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La Nuit d’août

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  • La Nuit d’août

    LA MUSE

    Depuis que le soleil, dans l'horizon immense,
    A franchi le Cancer sur son axe enflammé,
    Le bonheur m'a quittée, et j'attends en silence
    L'heure où m'appellera mon ami bien-aimé.
    Hélas ! depuis longtemps sa demeure est déserte ;
    Des beaux jours d'autrefois rien n'y semble vivant.
    Seule, je viens encor, de mon voile couverte,
    Poser mon front brûlant sur sa porte entr'ouverte,
    Comme une veuve en pleurs au tombeau d'un enfant.

    LE POÈTE

    Salut à ma fidèle amie !
    Salut, ma gloire et mon amour !
    La meilleure et la plus chérie
    Est celle qu'on trouve au retour.
    L'opinion et l'avarice
    Viennent un temps de m'emporter.
    Salut, ma mère et ma nourrice !
    Salut, salut consolatrice !
    Ouvre tes bras, je viens chanter.

    LA MUSE

    Pourquoi, coeur altéré, coeur lassé d'espérance,
    T'enfuis-tu si souvent pour revenir si tard ?
    Que t'en vas-tu chercher, sinon quelque hasard ?
    Et que rapportes-tu, sinon quelque souffrance ?
    Que fais-tu loin de moi, quand j'attends jusqu'au jour ?
    Tu suis un pâle éclair dans une nuit profonde.
    Il ne te restera de tes plaisirs du monde
    Qu'un impuissant mépris pour notre honnête amour.
    Ton cabinet d'étude est vide quand j'arrive ;
    Tandis qu'à ce balcon, inquiète et pensive,
    Je regarde en rêvant les murs de ton jardin,
    Tu te livres dans l'ombre à ton mauvais destin.
    Quelque fière beauté te retient dans sa chaîne,
    Et tu laisses mourir cette pauvre verveine
    Dont les derniers rameaux, en des temps plus heureux,
    Devaient être arrosés des larmes de tes yeux.
    Cette triste verdure est mon vivant symbole ;
    Ami, de ton oubli nous mourrons toutes deux,
    Et son parfum léger, comme l'oiseau qui vole,
    Avec mon souvenir s'enfuira dans les cieux.

    LE POÈTE

    Quand j'ai passé par la prairie,
    J'ai vu, ce soir, dans le sentier,
    Une fleur tremblante et flétrie,
    Une pâle fleur d'églantier.
    Un bourgeon vert à côté d'elle
    Se balançait sur l'arbrisseau ;
    Je vis poindre une fleur nouvelle ;
    La plus jeune était la plus belle :
    L'homme est ainsi, toujours nouveau.

    LA MUSE

    Hélas ! toujours un homme, hélas ! toujours des larmes !
    Toujours les pieds poudreux et la sueur au front !
    Toujours d'affreux combats et de sanglantes armes ;
    Le coeur a beau mentir, la blessure est au fond.
    Hélas ! par tous pays, toujours la même vie :
    Convoiter, regretter, prendre et tendre la main ;
    Toujours mêmes acteurs et même comédie,
    Et, quoi qu'ait inventé l'humaine hypocrisie,
    Rien de vrai là-dessous que le squelette humain.
    Hélas ! mon bien-aimé, vous n'êtes plus poète.
    Rien ne réveille plus votre lyre muette ;
    Vous vous noyez le coeur dans un rêve inconstant ;
    Et vous ne savez pas que l'amour de la femme
    Change et dissipe en pleurs les trésors de votre âme,
    Et que Dieu compte plus les larmes que le sang.

    LE POÈTE

    Quand j'ai traversé la vallée,
    Un oiseau chantait sur son nid.
    Ses petits, sa chère couvée,
    Venaient de mourir dans la nuit.
    Cependant il chantait l'aurore ;
    Ô ma Muse, ne pleurez pas !
    À qui perd tout, Dieu reste encore,
    Dieu là-haut, l'espoir ici-bas.

