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Au temps du Coronavirus : Le bonheur est dans les pré

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  • Au temps du Coronavirus : Le bonheur est dans les pré

    Contrairement aux grandes villes surpeuplées, où les Tunisiens confinés ont du mal à rester chez eux et à respecter une “distanciation sociale” imposée par les autorités, le confinement, décrété depuis le 20 mars 2020, n’apporte rien de nouveau aux habitants de la campagne.

    Leur isolement, longtemps décrié, se transforme, en ces temps de pandémie mondiale, en aubaine. (Reportage).


    Blotti au pied d’une belle forêt, à la frontière tuniso-algérienne, pas très loin du site archéologique de Haïdra et de la célèbre Table de Jugurtha, le village de ” Mrira ” offre un cadre de confinement plus doux et très agréable.

    Dans ce petit patelin de Kasserine, loin de plus de 300 km de la capitale Tunis, le couvert végétal est sauvage et diversifié. Les récentes pluies qui ont arrosé la région, ont permis une bonne pousse de la végétation promettant un beau printemps. Ici, la vie suit son cours lentement et paisiblement.

    Pas besoin d’un couvre feu, de hauts parleurs ou d’agents de sécurité pour contraindre les habitants, environ 196 familles, à garder leurs maisons. Les demeures, éparpillées ici et là, sont éloignées les unes des autres, de pas moins d’un kilomètre.


    our les villageois, qui vivent dans des “douars”, un mot qui s’appliquait au campement des nomades bédouins, la ” distance sociale “, imposée, désormais, par le coronavirus, ne signifie pas grand-chose. Car, ils ne se rencontrent que rarement et souvent en pleine nature, ou parfois se rendent visites, sans rendez-vous.

    Peut-être l’individualisme a gagné du terrain, mais ici, les populations paysannes ont toujours pratiqué la solidarité, pour affronter les coups durs et aussi pour partager les bons moments de la vie. Le mérite revient, probablement, aux pratiques agricoles (moisson, semailles..), durant lesquelles, la solidarité et l’entraide sont courantes et fréquentes.

    Les familles, étant liées par des liens du sang, se connaissent presque toutes. En cette période de confinement, les téléphones portables sont les précieux moyens pour prendre des nouvelles, les uns des autres.

    La psychose n’a pas atteint le village

    Le rituel de leur vie demeure le même… Très tôt, comme à l’accoutumée, les campagnards entament leurs journées de labeur.

    Au coucher de soleil, ils sont déjà devant leurs téléviseurs, ou rassemblés autour d’un grand feu de cheminée, à l’intérieur de leurs maisons.

    La plupart d’entre eux, sont des éleveurs d’ovins. Certains sont des apiculteurs ou des petits céréaliers. Grâce à des élevages non commerciaux de poules, chaque famille peut subvenir à ses besoins en viandes ou en œufs. Parfois, ceux qui produisent un surplus d’œufs, le vendent aux autres ou l’offrent tout simplement, comme cadeau, à celui qui leur rend visite.

    Cette habitude que les paysans ont de consommer directement, des fruits de leur travail, rend les soucis de s’approvisionner en aliments, moins présents, que chez les citadins.


    Ainsi, les femmes du village se mettent, dès les premières lueurs de l’aube, à préparer leur pain maison. “Le pain fait partie intégrante des trois repas quotidiens, ici “, lance, au journaliste de l’Agence TAP, Fatma, mère et grand-mère.

    “Nous avons déjà nos stocks de semoule, pas à cause du corona, mais parce que nous prévoyons toujours le blocage des pistes qui mènent à la ville, à cause de la pluie ou de la neige, en hiver”, a-t-elle enchaîné.

    L’isolement, pour elle, est peut être une fatalité, mais aussi, un abandon de la part de l’Etat. “On les a entendus dire, à la télé, qu’ils vont améliorer notre situation parce que nous vivons à la frontière et à cause du terrorisme. Des paroles en l’air…Nous sommes abandonnés à notre sort “, constate-t-elle, non sans amertume.

    “Ici, pas besoin de désinfecter tout à chaque entrée et sortie de la maison. Mais, j’exige, quand même, que mon mari, agriculteur, se lave les mains et laisse ses souliers à l’extérieur, quand il va à Haidra, la ville la plus proche, pour s’approvisionner en denrées alimentaires “, déclare Radhia, souriante.

