Les grandes puissances se bouscule pour explorer notre satellite naturlel, la lune ... et même l'inde va s'y mettre.
Pas de quartier pour l'exploration lunaire
Sondes, robots, vols habités: le satellite est au coeur d'une gigantesque bataille spatiale internationale.
liberation.fr
Ruée sur la Lune, acte II. Dans les années qui viennent, une vague de robots américains, chinois et japonais va s'élancer vers l'astre de la nuit. Le nouveau venu chinois joue avec les nerfs de la Nasa en multipliant les annonces à la crédibilité douteuse : un orbiteur en 2007, un atterrisseur en 2010, un rover en 2012, un retour d'échantillon en 2017... et des taïkonautes en 2024 ! Le Japon prévoit un tir d'orbiteur en 2007 ou 2008. Même l'Inde s'y met avec Chandrayaan-1 en 2008, dont certains instruments seront réalisés en coopération avec l'Agence spatiale européenne.
Le gros morceau, c'est le programme Constellation de la Nasa qui vise au retour des astronautes «entre 2015 et 2020», affirme-t-elle. L'agence vient d'ailleurs de baptiser les engins qui emporteront les astronautes. Ares-1 et Ares-5 * le dieu de la Guerre dans la Grèce antique * hisseront hors du puits de gravité terrestre astronautes et matériel. Quant au vaisseau, jusqu'alors affublé du sigle CEV * pour Crew Exploration Vehicle («véhicule d'exploration habité») *, il répondra au nom d'Orion, capsule comme Apollo qui emportera quatre astronautes (six lorsque le voyage s'arrêtera à la station orbitale terrestre).
Le retour des hommes sera précédé d'une armada robotique. Dès 2008, la Nasa lancera Lunar Reconnaissance Orbiter, un engin d'une tonne chargé de survoler la Lune à 50 km d'altitude afin d'en établir la carte toponumérique au mètre près, rechercher les traces de glace d'eau, au fond de cratères toujours à l'ombre, et identifier des sites d'alunissage près des pôles. Si les premières missions habitées seront du type Apollo * quelques jours et l'on repart *, l'idée de base permanente se heurte à de redoutables problèmes. Energétiques, d'abord. Les panneaux solaires sont inutiles durant la nuit lunaire (un demi-mois terrien). Thermiques, ensuite. Entre jour et nuit, l'écart peut dépasser 250 °C. Plutôt rude. D'où l'attention portée aux «pics d'éternelle lumière» prédits par l'astronome Flammarion, découverts par Smart-1.
Stigmates
Décision à caractère politique, destinée à réaffirmer le leadership technologique et idéologique des Etats-Unis, le retour sur la Lune des Américains en porte les stigmates. «Ils ont décidé d'y aller avant de savoir quoi y faire», résume Francis Rocard, responsable de l'exploration du système solaire au Cnes, l'agence spatiale française. En avril dernier, un workshop sur invitation de la Nasa, à Washington, a tourné au «brainstorming débridé sans aucun filtrage technique ou éthique», raconte-t-il, où toute idée était recevable, même les plus farfelues comme l'utilisation industrielle de l'hélium-3 ou la création d'un cimetière pour VIP très fortunés.
Supplétifs de la Nasa ?
Le forcing américain oblige les Européens à s'interroger : doivent-ils s'embarquer dans l'aventure, et à quel niveau ? «De toute façon, les Américains l'ont affiché dès le début : moyens de transport et infrastructures seront à 100 % made in US», avertit Rocard. Pourtant, un insistant lobbying industriel (EADS, Alcatel Space) pèse sur les gouvernements européens, surtout en France, en Allemagne et en Italie, pour qu'ils financent sur fonds publics des matériels lourds et coûteux. Seul Berlin semble y prêter une oreille attentive. La direction de l'ESA agit également en ce sens lorsqu'elle pousse le programme Clipper * un projet de mininavette spatiale en coopération avec les Russes qui y voient le successeur des capsules Soyouz pour desservir la station orbitale *, recalé lors de la dernière conférence ministérielle de l'agence, en décembre 2005. Le ticket d'entrée, plusieurs milliards d'euros, fait pour l'instant reculer les gouvernements. Les astronautes européens, eux, rêvent de bricoler avec Soyouz à Kourou et l'ATV (le cargo automatique de l'ESA lancé par Ariane qui doit ravitailler la station spatiale internationale) pour se doter d'un moyen d'accès à l'espace.
