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La question climatique n’est pas une affaire résolue

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  • La question climatique n’est pas une affaire résolue

    Nous sommes très loin d’avoir les connaissances nécessaires à une bonne politique du climat écrit l’éminent scientifique Steven E. Koonin.

    « La question scientifique essentielle n’est pas de savoir s’il y a un changement climatique. Ce qui est sûr c’est que le climat a toujours changé et changera toujours ». Mitch Dobrowner
    L’idée selon laquelle “la science climatique est une affaire résolue” est courante dans les discussions populaires ou politiques actuelles. Malheureusement, cette assertion est trompeuse. Elle a non seulement faussé nos débats publics et politiques sur les problèmes énergétiques, les émissions de gaz à effet de serre et l’environnement, mais elle a aussi inhibé les discussions scientifiques et politiques que nous devons avoir sur notre climat futur. Mon expérience en physique numérique avec une carrière de 40 ans de recherche scientifique, conseil et management en université, gouvernement et secteur privé m’a donné une intime connaissance de la science du climat. Des discussions techniques approfondies durant les dernières années avec d’éminents scientifiques du climat m’ont donné une compréhension encore meilleure de ce que nous savons et ne savons pas à propos du climat. J’en suis venu à comprendre l’intimidant défi de la réponse à donner aux questions des décideurs politiques et du public.

    La question scientifique essentielle n’est pas de savoir s’il y a un changement climatique. C’est une question réglée : Le climat a toujours changé et changera toujours. Les données géologiques et historiques montrent l’occurrence de changements climatiques majeurs, quelquefois en quelques décennies. Nous savons par exemple que, durant le 20° siècle, la température moyenne de la Terre s’est élevée de 1,4° Fahrenheit.

    La question essentielle n’est pas non plus de savoir si les humains influencent le climat. Ce n’est pas un canular : la communauté scientifique ne doute guère que l’augmentation continue des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, due largement aux émissions de dioxyde de carbone par les combustibles fossiles, influence le climat. Il y a peu de doute également que le dioxyde de carbone persistera dans l’atmosphère durant plusieurs siècles. L’impact actuel de l’activité humaine semble comparable à la variabilité naturelle intrinsèque du système climatique lui-même.

    « Comment le climat va changer durant le siècle prochain sous les influences naturelles et humaines ? »

    * Les réponses à cette question aux niveaux globaux et régionaux, de même que les questions également complexes de savoir comment les écosystèmes et les activités humaines seront affectés, devraient guider nos choix énergétiques et d’infrastructure.

    Mais – et c’est là le problème- ces questions sont les plus difficiles à résoudre. C’est le défi, au sens fondamental, de ce que la science peut nous dire à propos des climats futurs.

    Même si l’influence humaine peut avoir de sérieuses implications sur le climat, cette influence est physiquement faible par rapport à l’ensemble du système climatique. Par exemple, l’ajout anthropique de dioxyde de carbone dans l’atmosphère est prévu d’augmenter l’effet de serre naturel de l’atmosphère de seulement 1 à 2% vers le milieu du 21° siècle. Le système climatique étant hautement variable de lui-même, cette petitesse rend très difficile de prévoir les conséquences de l’influence humaine.

    Le deuxième défi pour « connaître » le futur climatique est la méconnaissance des océans. Les océans, dont les changements s’étalent sur des décennies ou des siècles, contiennent l’essentiel de la chaleur du climat et influencent fortement l’atmosphère. Malheureusement, les observations précises et complètes ne sont disponibles que depuis quelques décennies, les données fiables sont encore trop courtes pour bien comprendre les changements à venir des océans et comment ils influenceront le climat.

    Un troisième défi fondamental résulte des rétroactions qui peuvent radicalement amplifier ou atténuer la réponse du climat aux influences humaines et naturelles. Une rétroaction importante, et qui peut doubler approximativement l’effet de réchauffement du dioxyde de carbone, implique la vapeur d’eau, les nuages et la température.

    Mais les rétroactions sont incertaines. Elles dépendent de détails de processus comme l’évaporation et le flux de rayonnement traversant les nuages. Elles ne peuvent être déterminées en toute certitude à partir des lois de base de la physique et de la chimie*, donc elles doivent être vérifiées par des observations précises et détaillées qui ne sont pas disponibles actuellement dans la plupart des cas.

    Au-delà de ces problèmes d’observation se posent ceux des modèles climatiques complexes utilisés pour prévoir le climat futur. Ces programmes massifs tentent de décrire la dynamique et les interactions des différents composants du système Terre – l’atmosphère, les océans, la terre, la glace et la biosphère du vivant. Bien que certains composants des modèles soient basés sur des lois physiques sûres, d’autres parties impliquent des estimations savantes. La modélisation informatique de systèmes complexes tient autant de l’art que de la science.

