eltaïef, 70 ans, influent homme d’affaires lié aux cercles du pouvoir sous Zine El-Abidine Ben Ali, a été condamné à soixante-six ans de prison ferme, la peine la plus lourde.
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Le Monde
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En Tunisie, le procès pour complot contre l’Etat se termine en « folie judiciaire »
De peines allant jusqu’à soixante-six ans de prison ferme ont été infligées à la quarantaine d’accusés, opposants, journalistes, membres de la société civile, de ce procès emblématique de la répression sous la présidence de Kaïs Saïed.
La Tunisie a assisté à une tragédie judiciaire, « une pièce de théâtre médiocre », comme l’a déploré la Coordination des familles de prisonniers politiques, vendredi 18 avril. Au terme d’une audience sous haute protection policière à laquelle ni les journalistes, ni les organisations des droits de l’homme, ni les membres de missions diplomatiques n’ont eu le droit d’assister, les juges de l’un des procès les plus décriés de la présidence de Kaïs Saïed se sont retirés pour délibérer.
Le verdict est tombé samedi avant l’aube, à 5 heures du matin, et s’est révélé particulièrement lourd pour la quarantaine d’accusés de complot contre la sûreté de l’Etat : treize à soixante-six ans de prison ont été décidés contre ces opposants politiques, journalistes, membres de la société civile qui, pour beaucoup, n’avaient pas de lien entre eux. Même le philosophe français Bernard-Henri Lévy figure sur la liste.
Aucun détail n’a été communiqué officiellement, mais, depuis, des précisions ont été diffusées par l’avocat Abdessatar Messaoudi et repris par les médias – leur confirmation officielle ne pourra avoir lieu avant lundi. Considéré comme l’un des principaux instigateurs du « complot », selon le dossier d’instruction, Kamel Eltaïef, 70 ans, influent homme d’affaires lié aux cercles du pouvoir sous Zine El-Abidine Ben Ali, aurait été condamné à soixante-six ans de prison ferme, la peine la plus lourde.
Khayam Turki, militant pour la démocratie, aurait écopé de quarante-huit années de prison ferme. Noureddine Bhiri, ancien ministre et cadre du parti islamo-conservateur Ennahda, incarcéré et condamné à dix ans de prison en octobre 2024 dans une autre affaire, aurait écopé d’une peine supplémentaire de quarante-trois ans de prison. Les trois hommes étaient décrits par le juge d’instruction comme les cerveaux d’une conspiration aux contours restés flous lors des audiences.Lire aussi la critique | Article réservé à nos abonnés « Notre ami Kaïs Saïed » : la Tunisie à l’heure du consentement au despotisme
Décision « politique »
Egalement arrêtés en février 2023, les opposants Jaouhar Ben Mbarek, professeur de droit et ancien conseiller à la présidence du gouvernement, Ridha Belhaj, avocat et ancien haut fonctionnaire, et Chaïma Issa, universitaire – libérée en juillet 2023 – auraient été condamnés à dix-huit ans de prison. Tous trois étaient membres du collectif Tunisiens contre le coup d’Etat et du Front du salut national, principale coalition d’opposition au régime du président de la République, Kaïs Saïed. Parmi les prisonniers politiques, Abdelhamid Jelassi, ancien dirigeant d’Ennahda, aurait reçu la peine la moins lourde : treize ans de prison. Hattab Slama, un revendeur de voitures d’occasion, sans lien avec les autres prévenus, aurait été condamné à quatre ans de prison. Son inculpation repose sur le fait d’avoir stationné son véhicule près du domicile de l’un des accusés.
