DÉCRYPTAGE - Le rapport de la mission Borne ne convainc ni les pharmaciens ni les patients.
Il n’y a pas eu de trêve estivale dans les officines : pharmaciens et préparateurs ont continué durant tout l’été à annoncer aux patients qu’ils n’étaient pas en mesure de délivrer un ou plusieurs médicaments de leur ordonnance. Qu’il s’agisse de traiter une infection ou une maladie chronique, de nombreux médicaments continuent de manquer en France, et ce n’est pas le rapport rendu le 30 août par la mission Régulation des produits de santé, mandatée par Élisabeth Borne en début d’année, qui rassurera les patients de plus en plus inquiets.
Les auteurs font 50 préconisations pour « un New Deal garantissant un accès égal et durable à tous les produits de santé ». Certaines seraient en train « d’inspirer les travaux en cours pour le prochain PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR) », selon Matignon. Mais les membres de la mission interministérielle concèdent que nombre de leurs recommandations, « si elles sont mises en œuvre, auront leur plein effet dans quelques années ».
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) n’a pas tardé à réagir à la publication de ce rapport, n’hésitant pas à dénoncer dans un communiqué de presse le manque d’indépendance des membres de la mission. « Rédigé par les industriels pour les industriels, ce rapport ressemble beaucoup à un chantage aux pénuries », assène l’USPO.
Pierre-Olivier Variot, pharmacien à Plombières-lès-Dijon (Côte-d’Or) et président de l’union syndicale, commente pour Le Figaro : « Autant le rapport présenté en juillet par la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments était fouillé et pertinent, autant celui-ci est une catastrophe. Eh! oui nous dénonçons un véritable chantage, une prise d’otage des patients par l’industrie pharmaceutique qui cherche à obtenir une augmentation des prix pour les médicaments en rupture. »
Deux jours après la publication du rapport, le gouvernement a accepté l’augmentation de 10% du prix de l’amoxicilline demandée par les industriels. Sera-t-elle la première d’une longue série ? Les pénuries touchent la plupart des pays européens, pour de nombreux médicaments, mais force est de constater que les problèmes d’approvisionnement sont moins inquiétants là où les prix sont les plus élevés.
« Il a manqué d’amoxicilline en Suisse aussi cet hiver, mais la situation a été bien moins dramatique qu’en France. Là-bas, la boîte coûte 20 euros alors qu’elle en vaut 5 en France », illustre Fabien Bruno, responsable d’une pharmacie parisienne qui fabrique le précieux antibiotique depuis l’hiver dernier. Certains Français n’hésitent d’ailleurs plus à passer les frontières pour dénicher leurs médicaments. Belgique, Suisse, Espagne ont permis aux frontaliers de limiter l’impact des pénuries. Du moins pour ceux qui peuvent supporter le surcoût voire payer la totalité du traitement, qui n’est pas toujours pris en charge par la Sécurité sociale hors du pays.
Pour l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), l’augmentation du prix de l’amoxicilline fait peser sur la population « l’incapacité (du gouvernement) à régler les pénuries de médicaments ». « Nous sommes inquiets car cela va, une fois de plus, impacter les Français en augmentant le reste à charge. C’est une nouvelle étape dans la privatisation du système de santé et de l’accès aux soins, dont tout le monde doit mesurer la gravité », prévient Jérôme Martin, cofondateur de l’OTMeds qui souligne le manque de transparence entretenu par l’industrie pharmaceutique. « Si les laboratoires estiment que le prix d’un médicament dit “mature” est trop bas, ils ont la possibilité de demander une augmentation de son prix mais cela nécessite qu’ils justifient les coûts de production, or ils ne veulent pas le faire. »
Liste de médicaments
Pharmaciens et associations de patients appellent eux aussi à une meilleure transparence. « Au cours des travaux de la mission interministérielle, auxquels a participé France Assos Santé, le Leem (qui représente l’industrie pharmaceutique, NDLR) a avancé des explications pour toutes ces pénuries mais nous aimerions connaître les vraies raisons, pointe Catherine Simonin, représentante de la Ligue contre le cancer au sein de France Assos Santé. Par ailleurs, nous avons besoin d’un système qui permette de connaître exactement les quantités de médicaments produits et disponibles. Aujourd’hui nous ne savons pas où sont les stocks et il y a de fortes iniquités entre les régions. »
Pierre-Olivier Variot, de l’USPO, dénonce lui aussi des volumes annoncés par certains laboratoires qui seraient très différents de ceux disponibles chez les grossistes répartiteurs. « Nous avons besoin d’une meilleure traçabilité des médicaments, qui prenne en compte toute la chaîne de production, afin de pouvoir identifier très rapidement l’origine de la pénurie », prône le pharmacien.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a mis en place une liste de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur concernés par les pénuries. Le manque de traçabilité semble cependant se répercuter sur cet outil qui indique des « tensions d’approvisionnement » pour des molécules qui s’avèrent introuvables en officine, telle que la flécaïnide (un traitement contre les arythmies cardiaques, largement prescrit).
Difficile, dans ces conditions pour les prescripteurs, d’adapter les ordonnances de leurs patients. Les pharmaciens passent ainsi de plus en plus de temps à échanger avec les médecins afin de substituer les médicaments manquants, quand cela est possible. « Après une petite enquête auprès de confrères, j’ai estimé qu’une pharmacie passe aujourd’hui en moyenne douze heures par semaine à gérer la question des pénuries, c’est énorme », souligne Pierre-Olivier Variot. Malgré tous ces efforts, beaucoup de patients restent sans alternative de traitement satisfaisante. Une situation qui semble malheureusement partie pour durer.
