Question :
Vous et d'autres vous fondez souvent sur des Hadîths, textes attribués en tant que dires, gestes et approbations à notre Prophète Muhammad (la paix soit sur lui). Pour ma part j'ai plutôt tendance à penser que si le Coran est notre source à nous musulmans, le Hadîth n'a pas été retransmis avec suffisamment de certitude pour servir de source. En effet, des personnes dignes de confiance m'ont dit que le Hadîth n'avait été mis par écrit que durant le troisième siècle de l'hégire, soit plus de deux cents ans après la mort du Prophète (...).
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Réponse :
Nous pouvons classifier la rédaction du Hadîth selon trois formes :
1ère forme : mise par écrit ponctuelle de quelques Hadîths ;
2ème forme : constitution de recueils personnels, destinés avant tout à l'utilisation personnelle, éventuellement utilisés ensuite comme base d'enseignement ;
3ème forme : constitution de recueils destinés directement à la préservation, à l'enseignement et à la transmission des Hadîths.
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A. Pendant le vivant du Prophète : rédaction ponctuelle :
Le Prophète avait interdit qu'on écrive de lui autre chose que le Coran (rapporté par Muslim). En fait, l'objectif était alors évident : il craignait que des gens fassent la confusion entre les versets du Coran (parole de Dieu) et ses Hadîths (ses paroles à lui). Néanmoins, de façon ponctuelle, le Prophète a parallèlement permis que l'on écrive telle ou telle de ses paroles.
Abû Shâh demanda ainsi qu'on écrive les paroles que le Prophète avait prononcées à La Mecque, et le Prophète proclama explicitement : "Que l'on écrive (ces paroles) pour Abû Shâh".
Il y a également ce que le Prophète avait fait écrire à propos des quorums et des montants de l'impôt-zakâte.
De même, Alî possédait un feuillet sur lequel il avait inscrit des Hadîths et qu'il gardait dans le fourreau de son épée.
Enfin, le Prophète avait explicitement permis à Abdullâh ibn Amr ibn ul-'As d'écrire toutes ses paroles. Celui-ci se constitua peu à peu un véritable recueil, qu'il nomma As-Sahîfa as-sâdiqa, auquel il se référait parfois face à une question. Même Abû Hurayra, célèbre narrateur de Hadîths, évoquait le fait que Abdullâh ibn Amr "écrivait" alors que lui il "n'écrivait pas".
Nous retrouvons donc ici, pendant le vivant même du Prophète, les 1ère et 2ème formes de la rédaction du Hadîth.
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B. Depuis la mort du Prophète jusqu'à la fin du premier siècle de l'hégire : constitution de recueils de Hadîths ayant pour objectif premier l'utilisation personnelle :
Ahmad Amîn, le célèbre penseur musulman, écrit : "Durant le premier siècle de l'hégire, la codification des Hadîths n'était pas courante, la plupart des gens rapportant alors les Hadîths oralement et de mémoire. Ceux qui préparèrent alors des recueils de Hadîths le firent pour eux-mêmes" (Fajr ul-islâm, p. 222). Si la codification des Hadîths n'était alors "pas courante", cela signifie, comme le suggère d'ailleurs ce texte, que des recueils de la 3ème forme n'ont alors pas vu le jour. Néanmoins, pendant ce premier siècle, des recueils de la 2ème forme de rédaction du Hadîth ont bel et bien vu le jour. En effet, en ce premier siècle, un élève de Abu Hurayra (mort en l'an 58 ou 59 de l'hégire), Hammâm ibn Munabbih (mort en l'an 101 ou 102 de l'hégire), met par écrit les Hadîths qu'il a appris de son maître. Il utilise ensuite ce recueil pour enseigner le Hadîth à ses élèves. Ces élèves feront ensuite de même, etc. Détail intéressant : alors que les recueils classiques de al-Bukhârî, de Muslim, de Ahmad ibn Hanbal, etc. étaient connus partout, la Sahîfa – compilée deux siècles avant eux – n'a été redécouverte que récemment. Et à ce jour, quatre manuscrits de la Sahîfa Hammâm ibn Munabbih existent, dont le Professeur Hamidullah a publié une synthèse en arabe (traduit en français et édité par l'Association des Etudiants Islamiques de France).
