Rire avec Dieu, aphorismes et contes soufis
Mystique musulmane. Et le soufi sourit, ceci va faire grincer des dents certains orthodoxes , pleins de rigorismes et autoritaires .
Rire, aimer, être libre... Pour les soufis, attachés à la dimension spirituelle et intérieure de l'islam, le rire ne fait pas de bruit. Et s'il est parfois moqueur, c'est toujours avec tendresse.
Aucune idéologie, aucun dogme, aucune tyrannie n'acceptent l'humour, car le rire, ou même le sourire, ouvrent une brèche dans la pensée unique, dans le mur des croyances imposées et des certitudes aveugles. Il y a dans l'humour une possibilité de renversement de la norme, du religieusement convenable et donc, par là-même, un espace de liberté. L'humour, c'est cette force qui permet de se mettre à distance de soi et du monde, de se sauver de la gravité, de s'arracher à ce qui pèse, et à soi-même d'abord. Et qu'est-ce que la gravité (étymologiquement, la « lourdeur »), sinon un refus de rire qui affecte le corps, la phrase, un refus de s'élever : c'est à cela qu'on reconnaît le fanatique, homme de pouvoir ou de savoir, guerrier, docte, ou religieux. Et c'est de ceux-là qu'on rit. À cette pesanteur-là, on ne peut opposer que le pied-de-nez du rire ou du mot « d'esprit ».
Conte premier,
Le calife vient de mourir.Alors que le trône est vide, un misérable mendiant vient s'asseoir dessus. Le grand vizir demande aux gardes de se saisir de ce loqueteux qui vient de commettre un tel sacrilège, mais ce dernier répond :
-Je suis au-dessus du calife
-Comment peux-tu dire une chose pareille?s'exaclame le grand vizir stupéfait. Au-dessus du calife, il n'y a que le Prophète.
-Je suis au-dessus du Prophète, poursuit le mendiant sans se départir de son flegme.
-Quoi? Qu'oses-tu dire, misérable?Au-dessus du Prophète, il n'y a que Dieu!
-Je suis au-dessus de Dieu.
-Blasphème, hurle le grand vizir au bord de la crise d'apoplexie. Gardes, étripez ce fou sur- le- champ. Au-dessus de Dieu, il n'y a rien!
-Justement, je ne suis rien.
conte deuxième,
Un homme en détresse pleurait à chaudes larmes. Devant ce triste spectacle, Abû Bakr Chibli (861-946) lui demanda :
– Mon pauvre ami, qu’est ce qui te met dans un tel état ?
– Je n’avais qu’un seul véritable ami, sanglote l’homme, et il vient de mourir.
– Malheureux ! s’exclama Chibli. Mais pourquoi donc as-tu choisi un ami susceptible de mourir ?
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; }
conte troisième,
Au XIe siècle, l’empereur Mahmoud de Ghazni (971-1030) confia, dans un beau geste de charité, un sac de pièces d’or à un maître soufi en lui enjoignant de distribuer ces richesses aux gens qui les méritent le plus. Le soufi prit le sac et choisit de le répartir aux membres les plus riches de la communauté.
Apprenant la nouvelle, le souverain fut irrité de cette étrange et peu charitable action et en demanda la raison au soufi, l’avertissant qu’il avait intérêt à fournir une explication des plus convaincante, faute de quoi il serait décapité sur-le-champ.
« Majesté, rétorqua le soufi, j’ai strictement accompli votre vœu en donnant l’or à ceux qui le méritaient le plus, ainsi que vous-même me l’avez ordonné. Je l’ai donc confié à ceux que Dieu a déjà favorisés plutôt qu’à ceux qui en sont privés par Sa Volonté. »
conte quatrième,
Un fou de Dieu avait l’habitude de sortir tête nue dans les rues de Ghazni (Afghanistan). Quelqu’un lui demanda pourquoi il ne portait pas de couvre-chef, ainsi que le stipulait la coutume locale. « A moins qu’Il ne m’en fasse tomber un de Là-Haut, répondit-il, jamais je ne poserai un tel objet sur ma tête ! ».