Parmi la quarantaine de personnes poursuivies, la grande majorité des accusés en fuite auraient été condamnés à trente-trois ans de prison ferme. C’est notamment le cas de Bochra Belhaj Hmida, avocate et militante féministe réfugiée en France depuis deux ans, ainsi que du philosophe français Bernard-Henri Lévy, dont l’implication, bien que marginale, a amplifié l’écho médiatique du dossier, ou encore de Nadia Akacha, ancienne cheffe de cabinet du président Saïed. Plusieurs avocats ont annoncé que leurs clients allaient faire appel de la décision.Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « La Tunisie s’embourbe dans l’autoritarisme le plus vil, le plus bas, le plus kafkaïen »
C’est un « assassinat judiciaire » et une décision « politique » au service d’un « autocrate paranoïaque », a réagil’ancien ministre Kamel Jendoubi, accusé dans la même affaire mais dont le jugement a été reporté pour des raisons procédurales. La Coordination des familles de prisonniers politiques, dans un communiqué publié la veille de l’audience, fustigeait une parodie de justice marquée par la négation du droit à la défense, des arrestations arbitraires, des interdictions de couverture médiatique, des restrictions d’accès à l’audience et des « irrégularités procédurales graves », qui traduiraient selon elle l’existence de « décisions politiques toutes prêtes ».
Echanges avec des diplomates étrangers
Le début de l’affaire dite du « complot contre la sûreté de l’Etat » remonte au 11 février 2023, lorsque les autorités tunisiennes ont lancé une vague d’arrestations visant des dizaines de voix en désaccord avec le régime de Kaïs Saïed. L’affaire est devenue emblématique du tournant autoritaire opéré par le président depuis la suspension du Parlement, en juillet 2021. Kaïs Saïed concentre depuis l’essentiel des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Une centralisation qui fragilise les contre-pouvoirs et renforce la pression sur la justice, l’opposition, les médias, les syndicats et les organisations indépendantes.
Le dossier d’instruction, auquel « Le Monde Afrique » a eu accès, met en avant des échanges jugés suspects entre les accusés et des représentants officiels de pays étrangers comme la France, les Etats-Unis, l’Italie ou encore l’Union européenne. Une dizaine de diplomates européens et américains, dont André Parant, ancien ambassadeur de France en Tunisie, sont cités dans le dossier. Aucun n’a toutefois été auditionné par la justice, malgré les demandes répétées de la défense. L’instruction repose essentiellement sur les dépositions de deux témoins anonymes, sur des extraits de conversations privées tirées d’applications de messagerie instantanée, ainsi que sur des rencontres – avérées ou supposées – entre des figures de l’opposition et des diplomates étrangers.
« Un jour, nous vous demanderons des comptes, c’est certain, l’histoire en est témoin », a écrit Dalila Ben Mbarek Msaddek, avocate et sœur du condamné Jaouhar Ben Mbarek, vendredi soir, peu après la décision du juge de suspendre brusquement l’audience pour délibérer, dans un climat de tension extrême. Les avocats de la défense ont décrit une forte présence policière, inhabituelle, à l’intérieur de la salle d’audience, où aucun observateur extérieur n’a eu le droit d’entrer. Le juge a suspendu définitivement la séance pour délibérer, sans que les accusés présents aient été entendus ni que les avocats aient pu plaider sur le fond de l’affaire.
« Ce qui s’est passé est sans précédent. C’est une folie judiciaire. Certains des prévenus n’ont vu le juge que quelques minutes, il y a plus de deux ans. Le procès sur le fond a duré en tout trente secondes », a déclaré Samir Dilou, avocat de la défense. Six accusés avaient par ailleurs fait une grève de la faim durant quelques jours.Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « En Tunisie, on est face à un appareil judiciaire qui cherche à bannir toute forme de liberté d’expression »
Pour Riadh Jrad, chroniqueur de télévision, fervent soutien du président Saïed et figure médiatique proche des cercles du pouvoir, la décision du juge était au contraire justifiée par le comportement de la défense. Selon lui, les avocats ont « franchi toutes les lignes rouges en remettant en question et en discréditant la cour ». « L’heure de vérité a sonné. Et quiconque, à l’avenir, oserait ne serait-ce que penser à comploter, à s’en prendre à la sécurité et à la stabilité du peuple tunisien ou à tester la solidité de l’Etat… qu’il y pense à deux fois », a-t-il prévenu, quelques heures avant l’annonce du verdict.
Monia Ben Hamadi (Tunis, correspondance)
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