Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Entre mythe et réalité, la vraie histoire de Mahomet

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Entre mythe et réalité, la vraie histoire de Mahomet

    INTERVIEW. Le prophète de l’islam est scruté par 50 chercheurs internationaux dans « Le Mahomet des historiens », un ouvrage codirigé par Mohammad Ali Amir-Moezzi.

    Propos recueillis par Jérôme Cordelier

    Enluminure de 1436 montrant Mahomet conduit par l’archange Gabriel à la rencontre des âmes des prophètes Noé et Idris. © BNF, Fonds Turc/MAXppp


    Cinquante spécialistes internationaux de l'islam, 2 000 pages et un cahier d'illustrations somptueux rassemblés dans un beau coffret… C'est une somme consacrée à Mahomet que proposent les éditions du Cerf, sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et John Tolan, et dont Le Point a la primeur.

    Cet ouvrage, Le Mahomet des historiens, est un événement. Pour la première fois en français, un collectif de chercheurs parmi les plus pointus étudie de façon scientifique la figure du prophète de l'islam, son message, son action, son rayonnement, ses représentations, ses disciples… Les sources sont décortiquées. Les traditions arabe, africaine, persane, indonésienne… sont explorées. Les littératures sont analysées. Mythes et légendes sont passés au crible.

    Cette œuvre mosaïque fait suite au Coran des historiens, publié en 2019 et comprenant plus de 3 000 pages, devenu une référence aujourd'hui. Deux projets portés par Mohammad Ali Amir-Moezzi. Né en 1956 à Téhéran dans une famille francophone, arrivé en France pour ses études universitaires en 1974, professeur des universités, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, l'homme est un grand spécialiste de l'islam chiite et de l'histoire de la rédaction du Coran. Entretien sur Mahomet, entre mythe et réalité.


    Mohammad Ali Amir-Moezzi, historien, spécialiste de l’islam chiite.


    Le Point : Peut-on aujourd'hui étudier Mahomet scientifiquement ?

    Mohammad Ali Amir-Moezzi : Selon le point de vue des historiens, en Occident, oui. L'Occident a développé une étude distanciée, critique, des choses de la foi, y compris des écritures et des figures saintes, ce qui a pris plusieurs siècles. Les pays musulmans n'ont pas connu la même histoire. Et donc il y a toujours cette crainte, éprouvée par la plupart des musulmans, qu'une étude historique et scientifique puisse menacer leur foi en introduisant justement la relativisation historique.

    À LIRE AUSSI « L'islam a besoin d'un courant réformateur sincère pour évoluer »

    Que savons-nous de Mahomet ?

    Tout dépend du point de vue que nous adoptons : celui des musulmans ou celui de l'historien moderne. Pour le musulman, Mahomet est le prophète et le saint par excellence de sa religion. Il a vécu vers les VIe et VIIe siècles de notre ère en Arabie occidentale et il a reçu, par l'intermédiaire de l'ange Gabriel, la révélation divine, laquelle a été mise par écrit, ce qui a donné le Coran.

    Selon la tradition, on a pu établir tardivement, deux siècles à peu près après la mort du Prophète, une sorte de biographie officielle qui contient pratiquement tous les détails de sa vie. Ce qui a fait dire à Ernest Renan, à la fin du XIXe siècle, que, parmi tous les prophètes, Mahomet est le seul qui soit vraiment historique.
    Les représentations du Prophète varient dans la mystique, la philosophie, le droit, la théologie, l’art...

    Aujourd'hui, nous savons qu'il n'en est rien. Ce que l'historien moderne peut savoir, de manière assez certaine, sur la vie de Mahomet ne dépasserait pas une page. La biographie officielle a été précédée d'autres écrits biographiques, où les contradictions sont légion, y compris sur les données les plus basiques : la date de sa naissance, de sa mort, de l'hégire, le nombre de ses enfants, de ses épouses, ses traits de caractère…

    Ces « biographies » ont été écrites par des auteurs appartenant à des factions rivales, qui disent donc tout et son contraire. Nous savons que Mahomet a existé, entre le VIe et le VIIe siècle, en Arabie. Les sources non arabes et non islamiques contemporaines ou légèrement postérieures, surtout syriaques ou hébraïques, parlent de lui comme d'un prophète qui vient annoncer la fin du monde. Il a probablement essayé de conquérir Jérusalem, mais il n'a pas réussi et il est mort. C'est pratiquement tout ce que l'on peut dire.