    Par exemple, les modèles climatiques décrivent la Terre avec une grille qui est actuellement limitée par les capacités des ordinateurs à une résolution qui n’est pas meilleure que 60 miles. La distance entre New York et Washington DC n’est ainsi couverte que par quatre cellules de la grille. Mais les processus tels que la formation des nuages, les turbulences et la pluie se produisent à des échelles beaucoup plus petites. Ces processus essentiels n’apparaissent dans le modèle que sous la forme d’hypothèses ajustables qui spécifient par exemple comment la couverture nuageuse moyenne dépend de la température et de l’humidité moyenne d’un ensemble de cellules. Dans un modèle donné, des dizaines d’hypothèses de ce genre doivent être adaptées (tunées dans le jargon des modélisateurs) pour reproduire à la fois les observations actuelles et des données historiques mal connues.

    Nous entendons souvent qu’il y a un « consensus » scientifique sur le changement climatique. Mais s’il s’agit des modèles informatiques il n’y a pas de consensus utile au niveau des détails sur l’évaluation de l’influence humaine. Depuis 1990, le Groupe Intergouvernemental sur le Changement Climatique, ou GICC, a régulièrement enquêté sur l’état de la science climatique. Chaque rapport successif de cet effort, avec les contributions de milliers de scientifiques du monde entier a été considéré comme l’évaluation définitive de la science climatique au moment de sa parution.

    La communauté scientifique ne doute guère que l’augmentation continue des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, due largement aux émissions de dioxyde de carbone par les combustibles fossiles, influence le climat.

    Pour le dernier rapport du GICC (Septembre 2013), son Groupe de Travail 1, qui se concentre sur la physique, utilise un ensemble de quelque 55 modèles différents. Bien que la plupart de ces modèles soient ajustés pour reproduire les principales caractéristiques du climat terrestre, les différences marquées dans leurs détails et projections témoignent de toutes les limitations que j’ai décrites. Par exemple :

    – Les modèles diffèrent dans leurs descriptions de la température globale moyenne de surface des siècles passés de plus de trois fois le réchauffement total enregistré durant le même temps. De tels décalages sont également présents dans beaucoup d’autres facteurs climatiques de base, y compris les précipitations qui sont un élément fondamental de l’équilibre énergétique de l’atmosphère. Il en résulte que les modèles donnent des descriptions très variables du fonctionnement interne du climat. Etant si désaccordés il ne peut y en avoir plus d’un de correct.

    – Bien que la température moyenne de surface de la Terre ait augmenté brutalement de 0.9 degré Fahrenheit durant le dernier quart du 20° siècle, elle a augmenté nettement plus doucement ces 16 dernières années bien que la contribution anthropique au dioxyde de carbone atmosphérique ait cru de quelque 25%. Ce fait surprenant démontre directement que les influences naturelles et la variabilité sont suffisamment puissantes pour contrer l’influence thermique actuelle de l’activité humaine.

    Déjà les modèles échouent mémorablement à saisir ce ralentissement du réchauffement. Plusieurs douzaines d’explications différentes à cet échec ont été proposées, avec en tête la variabilité de l’océan jouant un rôle majeur. Mais l’épisode entier continue de mettre en lumière les limites de notre modélisation.

    – Les modèles décrivent grossièrement la diminution de l’étendue de glace de mer de l’Arctique observée depuis les deux dernières décennies, mais ils échouent à décrire l’augmentation parallèle de la glace de mer en Antarctique, qui atteint maintenant un record.

    – Les modèles prédisent que la basse atmosphère des tropiques absorbera une part importante de la chaleur du réchauffement atmosphérique. Mais ce « point chaud » n’a pas été observé avec certitude, entrainant le doute sur notre compréhension de la rétroaction cruciale de la vapeur d’eau sur la température.

    – Même si l’influence humaine sur le climat était largement plus faible dans le passé, les modèles ne tiennent pas compte du fait que le rythme d’élévation du niveau de la mer il y a 70 ans était du même ordre qu’actuellement, soit environ un pied par siècle.

    – Une mesure essentielle de notre connaissance des rétroactions est la sensibilité climatique – c’est à dire le réchauffement induit dans l’hypothèse d’un doublement de la concentration de dioxyde de carbone. La meilleure estimation actuelle de la sensibilité (entre 2,7 et 8,1° Fahrenheit) ne diffère pas et n’est pas plus sûre qu’il y a 30 ans. Et ceci, en dépit d’un effort de recherche héroïque coûtant des milliards de dollars.

    *
    Dernière modification par haddou, 01 décembre 2014, 07h56.

