Apparition de l’Esprit saint (Gabriel) sous forme d’un homme à Marie, alors qu ’elle était déshabillée et faisait sa toilette, et comment elle prit refuge en Dieu
Avant que ce que tu possèdes s’évanouisse, dis aux formes des êtres, comme Marie : « Je cherche refuge contre toi en le Miséricordieux. »
Marie dans sa chambre vit une forme qui augmentait la vie, un être qui accroissait la vie, qui ravissait le cœur.
Cet Esprit loyal surgit devant elle, comme la lune et un soleil.
La beauté dévoilée se dressa hors du sol, tel le soleil apparaissant à l’Orient.
Marie se mit à trembler de tous ses membres, car elle était dévêtue et craignait le mal.
C’était une forme telle que, si Joseph l’avait vue clairement, il se fût coupé la main de stupeur, comme les femmes d’Égypte.
Il fleurit comme une rose devant elle, comme une image levant la tête hors du cœur.
Marie devint hors d’elle-même, et dans cette inconscience, elle s’écria : « Je me réfugie en la protection divine ! »
Car cette créature au cœur pur avait coutume de prendre son essor vers l’Invisible.
Elle jugeait le monde un royaume sans permanence, aussi se faisait-elle prudemment un rempart de cette Présence divine, afín que, à l’heure de la mort, elle ait une forteresse que l’Ennemi ne pourrait attaquer.
Elle ne voyait pas de meilleure forteresse que la protection de Dieu :
Elle choisit sa demeure près de ce château, Lorsqu’elle aperçut ces regards amoureux qui détruisent la raison, par lesquels les cœurs étaient comme transpercés de flèches
Le roi et l’armée sont enchaînés par Lui, les souverains de l’intelligence sont rendus stupides par Lui ; Des centaines de milliers de rois sont gardés en esclavage par Lui ; Il a donné des centaines de pleines lunes à la fièvre dévorante (de l’amour).
Zohra * n’ose souffler mot ; la Raison universelle, quand elle Le voit,s’humilie, que dirais-je ? Il a scellé mes lèvres : Sa fournaise a consumé le lieu de mon souffle.
« Je suis la fumée de ce feu, j’en suis la preuve » — que soit loin de ce roi leur fausse interprétation !
En vérité, il n’y a d’autre preuve d’un soleil que la lumière du Soleil sublime.
Qu’est-ce que l’ombre, qu’elle puisse être une preuve pour Lui ? Il suffit qu’elle soit abaissée devant Lui.
Cette majesté, quant à la preuve, déclare la vérité : toutes les perceptions sont derrière Lui, Il les devance.
Toutes les perceptions sont montées sur des ânes boiteux, Lui, Il chevauche le vent et vole comme la flèche.
S’Il s’enfuit, nul d’entre elles ne peut rejoindre le Roi ; et si elles s’enfuient, Il leur barre le chemin.
Toutes les perceptions sont inquiètes : c’est le temps du combat, non de la coupe (de réjouissances).
Une imagination vole comme un faucon, tandis qu’une autre, rapide comme la flèche, s’ouvre un passage.
Et une autre est comme un navire avec des voiles, et une autre retourne en arrière à chaque instant.
Lorsqu’un objet de chasse leur apparaît de loin, tous ces oiseaux (les perceptions) augmentent leur vitesse d’attaque.
Lorsqu’il disparaît à la vue, elles deviennent perdues, tels des hiboux, elles s’en vont vers chaque désert,
Attendant, avec un œil fermé et un œil ouvert, que la délicieuse proie apparaisse.
Quand elle tarde longtemps, elles disent, par lassitude : « Nous nous demandons si c’était une proie réelle, ou une imagination. »
Ce qu’il convient qu’elles fassent, c’est, pour un court moment, d’acquérir quelque force et vigueur en prenant du repos.
Si la nuit n’existait pas, à cause de leur cupidité, tout le monde se consumerait dans l’agitation.
Par désir et avidité d’amasser du gain, chacun donnerait son corps pour être consumé.
La nuit apparaît, comme un trésor de miséricorde, afin qu’ils soient libérés de leur avidité pour quelque temps.
Quand un sentiment de sécheresse spirituelle t’advient, ô pèlerin, c’est pour ton bien, ne deviens pas enflammé (de douleur) dans ton cœur,Car dans l’état de dilatation et de délice, tu dépenses : la dépense nécessite un revenu préalable (pour y faire face).