    Vous affirmez que la vie de Mahomet tient sur une page. Mais votre ouvrage en compte 2 000…

    Pour l'historien, sa biographie se résume à peu de chose. Mais, dans l'histoire des religions, parfois la figure d'un homme saint est beaucoup plus importante que celle de son personnage historique. Prenons l'exemple d'Abraham. Que connaît-on de lui ? Rien. Mais regardez ce qu'il représente dans le judaïsme, le christianisme, l'islam. Ce qui nous intéresse dans Le Mahomet des historiens, ce sont les différentes représentations du Prophète, sa figure ou ses figures, à travers les différents domaines, les différentes cultures, les différents islams, du Coran au cinéma.

    À LIRE AUSSI Guillaume Dye : « Le Coran est un texte lié à l'Antiquité tardive »

    La figure de Mahomet varie-t-elle selon les traditions et les cultures islamiques ?

    Il y a bien sûr beaucoup de traits communs, mais elle absorbe aussi des éléments issus des différentes cultures, indonésienne, africaine, turque, etc. Soulignons également que les représentations du Prophète varient dans la mystique, la philosophie, le droit, la théologie, l'art… Cependant, il reste toujours un horizon spirituel pour tous.

    Dans l'art, il n'est pas interdit de le représenter ?

    C'est une fausse idée. Parmi les diverses écoles juridiques de l'islam, certaines ont interdit la représentation humaine, mais ce n'est pas le cas de toutes. Beaucoup d'écoles ont non seulement permis, mais ont même commandé des manuscrits où l'on retrouve les représentations du Prophète. Par exemple, dans l'islam turco-persan à partir du Moyen Âge, nous avons énormément de représentations du Prophète, même parfois sans voile.

    Cette fausse idée de l'interdiction totale de la représentation a été développée récemment, surtout avec l'islam politique ou le salafisme. Dans le livre, nous consacrons un long chapitre à l'art classique et un cahier d'illustrations où l'on voit représenté le Prophète. Dans le chiisme, l'iconographie est extrêmement riche. Il suffit de se balader en terre chiite pour voir énormément de portraits de saints.

    Sunnisme et chiisme ont-ils des approches différentes de Mahomet ?

    Dans le chiisme, le prophète est une figure théophanique, c'est-à-dire quelqu'un qui manifeste à travers son être et son enseignement les attributs divins. C'est un être qui peut être considéré comme un « homme divin ». C'est également le cas dans la mystique sunnite, qui parle très souvent de la « lumière de Mahomet ».

    Le point important est la manière dont le Prophète transmet cette lumière spirituelle. Dans le chiisme, elle est transmise à travers ceux qu'on appelle des imams, les guides spirituels, à commencer par Ali, le gendre de Mahomet. Dans le sunnisme orthodoxe, cette lumière est transmise surtout à travers le Coran. Si je voulais résumer, je dirais que le sunnisme serait l'islam d'un « Dieu fait livre », alors que, dans le chiisme, on a affaire à l'islam d'un « Dieu fait homme » à travers les figures du prophète et de l'imam.

    Avec quelles conséquences sur la pratique politique ?

    Les pratiques politiques dépendent des époques et des lieux, mais on rencontre le phénomène universel de l'instrumentalisation politique du religieux, qui a peu de choses à voir avec le contenu des religions et leurs figures saintes.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2

    Le message de Mahomet a-t-il été dévoyé par les politiques ?

