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Un conte

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  • Un conte


  • #2
    On a tort, mille fois tort de sous-estimer la nécessité du rêve dans la construction de l'avenir.
    L'immémoriale sagesse de la parole vagabonde le dit porteur d'un élan, d'une force probablement décisive pour notre survie.

    Henri Gougaud
    Renaître par les contes
    « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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    • #3
      Le rêve a ce pouvoir magique de donner aux choses de la vie des valeurs que d'autres ne voient que viles et à bas prix.

      Mémoires d'un aveugle sourd et muet

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      • #4
        La maison en flammes

        Brise d’été, champs, chemin droit, des arbres penchés çà et là, Bouddha va sous le ciel limpide. Quelques disciples autour de lui (des jeunes gens au pas fringant) tentent d’accorder leur allure à celle de Celui qui sait. Ils lui offrent des fruits cueillis, lui posent des questions pressantes.
        - Maître, ce nirvana dont on entend parler, comment est-il ? Comment l’atteindre ? La route est-elle encore longue ? Pouvons-nous l’espérer avant d’être trop vieux pour entendre, pour voir, pour ressentir encore ? Et puis, dites, en sommes-nous dignes ? Est-ce un état joyeux ? Une absence de tout ? Un néant amoureux ?
        Bouddha marche et reste pensif.

        Au soir, sous l’arbre à pain, on allume le feu, on boit le bol de soupe, puis sous les chants d’oiseaux :
        - D’habitude, vous commentez les questions que nous vous posons, dit un garçon, les yeux lointains. Aujourd’hui, rien. Maître, pourquoi ?
        Bouddha se tait un long moment puis il répond :
        - Ecoutez donc. Je vais vous conter une histoire. Un jour de voyage venteux (je venais de quitter la ville) j’aperçus au bord du chemin une belle maison de maître envahie par un incendie. Des braises dansaient aux fenêtres, les murs et les portes fumaient. Je m’approchai. Je vis, dedans, des gens qui faisaient la cuisine, d’autres qui jouaient et riaient, d’autres affalés dans des hamacs qui ronflaient, les mains sur le ventre. Je leur criai de se hâter, que leur demeure était en feu, qu’il était grand temps de sortir avant qu’elle s’effondre sur eux. Un homme s’en vint sur le seuil et me demanda qui j’étais. Je lui dis : « Qu’importe, sortez ! » Et tandis que des lueurs rouges environnaient son vêtement, il me répondit : « Un instant. Où donc voulez-vous m’amener ? Expliquez-vous, je veux savoir. Si je quitte cette maison, retrouverai-je la pareille ? Elle brûle, oui, je le vois bien, mais ce n’est peut-être, après tout, qu’un mauvais moment à passer. Et vous que je ne connais pas, êtes-vous digne de confiance ? Peut-être oui, peut-être non. Cela mérite réflexion. Et puis le vent se fait méchant, le ciel se couvre, il va pleuvoir. Ne peut-on attendre demain ? » Je m’en allai sans lui répondre. Je ne pouvais rien pour ces gens. « Assurément le feu, me dis-je, les aura rôtis jusqu’à l’os avant qu’ils se soient décidés à ne plus poser de questions ».

        En vérité, mes chers enfants, si vous ne sentez pas le sol assez brûlant sous vos sandales pour fuir au large, n’importe où plutôt que de rester perplexes à sautiller de mots en mots, que voulez-vous que je vous dise ? Il est tard. A tous, bonne nuit.