    LA MUSE

    Et que trouveras-tu, le jour où la misère
    Te ramènera seul au paternel foyer ?
    Quand tes tremblantes mains essuieront la poussière
    De ce pauvre réduit que tu crois oublier,
    De quel front viendras-tu, dans ta propre demeure,
    Chercher un peu de calme et d'hospitalité ?
    Une voix sera là pour crier à toute heure :
    Qu'as-tu fait de ta vie et de ta liberté ?
    Crois-tu donc qu'on oublie autant qu'on le souhaite ?
    Crois-tu qu'en te cherchant tu te retrouveras ?
    De ton coeur ou de toi lequel est le poète ?
    C'est ton coeur, et ton coeur ne te répondra pas.
    L'amour l'aura brisé ; les passions funestes
    L'auront rendu de pierre au contact des méchants ;
    Tu n'en sentiras plus que d'effroyables restes,
    Qui remueront encor, comme ceux des serpents.
    Ô ciel ! qui t'aidera ? que ferai-je moi-même,
    Quand celui qui peut tout défendra que je t'aime,
    Et quand mes ailes d'or, frémissant malgré moi,
    M'emporteront à lui pour me sauver de toi ?
    Pauvre enfant ! nos amours n'étaient pas menacées,
    Quand dans les bois d'Auteuil, perdu dans tes pensées,
    Sous les verts marronniers et les peupliers blancs,
    Je t'agaçais le soir en détours nonchalants.
    Ah ! j'étais jeune alors et nymphe, et les dryades
    Entr'ouvraient pour me voir l'écorce des bouleaux,
    Et les pleurs qui coulaient durant nos promenades
    Tombaient, purs comme l'or, dans le cristal des eaux.
    Qu'as-tu fait, mon amant, des jours de ta jeunesse ?
    Qui m'a cueilli mon fruit sur mon arbre enchanté ?
    Hélas ! ta joue en fleur plaisait à la déesse
    Qui porte dans ses mains la force et la santé.
    De tes yeux insensés les larmes l'ont pâlie ;
    Ainsi que ta beauté, tu perdras ta vertu.
    Et moi qui t'aimerai comme une unique amie,
    Quand les dieux irrités m'ôteront ton génie,
    Si je tombe des cieux, que me répondras-tu ?

    LE POÈTE

    Puisque l'oiseau des bois voltige et chante encore
    Sur la branche où ses oeufs sont brisés dans le nid ;
    Puisque la fleur des champs entr'ouverte à l'aurore,
    Voyant sur la pelouse une autre fleur éclore,
    S'incline sans murmure et tombe avec la nuit,

    Puisqu'au fond des forêts, sous les toits de verdure,
    On entend le bois mort craquer dans le sentier,
    Et puisqu'en traversant l'immortelle nature,
    L'homme n'a su trouver de science qui dure,
    Que de marcher toujours et toujours oublier ;

    Puisque, jusqu'aux rochers tout se change en poussière ;
    Puisque tout meurt ce soir pour revivre demain ;
    Puisque c'est un engrais que le meurtre et la guerre ;
    Puisque sur une tombe on voit sortir de terre
    Le brin d'herbe sacré qui nous donne le pain ;

    Ô Muse ! que m'importe ou la mort ou la vie ?
    J'aime, et je veux pâlir ; j'aime et je veux souffrir ;
    J'aime, et pour un baiser je donne mon génie ;
    J'aime, et je veux sentir sur ma joue amaigrie
    Ruisseler une source impossible à tarir.

    J'aime, et je veux chanter la joie et la paresse,
    Ma folle expérience et mes soucis d'un jour,
    Et je veux raconter et répéter sans cesse
    Qu'après avoir juré de vivre sans maîtresse,
    J'ai fait serment de vivre et de mourir d'amour.

    Dépouille devant tous l'orgueil qui te dévore,
    Coeur gonflé d'amertume et qui t'es cru fermé.
    Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore.
    Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
    Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.

    Alfred de Musset
    Il n’y a rien de noble à être supérieur à vos semblables. La vraie noblesse, c'est être supérieur à votre moi antérieur.
    Hemingway

  • #2
    Merci pour le partage, chère Scyla.
    Toutes proportions gardées, une modeste contribution.

    Elle:-Méditant sur ton sort
    Tu t’es enterré bien avant l’âge
    Aux quais de tous les ports.
    Tu ne vois que de mauvais présages.


    Lui:-innocente, passe ton chemin,
    Je me sens bien, enfoui dans l’ombre.
    Lâche donc ma main,
    Mes yeux sont habitués à la pénombre.

    -Viens on va faire un tour.
    Si tu es heureux, nous resterons ensemble.
    C’est pour toi que j’ai fais ce détour,
    Te séduire est un fait qui me comble.


    -Je n’irai nulle part.
    Là, vois-tu, je sais où je suis.
    Ailleurs, que des remparts,
    Ici, au moins personne ne me poursuit.

    -Pourquoi tu la refuses
    Cette blanche main qui t’est tendue
    Je ne connais rien de la ruse
    Est-ce que tu m’as entendue ?


    -Retourne d’où tu viens
    Va dans ton monde, angélique créature.
    Pour moi, tu ne pourras rien,
    Bien que tu sembles si tendre et si pure.

    - Non je ne partirai pas.
    Voilà des âges et des âges que je t’appelle.
    Revenir ainsi sur mes pas,
    Est pour moi, une désinvolture sans appel.