    Oui, c'est toujours le cas avec les religions qui, en tant qu'institutions collectives, sont aussi des instruments de pouvoir. L'islam en tant que religion impériale est né quelques décennies après la mort du Prophète, notamment avec la dynastie omeyyade. Effectivement, il est instrumentalisé par les califes. Un calife extrêmement important, Abd al-Malik, à la fin du VIIe siècle, est probablement à l'origine de la naissance de l'islam comme religion impériale.

    C'est lui qui aurait donné son nom à cette religion, présenté le Coran comme son texte sacré et Mahomet comme son prophète. À partir de là commence un processus d'arabisation et d'islamisation de cette religion à l'origine beaucoup plus inclusive. Mais, à côté de cet islam de domination, il y a d'autres islams qui continuent leur chemin et qui permettent à la dimension spirituelle de rester vivante.

    Comme pour Jésus ou Bouddha, on a construit une légende autour de Mahomet. De quelle façon ?

    Pas seulement une, beaucoup de légendes, selon les époques et les lieux. C'est le lot commun des saints. Déjà dans les « biographies », nous avons un certain nombre de récits qui paraissent être des légendes. Quand je dis « légende », il n'y a aucun sens péjoratif. Ce sont des récits apologétiques qui viennent appuyer et développer la figure sainte. Et ces récits sont extrêmement précieux pour l'historien, car ils nous donnent des images très vivantes de la figure du Prophète dans les différentes cultures de l'islam.

    Quelles sont les relations de Mahomet avec les femmes ?

    Comme pour d'autres cas et comme je l'ai déjà dit, on ne sait rien de manière certaine. Là encore, les récits comportent énormément de contradictions. Mais la polémique chrétienne antimusulmane pendant tout le Moyen Âge et plus tard a fait de Mahomet un homme de luxure en instrumentalisant certaines traditions islamiques.

    Mahomet est-il un chef de guerre ?

    Si l'on regarde la tradition, oui. Les dernières années de sa vie se sont passées dans des combats. Il commence sa mission à La Mecque, il est mal reçu, chassé, et trouve refuge à Médine. Il devient alors plus puissant, fédère des tribus et commence à livrer bataille, très souvent contre sa propre tribu mecquoise. Finalement, il y a la conquête de La Mecque.

    Si vous vous appuyez sur ces récits, vous pouvez dire qu'effectivement Mahomet a été à un moment donné un chef de guerre. Il a probablement essayé, avec ses fidèles militants, de préparer le monde pour les fins dernières.

    Mais l'historien relève des points d'interrogation partout. Ce qui est certain selon le Coran, c'est que nous avons affaire à un prophète qui est venu annoncer la fin du monde. L'image que nous avons de lui, qui a également nourri la polémique chrétienne, est celle d'un chef de guerre.

    Dans la biographie officielle, c'est un personnage qui réunit beaucoup de contradictions : un homme de recueillement, de prière, de tolérance, mais également un dominateur pour qui le but justifie tous les moyens, y compris l'assassinat. L'historien a l'impression qu'on donne de lui l'image d'un chef qui légitime la politique impériale, la conquête. Dans quelle mesure cette figure correspond-elle à la réalité ? On ne le sait pas.

    Le conquérant prospère-t-il dans le rejet, voire la haine, particulièrement à l'encontre des Juifs ?

    Certaines parties du Coran et certaines traditions, reflétant parfois les polémiques antijuives chrétiennes, vont dans ce sens, mais relatent-elles la réalité historique de Mahomet ou bien la volonté des cercles du pouvoir ultérieurs pour justifier leur politique de domination sur les peuples conquis ? La question se pose de manière aiguë à l'historien.

    En tant que prophète, quel est son message ?

    Si l'on considère que le Coran est son message, celui-ci est reconnaissable par tout Juif et tout chrétien. D'abord, le monothéisme : Dieu est un. Ensuite, le prophétisme : ce Dieu parle à des hommes qui transmettent son message à leur peuple. Puis les fins dernières : le Jugement dernier. Voilà l'essentiel.