Dans l'introduction à cet ouvrage, Hamidullah décrit ce recueil comme étant "un document de valeur". Il écrit en substance : "Il y en a qui ont affirmé que l'on n'a commencé à mettre par écrit le Hadîth du Prophète que deux siècles après lui. Se fondant sur cette présomption, ils n'ont pas hésité à charger d'accusation de fraude des personnalités telles que Ibn Hanbal, al-Bukhârî, Muslim, at-Tirmidhî, etc. (…). Or maintenant nous avons entre nos mains cette compilation datant des compagnons immédiats du Prophète" (Sahifa Hammâm ibn Munabbih, introduction, p. 74). "Lorsque al-Bukhârî a cité un Hadîth qu'il tient de Ahmad ibn Hanbal, lui-même d'après Abd ar-Razzâq, lui-même d'après Ma'mar, lui-même d'après Hammâm, lui-même enfin d'après Abû Hurayrah, des sceptiques, jusqu'à récemment encore (alors qu'on ne disposait pas d'œuvres plus anciennes), mettaient en doute la véracité de al-Bukhârî". Or "nous disposons maintenant également de livres antérieurs : la Sahîfa de Hammâm, le Jâmi' de Ma'mar et le Musannaf de Abd ar-Razzâq : on les trouve même dans des éditions imprimées" (Idem, p. 93). Et "lorsqu'on compare soigneusement ces sources différentes, on obtient la preuve que les compilateurs ultérieurs – Ahmad ibn Hanbal, al-Bukhârî, Muslim etc. – n'ont rien inventé. Non seulement chaque Hadîth présent dans la Sahîfa Hammâm se retrouve textuellement dans les six livres les plus connus du Hadîth (sihâh sitta) rapporté sur l'autorité de Abû Hurayrah, mais, de plus, le sens de chacun de ces dires du Prophète s'y retrouve également rapporté sur l'autorité d'autres Compagnons du Prophète" (Idem, p. 74).
Vous voyez bien que celui qui vous a dit que nous ne disposons aujourd'hui que de recueils de Hadîths composés au troisième siècle de l'hégire se trompe lourdement !
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Vous et d'autres vous fondez souvent sur des Hadîths, textes attribués en tant que dires, gestes et approbations à notre Prophète Muhammad (la paix soit sur lui). Pour ma part j'ai plutôt tendance à penser que si le Coran est notre source à nous musulmans, le Hadîth n'a pas été retransmis avec suffisamment de certitude pour servir de source. En effet, des personnes dignes de confiance m'ont dit que le Hadîth n'avait été mis par écrit que durant le troisième siècle de l'hégire, soit plus de deux cents ans après la mort du Prophète (...).
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Réponse :
Nous pouvons classifier la rédaction du Hadîth selon trois formes :
1ère forme : mise par écrit ponctuelle de quelques Hadîths ;
2ème forme : constitution de recueils personnels, destinés avant tout à l'utilisation personnelle, éventuellement utilisés ensuite comme base d'enseignement ;
3ème forme : constitution de recueils destinés directement à la préservation, à l'enseignement et à la transmission des Hadîths.
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A. Pendant le vivant du Prophète : rédaction ponctuelle :
Le Prophète avait interdit qu'on écrive de lui autre chose que le Coran (rapporté par Muslim). En fait, l'objectif était alors évident : il craignait que des gens fassent la confusion entre les versets du Coran (parole de Dieu) et ses Hadîths (ses paroles à lui). Néanmoins, de façon ponctuelle, le Prophète a parallèlement permis que l'on écrive telle ou telle de ses paroles.
Abû Shâh demanda ainsi qu'on écrive les paroles que le Prophète avait prononcées à La Mecque, et le Prophète proclama explicitement : "Que l'on écrive (ces paroles) pour Abû Shâh".
Il y a également ce que le Prophète avait fait écrire à propos des quorums et des montants de l'impôt-zakâte.
De même, Alî possédait un feuillet sur lequel il avait inscrit des Hadîths et qu'il gardait dans le fourreau de son épée.