conte cinquième,
Un jour, alors qu’il déambulait dans une étroite ruelle, quelqu’un, d’une fenêtre élevée, jeta à la volée la pelure d’une moitié de melon. Cette calotte improvisée finit sa chute sur le sommet de son crâne où elle s’ajusta à merveille. Le fou avait ainsi reçu son chapeau céleste. Mais il le prit entre ses doigts, l’observa attentivement et le renvoya en direction du ciel en s’écriant : « Si c’est là le seul couvre-chef que Tu puisses m’envoyer, reprends-le et porte-le Toi-même ! »
conte sixième,
Abûl Hassan Kharaqâni (963-1033), l’amoureux de Dieu, était profondément recueilli et méditait dans un grand silence. Soudain, la Voix divine se fit entendre :
– Ô Abûl Hassan ! Souhaites-tu que J’informe tout le monde de ce que Je sais de toi, de sorte qu’ils se détournent de toi et te lapident ?
– Ô Seigneur ! Répondit Kharaqâni, désires-Tu que je dise aux gens ce que je sais de Ton Indulgence et de Ta Miséricorde, de sorte qu’ils cessent de faire leurs prières ?
– Dans ce cas, dit la Voix, Je garde le silence à ton sujet et tu gardes le silence à Mon Sujet.
conte septième,
Un jour, Chibli rendit visite à Abûl Hussein Nûri (840-907). Il le trouva dans un état de complète méditation, absolument immobile. De son corps, pas un cheveu, pas un cil, pas un poil ne bougeait. Quand il fut sorti de cet état, Chibli lui demanda qui lui avait enseigné une si parfaite quiétude. Il répondit : « Je l’ai apprise d’un chat qui guettait une souris. Mais il parvenait à une immobilité bien supérieure à celle que je ne fais qu’approcher. »
conte huitième,
Chibli vit deux enfants se battre pour une noix. Il prit cette noix en expliquant qu’il allait la diviser en deux parts égales, une pour chacun. Il brisa alors la coque qui se révéla vide. A ce moment, une Voix céleste intervint : « A présent, Chibli, essaie donc de partager la noix équitablement puisque tu prétends être un juste partageur ! »
Le maître soufi se sentit honteux face à un tel dilemme, mais il trouva la force de déclamer : « Ô Seigneur ! Vraiment, toute cette dispute entre deux enfants à propos d’une coquille vide, et maintenant cette querelle entre Toi et moi à propos d’un juste partageur qui n’a rien à partager… »
conte neuvième,
L’un des disciples de Junayd (830-910) était particulièrement bien traité par celui-ci, ce qui n’allait pas sans susciter des réactions de jalousie. Les autres disciples finirent par se plaindre auprès de Junayd des faveurs qu’il réservait à son protégé. Il leur dit alors : « Mes chers amis, j’aime en effet cet homme plus que vous car il a atteint une plus profonde compréhension. Si vous ne me croyez pas, nous allons effectuer une expérience… »
Junayd se fit apporter vingt poulets vivants, les distribua un à un à chacun de ses disciples et proclama : « A présent que chacun d’entre vous aille tuer son poulet en un lieu où personne ne le voie ! » Tous revinrent peu après avec leur volatile égorgé. Tous sauf un : le préféré du maître revint avec son poulet toujours vivant. On lui demanda pourquoi il n’avait pas sacrifié son volatile et comment il avait osé désobéir à Junayd. Il s’adressa alors à celui-ci : « Maître, vous avez spécifié que le poulet devait être mis à mort en un lieu où personne ne me voie. Or, je n’ai pas pu trouver un tel endroit car, partout où je suis allé, j’ai senti sur moi l’ardeur de Son Regard. ».
conte dixième,
Ibrahim Khawas (mort en 904) raconta qu’il errait dans le désert et avait perdu son chemin. Soudain, un coq chanta au loin. Ibrahim s’en réjouit et se dirigea dans sa direction. Mais, en s’engageant ainsi, il fit le rencontre d’une personne fort peu recommandable qui lui chercha querelle et le rudoya.