Si c’était toujours la saison de l’été, la chaleur flamboyante du soleil détruirait le jardin, en brûlant de fond en comble le sol d’où poussent ses plantes, de sorte que celles qui sont desséchées ne redeviendraient plus jamais fraîches.
Si décembre fait grise mine, cependant il est bienveillant : l’été rit, mais il consume.
Quand la sécheresse spirituelle t’advient, vois la dilatation qui en proviendra ; sois gai, et ne laisse pas les rides apparaître sur ton front.
Les enfants rient, et les sages sont amers ; le chagrin vient du foie, et la joie vient des poumons.
L’œil de l’enfant, comme celui de l’âne, est fixé sur l’étable ; l’œil de l’homme sage s’attache à calculer la fin.
L’enfant voit le riche fourrage dans l’étable, tandis que l’homme voit que sa fin dernière sera la mort par la main du boucher.
Ce fourrage est amer, car le boucher l’a donné, il a mis des balances pour notre chair.
Va, mange le fourrage de sagesse que Dieu nous a donné par pure générosité.
Ô homme, tu as compris que c’était le pain, et non la sagesse, dont il s’agissait dans ce que Dieu t’a dit : « Mangez de ses provisions . » La provision dans cette étape (de ton existence) est la sagesse qui ne t’étouffera pas à la fin. Quand tu fermes cette bouche-ci, une autre bouche s’ouvre, qui se nourrit des mystères, si tu sèvres ton corps du lait du Démon, tu trouveras la félicité.
Je n’ai donné de tout cela qu’une explication imparfaite, comme la viande mal cuite des Turcs : entends-la en entier du sage de Ghazna * .
Dans l’Ilâhî-nâma, ce sage de l’invisible, cette gloire de ceux qui savent, explique ce sujet.
Il dit : « Nourris-toi de chagrin, ne mange pas le pain de ceux qui augmenteront ton chagrin, car le sage se nourrit de chagrin, et l’enfant de sucre. »
La douceur de la joie de l’au-delà est le fruit du chagrin d’ici-bas ; cette joie (terrestre) est la blessure, ce chagrin (spirituel) est l’onguent.
Quand tu vois le chagrin spirituel, étreins-le d’un amour passionné, regarde Damas du haut de Rubuva ** .Le sage aperçoit le vin dans le raisin, l’amoureux mystique voit l’entité dans le non-existant.
Avant-hier, les porteurs se querellaient : « Ne soulève pas cette charge, laisse-moi la porter comme un lion. » Étant donné qu’ils trouvaient du profit dans cette tâche, chacun arrachait à l’autre sa charge. Quelle comparaison y a-t-il entre la récompense de Dieu et celle donnée par la créature indigne ? Le premier te donne en récompense un trésor, et la seconde un liard.
Un trésor d’or qui demeure avec toi quand tu gis enterré sous le sable et n’est pas laissé en héritage.
Il court devant ton cercueil et devient ton compagnon dans la tombe et dans l’état où tout est étrange.
En vue du jour de ta mort, sois mort à toi-même à présent, afin de pouvoir être uni à l’Amour éternel, ô mon compagnon, à travers le voile de la lutte, le renoncement aperçoit le visage pareil à
la fleur de grenade et les deux tresses du Bien-Aimé.
Le chagrin est un miroir devant celui qui lutte, car dans ce contraire apparaît le visage de l’autre contraire.
Après ce contraire, la souffrance, l’autre contraire, c’est-à-dire la joie et le triomphe, se manifeste.
Observe ces deux qualités (de contraction et d’expansion) dans les doigts de ta main ; certes, après que le poing est fermé, vient son ouverture.
Si les doigts sont complètement fermés ou complètement ouverts, leur possesseur est semblable à une personne affligée. Son travail et son acquisition sont réglés par ces deux qualités, ces deux conditions sont pour lui aussi importantes que les ailes pour l’oiseau. Lorsque Marie fut tout à coup troublée, comme les poissons sur la terre ferme, le modèle de la Générosité divine lui dit : « Je suis le messager fidèle du Seigneur ; ne me fuis pas.
« Ne te détourne pas des élus de la Majesté divine, ne t’éloigne pas de ces saints confidents. »
Pendant qu’il parlait, un rayon de pure lumière sortant de ses lèvres montait jusqu’à Simâk (Arcturus).
« Tu t’enfuis de mon existence vers le Monde invisible : là, je suis Roi et porteur d’étendard.