Les responsables politiques européens vont devoir trancher. Seront-ils les supplétifs d'un programme sous contrôle américain ? Resteront-ils sur terre, prétextant que les vols habités n'ont pas d'intérêt scientifique décisif, que le prestige qu'ils confèrent ou leur dimension culturelle et d'aventure humaine n'en valent pas le coût ? Ou, à l'inverse, choisiront-ils une participation à l'exploration humaine, en se dotant de moyens de transport autonomes (ou avec les Russes), au prix d'une augmentation considérable des dépenses publiques ?
«Village robotique»
Sans mettre le doigt, et la bourse, dans l'envoi d'hommes sur la Lune, l'Europe pourrait à moindre coût investir dans l'exploration robotisée. Bernard Foing, le chief scientist de Smart-1, plaide pour «un village robotique international sur la Lune avant d'y envoyer des hommes». Et de continuer sur cette lancée puisqu'il sera «difficile d'envoyer les astronautes sur les pôles ou la face cachée et que les robots seront précieux pour la sécurité et toutes les tâches systématiques». Le comité des programmes scientifiques du Cnes joue la prudence extrême et recommande de recycler les stations sismiques prévues pour Mars dans une éventuelle mission lunaire. De quoi vérifier la théorie de son origine par un impact géant sur la Terre il y a 4,5 milliards d'années. Et une manière, estime Francis Rocard, «d'éviter de se fourvoyer» dans un programme entièrement contrôlé par la Nasa. Une aventure où le risque financier est maximal et l'intérêt scientifique, à démontrer. Et qui relève surtout d'une logique politique pour sortir «vers le haut» de l'impasse constituée par la navette et la station orbitale.
Pas de quartier pour l'exploration lunaire
Sondes, robots, vols habités: le satellite est au coeur d'une gigantesque bataille spatiale internationale.
liberation.fr
Ruée sur la Lune, acte II. Dans les années qui viennent, une vague de robots américains, chinois et japonais va s'élancer vers l'astre de la nuit. Le nouveau venu chinois joue avec les nerfs de la Nasa en multipliant les annonces à la crédibilité douteuse : un orbiteur en 2007, un atterrisseur en 2010, un rover en 2012, un retour d'échantillon en 2017... et des taïkonautes en 2024 ! Le Japon prévoit un tir d'orbiteur en 2007 ou 2008. Même l'Inde s'y met avec Chandrayaan-1 en 2008, dont certains instruments seront réalisés en coopération avec l'Agence spatiale européenne.
Le gros morceau, c'est le programme Constellation de la Nasa qui vise au retour des astronautes «entre 2015 et 2020», affirme-t-elle. L'agence vient d'ailleurs de baptiser les engins qui emporteront les astronautes. Ares-1 et Ares-5 * le dieu de la Guerre dans la Grèce antique * hisseront hors du puits de gravité terrestre astronautes et matériel. Quant au vaisseau, jusqu'alors affublé du sigle CEV * pour Crew Exploration Vehicle («véhicule d'exploration habité») *, il répondra au nom d'Orion, capsule comme Apollo qui emportera quatre astronautes (six lorsque le voyage s'arrêtera à la station orbitale terrestre).
Le retour des hommes sera précédé d'une armada robotique. Dès 2008, la Nasa lancera Lunar Reconnaissance Orbiter, un engin d'une tonne chargé de survoler la Lune à 50 km d'altitude afin d'en établir la carte toponumérique au mètre près, rechercher les traces de glace d'eau, au fond de cratères toujours à l'ombre, et identifier des sites d'alunissage près des pôles. Si les premières missions habitées seront du type Apollo * quelques jours et l'on repart *, l'idée de base permanente se heurte à de redoutables problèmes. Energétiques, d'abord. Les panneaux solaires sont inutiles durant la nuit lunaire (un demi-mois terrien). Thermiques, ensuite. Entre jour et nuit, l'écart peut dépasser 250 °C. Plutôt rude. D'où l'attention portée aux «pics d'éternelle lumière» prédits par l'astronome Flammarion, découverts par Smart-1.