Désespéré, Ibrahim fit demi-tour en implorant Dieu : « Mais pourquoi permets-Tu qu’une telle mésaventure m’arrive alors que j’ai placé toute ma foi en Toi ? » La Réponse divine ne tarda pas : « Tant que tu te fies à Moi, Je te protège. Mais, si tu fais confiance au cri d’un simple volatile, tu récoltes ce que tu mérites ! »
conte onzième,
Un jour, Junayd vit Chibli en proie à la plus vive agitation.
– Mon ami, lui murmura Junayd, si tu plaçais tes soucis entre les Mains de Dieu, tu trouverais assurément la tranquillité !
– Mon frère, répliqua Chibli, je me sentirais infiniment mieux si Dieu voulait bien me laisser tranquille avec mes problèmes !
Un maître soufi marchait accompagné de ses disciples dans les rues d’une ville. Du haut d’une terrasse, quelqu’un jeta des cendres qui tombèrent sur la tête du maître. Scandalisés, les disciples voulurent châtier l’irrespectueux. « Mais non !, s’exclama le maître. Il faut remercier Dieu mille fois : au lieu de m’anéantir par le feu, Il m’a seulement puni par la cendre ! »
L’humour soufi est une autre manière, propre à cette tradition, de nous éveiller à la dimension spirituelle. Tout d’abord, la subtilité de cet humour met à nu les détours de l’âme récalcitrante dans le chemin vers l’ultime rencontre. L’aspirant à l’éveil va, avant toute chose et avec une grande franchise, rire de lui-même. Ensuite, la finesse de cet humour va l’amener à considérer les intrigues et les crochets de son alter-ego avec une certaine dose de légèreté car, en fin de compte, son semblable n’est nul autre que lui-même. Enfin, l’aspirant, lorsque pétri par le parcours, est alors invité à rejoindre son Bien Aimé sous le ciel de la familiarité. Si, à ce niveau, cette familiarité peut paraître à certains comme une indécence, pour les gens de la proximité divine elle n’est autre que complicité et amour. En fin de compte, l’humour soufi fait du rire un outil important de la pédagogie spirituelle. Loin d’être cynique et moqueur, il élève l’âme vers les hautes sphères de la présence divine et c’est dans ce sens qu’il est très sérieux!
Mystique musulmane. Et le soufi sourit, ceci va faire grincer des dents certains orthodoxes , pleins de rigorismes et autoritaires .
Rire, aimer, être libre... Pour les soufis, attachés à la dimension spirituelle et intérieure de l'islam, le rire ne fait pas de bruit. Et s'il est parfois moqueur, c'est toujours avec tendresse.
Aucune idéologie, aucun dogme, aucune tyrannie n'acceptent l'humour, car le rire, ou même le sourire, ouvrent une brèche dans la pensée unique, dans le mur des croyances imposées et des certitudes aveugles. Il y a dans l'humour une possibilité de renversement de la norme, du religieusement convenable et donc, par là-même, un espace de liberté. L'humour, c'est cette force qui permet de se mettre à distance de soi et du monde, de se sauver de la gravité, de s'arracher à ce qui pèse, et à soi-même d'abord. Et qu'est-ce que la gravité (étymologiquement, la « lourdeur »), sinon un refus de rire qui affecte le corps, la phrase, un refus de s'élever : c'est à cela qu'on reconnaît le fanatique, homme de pouvoir ou de savoir, guerrier, docte, ou religieux. Et c'est de ceux-là qu'on rit. À cette pesanteur-là, on ne peut opposer que le pied-de-nez du rire ou du mot « d'esprit ».
Conte premier,
Le calife vient de mourir.Alors que le trône est vide, un misérable mendiant vient s'asseoir dessus. Le grand vizir demande aux gardes de se saisir de ce loqueteux qui vient de commettre un tel sacrilège, mais ce dernier répond :
-Je suis au-dessus du calife
-Comment peux-tu dire une chose pareille?s'exaclame le grand vizir stupéfait. Au-dessus du calife, il n'y a que le Prophète.
-Je suis au-dessus du Prophète, poursuit le mendiant sans se départir de son flegme.
-Quoi? Qu'oses-tu dire, misérable?Au-dessus du Prophète, il n'y a que Dieu!
-Je suis au-dessus de Dieu.