        Henri Gougaud
        « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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        • #5
          1. A Tolède, vécut autrefois un jeune aristocrate sans fortune qui rêvait de puissance et de gloire. Sa bourse était plate, son cœur sec, son intelligence étroite mais il était habité par un désir violent : il voulait régner sur les hommes. Un jour, il entendit parler d’un grand magicien qui vivait loin du fracas des foules et des palais, dans les caves d’une vieille maison de Venise. Il décida d’aller le consulter. Le voilà donc parti, sur son cheval maigre, pour Venise. Il parvient après quatre semaines de voyage dans cette ville foisonnante de fleurs et de musiques, de palais, de femmes vénéneuses, d’ors et de lumières. Le soir même de son arrivée, au crépuscule, il pousse la porte grinçante d’une petite maison grise au bord d’un canal désert. Une lanterne à la main, il descend les escaliers qui conduisent aux caves. Au milieu d’une grande salle voûtée il trouve le magicien assis devant une vieille table, plongé dans un grimoire ouvert devant lui, entre deux chandelles allumées. Le jeune chevalier le salue avec beaucoup de déférence. Le vieillard regarde son visiteur, la main enfouie dans sa longue barbe blanche, fronce les sourcils et dit : -- Tu viens de faire un long voyage. Pourquoi ? Le jeune homme lui avoue humblement son désir, lui confie ses rêves de gloire et de puissance. -- Maître, dit-il, je sais que votre magie est infaillible. Je vous supplie de me vendre le pouvoir. Quel qu’en soit le prix, je paierai, foi de gentilhomme. Le magicien médite un instant puis répond en souriant : -- Je te donnerai ce que tu me demandes, à une seule condition : en paiement de mes services, dans un an exactement, tu devras m’apporter toi-même, sur un plat de terre cuite, une dinde rôtie. Le jeune homme accepte vivement, surpris de s’en sortir à si bon compte. Alors le sage lui dit : -- Va ! Il fait un grand geste de la main qui éteint les deux chandelles sur la table. Aussitôt, le jeune homme se retrouve dans sa maison délabrée à Tolède. Les jours passent et la fortune lui sourit. On lui propose une charge d’évêque. Il sait pourtant à peine écrire son nom. Il devient célèbre et fort estimé dans sa ville. Avant six mois il est nommé cardinal. De mémoire de chrétien on n’a jamais vu ascension plus irrésistible. Huit jours plus tard, à Rome, le pape meurt. Le jeune chevalier de Tolède lui succède. Il est maintenant au sommet de la puissance. Il règne sur la chrétienté, sur les rois mêmes. Un an est passé. Un matin dans son palais, le nouveau pape se souvient brusquement qu’il doit payer le prix de sa gloire au vieux magicien de Venise. Il en est très agacé. Il doit recevoir, ce jour-là, quelques chefs d’Etat, il n’a pas le temps de se déplacer. Il appelle un serviteur, lui ordonne de rôtir une dinde et de la porter lui-même chez son bienfaiteur, le magicien de Venise. A peine a-t-il ordonné cet ordre que son regard s’embrume. Il est pris d’une envie de dormir insurmontable. Le monde s’éteint autour de lui. Quand il se réveille, il est couché sur la terre battue, dans la cave du vieux sage, à Venise, simplement vêtu de ses habits de voyageur sans fortune. Il se frotte les yeux, regarde le magicien penché sur lui. Il entend ces paroles : --- Mon garçon, tu n’as dormi qu’une heure. Tu as rêvé ton destin et je sais maintenant que tu n’es pas digne de la puissance et de la gloire. Tu ne seras jamais évêque, ni cardinal, ni pape. Tu ne seras jamais qu’un pauvre homme gris dans la grisaille du monde. Et moi je ne connaîtrai jamais le goût de la dinde rôtie. Mais si tu veux partager mon repas, je t’offre la moitié de mon plat de lentilles. Ainsi parle le magicien. Il sourit tristement et frissonne. Par le soupirail entre la lueur de la lune à peine levée
          2. Extrait de L’Arbre à soleils.

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          • #6
            Le maître d'école

            Intègre, juste, compétent, mais sévère comme l’hiver, tel était ce maître d’école.

            - Et en plus, il est increvable, disaient ses élèves, écœurés. Jamais malade. C’est tuant. Toujours là, avec sa badine, à gaver nos pauvres cerveaux de grammaire mathématique, de saintes fractions, de quotients et de divisions à dix chiffres. Pourquoi faut-il que ces gens-là n’attrapent jamais ni zona, ni lumbago, ni choléra ?

            Un joli matin de printemps, comme ils allaient traînant les pieds, à leur martyre quotidien :
            - J’ai une idée, dit un futé. Notre maître pète le feu. J’ai la parade : enfumons-le, et le temps qu’il se débarbouille, pas d’école, pas de devoirs, pas de bâton, la liberté !
            - D’accord, d’accord, piaillent les autres. Mais comment faire ? Explique-nous !
            Colloque à mi-voix, dans la cour.
            - Vous avez compris ? Tous en place. Le voici. A moi de jouer.

