Dr Zeinab Abdelaziz, Professeur émérite de civilisation française
A l'occasion de la clôture du mois d'octobre, mois de la Mission, et de la Journée mondiale de la Mission, célébrée le 21 octobre, et du colloque de la Mission, tenu du 21 au 23 octobre à Naples, dans le cadre de "l'évangélisation du monde", imposé par Vatican II, en 1965, permettez-moi honorable Père d'aborder un sujet, fort délicat, dont nul n'ignore les effets négatifs, ni les actions qui prennent les envergures dune hystérie obsessionnelle..
Que ce soient des colloques, des congrès, des tables rondes, des journées mondiales de jeunesses ou sous d'autres appellations, des jeux olympiques, des missions dans les quatre coins du monde, ou mêmes fourrés dans les accoutrements militaires des envahisseurs, les missionnaires ne passent plus inaperçus. L'obsession d'évangéliser le monde dépasse toute logique,- d'ailleurs vous ne faites que le répéter, dans presque tous vos textes, que l'église est d'abord missionnaire. Missionnaire par obéissance au verset 19, dans le dernier chapitre de l'évangile selon Mathieu, disant : "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit".
C'est tout le monde chrétien qui a été mobilisé, par Vatican II et son document Ad gentes pour participer à l'évangélisation du monde. Tout un arsenal d'institutions, d'organisations officielles ou non gouvernementales, des groupes, des jeunes, même des enfants missionnaires, des cellules paroissiales d'évangélisation, tous les moyens dans tous les domaines de la société ont été placés comme arme d'évangélisation! Si cela est passé inaperçu juste au début, Jean-Paul II l'annonça nettement, en 1982, à Saint Jacques de Compostelle. Et depuis, jamais furie n'a été plus empressée, plus hystérique, pour diaboliser l'islam et christianiser le monde !Là, permettez-moi de vous montrer, honorable Père, que les textes du Nouveau Testament contredisent ce verset sur lequel vous vous basez, et, par là même dénoncent tout ce qui en découle : la vraie cause du terrorisme, provoqué par cette évangélisation !
D'après les textes du Nouveau Testament, le message de Jésus, tel qu'il le dit lui-même : " Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël " Mt. 15 : 24). C'est ce qu'il avait déjà annoncé un peu plus haut : " Ces Douze, Jésus les envoya en mission avec les prescriptions suivantes : Ne prenez pas le chemin des païens et n'entrez pas dans une ville de Samaritains : allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël " (10 : 5-6).
C'est ce que l'on trouve aussi dans les Actes des Apôtres, lorsqu'il est dit : " C'est pour vous d'abord que Dieu a ressuscité son Serviteur et l'a envoyé vous bénir, du moment que chacun de vous se détourne de ses perversités " (3 : 6). Ce qui veut dire que Jésus n'a été ressuscité, en premier lieu, d'après le texte, que pour les juifs qui plongent dans la perversité, de laquelle ils doivent s'en détourner..
Ce ne sont point les seuls versets que renferme le Nouveau Testament (Bible de Jérusalem, 1986). Nombreux sont les versets qui prouvent que Jésus annonçait le Royaume de Dieu et point l'évangélisation du monde ! Que de fois ne lit-on : "Chemin faisant, proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche" (Mt. 10 : 7), ou bien : ".. en vérité je vous le dis, vous n'achèverez pas le tour des villes d'Israël avant que ne vienne le Fils de l'homme!" (Mt 10 : 23). Bien plus, l'évangile selon Mathieu renferme plus d'une trentaine de versets annonçant le Royaume de Dieu ou des Cieux, à part le chapitre 13 qui, du 1r au 52e verset, ne parle que du Royaume de Dieu et de sa proximité !
Cette réalisation était si proche que lorsque les Douze partirent pour prêcher, Jésus leur dit : " Si l'on vous pourchasse de telle ville fuyez dans telle autre, et si l'on vous pourchasse de celle-là fuyez dans une troisième; en vérité je vous le dis, vous n'achèverez pas le tour des villes d'Israël avant que ne vienne le Fils de l'homme " (Mt: 10 : 23). Même lorsque Jésus se trouvait face au Grand Prêtre, durant le procès, il dit :" D'ailleurs je vous le déclare : dorénavant, vous verrez le Fils de l'homme siégeant à droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel " (Mt 26 : 64).
L'évangile selon Marc rapporte, dès le premier chapitre, comment Jésus poursuit le message de Jean-Baptiste : " Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée, proclamant l'Evangile de Dieu et disant : Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à l'Evangile " (14-15). Dans le chapitre 9 Jésus dit : " En vérité je vous le dis, il en est d'ici présents qui ne goûteront pas la mort avant d'avoir vu le Royaume de Dieu venu avec puissance " (1). Et il le répète au chapitre 13 : " En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point " (30-31).