  • #2
    suite

    Ceci, et bien d’autres questions ouvertes sont en fait décrites dans les rapports de recherche du GICC, bien qu’une lecture détaillée et savante soit quelquefois nécessaire pour les discerner. Ce ne sont pas des problèmes « mineurs » à « nettoyer » par des recherches supplémentaires. Ce sont plutôt des déficiences qui érodent la confiance dans les projections par ordinateur. Travailler pour résoudre ces défauts des modèles climatiques devrait faire partie des priorités de la recherche climatique.

    Mais une lecture publique officielle du « Résumé pour Décideurs » du GICC n’aurait pas beaucoup de sens face à l’ampleur des implications de ces déficiences. Il existe des défis fondamentaux à notre connaissance des impacts humains sur le climat, et ils ne doivent pas être dissimulés par le mantra selon lequel « la science climatique est une affaire résolue »


    Des difficultés qui demeurent

    réchauffement hollande rené le honzecAlors que les deux dernières décennies ont vu des progrès dans la science du climat, le terrain n’est pas encore assez mature pour répondre utilement aux questions difficiles et importantes posées. Cette affaire décidément en cours met en lumière ce qui devrait être évident : Comprendre le climat, au niveau de détail pertinent aux influences humaines, est un problème très, très difficile.

    Nous devrions faire des progrès pour rendre les projections climatiques plus utiles dans le temps. Un engagement international pour un système global d’observation du climat générerait des enregistrements en constante augmentation d’observations plus précises. Des calculateurs plus puissants peuvent permettre une meilleure compréhension des incertitudes de nos modèles, un maillage plus fin et des descriptions plus sophistiquées des processus qui ont lieu à l’intérieur. La question scientifique nous presse, car nous pourrions être pris par surprise si notre compréhension ne va pas plus vite que les changements du climat lui-même.

    Une obligation de transparence serait aussi un développement bienvenu, spécialement étant donné les décisions politiques et de réglementations capitales en jeu. Cela pourrait être appuyé par des vérifications régulières et indépendantes pour soumettre à des tests de solidité les projections en se concentrant sur leurs déficiences et incertitudes ; ce serait certainement la meilleure utilisation de la méthode scientifique. Mais en raison des changements climatiques naturels sur des décennies, cela prendra de nombreuses années pour obtenir les données nécessaires à isoler avec certitude et quantifier les effets de l’influence humaine.

    Les décideurs politiques et le public pourraient souhaiter des certitudes confortables de leur science climatique. Mais je crains que promulguer rigidement l’idée que la science climatique est une affaire résolue (ou qu’elle est un « canular ») avilit et pétrifie le projet scientifique et retarde son progrès dans ces importants sujets. L’incertitude est un moteur et motivateur de science et doit être affrontée de face. Elle ne doit pas être confinée à des conversations feutrées et des conférences académiques.

    Les choix de société dans les années à venir seront nécessairement fondés sur une connaissance incertaine des climats futurs. Cette incertitude ne doit pas être une excuse à l’inaction. Il est tout à fait justifié et prudent d’accélérer le développement de technologies à faibles émissions et de mesures rentables d’efficacité énergétique.

    Mais les stratégies climatiques au-delà de tels efforts « sans regret » impliquent des coûts, des risques et des questions d’efficacité, donc des facteurs non scientifiques influencent inévitablement la décision. Cela inclut notre tolérance aux risques et les priorités que nous assignons au développement économique, à la réduction de la pauvreté, à la qualité environnementale et la justice intergénérationnelle et géographique.

    Individus et pays peuvent légitimement être en désaccord sur ces sujets, donc la discussion ne devrait pas être à propos de « croyance » ou « négation » de la science. En dépit des déclarations de nombreuses sociétés scientifiques, la communauté scientifique ne peut revendiquer aucune expertise spéciale pour régler des problèmes en lien avec les buts et les valeurs les plus importants de l’humanité. Les sphères politiques et diplomatiques sont les mieux à même pour débattre et résoudre de telles questions, et une mauvaise représentation de la science climatique ne fait rien pour aider.

    Toute discussion sérieuse sur le changement climatique doit commencer non seulement par faire connaître les certitudes mais aussi les incertitudes, particulièrement lorsqu’il s’agit de se projeter dans l’avenir. Reconnaître ces limites plutôt que de les ignorer, permettra une discussion plus sérieuse et au final plus productive sur le changement climatique et les politiques du climat. Faire autrement serait un mauvais service à rendre à la science climatique elle-même.


    [*] Le Dr. Koonin a été sous-secrétaire pour la science au Département de l’Énergie durant le premier mandat de Barack Obama et est actuellement directeur du Center for Urban Science and Progress à l’Université de New York. Ses postes précédents sont : professeur de physique théorique et recteur de Caltech (Université de technologie de Californie), ainsi que directeur scientifique de BP où son travail était concernait les technologies d’énergies renouvelables et à faible émission de carbone.


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