L’ Univers a-t-il un sens ?
Les créationnistes et les partisans du « Dessein intelligent » suscitent depuis quelques années de vives réactions de la part des mouvements rationalistes, qui les accusent de défendre leur foi en se parant des allures de la science.
Face à cette polémique, certains scientifiques, tout en s’opposant aux thèses créationnistes, affirment qu’il est légitime pour des hommes de science de se poser des questions métaphysiques.
« Je me sens contraint de regarder la cause première comme dotée d’un esprit intelligent … », écrivait Charles Darwin dans son autobiographie en 1876. A la fin de sa vie, il se déclarait agnostique, en prenant soin d’ajouter « mais pas toujours » ! Ainsi, ceux qui brandissent aujourd’hui sa théorie pour « justifier » leur athéisme sont-ils plus darwiniens que ne l’était Darwin lui-même. Comme le note John H.Brooke, professeur à Oxford, Darwin s’est finalement fourni à lui-même les raisons scientifiques de mette en doute ses propres convictions.
Dans un numéro hors-série paru fin 2005 (« La bible contre Darwin »), le Nouvel Observateur a publié un « Appel à la vigilance » signé par plusieurs scientifiques de différents domaines. Il s’agissait de dénoncer le « néocréationnisme et les intrusions spiritualistes en science ». Le texte déplore un renouveau des « pseudo-sciences », des « nouvelles formes de créationnisme », des « velléités annexionnistes des religions vis-à-vis des sciences et dans l’enseignement, à la loi de 1905 (France) et au Premier Amendement (Etats-Unis) ». Diable !
Les libre-penseurs montent au créneau
La menace semble sérieuse, et alors que ce débat semblait circonscrit à la terre de contrastes et d’extrêmes que sont les Etats-Unis, les signataires observent en France des « indices de plus en plus saillants d’une confusion entre discours scientifique et discours prosélyte « Et de conclure : Nous appelons donc à la vigilance face au retour insidieux (sic) du divin dans le travail des sciences, dont la démarche ne peut en aucune façon se satisfaire d’une telle intrusion »
Dans Le Monde daté du 23 février, un autre « groupe de scientifiques d’horizon divers » répond à cette mise en garde par une tribune intitulée « Pour une science sans a priori ». Celle-ci indique notamment que « si les conceptions religieuses ou métaphysiques ne doivent en aucun cas intervenir a priori dans le déroulement de la recherche scientifique, il est non seulement légitime mais également nécessaire de réfléchir a posteriori aux implications philosophiques, éthiques et métaphysiques des découvertes et des théories scientifiques. »
Ce à quoi un nouveau « groupe de scientifique d’horizons divers » (pour la plupart signataires du premier appel) répond, dans Le Monde du 5 avril, par une nouvelle tribune titrée cette fois « Pour une science consciente de ses limites ». Le texte enjoint à distinguer « de manière la plus claire le travail légitime qui revient à un scientifique de ce qui est propre au théologien », et souligne que les signataires de la tribune précédente « se gardent bien d’être explicites », car « les spéculations métaphysiques auxquelles ils nous invitent sont avant tout de nature théologique » Or, affirment-ils, « de telles spéculations ont toujours mené les scientifiques dans des ornières »
Ces échanges, en apparence policés, masquent en réalité un débat d’une rare violence qui donne lieu à des tentatives de dénigrement, des manœuvres de déstabilisation et même des appels à la censure. Menée en France par l’Union rationaliste, les « libres-penseurs » et autres athées militants, cette fronde s’appuie à l’origine sur une juste dénonciation du mouvement créationniste, né aux Etats-Unis d’une opposition frontale à la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. Le problème est qu’elle entend finalement disqualifier toute réflexion de nature spirituelle, qui ne saurait servir qu’une « philosophie irrationnelle ». Ce qui sous-tend que l’ensemble des connaissances scientifiques permet d’évacuer définitivement l’hypothèse d’un principe créateur /organisateur.
Issu des milieux fondamentalistes protestants, le créationnisme entend en effet ériger le récit de la Genèse en théorie scientifique alternative au « darwinisme », et qui mérite à ce titre d’être enseignée dans les écoles publiques. Le premier épisode date du fameux « procès du singe » de 1925 : un jeune enseignant d’un école publique du Tennesee avait été condamné pour avoir enseigné la théorie de l’évolution à ses élèves.
Une puissante organisation de défenses des droits civiques avait alors contesté le jugement devant la Cour suprême des Etats-Unis.Le procès avait été vif, le représentant de l’Etat du Tennessee réaffirmant que le récit biblique de la Création était à prendre strictement au pied de la lettre. Un vice de forme conduisit finalement à annuler le procès et la loi du Tennessee resta en vigueur jusqu’en 1967. La Cour suprême rendit en 1968 un arrêt invalidant ces lois créationnistes qui dataient des années 1920.
Dans les années 1980, une seconde « croisade créationniste » aboutit à l’adoption par les Etats d’Arkansas et de Louisiane d’une loi stipulant que « les écoles publiques devront dispenser un enseignement équivalent du créationnisme et de l’évolutionnisme ». Les milieux fondamentalistes ont disséminé un discours pseudo-scientifique en assimilant la notion de « théorie » à une simple spéculation. Autrement dit , la « théorie darwinienne de l’évolution » n’a pas plus de valeur que le récit de la Genèse, car Dieu a très bien pu « créer les taux d’isotopes radio-actifs utilisés dans les méthodes scientifiques de datation ». Là encore, la Cour suprême va finir par invalider les lois des Etats concernées en les jugeant contraires au Premier Amendement.