    Mais il y a également, disséminées de manière plus subtile, des données spirituelles très intéressantes. Par exemple, le rôle de la prière, le zikr, l'invocation de Dieu. Les passages qui en parlent sont très souvent accompagnés de la mention du cœur. Cette association entre la prière et le cœur est très présente dans le Coran.

    Comment expliquer, alors, la violence de certains passages ?

    Ces passages appartiennent à leur temps et à leurs lieux ; autrement dit l'histoire et la géographie peuvent les contextualiser et donc montrer leur caractère relatif et accessoire par rapport à d'autres passages qui transmettent des messages essentiels d'ordre moral et spirituel. C'est ainsi que la vision historique a pu par exemple contextualiser les passages ultraviolents de l'Ancien Testament en montrant leur archaïsme et l'impossibilité de leur application aujourd'hui.

    Après les violences qui ont suivi la publication des caricatures de Mahomet, prenez- vous des risques à publier « Le Mahomet des historiens » en 2025 ?

    Je ne crois pas. Les caricatures ont été perçues comme une offense par un certain nombre de musulmans violents, minoritaires, je tiens à le souligner. Ce livre est une approche historienne, philologique, anthropologique tout à fait respectueuse de son objet, la figure de Mahomet. Les sources sont lues avec des lunettes critiques, mais avec respect et volonté de compréhension. Tout en étant distancié, l'historien doit rester extrêmement respectueux de son objet et de ceux qui croient §


    « Le Mahomet des historiens », sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi et John Tolan (Cerf, 2 208 p., 59 €).


    ​​
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

    Commentaire


    • #3
      Pour commencer , il serait déjà plus convenable d'écrire son véritable Nom Qui est "Mohammed "et non Mahomet .. Mauvais signe
      Si le titre est déjà orienté à l'ouest je n'ose même pas imaginer le contenu mensonger et trompeur de ce livre .
      Va dormir

      « Le Mahomet des historiens », sous la direction de Mahomet​ Ali Amir-Moezzi et John Tolan (Cerf, 2 208 p., 59 €).
      Dernière modification par Space, 18 octobre 2025, 20h58.
      "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

      Commentaire


      • #4
        Envoyé par Space
        il serait déjà plus convenable d'écrire son véritable Nom Qui est "Mohammed "et non Mahomet ..
        Je pense que c'est juste une traduction latine ,comme en Arabe on dit Aissa et non Jésus ,Moussa et non Moise ????
        بلادي وإن جارت على عزيزة .. وأهلي وإن ضنوا على كرام

        Commentaire


        • #5
          Pourquoi CERTAINS athées (ou sceptiques) censés restés indifférents a la religion, ou censés se tenir a équidistance entre toutes les croyances, attachent un intérêt particulier a l'islam ?!
          ثروة الشعب في سكانه ’المحبين للعمل’المتقنين له و المبدعين فيه. ابن خلدون

          Commentaire


          • #6
            Ellebore

            comme en Arabe on dit Aissa et non Jésus ,Moussa et non Moise ????​
            Probablement parce que ce sont des Noms complexes qu'on ne peut pas écrire en arabe avec des lettres arabes d'ou leur traduction ,il existe des Noms qui ne se prononcent pas comme ils s'écrivent .
            Mohammed s'écrit comme il se prononce ds toutes les langues , c'est le prénom le plus porté au monde ce n'est pas pour autant qu'on les appelle Mahomet ou lieu de Mohammed , je ne vois donc pas pourquoi ils aiment dénaturer et déformer ce Prénom quand il s'agit du prophète .
            "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

            Commentaire


            • #7
              Mahomet n'est rien d'autre que l'antonyme de Mohamed. Je doute donc que le choix de transcrire le nom du prophète par Mahomet soit fortuit.
              ثروة الشعب في سكانه ’المحبين للعمل’المتقنين له و المبدعين فيه. ابن خلدون

              Commentaire


              • #8
                delci
                Je suis de ton avis
                c'est intentionnel
                "N'imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe." Victor Hugo

                Commentaire

                Chargement...
                X