La poésie arabe remonte au VIe siècle mais la consignation des règles la régissant sur le plan de la prosodie est l’œuvre d’Al-Khalîl ibn Ahmad (mort en 786). C’est lui qui, en se fondant sur l’expérience passée, a décrit les seize mètres existants et leurs formes dérivées. Chaque mètre, selon lui, se définit par une combinaison stable de plusieurs unités phonético-rythmiques, dites taf’îla, chacune d’elles étant formée de 3, 4 ou 5 syllabes, longues et courtes. Le poème devait être construit sur un seul mètre et avoir une seule rime. Toute la poésie arabe jusqu’au XXe siècle s’en est tenue à ces règles, sauf le muwachchah, inventé en Espagne musulmane au XIesiècle, qui diversifie les rimes et use souvent de plusieurs mètres.
Dès le début du XXe siècle, certains poètes ont enté de se libérer des contraintes de la prosodie traditionnelle et, sans mettre en cause les mètres tels qu’ils avaient été définis par Al-Khalîl, ont écrit des poèmes strophiques à rimes croisées ou embrassées.
En 1947, en Irak, deux poètes, Nâzik al-Malâ’ika et Badr Chaker As-Sayyâb, ont déclenché une véritable révolution poétique en variant le nombre de taf’îla dans leurs vers et en distribuant les rimes sans ordre préétabli. De proche en proche, cette nouvelle prosodie s’est répandue dans le monde arabe grâce notamment à deux revues libanaises, Al-Âdâb (Les Lettres) et Shi’r (Poésie).
La seconde revue, fondée à Beyrouth en 1957, a accéléré l’évolution de la poésie contemporaine en imposant aussi bien le ver libre proprement dit, dont le rythme n’obéit plus aux séquences syllabiques de la taf’îla, que le poème en prose.
A l’heure actuelle, l’essentiel de la production poétique arabe s’écrit en vers libres, mais quelques poètes, et non des moindres (Mahmoud Darwich en fit partie), continuent à explorer les potentialités rythmiques des taf’îla.
Bonne lecture ....
Il était une fois un géant aux yeux bleus,
Qui aimait une femme menue...
Elle, elle rêvait de maisonnette
Avec un jardin autour
Où le chèvrefeuille évanescent aurait fleuri.
Et le géant aimait comme aiment les géants,
Ses mains énormes étant faites
Pour de gigantesques ouvrages,
Il ne pouvait assurément
Bâtir maison si minuscule,
Ni demander qu'on l'accueillît
Sous un toit à plafond comme ça,
Où le chèvrefeuille évanescent aurait fleuri.
Et ce fut un géant aux yeux bleus,
Qui aimait une femme menue...
Et la femme pas plus haute que ça
Rêvant d'existence doucette,
Lasse qu'elle était de suivre
Le géant en sa course ardue,
Un beau jour s'en vint dire adieu
Au géant aux yeux bleus
Pour franchir au bras d'un pygmée,
Mais riche, fabuleusement, le seuil de la maisonnette
Entourée d'un jardin
Où le chèvrefeuille évanescent avait fleuri...
Le géant aux yeux bleus comprit, mais un peu tard
Qu'à son amour si grand si grand
La maisonnette avec un jardin tout autour
N'aurait pas même, hélas, pu servir de tombe.
Nazim Hikmet Ran
J'ai lu , aimé je partage
M.G...
Dès le début du XXe siècle, certains poètes ont enté de se libérer des contraintes de la prosodie traditionnelle et, sans mettre en cause les mètres tels qu’ils avaient été définis par Al-Khalîl, ont écrit des poèmes strophiques à rimes croisées ou embrassées.
En 1947, en Irak, deux poètes, Nâzik al-Malâ’ika et Badr Chaker As-Sayyâb, ont déclenché une véritable révolution poétique en variant le nombre de taf’îla dans leurs vers et en distribuant les rimes sans ordre préétabli. De proche en proche, cette nouvelle prosodie s’est répandue dans le monde arabe grâce notamment à deux revues libanaises, Al-Âdâb (Les Lettres) et Shi’r (Poésie).
La seconde revue, fondée à Beyrouth en 1957, a accéléré l’évolution de la poésie contemporaine en imposant aussi bien le ver libre proprement dit, dont le rythme n’obéit plus aux séquences syllabiques de la taf’îla, que le poème en prose.
A l’heure actuelle, l’essentiel de la production poétique arabe s’écrit en vers libres, mais quelques poètes, et non des moindres (Mahmoud Darwich en fit partie), continuent à explorer les potentialités rythmiques des taf’îla.
Bonne lecture ....

Il était une fois un géant aux yeux bleus,
Qui aimait une femme menue...
Elle, elle rêvait de maisonnette
Avec un jardin autour
Où le chèvrefeuille évanescent aurait fleuri.
Et le géant aimait comme aiment les géants,
Ses mains énormes étant faites
Pour de gigantesques ouvrages,
Il ne pouvait assurément
Bâtir maison si minuscule,
Ni demander qu'on l'accueillît
Sous un toit à plafond comme ça,
Où le chèvrefeuille évanescent aurait fleuri.
Et ce fut un géant aux yeux bleus,
Qui aimait une femme menue...
Et la femme pas plus haute que ça
Rêvant d'existence doucette,
Lasse qu'elle était de suivre
Le géant en sa course ardue,
Un beau jour s'en vint dire adieu
Au géant aux yeux bleus
Pour franchir au bras d'un pygmée,
Mais riche, fabuleusement, le seuil de la maisonnette
Entourée d'un jardin
Où le chèvrefeuille évanescent avait fleuri...
Le géant aux yeux bleus comprit, mais un peu tard
Qu'à son amour si grand si grand
La maisonnette avec un jardin tout autour
N'aurait pas même, hélas, pu servir de tombe.
Nazim Hikmet Ran
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