    Dehors, les éleveurs d’ovins guident leurs troupeaux, vers les pâturages voisins ou la forêt de proximité. Le calme n’est interrompu que par le bêlement des moutons.

    Même, à l’intérieur des demeures, les bruits ne s’entendent pas. Seules les fumées qui serpentent des cheminées, annoncent le commencement d’une nouvelle journée pleine de diverses tâches ménagères pour les femmes au foyer.

    Connectés et déconnectés !

    En dépit de l’infrastructure, qui fait cruellement, défaut au village, les familles ici n’ont rien à envier aux habitants des villes. Elles disposent presque toutes, de téléviseurs, de cuisinières et d’autres commodités et appareils électroménagers, apportés, souvent, par des membres de la famille, immigrés.

    Les jeunes, bien que chômeurs, pour la plupart, ont leurs téléphones portables. Ils sont connectés à Internet. C’est comme ça qu’ils suivent l’évolution de la pandémie du coronavirus et réagissent, avec humour, face à la panique qui règne actuellement.

    “Nous sommes passés par des épreuves plus dures, ce virus ne peut plus nous vaincre “, plaisante Ali, jeune employé de la fonction publique, revenu avec sa famille se confiner chez ses parents.

    Pour les plus grands, bien qu’ils soient informés du nombre toujours en hausse des personnes contaminées à Tunis, ils persistent dans le déni. A chaque tentative de les convaincre du danger, ils se réfèrent au Coran, et répètent rassurés, “Rien ne nous atteindra, en dehors de ce qu’Allah a déjà prescrit pour nous”.

    Pour d’autres, longtemps séparés de leurs enfants qui travaillent, dans les grandes villes, c’est une opportunité pour les retrouvailles de famille.”Nous sommes, enfin, tous réunis, à quoi pourrai-je aspirer d’autre ? “, s’interroge, content, Salah, grand-père.

    La beauté de la nature ne cache pourtant, pas la précarité. Au village, les champs de blé, d’avoine et d’orge, d’un vert magnifique, commencent à mûrir. Le couvert végétal aux alentours des champs, est garni de plantes et de fleurs sauvages de toutes les couleurs, rouges, jaunes, bleues, violettes, roses…

    Les photos postées par des confinés à la campagne, sur Facebook, font réagir beaucoup d’internautes enfermés eux, entre ” quatre murs “. “Quelle chance vous avez ! On vous envie “, écrit la majorité sur les réseaux sociaux.

    Un village parmi des centaines…

    Mais, dans le village de Mrira, en dépit de la beauté de la nature, l’angoisse d’être privés, à tout moment, des denrées de base, finit par gagner les habitants pendant cette période de crise. Le seul épicier, Gaddour, qui approvisionne le village, doit se déplacer à Haidra, éloignée d’environ 13 kilomètres, pour faire ses emplettes. Ses courses dépendent de la météo.

    L’hiver est une rude épreuve pour les campagnards, à chaque fois que la pluie tombe, l’état déplorable de la route ne permet à aucun véhicule de rouler. Les coupures d’électricité sont très fréquentes et l’approvisionnement en eau potable nécessite des sacrifices. Sortir dans la journée, par un froid glacial, ou un soleil de plomb pour chercher, à dos d’âne l’eau prés d’un point lointain, aménagé par l’Etat, n’est pas toujours une tâche facile.

    Le village n’étant encore pas raccordé au réseau de la SONEDE, les familles sont contraintes parfois d’acheter de l’eau, de la plus proche ville, pour la verser dans des réservoirs construits près de leurs maisons. D’ailleurs, ” Mrira “, n’est pas le seul village qui manque d’eau et d’autres services publics.

    En Tunisie, environ un million de personnes vivant près des forêts se trouvent dans des conditions identiques.

    En ces temps d’angoisse globalisée, ceux-ci se sentent, pour une fois, privilégiés et presque à l’abri de cette épidémie redoutable. Leur contact direct avec la nature est le meilleur avantage obtenu, alors que tout au long de l’année, les dures conditions de vie, la précarité et la pauvreté incitent bon nombre d’entre eux, surtout parmi les jeunes à quitter ces zones, à la recherche de l’eldorado perdu.

    (Par Meriem Khadhraoui – Agence TAP).
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