En se faisant le chantre des "énergies propres", le géant américain veut prouver qu'il s'intéresse au développement durable. Un discours crédible ?

Quand on parle d'environnement, peut-être plus qu'ailleurs, il y a le discours et les actes. Pour ce qui est du discours, on sait qu'Apple, roi de la communication, est bien rodé. Mardi, à l'occasion de la Journée de la Terre, le constructeur américain de smartphones et d'ordinateurs a lancé une vaste offensive médiatique. Du compte Twitter du P-DG Tim Cook au logo des Apple Store, repeint en vert pour l'occasion, en passant par une vidéo promotionnelle de deux minutes, toute l'entreprise s'est mobilisée pour faire passer un unique message : "Nous voulons créer les meilleurs produits au monde, mais aussi les meilleurs produits pour le monde."
L'ambition est claire. Apple veut désormais être aussi exemplaire en matière d'environnement qu'elle se montre pionnière en matière d'innovation. Simple opération de "greenwashing" ou vrai tournant vers un monde décarboné et moins pollué ? Pour vous faire votre propre opinion, nous avons résumé les actes que la firme met en avant pour démontrer son verdissement..., mais aussi les points plus controversés qui, depuis plusieurs années, noircissent son bilan environnemental.
Serveurs, boutiques, recyclage : des atouts face à la concurrence
Le changement de cap est assez spectaculaire pour être souligné. En l'espace de quelques années seulement, Apple est passée de cancre concernant son utilisation d'énergies fossiles pour alimenter ses serveurs à première de la classe. C'est même Greenpeace qui le dit, dans son dernier rapport sur la propreté de nos données. La totalité des data centers de l'entreprise sont désormais alimentés par des énergies renouvelables, majoritairement d'origine solaire. Un progrès non négligeable, quand on sait que les serveurs et, plus généralement, ce qu'on appelle le cloud consomment une part croissante d'électricité dans le monde.
Autre bon point : tous les Apple Store, boutiques emblématiques de la marque, vont reprendre et recycler gratuitement vos anciens produits en échange d'un bon de réduction. Des produits qui, rappelle l'entreprise, sont exempts de substances toxiques telles que le PVC ou les phtalates. Selon ses propres estimations, la firme affiche des consommations électriques en nette baisse pour ses ordinateurs depuis 2008.
Troisième atout non négligeable dans la stratégie verte du géant américain, l'embauche, l'année dernière, de Lisa Jackson au poste de vice-présidente des initiatives environnementales. Une personnalité d'influence outre-Atlantique, puisqu'elle y a dirigé pendant quatre ans l'EPA - l'agence de protection de l'environnement -, où elle a dû gérer des dossiers sur la marée noire provoquée par BP ou le boom des gaz de schiste. Censée incarner le "visage écolo" de la marque, elle reconnaît cependant auprès d'un journaliste de Wired qu'il reste beaucoup à faire. Le journaliste, invité à visiter des centres de données 100 % alimentés par des énergies propres, note d'ailleurs qu'Apple, si prompte à manier le secret et l'opacité sur ses produits, lui a déroulé le tapis rouge quand il a été question d'environnement... Un moyen évident de se démarquer de la concurrence des constructeurs asiatiques, qui n'ont jamais vraiment communiqué, à cette échelle, sur leur souci du sort de la planète.
Batterie, obsolescence et sous-traitants chinois : un bilan beaucoup moins séduisant
Pour être totalement crédible sur le sujet, la firme devra cependant encore faire de gros efforts. À commencer par la conception de son produit-phare, l'iPhone. Quelles que soient ses qualités, il est impossible de changer la batterie de ce smartphone sans passer par les services d'Apple, très onéreux, à moins de justifier une défaillance du matériel. Pourtant, c'est le composant qui s'use le plus vite dans un téléphone et qui influence directement sa qualité d'utilisation. De la même façon, les composants des Mac Pro, ordinateurs portables ou de bureau haut de gamme, ne peuvent pas être mis à jour par leurs utilisateurs.