    -Je suis sans avenir.
    Le mien est loin derrière mon dos
    Je me prépare à mourir,
    Alors que ton futur à toi semble si beau.

    -Pourquoi parles-tu de la sorte ?
    D’où tiens-tu donc ces sordides vocables
    Je ne quitterai point ta porte.
    Mon futur et le tien sont inséparables.


    -Ma vie est consommée.
    Ce que tu projettes, je l’ai déjà vécu
    Pourquoi veux-tu me réanimer ?
    O innocente, je ne suis point convaincu.

    -Dissipe ce sombre nuage
    Ainsi que ce voile qui enrobent tes yeux
    J’ai persuadé tous les orages
    De te gracier et te ressusciter tes adieux.

    -Dans tout ce que j’ai palpé
    Je n’ai pas recensé autant d’insistance
    Mais comment t’échapper ?
    Toi qui ressemble tant à la chance.

    -Prends ma main que voici,
    Tu es plus robuste que tu ne le crois
    Je te sortirai d’ici
    Je le veux, et je ne te laisserai pas le choix.


    -Tu sembles avoir des ailes,
    Et je n’entends pas de cliquetis de chaînes
    Es-tu une libre hirondelle,
    Ou as-tu peur que leur bruit ne me parvienne ?

    -Non ! Ne te retourne pas
    Je t’en supplie… Tu en seras désappointé.
    Les traces de mes pas,
    Et leur sillage pourraient te désenchanter.


    -O Créature si belle
    Me cacherais-tu quelque chose ?
    Où est-ce juste les séquelles
    De toutes ces décennies moroses ?

    -Ne sois pas fâché… ;
    Puis, que vois-je là dans tes alentours ?
    Dieu ! Un trésor caché
    Je perçois dans tes veines un océan d’amour.


    -Oui, ta vue est fidèle.
    C’était un secret, mais je te pardonne
    D’avoir dénoué la ficelle
    De ce don que je ne léguerai à personne.

    -Je l’ai déjà ravi
    Dans les bras de mon premier regard
    Et j’y laisserai la vie
    Si quiconque demain, m’en sépare.


    Oui mais il faut me dire
    Ce que tu traînes derrière, dans l’ombre.
    Je ne te vois pas me mentir
    Mais je sens un fardeau qui t’encombre.

    -Bien juste est ta crainte
    Dans ma geôle regarde-moi dans ma nudité
    Le joug n’à que faire de ma plainte
    Et a soudé mes chaînes dans l’impunité.


    -Reviens alors sur tes pas
    Et oublie donc vite cette randonnée
    Ce que toi tu n’as pas,
    Tu ne peux hélas, me le donner.

    -Je ne dois rien te cacher
    Mon fardeau est visible à toutes tes lumières
    Qui pourrait m’en détacher,
    Puisque aucune ouie n’a perçu mes prières?

    -Moi, je le ferai
    Même de loin; car je ne t’oublierai jamais
    Seul, je t’attendrai,
    Seul et en silence, je t’aimerai à jamais...
    ...- - - - - - - - - - - - - - -
    Ainsi s’est achevé dans le plus grand silence
    Cet échange de rêves entre deux prisonniers
    Ainsi s’est arrêté dans une douleur immense
    Cette éclaircie entre deux tragiques destinées.

    Qui saurait leur dire pourquoi tout cela a fini
    Avant même que rien ne puisse être entamé.
    Pourquoi ne restera-t-il, que sur du papier jauni
    Le souvenir immuable de ceux qui se sont aimé.

    Une histoire pareille ne peut se faner de la sorte.
    La nuit a beau être longue et même ténébreuse,
    L’aube achèvera son geôlier puis ouvrira les portes
    Et manifestement, ils y verront une fin heureuse.

    Dernière modification par Zacmako, 15 avril 2009, 17h54.
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…

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    • #3
      Scyla et Zac vraiment magnifique et superbe lecture, merci!

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      • #4
        Bonsoir

        -Moi, je le ferai
        Même de loin; car je ne t’oublierai jamais
        Seul, je t’attendrai,
        Seul et en silence, je t’aimerai à jamais...

        Zac

        Une porte ou elle se ferme ou elle s'ouvre, seulement, parfois elle est scellée et rien ne s'achève sans peine quand le coeur ne sait pas donner.

        Heureuse de te relire,

        Comment vas tu Kat?
        Alfred de Musset un authentique romantique , il ne peut offrir que ce que nous partageons tous,



        Merci à vous
        Dernière modification par Inata, 15 avril 2009, 19h35.
        Il n’y a rien de noble à être supérieur à vos semblables. La vraie noblesse, c'est être supérieur à votre moi antérieur.
        Hemingway

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