Il n’y a pas eu de trêve estivale dans les officines : pharmaciens et préparateurs ont continué durant tout l’été à annoncer aux patients qu’ils n’étaient pas en mesure de délivrer un ou plusieurs médicaments de leur ordonnance. Qu’il s’agisse de traiter une infection ou une maladie chronique, de nombreux médicaments continuent de manquer en France, et ce n’est pas le rapport rendu le 30 août par la mission Régulation des produits de santé, mandatée par Élisabeth Borne en début d’année, qui rassurera les patients de plus en plus inquiets.
Les auteurs font 50 préconisations pour « un New Deal garantissant un accès égal et durable à tous les produits de santé ». Certaines seraient en train « d’inspirer les travaux en cours pour le prochain PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR) », selon Matignon. Mais les membres de la mission interministérielle concèdent que nombre de leurs recommandations, « si elles sont mises en œuvre, auront leur plein effet dans quelques années ».
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) n’a pas tardé à réagir à la publication de ce rapport, n’hésitant pas à dénoncer dans un communiqué de presse le manque d’indépendance des membres de la mission. « Rédigé par les industriels pour les industriels, ce rapport ressemble beaucoup à un chantage aux pénuries », assène l’USPO.
Pierre-Olivier Variot, pharmacien à Plombières-lès-Dijon (Côte-d’Or) et président de l’union syndicale, commente pour Le Figaro : « Autant le rapport présenté en juillet par la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments était fouillé et pertinent, autant celui-ci est une catastrophe. Eh! oui nous dénonçons un véritable chantage, une prise d’otage des patients par l’industrie pharmaceutique qui cherche à obtenir une augmentation des prix pour les médicaments en rupture. »
Deux jours après la publication du rapport, le gouvernement a accepté l’augmentation de 10% du prix de l’amoxicilline demandée par les industriels. Sera-t-elle la première d’une longue série ? Les pénuries touchent la plupart des pays européens, pour de nombreux médicaments, mais force est de constater que les problèmes d’approvisionnement sont moins inquiétants là où les prix sont les plus élevés.
« Il a manqué d’amoxicilline en Suisse aussi cet hiver, mais la situation a été bien moins dramatique qu’en France. Là-bas, la boîte coûte 20 euros alors qu’elle en vaut 5 en France », illustre Fabien Bruno, responsable d’une pharmacie parisienne qui fabrique le précieux antibiotique depuis l’hiver dernier. Certains Français n’hésitent d’ailleurs plus à passer les frontières pour dénicher leurs médicaments. Belgique, Suisse, Espagne ont permis aux frontaliers de limiter l’impact des pénuries. Du moins pour ceux qui peuvent supporter le surcoût voire payer la totalité du traitement, qui n’est pas toujours pris en charge par la Sécurité sociale hors du pays.
Pour l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), l’augmentation du prix de l’amoxicilline fait peser sur la population « l’incapacité (du gouvernement) à régler les pénuries de médicaments ». « Nous sommes inquiets car cela va, une fois de plus, impacter les Français en augmentant le reste à charge. C’est une nouvelle étape dans la privatisation du système de santé et de l’accès aux soins, dont tout le monde doit mesurer la gravité », prévient Jérôme Martin, cofondateur de l’OTMeds qui souligne le manque de transparence entretenu par l’industrie pharmaceutique. « Si les laboratoires estiment que le prix d’un médicament dit “mature” est trop bas, ils ont la possibilité de demander une augmentation de son prix mais cela nécessite qu’ils justifient les coûts de production, or ils ne veulent pas le faire. »
Liste de médicaments
Pharmaciens et associations de patients appellent eux aussi à une meilleure transparence. « Au cours des travaux de la mission interministérielle, auxquels a participé France Assos Santé, le Leem (qui représente l’industrie pharmaceutique, NDLR) a avancé des explications pour toutes ces pénuries mais nous aimerions connaître les vraies raisons, pointe Catherine Simonin, représentante de la Ligue contre le cancer au sein de France Assos Santé. Par ailleurs, nous avons besoin d’un système qui permette de connaître exactement les quantités de médicaments produits et disponibles. Aujourd’hui nous ne savons pas où sont les stocks et il y a de fortes iniquités entre les régions. »
Pierre-Olivier Variot, de l’USPO, dénonce lui aussi des volumes annoncés par certains laboratoires qui seraient très différents de ceux disponibles chez les grossistes répartiteurs. « Nous avons besoin d’une meilleure traçabilité des médicaments, qui prenne en compte toute la chaîne de production, afin de pouvoir identifier très rapidement l’origine de la pénurie », prône le pharmacien.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a mis en place une liste de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur concernés par les pénuries. Le manque de traçabilité semble cependant se répercuter sur cet outil qui indique des « tensions d’approvisionnement » pour des molécules qui s’avèrent introuvables en officine, telle que la flécaïnide (un traitement contre les arythmies cardiaques, largement prescrit).
Difficile, dans ces conditions pour les prescripteurs, d’adapter les ordonnances de leurs patients. Les pharmaciens passent ainsi de plus en plus de temps à échanger avec les médecins afin de substituer les médicaments manquants, quand cela est possible. « Après une petite enquête auprès de confrères, j’ai estimé qu’une pharmacie passe aujourd’hui en moyenne douze heures par semaine à gérer la question des pénuries, c’est énorme », souligne Pierre-Olivier Variot. Malgré tous ces efforts, beaucoup de patients restent sans alternative de traitement satisfaisante. Une situation qui semble malheureusement partie pour durer.
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