Quelques "revelations" que j'ai trouvées édifiantes sur un sujet pour lequel je me passionne
PART I
Dans un livre publié en Angleterre en 1991 et traduit en France en 1992, sous le titre La Bible
confisquée, les auteurs, Michael Baigent et Richard Leigh, accusent le Vatican d'occulter les
manuscrits de la mer Morte parce qu'ils ébranleraient des doctrines essentielles du
christianisme.[1]
Première amorce de preuve avancée par les auteurs : les excessifs retards dans la publication.
En effet, alors que plus de cinq cents textes ont été mis au jour dans la grotte 4 de Qumrân
depuis sa découverte en 1952, il n'en a été publié qu'environ une centaine au bout de cinquante
ans (les trois cents textes provenant d'autres grottes ont presque tous été publiés). Situation
encore plus alarmante : la petite coterie d'éditeurs qui contrôle l'accès aux quatre cents
textes inédits de la grotte 4 refuse de laisser d'autres chercheurs voir leur trésor secret.
Secondo : Les éditeurs des textes de la grotte 4 sont en majorité des religieux catholiques, en
poste à l'École biblique et archéologique française, dirigée par les dominicains et située dans
la partie Est de Jérusalem (qui se trouvait sous autorité jordanienne jusqu'en 1967). L'équipe
éditoriale fut recrutée en 1953 par le père Roland de Vaux qui, selon Baigent et Leigh, exerça
une autorité quasiment tyrannique sur les rouleaux jusqu'à sa mort en 1971. L'équipe réunie par
de Vaux comprenait Mgr Patrick Skehan, des États-Unis ; l'abbé Jean Starcky, de France; le père
Jozef Milik, prêtre polonais qui depuis a quitté la prêtrise et s'est établi en France ; un cher
cheur allemand bientôt remplacé par un autre prêtre français, le père Maurice Baillet; et John
Strugnell, qui se convertit ensuite au catholicisme. Le seul protestant de l'équipe était Frank
Cross, venu alors du McCormick Theological Seminary et actuellement à Harvard. Un Anglais
agnostique, John Allegro, complétait l'équipe. Mais aucun Juif.
A la mort du père de Vaux, en 1971, un autre dominicain de l'École biblique, le père Pierre
Benoît, lui succéda dans ses fonctions d'éditeur en chef. A la mort de Benoît en 1987, lui
succéda John Strugnell, alors converti au catholicisme, jusqu'en 1991, où il fut révoqué par
ses collègues après la publication de quelques propos violemment anti- sémites qu'il avait
tenus à un journaliste israélien. A la mort de Starcky, son lot réservé de textes fut légué
au père Émile Puech, également de l'École biblique. Quand Skehan mourut, son lot fut légué à
Eugene Ulrich, de l'université de Notre Dame. Mais Baigent et Leigh ne s'arrêtent point là.
Ils recherchent longuement où, en définitive, réside l'autorité : "A qui, finalement, l'équipe
internationale devait-elle rendre compte ? Théoriquement, ses membres auraient dû le faire à
leurs pairs, aux autres chercheurs [non confessionnels, libres, indépendants]. En réalité,
l'équipe internationale semblait ne se reconnaître de compte à rendre à quiconque, sauf à
l'École biblique de Jérusalem. Et à qui l'École biblique devait-elle rendre compte ?" - Au
Vatican, bien sûr ! Les Religieux ont fait vœu d'obéissance au saint-siège, on le sait !
Le Vatican occulte-t-il les fameux manuscrits ?
Par leurs investigations personnelles et minutieuses, Baigent et Leigh ont mis à découvert,
selon leurs termes, une révélation capitale, non seulement pour nous, mais aussi pour d'autres
chercheurs indépendants dans ce domaine : l'École biblique était directement branchée sur le
Vatican, à défaut du pape en personne.
Dès ses débuts, l'École biblique a été étroitement affiliée à la Commission biblique
pontificale. Selon les auteurs, l'École biblique est un "auxiliaire de la machine de propagande
de la Commission [biblique pontificale] - un instrument de diffusion de la doctrine catholique
sous couvert de recherche historique et archéologique". De Vaux lui-même fut nommé consulteur
auprès de cette commission ; à sa mort, Benoît lui succéda dans cette fonction. A la mort de
Benoît, son successeur à la tête de l'École biblique fut nommé consulteur auprès de la
commission.