-Blasphème, hurle le grand vizir au bord de la crise d'apoplexie. Gardes, étripez ce fou sur- le- champ. Au-dessus de Dieu, il n'y a rien!
-Justement, je ne suis rien.
conte deuxième,
Un homme en détresse pleurait à chaudes larmes. Devant ce triste spectacle, Abû Bakr Chibli (861-946) lui demanda :
– Mon pauvre ami, qu’est ce qui te met dans un tel état ?
– Je n’avais qu’un seul véritable ami, sanglote l’homme, et il vient de mourir.
– Malheureux ! s’exclama Chibli. Mais pourquoi donc as-tu choisi un ami susceptible de mourir ?
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 115%; }
conte troisième,
Au XIe siècle, l’empereur Mahmoud de Ghazni (971-1030) confia, dans un beau geste de charité, un sac de pièces d’or à un maître soufi en lui enjoignant de distribuer ces richesses aux gens qui les méritent le plus. Le soufi prit le sac et choisit de le répartir aux membres les plus riches de la communauté.
Apprenant la nouvelle, le souverain fut irrité de cette étrange et peu charitable action et en demanda la raison au soufi, l’avertissant qu’il avait intérêt à fournir une explication des plus convaincante, faute de quoi il serait décapité sur-le-champ.
« Majesté, rétorqua le soufi, j’ai strictement accompli votre vœu en donnant l’or à ceux qui le méritaient le plus, ainsi que vous-même me l’avez ordonné. Je l’ai donc confié à ceux que Dieu a déjà favorisés plutôt qu’à ceux qui en sont privés par Sa Volonté. »
conte quatrième,
Un fou de Dieu avait l’habitude de sortir tête nue dans les rues de Ghazni (Afghanistan). Quelqu’un lui demanda pourquoi il ne portait pas de couvre-chef, ainsi que le stipulait la coutume locale. « A moins qu’Il ne m’en fasse tomber un de Là-Haut, répondit-il, jamais je ne poserai un tel objet sur ma tête ! ».
conte cinquième,
Un jour, alors qu’il déambulait dans une étroite ruelle, quelqu’un, d’une fenêtre élevée, jeta à la volée la pelure d’une moitié de melon. Cette calotte improvisée finit sa chute sur le sommet de son crâne où elle s’ajusta à merveille. Le fou avait ainsi reçu son chapeau céleste. Mais il le prit entre ses doigts, l’observa attentivement et le renvoya en direction du ciel en s’écriant : « Si c’est là le seul couvre-chef que Tu puisses m’envoyer, reprends-le et porte-le Toi-même ! »
conte sixième,
Abûl Hassan Kharaqâni (963-1033), l’amoureux de Dieu, était profondément recueilli et méditait dans un grand silence. Soudain, la Voix divine se fit entendre :
– Ô Abûl Hassan ! Souhaites-tu que J’informe tout le monde de ce que Je sais de toi, de sorte qu’ils se détournent de toi et te lapident ?
– Ô Seigneur ! Répondit Kharaqâni, désires-Tu que je dise aux gens ce que je sais de Ton Indulgence et de Ta Miséricorde, de sorte qu’ils cessent de faire leurs prières ?
– Dans ce cas, dit la Voix, Je garde le silence à ton sujet et tu gardes le silence à Mon Sujet.