Enfin, le Prophète avait explicitement permis à Abdullâh ibn Amr ibn ul-'As d'écrire toutes ses paroles. Celui-ci se constitua peu à peu un véritable recueil, qu'il nomma As-Sahîfa as-sâdiqa, auquel il se référait parfois face à une question. Même Abû Hurayra, célèbre narrateur de Hadîths, évoquait le fait que Abdullâh ibn Amr "écrivait" alors que lui il "n'écrivait pas".
Nous retrouvons donc ici, pendant le vivant même du Prophète, les 1ère et 2ème formes de la rédaction du Hadîth.
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B. Depuis la mort du Prophète jusqu'à la fin du premier siècle de l'hégire : constitution de recueils de Hadîths ayant pour objectif premier l'utilisation personnelle :
Ahmad Amîn, le célèbre penseur musulman, écrit : "Durant le premier siècle de l'hégire, la codification des Hadîths n'était pas courante, la plupart des gens rapportant alors les Hadîths oralement et de mémoire. Ceux qui préparèrent alors des recueils de Hadîths le firent pour eux-mêmes" (Fajr ul-islâm, p. 222). Si la codification des Hadîths n'était alors "pas courante", cela signifie, comme le suggère d'ailleurs ce texte, que des recueils de la 3ème forme n'ont alors pas vu le jour. Néanmoins, pendant ce premier siècle, des recueils de la 2ème forme de rédaction du Hadîth ont bel et bien vu le jour. En effet, en ce premier siècle, un élève de Abu Hurayra (mort en l'an 58 ou 59 de l'hégire), Hammâm ibn Munabbih (mort en l'an 101 ou 102 de l'hégire), met par écrit les Hadîths qu'il a appris de son maître. Il utilise ensuite ce recueil pour enseigner le Hadîth à ses élèves. Ces élèves feront ensuite de même, etc. Détail intéressant : alors que les recueils classiques de al-Bukhârî, de Muslim, de Ahmad ibn Hanbal, etc. étaient connus partout, la Sahîfa – compilée deux siècles avant eux – n'a été redécouverte que récemment. Et à ce jour, quatre manuscrits de la Sahîfa Hammâm ibn Munabbih existent, dont le Professeur Hamidullah a publié une synthèse en arabe (traduit en français et édité par l'Association des Etudiants Islamiques de France).
Dans l'introduction à cet ouvrage, Hamidullah décrit ce recueil comme étant "un document de valeur". Il écrit en substance : "Il y en a qui ont affirmé que l'on n'a commencé à mettre par écrit le Hadîth du Prophète que deux siècles après lui. Se fondant sur cette présomption, ils n'ont pas hésité à charger d'accusation de fraude des personnalités telles que Ibn Hanbal, al-Bukhârî, Muslim, at-Tirmidhî, etc. (…). Or maintenant nous avons entre nos mains cette compilation datant des compagnons immédiats du Prophète" (Sahifa Hammâm ibn Munabbih, introduction, p. 74). "Lorsque al-Bukhârî a cité un Hadîth qu'il tient de Ahmad ibn Hanbal, lui-même d'après Abd ar-Razzâq, lui-même d'après Ma'mar, lui-même d'après Hammâm, lui-même enfin d'après Abû Hurayrah, des sceptiques, jusqu'à récemment encore (alors qu'on ne disposait pas d'œuvres plus anciennes), mettaient en doute la véracité de al-Bukhârî". Or "nous disposons maintenant également de livres antérieurs : la Sahîfa de Hammâm, le Jâmi' de Ma'mar et le Musannaf de Abd ar-Razzâq : on les trouve même dans des éditions imprimées" (Idem, p. 93). Et "lorsqu'on compare soigneusement ces sources différentes, on obtient la preuve que les compilateurs ultérieurs – Ahmad ibn Hanbal, al-Bukhârî, Muslim etc. – n'ont rien inventé. Non seulement chaque Hadîth présent dans la Sahîfa Hammâm se retrouve textuellement dans les six livres les plus connus du Hadîth (sihâh sitta) rapporté sur l'autorité de Abû Hurayrah, mais, de plus, le sens de chacun de ces dires du Prophète s'y retrouve également rapporté sur l'autorité d'autres Compagnons du Prophète" (Idem, p. 74).
Vous voyez bien que celui qui vous a dit que nous ne disposons aujourd'hui que de recueils de Hadîths composés au troisième siècle de l'hégire se trompe lourdement !
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