« En vérité, ma demeure se trouve dans l’Invisible, seule ma forme extérieure est devant toi.
« Ô Marie, regarde bien, car je suis une forme difficile à percevoir, je suis à la fois une nouvelle lune et une image dans le cœur. « Quand une image vient dans ton cœur et s’y établit, elle demeure avec toi où que tu t’enfuies, « Sauf cette image vaine et sans substance qui s’évanouit comme la
fausse aurore.
« Je suis la Lumière du Seigneur, telle la véritable aurore, car nulle nuit ne rôde autour de mon jour.
« Prends garde, ne crie pas Lâ hawl * contre moi, ô fille d’Imran, car je suis descendu ici depuis Lâ hawl.
« Lâ hawl était mon origine et ma subsistance, la lumière de ce Lâ hawl, antérieure à toute parole.
« Tu prends refuge contre moi en Dieu : je suis dans l’éternité l’image de Celui qui est le seul refuge.
« Je suis le refuge qui fut souvent la source de ta délivrance : tu cherches refuge contre moi, et je suis moi-même ce refuge. « Il n’est point de calamité pire que l’ignorance : tu es avec l’Ami et ne
sais comment lui montrer ton amour. « Tu considères ton Ami comme un étranger : à la joie, tu as donné le nom de chagrin. »
Un tel dattier, qui est un don de notre Ami — puisque nous sommes des voleurs, ce palmier devient pour nous un gibet.
Un tel objet parfumé, qui est la tresse de notre Prince — puisque nous sommes insensés, cette tresse est notre chaîne.
Une telle grâce divine, s’écoulant comme un Nil — puisque nous sommes des pharaons, elle devient pareille au sang.
Le sang dit : « Je suis de l’eau. Prends garde, ne me répands pas ! Je suis en réalité Joseph, mais tu as fait de moi le loup, ô homme brutal ! »
Ne vois-tu pas qu’un ami patient devient comme un serpent quand tu lui es devenu hostile ?
Sa véritable nature n’est pas changée : c’est seulement en apparence qu’il est devenu si mauvais.
* Vénus.
* Sanâ’î, poète et mystique persan du XI e siècle.
** Proverbe, i.e. : « Regarde les choses à partir de la réalité. »
* « Je prends refuge » (en Dieu).
Mathnawi-Tome-1 à 3-Rumi-djalal-din
Avant que ce que tu possèdes s’évanouisse, dis aux formes des êtres, comme Marie : « Je cherche refuge contre toi en le Miséricordieux. »
Marie dans sa chambre vit une forme qui augmentait la vie, un être qui accroissait la vie, qui ravissait le cœur.
Cet Esprit loyal surgit devant elle, comme la lune et un soleil.
La beauté dévoilée se dressa hors du sol, tel le soleil apparaissant à l’Orient.
Marie se mit à trembler de tous ses membres, car elle était dévêtue et craignait le mal.
C’était une forme telle que, si Joseph l’avait vue clairement, il se fût coupé la main de stupeur, comme les femmes d’Égypte.
Il fleurit comme une rose devant elle, comme une image levant la tête hors du cœur.
Marie devint hors d’elle-même, et dans cette inconscience, elle s’écria : « Je me réfugie en la protection divine ! »
Car cette créature au cœur pur avait coutume de prendre son essor vers l’Invisible.
Elle jugeait le monde un royaume sans permanence, aussi se faisait-elle prudemment un rempart de cette Présence divine, afín que, à l’heure de la mort, elle ait une forteresse que l’Ennemi ne pourrait attaquer.
Elle ne voyait pas de meilleure forteresse que la protection de Dieu :
Elle choisit sa demeure près de ce château, Lorsqu’elle aperçut ces regards amoureux qui détruisent la raison, par lesquels les cœurs étaient comme transpercés de flèches
Le roi et l’armée sont enchaînés par Lui, les souverains de l’intelligence sont rendus stupides par Lui ; Des centaines de milliers de rois sont gardés en esclavage par Lui ; Il a donné des centaines de pleines lunes à la fièvre dévorante (de l’amour).
Zohra * n’ose souffler mot ; la Raison universelle, quand elle Le voit,s’humilie, que dirais-je ? Il a scellé mes lèvres : Sa fournaise a consumé le lieu de mon souffle.
« Je suis la fumée de ce feu, j’en suis la preuve » — que soit loin de ce roi leur fausse interprétation !
En vérité, il n’y a d’autre preuve d’un soleil que la lumière du Soleil sublime.