Bref, une vraie révolution, dans un monde que la firme souhaite désormais "durable", serait de proposer ce genre de libertés à ses utilisateurs. La firme s'est de plus fait épingler, en Italie notamment, pour le flou de ses extensions de garantie, qui prévoyaient de passer les garanties de ses produits de un à trois ans. Le hic étant que la loi européenne oblige les constructeurs électroniques à offrir, à la base, deux ans de garantie sur leurs produits... De l'art de vendre un service surcoté ! Si Apple se voulait vraiment avant-gardiste dans le domaine, l'entreprise devrait proposer des garanties sur ses produits jusqu'à cinq ans, anticipant ainsi un souhait écologiste formulé par certains, en France comme en Europe.
Surtout, si Apple affiche des performances plus que satisfaisantes pour l'empreinte environnementale de ses serveurs, ou même de certaines de ses boutiques-phares, il ne s'agit que de la (toute) petitepartie émergée de l'iceberg. Ces "installations" ne représentent, toujours selon des chiffres internes de l'entreprise, que 2 % des 34 millions de tonnes de gaz à effet de serre rejetées en 2013 par ses activités. Près de 98 % des émissions sont essentiellement liées à la production et à l'utilisation des produits... Un aveu qui a au moins le mérite de la transparence, mais qui montre, aussi, l'affichage vert auquel se livre Apple.
Les sources de la pollution de ces produits sont pourtant connues, à commencer par l'emploi de sous-traitants chinois qui ne s'embarrassent pas, ou beaucoup moins, de normes environnementales exigeantes, où le charbon est roi. De même, la marque, comme l'ensemble de ses concurrents, entretient une obsolescence esthétique et fonctionnelle de ses appareils. Chaque année, un nouveau design comme des fonctionnalités exclusives accompagnent une nouvelle vague de produits. Une frénésie productiviste et marketing assumée, qui est aussi une source évidente de pollution. Mais on touche là au business model, le coeur de la réussite financière de l'une des toutes premières capitalisations boursières mondiales. Le fabricant autoproclamé des "meilleurs produits" au monde sera-t-il prêt à produire moins fréquemment pour produire plus durable ?
le point
Quand on parle d'environnement, peut-être plus qu'ailleurs, il y a le discours et les actes. Pour ce qui est du discours, on sait qu'Apple, roi de la communication, est bien rodé. Mardi, à l'occasion de la Journée de la Terre, le constructeur américain de smartphones et d'ordinateurs a lancé une vaste offensive médiatique. Du compte Twitter du P-DG Tim Cook au logo des Apple Store, repeint en vert pour l'occasion, en passant par une vidéo promotionnelle de deux minutes, toute l'entreprise s'est mobilisée pour faire passer un unique message : "Nous voulons créer les meilleurs produits au monde, mais aussi les meilleurs produits pour le monde."
L'ambition est claire. Apple veut désormais être aussi exemplaire en matière d'environnement qu'elle se montre pionnière en matière d'innovation. Simple opération de "greenwashing" ou vrai tournant vers un monde décarboné et moins pollué ? Pour vous faire votre propre opinion, nous avons résumé les actes que la firme met en avant pour démontrer son verdissement..., mais aussi les points plus controversés qui, depuis plusieurs années, noircissent son bilan environnemental.
Serveurs, boutiques, recyclage : des atouts face à la concurrence
Le changement de cap est assez spectaculaire pour être souligné. En l'espace de quelques années seulement, Apple est passée de cancre concernant son utilisation d'énergies fossiles pour alimenter ses serveurs à première de la classe. C'est même Greenpeace qui le dit, dans son dernier rapport sur la propreté de nos données. La totalité des data centers de l'entreprise sont désormais alimentés par des énergies renouvelables, majoritairement d'origine solaire. Un progrès non négligeable, quand on sait que les serveurs et, plus généralement, ce qu'on appelle le cloud consomment une part croissante d'électricité dans le monde.