            Le tyran scolaire apparaît. Enjambée longue, tête haute. Le futé lui vient droit devant.
            - Maître, dit-il, l’air effaré, vous êtes pâle comme un linge. Vous allez bien ? Vous êtes sûr ?
            Léger froncement de sourcils.
            - Evidemment. Quelle question !

            Un petit nuage, pourtant, vient de naître dans son ciel bleu. Il n’y prend garde, il passe outre. Il entre en classe. Il tousse un peu.
            - Bonjour, maître. Mais qu’avez-vous ? lui demande, la mine inquiète, un deuxième conspirateur. C’est du charbon, là, sous vos yeux, ou du noir de méchante fièvre ?
            - Un peu de fatigue, sans doute. (Sa voix soudain s’est enrouée). Allons, les enfants, au travail.

            Murmures parmi les gamins. L’un d’eux traduit, au nom des autres.
            - Franchement, vous nous faites peur. Vous êtes jaune, c’est terrible. Il faut appeler le docteur.
            - Vous croyez ?
            Il a des sueurs. Le chœur unanime :
            - C’est sûr !
            Le futé porte l’estocade :
            - Je vous raccompagne chez vous.
            Il le laisse devant sa porte et rejoint sa troupe ravie.

            Le maître se traîne à son lit. Il s’affale, les bras ouverts. Il rumine des idées graves.
            Sa femme rentre du marché:
            - Qu’est-ce qu’il t’arrive, mon pauvre homme ?
            Il se sent au bout du rouleau. Il balbutie, désabusé :
            - Regarde-moi, et tu sauras.
            - Oui, bon, d’accord, je te regarde. Et alors ?
            - Quoi, tu ne vois pas ? Ma pâleur jaune, mes yeux noirs !
            Elle lui prend le pouls, elle le palpe.
            - Pas la moindre fièvre, l’œil clair. Qui t’a dit que tu allais mal ?
            - Les enfants.
            - Et tu les as crus ?

            Silence long, soupir profond. « Je marche au soleil, tout va bien, mon cœur, mes membres me le disent. Un grain de doute, c’est la nuit, et je me farcis de peurs bleues. » Il rumine ainsi, un moment. Il dit enfin :
            - Je suis stupide.

            Elle lui fait une bise au front.
            - Moi aussi. Nous le sommes tous. Mais tu l’es un peu moins que d’autres, car toi, maintenant, tu le sais.

            Henri Gougaud,
            Le livre des chemins
            « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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            • #7
              La fille du désert

              L’attendait-elle ? Non, elle n’attendait personne. Quand le fils du sultan la vit dans le désert où il poursuivait des gazelles elle se tenait debout auprès d’un rocher blanc, et elle était si belle qu’il ne put chevaucher plus loin. Il la salua, elle non. Il la hissa sur sa monture. Sans rien dire elle se laissa faire. Il l’amena dans son palais, la fit nourrir, soigner, vêtir (sa robe n’était que poussière). Il la rejoignit dans sa chambre et ne put que s’agenouiller. Elle était la femme rêvée, mille fois approchée en songe, mille fois fuyante au réveil. Elle accepta de l’épouser.
              Après un an elle eut un fils. Le prince lui offrit deux bracelets d’argent.
              - J’aurais préféré, lui dit-elle, une grappe de raisins mûrs.
              Après une nouvelle année leur vinrent un deuxième enfant. L’époux offrit à l’accouchée un collier d’ivoire et d’or fin.
              - J’aurais préféré, lui dit-elle, une coupe de fruits mouillés.
              Quand naquit leur troisième fils, elle se détourna du diamant posé près d’elle sur le drap.
              - J’aurais préféré, mon ami, une simple gourde d’eau fraîche.
              - Ma femme, quel malheur te tient ? Je t’offre des merveilles et que veux-tu ? Des riens !
              - Tu sauras tout demain, répondit son épouse.
              A l’aube ils s’en furent au désert. Par une brèche de rocher ils descendirent sous la terre.
              Là était une vaste salle débordante de coffres d’or. Au fond étaient quatre squelettes vêtus de lourds et beaux habits.
              - Voici ma famille, dit-elle. Ici fut une haute ville dont mon père était le sultan. Vois sa prodigieuse richesse. Hélas, un vent de sauterelles a ravagé nos champs, nos vignes, et tout le monde est mort de faim sur des fortunes inutiles. Je sais maintenant ce que sont les seuls véritables trésors. Toi, tu n’en saurais jamais rien. Va, laisse-moi à mon désert.
              Il s’en fut, elle demeura seule, et le conte finit ici.