conte septième,
Un jour, Chibli rendit visite à Abûl Hussein Nûri (840-907). Il le trouva dans un état de complète méditation, absolument immobile. De son corps, pas un cheveu, pas un cil, pas un poil ne bougeait. Quand il fut sorti de cet état, Chibli lui demanda qui lui avait enseigné une si parfaite quiétude. Il répondit : « Je l’ai apprise d’un chat qui guettait une souris. Mais il parvenait à une immobilité bien supérieure à celle que je ne fais qu’approcher. »
conte huitième,
Chibli vit deux enfants se battre pour une noix. Il prit cette noix en expliquant qu’il allait la diviser en deux parts égales, une pour chacun. Il brisa alors la coque qui se révéla vide. A ce moment, une Voix céleste intervint : « A présent, Chibli, essaie donc de partager la noix équitablement puisque tu prétends être un juste partageur ! »
Le maître soufi se sentit honteux face à un tel dilemme, mais il trouva la force de déclamer : « Ô Seigneur ! Vraiment, toute cette dispute entre deux enfants à propos d’une coquille vide, et maintenant cette querelle entre Toi et moi à propos d’un juste partageur qui n’a rien à partager… »
conte neuvième,
L’un des disciples de Junayd (830-910) était particulièrement bien traité par celui-ci, ce qui n’allait pas sans susciter des réactions de jalousie. Les autres disciples finirent par se plaindre auprès de Junayd des faveurs qu’il réservait à son protégé. Il leur dit alors : « Mes chers amis, j’aime en effet cet homme plus que vous car il a atteint une plus profonde compréhension. Si vous ne me croyez pas, nous allons effectuer une expérience… »
Junayd se fit apporter vingt poulets vivants, les distribua un à un à chacun de ses disciples et proclama : « A présent que chacun d’entre vous aille tuer son poulet en un lieu où personne ne le voie ! » Tous revinrent peu après avec leur volatile égorgé. Tous sauf un : le préféré du maître revint avec son poulet toujours vivant. On lui demanda pourquoi il n’avait pas sacrifié son volatile et comment il avait osé désobéir à Junayd. Il s’adressa alors à celui-ci : « Maître, vous avez spécifié que le poulet devait être mis à mort en un lieu où personne ne me voie. Or, je n’ai pas pu trouver un tel endroit car, partout où je suis allé, j’ai senti sur moi l’ardeur de Son Regard. ».
conte dixième,
Ibrahim Khawas (mort en 904) raconta qu’il errait dans le désert et avait perdu son chemin. Soudain, un coq chanta au loin. Ibrahim s’en réjouit et se dirigea dans sa direction. Mais, en s’engageant ainsi, il fit le rencontre d’une personne fort peu recommandable qui lui chercha querelle et le rudoya.
Désespéré, Ibrahim fit demi-tour en implorant Dieu : « Mais pourquoi permets-Tu qu’une telle mésaventure m’arrive alors que j’ai placé toute ma foi en Toi ? » La Réponse divine ne tarda pas : « Tant que tu te fies à Moi, Je te protège. Mais, si tu fais confiance au cri d’un simple volatile, tu récoltes ce que tu mérites ! »
conte onzième,
Un jour, Junayd vit Chibli en proie à la plus vive agitation.
– Mon ami, lui murmura Junayd, si tu plaçais tes soucis entre les Mains de Dieu, tu trouverais assurément la tranquillité !
– Mon frère, répliqua Chibli, je me sentirais infiniment mieux si Dieu voulait bien me laisser tranquille avec mes problèmes !
Un maître soufi marchait accompagné de ses disciples dans les rues d’une ville. Du haut d’une terrasse, quelqu’un jeta des cendres qui tombèrent sur la tête du maître. Scandalisés, les disciples voulurent châtier l’irrespectueux. « Mais non !, s’exclama le maître. Il faut remercier Dieu mille fois : au lieu de m’anéantir par le feu, Il m’a seulement puni par la cendre ! »
L’humour soufi est une autre manière, propre à cette tradition, de nous éveiller à la dimension spirituelle. Tout d’abord, la subtilité de cet humour met à nu les détours de l’âme récalcitrante dans le chemin vers l’ultime rencontre. L’aspirant à l’éveil va, avant toute chose et avec une grande franchise, rire de lui-même. Ensuite, la finesse de cet humour va l’amener à considérer les intrigues et les crochets de son alter-ego avec une certaine dose de légèreté car, en fin de compte, son semblable n’est nul autre que lui-même. Enfin, l’aspirant, lorsque pétri par le parcours, est alors invité à rejoindre son Bien Aimé sous le ciel de la familiarité. Si, à ce niveau, cette familiarité peut paraître à certains comme une indécence, pour les gens de la proximité divine elle n’est autre que complicité et amour. En fin de compte, l’humour soufi fait du rire un outil important de la pédagogie spirituelle. Loin d’être cynique et moqueur, il élève l’âme vers les hautes sphères de la présence divine et c’est dans ce sens qu’il est très sérieux!
Commentaire