Les créationnistes et les partisans du « Dessein intelligent » suscitent depuis quelques années de vives réactions de la part des mouvements rationalistes, qui les accusent de défendre leur foi en se parant des allures de la science.
Face à cette polémique, certains scientifiques, tout en s’opposant aux thèses créationnistes, affirment qu’il est légitime pour des hommes de science de se poser des questions métaphysiques.
« Je me sens contraint de regarder la cause première comme dotée d’un esprit intelligent … », écrivait Charles Darwin dans son autobiographie en 1876. A la fin de sa vie, il se déclarait agnostique, en prenant soin d’ajouter « mais pas toujours » ! Ainsi, ceux qui brandissent aujourd’hui sa théorie pour « justifier » leur athéisme sont-ils plus darwiniens que ne l’était Darwin lui-même. Comme le note John H.Brooke, professeur à Oxford, Darwin s’est finalement fourni à lui-même les raisons scientifiques de mette en doute ses propres convictions.
Dans un numéro hors-série paru fin 2005 (« La bible contre Darwin »), le Nouvel Observateur a publié un « Appel à la vigilance » signé par plusieurs scientifiques de différents domaines. Il s’agissait de dénoncer le « néocréationnisme et les intrusions spiritualistes en science ». Le texte déplore un renouveau des « pseudo-sciences », des « nouvelles formes de créationnisme », des « velléités annexionnistes des religions vis-à-vis des sciences et dans l’enseignement, à la loi de 1905 (France) et au Premier Amendement (Etats-Unis) ». Diable !
Les libre-penseurs montent au créneau
La menace semble sérieuse, et alors que ce débat semblait circonscrit à la terre de contrastes et d’extrêmes que sont les Etats-Unis, les signataires observent en France des « indices de plus en plus saillants d’une confusion entre discours scientifique et discours prosélyte « Et de conclure : Nous appelons donc à la vigilance face au retour insidieux (sic) du divin dans le travail des sciences, dont la démarche ne peut en aucune façon se satisfaire d’une telle intrusion »
Dans Le Monde daté du 23 février, un autre « groupe de scientifiques d’horizon divers » répond à cette mise en garde par une tribune intitulée « Pour une science sans a priori ». Celle-ci indique notamment que « si les conceptions religieuses ou métaphysiques ne doivent en aucun cas intervenir a priori dans le déroulement de la recherche scientifique, il est non seulement légitime mais également nécessaire de réfléchir a posteriori aux implications philosophiques, éthiques et métaphysiques des découvertes et des théories scientifiques. »
Ce à quoi un nouveau « groupe de scientifique d’horizons divers » (pour la plupart signataires du premier appel) répond, dans Le Monde du 5 avril, par une nouvelle tribune titrée cette fois « Pour une science consciente de ses limites ». Le texte enjoint à distinguer « de manière la plus claire le travail légitime qui revient à un scientifique de ce qui est propre au théologien », et souligne que les signataires de la tribune précédente « se gardent bien d’être explicites », car « les spéculations métaphysiques auxquelles ils nous invitent sont avant tout de nature théologique » Or, affirment-ils, « de telles spéculations ont toujours mené les scientifiques dans des ornières »
Ces échanges, en apparence policés, masquent en réalité un débat d’une rare violence qui donne lieu à des tentatives de dénigrement, des manœuvres de déstabilisation et même des appels à la censure. Menée en France par l’Union rationaliste, les « libres-penseurs » et autres athées militants, cette fronde s’appuie à l’origine sur une juste dénonciation du mouvement créationniste, né aux Etats-Unis d’une opposition frontale à la théorie darwinienne de l’évolution des espèces. Le problème est qu’elle entend finalement disqualifier toute réflexion de nature spirituelle, qui ne saurait servir qu’une « philosophie irrationnelle ». Ce qui sous-tend que l’ensemble des connaissances scientifiques permet d’évacuer définitivement l’hypothèse d’un principe créateur /organisateur.
Issu des milieux fondamentalistes protestants, le créationnisme entend en effet ériger le récit de la Genèse en théorie scientifique alternative au « darwinisme », et qui mérite à ce titre d’être enseignée dans les écoles publiques. Le premier épisode date du fameux « procès du singe » de 1925 : un jeune enseignant d’un école publique du Tennesee avait été condamné pour avoir enseigné la théorie de l’évolution à ses élèves.
Une puissante organisation de défenses des droits civiques avait alors contesté le jugement devant la Cour suprême des Etats-Unis.Le procès avait été vif, le représentant de l’Etat du Tennessee réaffirmant que le récit biblique de la Création était à prendre strictement au pied de la lettre. Un vice de forme conduisit finalement à annuler le procès et la loi du Tennessee resta en vigueur jusqu’en 1967. La Cour suprême rendit en 1968 un arrêt invalidant ces lois créationnistes qui dataient des années 1920.
Dans les années 1980, une seconde « croisade créationniste » aboutit à l’adoption par les Etats d’Arkansas et de Louisiane d’une loi stipulant que « les écoles publiques devront dispenser un enseignement équivalent du créationnisme et de l’évolutionnisme ». Les milieux fondamentalistes ont disséminé un discours pseudo-scientifique en assimilant la notion de « théorie » à une simple spéculation. Autrement dit , la « théorie darwinienne de l’évolution » n’a pas plus de valeur que le récit de la Genèse, car Dieu a très bien pu « créer les taux d’isotopes radio-actifs utilisés dans les méthodes scientifiques de datation ». Là encore, la Cour suprême va finir par invalider les lois des Etats concernées en les jugeant contraires au Premier Amendement.
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