D'après l'évangile selon Luc, " Le jour venu, il sortit et se rendit dans un lieu désert. Les foules le cherchaient et, l'ayant rejoint, elles voulaient le retenir et l'empêcher de les quitter. Mais il leur dit : Aux autres villes aussi il me faut annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, car c'est pour cela que j'ai été envoyé " (4 : 42-43). Ce qui prouve d'après tous ces versets que dit Jésus, son message consiste en deux choses bien précises : ramener les brebis perdues de la maison d'Israël, vers l'unicité du Dieu unique, et non trinitaire, et annoncer la proximité du Royaume de Dieu, qui est : justice, paix et joie.
Dans le même évangile selon Luc, au début du chapitre IX, Jésus " Ayant convoqué les Douze, il leur donna puissance et pouvoir sur tous les démons, et sur les maladies pour les guérir. Et il les envoya proclamer le Royaume de Dieu et faire des guérisons" (1-2). Ce qui démontre que les apôtres ont obtenus les mêmes pouvoirs que Jésus et les pratiquaient. Et dans le chapitre X Jésus poursuit : " guérissez ses malades et dites aux gens : Le Royaume de Dieu est tout proche de vous. Mais en quelque ville que vous entriez, si l'on ne vous accueille pas, sortez sur ses places et dites : Même la poussière de votre ville qui s'est collée à nos pieds, nous l'essuyons pour vous la laisser. Pourtant, sachez-le, le Royaume de Dieu est tout proche " (9-11).
Ce qui prouve que non seulement Jésus avait comme devoir d'annoncer le Royaume de Dieu, mais c'était aussi celui des apôtres. Ce royaume de la justice, de la paix et de la joie étant le seul message à annoncer, et non l'évangélisation du monde.
Le chapitre III de l'évangile selon Jean commence avec l'histoire de Nicodème qui demande à Jésus : " … personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n'est pas avec lui. Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu ".
Tel qu'on vient de le voir, les quatre évangiles abordent et parlent du Royaume de Dieu en tant qu'annonce majeure de la part de Jésus. De même les Actes, dont le premier chapitre commence avec tout ce que Jésus a fait et enseigné, même après sa passion : "pendant quarante jours, il leur apparu et les avait entretenus du Royaume de Dieu " (1-3).
Passons outre cette flagrante divergence sur la durée du séjour de Jésus, après sa résurrection, qui va d'un à quarante jours, selon lequel des évangiles. C'est une des centaines de contradictions qui se trouvent dans la Bible, et soulignons un point essentiel : non seulement Jésus annonçait le Royaume de Dieu de son vivant, mais même après sa mort et sa résurrection,- comme dit le texte, il passa 40 jours à ne parler que de ce Royaume !
Bien plus, les Actes se terminent par les deux versets suivants : " Paul demeura deux années entières dans le logis qu'il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle " (28 : 30-31).
Dans son épître aux Romains, Paul précise que " Le règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l'Esprit Saint" (14 : 17). Aux Corinthiens, il ajoute : " Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront pas du Royaume de Dieu ?" (6 : 9). Quant aux Galates, il leur dit, après avoir énuméré les produits néfastes de la chair : " et je vous préviens, comme je l'ai déjà fait, que ceux qui commettent ces fautes-là n'hériteront pas du Royaume de Dieu" (5 : 21). Aux Ephésiens il reprend : " Car sachez-le bien, ni le fornicateur, ni le débauché, ni le cupide – qui est idolâtre – n'ont droit à l'héritage dans le Royaume du Christ et de Dieu " (5 : 5). A noter un petit changement : après avoir déifié Jésus le long de ses prêche, Paul, soit dit en passant, concède le Royaume de Dieu au Christ aussi !
Changement que Pierre accentue davantage dans sa deuxième épître, en disant: " Car c'est ainsi que vous sera largement accordée par surcroît l'entrée dans le Royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ" (1 :11). D'abord appartenant à Dieu, selon Jésus, les apôtres ne tardèrent pas à partager le Royaume entre Dieu et Jésus, puis, christologie exige (!), c'est devenu le Royaume éternel du Seigneur et Sauveur Jésus Christ ! Quel que soit le propriétaire, cela ne change en rien le fait que les deux seules messages ou raison d'être de Jésus sont : les brebis perdues de la maison d'Israël et l'annonce du Royaume de Dieu. Bien plus, Jésus précise aux Grands prêtres et aux pharisiens : " Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu vous sera retiré pour être confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits " (Mt. 21 : 24).
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