Qu’est-ce que l’ombre, qu’elle puisse être une preuve pour Lui ? Il suffit qu’elle soit abaissée devant Lui.
Cette majesté, quant à la preuve, déclare la vérité : toutes les perceptions sont derrière Lui, Il les devance.
Toutes les perceptions sont montées sur des ânes boiteux, Lui, Il chevauche le vent et vole comme la flèche.
S’Il s’enfuit, nul d’entre elles ne peut rejoindre le Roi ; et si elles s’enfuient, Il leur barre le chemin.
Toutes les perceptions sont inquiètes : c’est le temps du combat, non de la coupe (de réjouissances).
Une imagination vole comme un faucon, tandis qu’une autre, rapide comme la flèche, s’ouvre un passage.
Et une autre est comme un navire avec des voiles, et une autre retourne en arrière à chaque instant.
Lorsqu’un objet de chasse leur apparaît de loin, tous ces oiseaux (les perceptions) augmentent leur vitesse d’attaque.
Lorsqu’il disparaît à la vue, elles deviennent perdues, tels des hiboux, elles s’en vont vers chaque désert,
Attendant, avec un œil fermé et un œil ouvert, que la délicieuse proie apparaisse.
Quand elle tarde longtemps, elles disent, par lassitude : « Nous nous demandons si c’était une proie réelle, ou une imagination. »
Ce qu’il convient qu’elles fassent, c’est, pour un court moment, d’acquérir quelque force et vigueur en prenant du repos.
Si la nuit n’existait pas, à cause de leur cupidité, tout le monde se consumerait dans l’agitation.
Par désir et avidité d’amasser du gain, chacun donnerait son corps pour être consumé.
La nuit apparaît, comme un trésor de miséricorde, afin qu’ils soient libérés de leur avidité pour quelque temps.
Quand un sentiment de sécheresse spirituelle t’advient, ô pèlerin, c’est pour ton bien, ne deviens pas enflammé (de douleur) dans ton cœur,Car dans l’état de dilatation et de délice, tu dépenses : la dépense nécessite un revenu préalable (pour y faire face).
Si c’était toujours la saison de l’été, la chaleur flamboyante du soleil détruirait le jardin, en brûlant de fond en comble le sol d’où poussent ses plantes, de sorte que celles qui sont desséchées ne redeviendraient plus jamais fraîches.
Si décembre fait grise mine, cependant il est bienveillant : l’été rit, mais il consume.
Quand la sécheresse spirituelle t’advient, vois la dilatation qui en proviendra ; sois gai, et ne laisse pas les rides apparaître sur ton front.
Les enfants rient, et les sages sont amers ; le chagrin vient du foie, et la joie vient des poumons.
L’œil de l’enfant, comme celui de l’âne, est fixé sur l’étable ; l’œil de l’homme sage s’attache à calculer la fin.
L’enfant voit le riche fourrage dans l’étable, tandis que l’homme voit que sa fin dernière sera la mort par la main du boucher.
Ce fourrage est amer, car le boucher l’a donné, il a mis des balances pour notre chair.
Va, mange le fourrage de sagesse que Dieu nous a donné par pure générosité.
Ô homme, tu as compris que c’était le pain, et non la sagesse, dont il s’agissait dans ce que Dieu t’a dit : « Mangez de ses provisions . » La provision dans cette étape (de ton existence) est la sagesse qui ne t’étouffera pas à la fin. Quand tu fermes cette bouche-ci, une autre bouche s’ouvre, qui se nourrit des mystères, si tu sèvres ton corps du lait du Démon, tu trouveras la félicité.
Je n’ai donné de tout cela qu’une explication imparfaite, comme la viande mal cuite des Turcs : entends-la en entier du sage de Ghazna * .
Dans l’Ilâhî-nâma, ce sage de l’invisible, cette gloire de ceux qui savent, explique ce sujet.
Il dit : « Nourris-toi de chagrin, ne mange pas le pain de ceux qui augmenteront ton chagrin, car le sage se nourrit de chagrin, et l’enfant de sucre. »
La douceur de la joie de l’au-delà est le fruit du chagrin d’ici-bas ; cette joie (terrestre) est la blessure, ce chagrin (spirituel) est l’onguent.
Quand tu vois le chagrin spirituel, étreins-le d’un amour passionné, regarde Damas du haut de Rubuva ** .Le sage aperçoit le vin dans le raisin, l’amoureux mystique voit l’entité dans le non-existant.