Le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la commission, dirige également un autre organisme
catholique, la Congrégation pour la doctrine de la foi. La Congrégation est l'héritière de
ce que les auteurs nomment une très ancienne ascendance : En 1542, elle avait pris
officiellement le nom de Saint-Office. Et auparavant, on l'appelait la Sainte Inquisition.
Si Ratziner dirige la Congrégation, le chef officiel n'en demeure pas moins le pape en exercice.
Aujourd'hui, Ratzinger, en tant que directeur exécutif, porte le titre de secrétaire de la
Congrégation, qui, "autrefois, était appelé le Grand Inquisiteur".
Les auteurs continuent: "De tous les services de la Curie romaine, celui de la Congrégation pour
la doctrine de la foi est le plus puissant. Et de tous les cardinaux de la Curie, Ratzinger est
peut-être le plus proche du pape.
Les positions de Ratzinger prises au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi
déterminent celles de la Commission biblique pontificale, dont il est aussi le préfet, et de là
filtrent ensuite dans l'École biblique. "Ratzinger est décrit comme un homme profondément
pessimiste" qui pense que "seule la suppression de tout dissentiment peut assurer la survie de
l'Église en tant que foi une. D'après lui, ceux qui ne partagent pas son pessimisme sont
"aveugles ou induits en erreur". "Le rôle joué à un haut niveau par l'Église dans les recherches
sur les manuscrits de la mer Morte, comme ceci le démontre, concluent les auteurs,
"ne peut qu'engendrer une forte suspicion ".
Une suspicion que viennent étayer les attitudes reflétées par certains membres de l'équipe
éditoriale, tel M, Skehan, qui a exprimé l'opinion, disent les deux auteurs qu'en définitive,
le travail de tout bibliste devrait être guidé et déterminé par la doctrine de l'Église et
[citant ici Skehan) "être toujours soumis au droit souverain de notre sainte mère l'Église de
juger en dernier recours de ce qui concorde effectivement avec l'enseignement qu'elle a reçu
du Christ". "Que se passe-t-il si l'on découvre quelque chose que l'on ne parvient pas à rendre
ainsi conforme ?" demandent les auteurs.
Ils poursuivent : "D'après les déclarations du père Skehan, la réponse à cette question semble
claire. Tout ce, qui ne peut être subordonné ou adapté à la doctrine existante de l'Eglise doit,
par nécessité, être éliminé. La position du père Skehan, nous disent-ils, trouvait un écho
manifeste dans celle du pape Pie XII en personne, qui soutenait que "l'exégète biblique a une
fonction et une responsabilité à assumer dans des questions aux implications importantes pour
l'Église".
Avec cet arrière-plan, on comprend aisément pourquoi "de Vaux tenait à éviter, autant que
possible, d'embarrasser les autorités chrétiennes", déclarent les auteurs. De toute évidence,
certaines données de Qumrân étaient précisément jugées susceptibles de le faire. Pour éviter
cet embarras, l'équipe dirigée par de Vaux conçut et "imposa [pour des raisons que l'on connaît]
une rigide orthodoxie pour l'interprétation" des rouleaux.
"Toute déviation de cette interprétation équivalait à une hérésie. Oser contester était risqué
pour sa propre crédibilité... Au fil des années, progressivement, cette orthodoxie dans
l'interprétation [est devenue] d'un dogmatisme croissant."
Les auteurs sous-entendent que de Vaux et ses collègues pourraient même détruire - ou avoir
détruit - certains documents compromettants. "Que ferait exactement l'École biblique si, parmi
les documents de Qumrân non publiés ou peut-être non encore découverts, des données
défavorables à la doctrine de l'Église faisaient surface?" Et encore : "Même si le gouvernement
israélien prenait des mesures autoritaires et ordonnait la libération immédiate des matériaux
de Qumrân, comment pourrions-nous avoir la certitude que des données susceptibles de mettre
l'Église en péril verraient jamais le jour?". Cependant, les savants égarés pouvaient être
remis dans le droit chemin par des moyens moins draconiens que la destruction de documents.
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