Plus occupés à conserver leur pouvoir qu’à s’attaquer à l’insécurité et à la pauvreté qui minent le pays, Assimi Goïta et ses lieutenants risquent de précipiter la transformation du Mali, Etat vivant et ouvert, en une sorte d’Afghanistan africain.
Prise de Bamako par les djihadistes, instauration de la loi islamique : le cauchemar que les autorités du Mali avaient voulu éviter en appelant l’armée française à la rescousse en janvier 2013 semble à nouveau possible. Depuis septembre, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaida), qui contrôle déjà une bonne partie du pays, cherche à asphyxier la capitale et à s’enrichir, en s’attaquant aux camions-citernes de carburant venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, par lesquels transite l’essentiel des biens importés par le Mali. La pénurie de carburant menace non seulement l’approvisionnement des 3 millions d’habitants de Bamako, mais aussi l’alimentation électrique.
Face à cette catastrophe annoncée, la junte du colonel Assimi Goïta, au pouvoir depuis août 2020 et autoproclamé général en 2024, semble aux abois. Impuissant à empêcher le blocus de la capitale, il a limogé pour « insuffisance des résultats » de hauts responsables de l’armée. Les promesses de rétablissement de la sécurité et de la souveraineté du Mali, qui l’avaient rendu populaire à ses débuts, ont laissé la place à une dérive dictatoriale et à une alliance avec les miliciens russes de Wagner remplacés par l’Africa Corps créé par le Kremlin.
Le putschiste a supprimé les élections, dissous les partis politiques, jeté en prison les opposants, muselé la presse, fermé le pays aux journalistes étrangers. Son armée, épaulée par les mercenaires russes, a massacré des civils mais s’est révélée incapable de desserrer l’emprise des djihadistes maliens qui prospèrent sur l’inexistence de l’Etat. Tandis que l’organisation Etat islamique au Sahel contrôle le nord-est du Mali, le JNIM, son rival, a soumis à son joug une grande partie du reste de ce vaste Etat.
Dernier en date des signes de l’audace des islamistes maliens, de leur mainmise sur le pays et de leur aspiration au pouvoir, le JNIM, qui veut supprimer les écoles publiques et imposer la charia, exige depuis le vendredi 17 octobre que les femmes portent le voile et soient séparées des hommes dans les transports publics. Selon plusieurs témoignages, dans le sud-est, des femmes qui résistaient à cette injonction ont été fouettées. Des faits qui marquent une nouvelle et terrible régression, dans un pays où l’islam confrérique et tolérant a longtemps prévalu, et où les femmes jouent un grand rôle civique et politique.
Plus de douze ans après le début d’une intervention de l’armée française qui s’est finalement soldée, en 2022, par l’éviction brutale de la France de son ancienne colonie, une immense impression de gâchis domine. Si les erreurs d’analyse, les maladresses et une certaine condescendance de Paris expliquent l’échec de sa lutte contre les djihadistes et sa mise à l’écart, la responsabilité des militaires maliens, leur mépris envers la démocratie et une population livrée à la misère et à la violence, est désormais entière.
Plus occupés à conserver leur pouvoir qu’à s’attaquer à l’insécurité et à la pauvreté qui minent massivement ce pays où l’espérance de vie n’atteint pas 60 ans, Assimi Goïta et ses lieutenants risquent de précipiter la transformation du Mali, Etat vivant et ouvert, en une sorte d’Afghanistan africain. Les conséquences en seraient incalculables pour toute la région sahélienne, pour ses voisins sénégalais et ivoiriens, mais d’abord pour les 25 millions d’habitants du Mali, à commencer par les femmes.
Source : Le Monde - 25/10/2025
Prise de Bamako par les djihadistes, instauration de la loi islamique : le cauchemar que les autorités du Mali avaient voulu éviter en appelant l’armée française à la rescousse en janvier 2013 semble à nouveau possible. Depuis septembre, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaida), qui contrôle déjà une bonne partie du pays, cherche à asphyxier la capitale et à s’enrichir, en s’attaquant aux camions-citernes de carburant venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, par lesquels transite l’essentiel des biens importés par le Mali. La pénurie de carburant menace non seulement l’approvisionnement des 3 millions d’habitants de Bamako, mais aussi l’alimentation électrique.
Face à cette catastrophe annoncée, la junte du colonel Assimi Goïta, au pouvoir depuis août 2020 et autoproclamé général en 2024, semble aux abois. Impuissant à empêcher le blocus de la capitale, il a limogé pour « insuffisance des résultats » de hauts responsables de l’armée. Les promesses de rétablissement de la sécurité et de la souveraineté du Mali, qui l’avaient rendu populaire à ses débuts, ont laissé la place à une dérive dictatoriale et à une alliance avec les miliciens russes de Wagner remplacés par l’Africa Corps créé par le Kremlin.
Le putschiste a supprimé les élections, dissous les partis politiques, jeté en prison les opposants, muselé la presse, fermé le pays aux journalistes étrangers. Son armée, épaulée par les mercenaires russes, a massacré des civils mais s’est révélée incapable de desserrer l’emprise des djihadistes maliens qui prospèrent sur l’inexistence de l’Etat. Tandis que l’organisation Etat islamique au Sahel contrôle le nord-est du Mali, le JNIM, son rival, a soumis à son joug une grande partie du reste de ce vaste Etat.
Dernier en date des signes de l’audace des islamistes maliens, de leur mainmise sur le pays et de leur aspiration au pouvoir, le JNIM, qui veut supprimer les écoles publiques et imposer la charia, exige depuis le vendredi 17 octobre que les femmes portent le voile et soient séparées des hommes dans les transports publics. Selon plusieurs témoignages, dans le sud-est, des femmes qui résistaient à cette injonction ont été fouettées. Des faits qui marquent une nouvelle et terrible régression, dans un pays où l’islam confrérique et tolérant a longtemps prévalu, et où les femmes jouent un grand rôle civique et politique.
Plus de douze ans après le début d’une intervention de l’armée française qui s’est finalement soldée, en 2022, par l’éviction brutale de la France de son ancienne colonie, une immense impression de gâchis domine. Si les erreurs d’analyse, les maladresses et une certaine condescendance de Paris expliquent l’échec de sa lutte contre les djihadistes et sa mise à l’écart, la responsabilité des militaires maliens, leur mépris envers la démocratie et une population livrée à la misère et à la violence, est désormais entière.
Plus occupés à conserver leur pouvoir qu’à s’attaquer à l’insécurité et à la pauvreté qui minent massivement ce pays où l’espérance de vie n’atteint pas 60 ans, Assimi Goïta et ses lieutenants risquent de précipiter la transformation du Mali, Etat vivant et ouvert, en une sorte d’Afghanistan africain. Les conséquences en seraient incalculables pour toute la région sahélienne, pour ses voisins sénégalais et ivoiriens, mais d’abord pour les 25 millions d’habitants du Mali, à commencer par les femmes.
Source : Le Monde - 25/10/2025

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