Stigmates
Décision à caractère politique, destinée à réaffirmer le leadership technologique et idéologique des Etats-Unis, le retour sur la Lune des Américains en porte les stigmates. «Ils ont décidé d'y aller avant de savoir quoi y faire», résume Francis Rocard, responsable de l'exploration du système solaire au Cnes, l'agence spatiale française. En avril dernier, un workshop sur invitation de la Nasa, à Washington, a tourné au «brainstorming débridé sans aucun filtrage technique ou éthique», raconte-t-il, où toute idée était recevable, même les plus farfelues comme l'utilisation industrielle de l'hélium-3 ou la création d'un cimetière pour VIP très fortunés.
Supplétifs de la Nasa ?
Le forcing américain oblige les Européens à s'interroger : doivent-ils s'embarquer dans l'aventure, et à quel niveau ? «De toute façon, les Américains l'ont affiché dès le début : moyens de transport et infrastructures seront à 100 % made in US», avertit Rocard. Pourtant, un insistant lobbying industriel (EADS, Alcatel Space) pèse sur les gouvernements européens, surtout en France, en Allemagne et en Italie, pour qu'ils financent sur fonds publics des matériels lourds et coûteux. Seul Berlin semble y prêter une oreille attentive. La direction de l'ESA agit également en ce sens lorsqu'elle pousse le programme Clipper * un projet de mininavette spatiale en coopération avec les Russes qui y voient le successeur des capsules Soyouz pour desservir la station orbitale *, recalé lors de la dernière conférence ministérielle de l'agence, en décembre 2005. Le ticket d'entrée, plusieurs milliards d'euros, fait pour l'instant reculer les gouvernements. Les astronautes européens, eux, rêvent de bricoler avec Soyouz à Kourou et l'ATV (le cargo automatique de l'ESA lancé par Ariane qui doit ravitailler la station spatiale internationale) pour se doter d'un moyen d'accès à l'espace.
Les responsables politiques européens vont devoir trancher. Seront-ils les supplétifs d'un programme sous contrôle américain ? Resteront-ils sur terre, prétextant que les vols habités n'ont pas d'intérêt scientifique décisif, que le prestige qu'ils confèrent ou leur dimension culturelle et d'aventure humaine n'en valent pas le coût ? Ou, à l'inverse, choisiront-ils une participation à l'exploration humaine, en se dotant de moyens de transport autonomes (ou avec les Russes), au prix d'une augmentation considérable des dépenses publiques ?
«Village robotique»
Sans mettre le doigt, et la bourse, dans l'envoi d'hommes sur la Lune, l'Europe pourrait à moindre coût investir dans l'exploration robotisée. Bernard Foing, le chief scientist de Smart-1, plaide pour «un village robotique international sur la Lune avant d'y envoyer des hommes». Et de continuer sur cette lancée puisqu'il sera «difficile d'envoyer les astronautes sur les pôles ou la face cachée et que les robots seront précieux pour la sécurité et toutes les tâches systématiques». Le comité des programmes scientifiques du Cnes joue la prudence extrême et recommande de recycler les stations sismiques prévues pour Mars dans une éventuelle mission lunaire. De quoi vérifier la théorie de son origine par un impact géant sur la Terre il y a 4,5 milliards d'années. Et une manière, estime Francis Rocard, «d'éviter de se fourvoyer» dans un programme entièrement contrôlé par la Nasa. Une aventure où le risque financier est maximal et l'intérêt scientifique, à démontrer. Et qui relève surtout d'une logique politique pour sortir «vers le haut» de l'impasse constituée par la navette et la station orbitale.
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