Avant-hier, les porteurs se querellaient : « Ne soulève pas cette charge, laisse-moi la porter comme un lion. » Étant donné qu’ils trouvaient du profit dans cette tâche, chacun arrachait à l’autre sa charge. Quelle comparaison y a-t-il entre la récompense de Dieu et celle donnée par la créature indigne ? Le premier te donne en récompense un trésor, et la seconde un liard.
Un trésor d’or qui demeure avec toi quand tu gis enterré sous le sable et n’est pas laissé en héritage.
Il court devant ton cercueil et devient ton compagnon dans la tombe et dans l’état où tout est étrange.
En vue du jour de ta mort, sois mort à toi-même à présent, afin de pouvoir être uni à l’Amour éternel, ô mon compagnon, à travers le voile de la lutte, le renoncement aperçoit le visage pareil à
la fleur de grenade et les deux tresses du Bien-Aimé.
Le chagrin est un miroir devant celui qui lutte, car dans ce contraire apparaît le visage de l’autre contraire.
Après ce contraire, la souffrance, l’autre contraire, c’est-à-dire la joie et le triomphe, se manifeste.
Observe ces deux qualités (de contraction et d’expansion) dans les doigts de ta main ; certes, après que le poing est fermé, vient son ouverture.
Si les doigts sont complètement fermés ou complètement ouverts, leur possesseur est semblable à une personne affligée. Son travail et son acquisition sont réglés par ces deux qualités, ces deux conditions sont pour lui aussi importantes que les ailes pour l’oiseau. Lorsque Marie fut tout à coup troublée, comme les poissons sur la terre ferme, le modèle de la Générosité divine lui dit : « Je suis le messager fidèle du Seigneur ; ne me fuis pas.
« Ne te détourne pas des élus de la Majesté divine, ne t’éloigne pas de ces saints confidents. »
Pendant qu’il parlait, un rayon de pure lumière sortant de ses lèvres montait jusqu’à Simâk (Arcturus).
« Tu t’enfuis de mon existence vers le Monde invisible : là, je suis Roi et porteur d’étendard.
« En vérité, ma demeure se trouve dans l’Invisible, seule ma forme extérieure est devant toi.
« Ô Marie, regarde bien, car je suis une forme difficile à percevoir, je suis à la fois une nouvelle lune et une image dans le cœur. « Quand une image vient dans ton cœur et s’y établit, elle demeure avec toi où que tu t’enfuies, « Sauf cette image vaine et sans substance qui s’évanouit comme la
fausse aurore.
« Je suis la Lumière du Seigneur, telle la véritable aurore, car nulle nuit ne rôde autour de mon jour.
« Prends garde, ne crie pas Lâ hawl * contre moi, ô fille d’Imran, car je suis descendu ici depuis Lâ hawl.
« Lâ hawl était mon origine et ma subsistance, la lumière de ce Lâ hawl, antérieure à toute parole.
« Tu prends refuge contre moi en Dieu : je suis dans l’éternité l’image de Celui qui est le seul refuge.
« Je suis le refuge qui fut souvent la source de ta délivrance : tu cherches refuge contre moi, et je suis moi-même ce refuge. « Il n’est point de calamité pire que l’ignorance : tu es avec l’Ami et ne
sais comment lui montrer ton amour. « Tu considères ton Ami comme un étranger : à la joie, tu as donné le nom de chagrin. »
Un tel dattier, qui est un don de notre Ami — puisque nous sommes des voleurs, ce palmier devient pour nous un gibet.
Un tel objet parfumé, qui est la tresse de notre Prince — puisque nous sommes insensés, cette tresse est notre chaîne.
Une telle grâce divine, s’écoulant comme un Nil — puisque nous sommes des pharaons, elle devient pareille au sang.
Le sang dit : « Je suis de l’eau. Prends garde, ne me répands pas ! Je suis en réalité Joseph, mais tu as fait de moi le loup, ô homme brutal ! »
Ne vois-tu pas qu’un ami patient devient comme un serpent quand tu lui es devenu hostile ?
Sa véritable nature n’est pas changée : c’est seulement en apparence qu’il est devenu si mauvais.
* Vénus.
* Sanâ’î, poète et mystique persan du XI e siècle.
** Proverbe, i.e. : « Regarde les choses à partir de la réalité. »
* « Je prends refuge » (en Dieu).
Mathnawi-Tome-1 à 3-Rumi-djalal-din
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