              Henri Gougaud

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              • #8
                Karfou, Océane
                Merci pour cet excellent florilège de contes d'Henri Gougaud.
                Je profite de ce coin pour poster un court conte que j'ai lu quand j'étais à l'école primaire, ce qui rejoint ce qu'a dit Océane au post #2 sur "la nécessité du rêve dans la construction de l'avenir" mais aussi la nécessité de la raison, de l'affectة des valeurs morales:
                Un jour, alors qu'accompagné de sa cour, le calife était à la chasse, il voit un vieil home qui plantait des arbres. Il s'approcha du vieil homme et lui demanda:
                "Que plantez-vous là, mon bon monsieur ?"
                — Des palmiers-dattiers.
                — Et ils vont donner des fruits dans combien de temps ?
                — Dans au moins dix ans ?
                — Et tu espères rester en vie jusque là pour en manger, vénérable vieillard ?
                — Ils ont planté, nous avons mangé. Nous plantons et ils mangeront !

                En arabe, cela donne : زَرَعوا فَأكَلْنا و نَزْرَعُ فَيَأكُلون
                "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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                • #9
                  Bijor

                  Benam, merci aussi à toi,

                  زَرَعوا فَأكَلْنا و نَزْرَعُ فَيَأكُلون
                  Encore faut-il qu'il y ait des terres à cultiver.

                  ...
                  « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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                  • #10
                    Un conte, que enfant, ma mère m'a raconté :

                    Un couple pauvre et miséreux errait d'un village (dach'ra) à l'autre pour mendier un peu de nourriture. Une nuit alors qu'ils étaient assis sur la place d'un village, las et fatigué de ce long vagabondage, l'homme perdit son esprit et s' adressa à sa femme:

                    --- Toute cette misère que je traîne est de ta faute !

                    --- Comment de ma faute ? lui répondit calmement sa compagne

                    ---- Oui ! Car sans toi j'aurais pu vivre bien mieux..

                    ---- Vivre mieux dis-tu ?

                    ---- Absolument ! Ma vie serait meilleure

                    ---- Mais sais-tu que ta vie est entre mes mains ?

                    ---- Comment ça? Je crois ma pauvre femme que tu deviens folle

                    ---- Tu veux que je te fasse la démonstration

                    ---- Oh.. je veux bien voir ! lui répondit l'homme suivit d'un grand éclat de rire

                    Soudain la femme se mit à crier et hurler tel un animal blessé :

                    ---- Au secours ! Au secours ! Au secours ! A l'aide! ! Ya lemoumnine !

                    Entendant cet appel, les villageois armés de couteaux sortirent de leurs maisons et se dirigerent vers l'homme qu'ils soupçonnent être un agresseur pour le tuer. Face à cette horde prête à lui ôter la vie , de peur il s' évanoui.

                    Et sa femme s' est alors adressé aux villageois en les implorant :

                    --- S' il vous plaît mon mari est malade donnez lui de l'eau !

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                    • #11
                      Karfou,
                      Peut-on dire ici : "el khir mra w char mra" ?

                      ...
                      « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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                      • #12
                        Les maximes ou adages gabonais sont exclus dans cette rubrique. Désolé. 😊

                        Commentaire


                        • #13
                          C'est gabonais !

                          On en apprend tous les jours. Merci.

                          ...


                          .
                          Dernière modification par Océane, 06 juillet 2019, 18h13.
                          « La voix de la mer parle à l'âme. Le contact de la mer est sensuel et enlace le corps dans une douce et secrète étreinte. »

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