Autre bon point : tous les Apple Store, boutiques emblématiques de la marque, vont reprendre et recycler gratuitement vos anciens produits en échange d'un bon de réduction. Des produits qui, rappelle l'entreprise, sont exempts de substances toxiques telles que le PVC ou les phtalates. Selon ses propres estimations, la firme affiche des consommations électriques en nette baisse pour ses ordinateurs depuis 2008.
Troisième atout non négligeable dans la stratégie verte du géant américain, l'embauche, l'année dernière, de Lisa Jackson au poste de vice-présidente des initiatives environnementales. Une personnalité d'influence outre-Atlantique, puisqu'elle y a dirigé pendant quatre ans l'EPA - l'agence de protection de l'environnement -, où elle a dû gérer des dossiers sur la marée noire provoquée par BP ou le boom des gaz de schiste. Censée incarner le "visage écolo" de la marque, elle reconnaît cependant auprès d'un journaliste de Wired qu'il reste beaucoup à faire. Le journaliste, invité à visiter des centres de données 100 % alimentés par des énergies propres, note d'ailleurs qu'Apple, si prompte à manier le secret et l'opacité sur ses produits, lui a déroulé le tapis rouge quand il a été question d'environnement... Un moyen évident de se démarquer de la concurrence des constructeurs asiatiques, qui n'ont jamais vraiment communiqué, à cette échelle, sur leur souci du sort de la planète.
Batterie, obsolescence et sous-traitants chinois : un bilan beaucoup moins séduisant
Pour être totalement crédible sur le sujet, la firme devra cependant encore faire de gros efforts. À commencer par la conception de son produit-phare, l'iPhone. Quelles que soient ses qualités, il est impossible de changer la batterie de ce smartphone sans passer par les services d'Apple, très onéreux, à moins de justifier une défaillance du matériel. Pourtant, c'est le composant qui s'use le plus vite dans un téléphone et qui influence directement sa qualité d'utilisation. De la même façon, les composants des Mac Pro, ordinateurs portables ou de bureau haut de gamme, ne peuvent pas être mis à jour par leurs utilisateurs.
Bref, une vraie révolution, dans un monde que la firme souhaite désormais "durable", serait de proposer ce genre de libertés à ses utilisateurs. La firme s'est de plus fait épingler, en Italie notamment, pour le flou de ses extensions de garantie, qui prévoyaient de passer les garanties de ses produits de un à trois ans. Le hic étant que la loi européenne oblige les constructeurs électroniques à offrir, à la base, deux ans de garantie sur leurs produits... De l'art de vendre un service surcoté ! Si Apple se voulait vraiment avant-gardiste dans le domaine, l'entreprise devrait proposer des garanties sur ses produits jusqu'à cinq ans, anticipant ainsi un souhait écologiste formulé par certains, en France comme en Europe.
Surtout, si Apple affiche des performances plus que satisfaisantes pour l'empreinte environnementale de ses serveurs, ou même de certaines de ses boutiques-phares, il ne s'agit que de la (toute) petitepartie émergée de l'iceberg. Ces "installations" ne représentent, toujours selon des chiffres internes de l'entreprise, que 2 % des 34 millions de tonnes de gaz à effet de serre rejetées en 2013 par ses activités. Près de 98 % des émissions sont essentiellement liées à la production et à l'utilisation des produits... Un aveu qui a au moins le mérite de la transparence, mais qui montre, aussi, l'affichage vert auquel se livre Apple.
Les sources de la pollution de ces produits sont pourtant connues, à commencer par l'emploi de sous-traitants chinois qui ne s'embarrassent pas, ou beaucoup moins, de normes environnementales exigeantes, où le charbon est roi. De même, la marque, comme l'ensemble de ses concurrents, entretient une obsolescence esthétique et fonctionnelle de ses appareils. Chaque année, un nouveau design comme des fonctionnalités exclusives accompagnent une nouvelle vague de produits. Une frénésie productiviste et marketing assumée, qui est aussi une source évidente de pollution. Mais on touche là au business model, le coeur de la réussite financière de l'une des toutes premières capitalisations boursières mondiales. Le fabricant autoproclamé des "meilleurs produits" au monde sera-t-il prêt à produire moins fréquemment pour produire plus durable ?
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