Le changement climatique est dû à l'accumulation dans l'atmosphère de gaz à effet de serre, et notamment de gaz carbonique. L'électricité nucléaire ne produit pas de gaz carbonique. Donc, il faut développer l'électricité nucléaire pour éviter le changement climatique.
Ce raisonnement simple est largement répandu. En fait, la question mérite davantage de réflexion.
D'abord, il n'est pas tout à fait vrai que le nucléaire n'émet pas de gaz à effet de serre, comme le souligne un cabinet anglais de consultants, l'Oxford Research Group dans le rapport "Secure Energy ?", publié en mars 2007. S'appuyant sur une étude de scientifiques néerlandais, les analystes remarquent qu'il faut prendre en compte l'ensemble de la chaîne industrielle permettant la production nucléaire : l'extraction de l'uranium, la construction des centrales, leur démantèlement, génèrent des émissions non négligeables.
Le calcul reste à préciser. Mais il souligne l'utilité qu'il y aurait à soumettre à une contre-expertise les statistiques produites par l'industrie nucléaire.
Personne ne conteste cependant que les émissions du nucléaire sont bien plus faibles que celles de l'électricité issue de la combustion du charbon. Cela permet une réduction déjà notable des émissions : "Le nucléaire représente dans l'approvisionnement mondial autant que la production de pétrole de l'Arabie saoudite", souligne Bertrand Barré, chargé de la communication scientifique d'Areva.
Mais un plus fort développement du nucléaire changerait-il la donne ? En mai dernier, dans son rapport publié à Bangkok, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a estimé que "l'électricité nucléaire, qui comptait pour 16 % de la production mondiale d'électricité, pourrait en représenter 18 % en 2030". Pour atteindre cette simple stabilisation, il faudrait doubler le parc de réacteurs existant : en effet, en raison du développement des pays du Sud, les experts tablent sur une augmentation importante de la consommation d'électricité, toutes sources confondues.
Pour Francis Sorin, de la Société française d'énergie nucléaire, "si l'on pense que, sur vingt à trente ans, le nucléaire peut connaître un développement raisonnable, c'est-à-dire passer de 440 réacteurs à 880, ce n'est pas toute la solution, mais une part importante du chemin". Il reste que même ce développement "raisonnable" semble incertain. D'abord en raison des risques de prolifération : "Le développement du nucléaire suppose une paix durable, relève l'analyste indépendant Pierre Radanne. Or le siècle risque d'être violent, en raison de la rivalité pour les ressources et pour l'eau." Le cas de l'Iran, qui affirme vouloir se doter d'une industrie nucléaire civile, illustre la difficulté à développer l'électricité nucléaire sans répandre en même temps l'arme atomique.
LA MENACE DE LA SÉCHERESSE
Les spécialistes soulignent aussi le problème de capacité industrielle : "Il n'est pas sûr que l'industrie, et notamment la métallurgie, puisse assurer rapidement un développement important du nucléaire, dit Francis Sorin. On ne peut pas commander du jour au lendemain 200 cuves de réacteurs EPR."
Autre élément surprenant : le nucléaire pourrait être victime du changement climatique. Celui-ci devrait se traduire par une raréfaction des ressources en eau. Or les centrales nucléaires, souvent installées au bord des fleuves, ont besoin de pomper des quantités importantes d'eau pour se refroidir. En cas de sécheresse, elles pourraient manquer d'eau, et donc devoir s'arrêter.
Finalement, si le nucléaire a sa partition à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, c'est plutôt sur le mode mineur. En France, l'EPR change-t-il la donne ? "Il n'y en a pas besoin en ce moment, observe Pierre Radanne, nous sommes en surcapacité électrique alors qu'il y a un gisement important d'économies d'énergie. Le risque est que l'EPR prenne l'argent nécessaire à ces programmes." Cet arbitrage pourrait faire l'objet de discussions lors du "Grenelle de l'environnement", prévu à l'automne.
Par Le Monde
Ce raisonnement simple est largement répandu. En fait, la question mérite davantage de réflexion.
D'abord, il n'est pas tout à fait vrai que le nucléaire n'émet pas de gaz à effet de serre, comme le souligne un cabinet anglais de consultants, l'Oxford Research Group dans le rapport "Secure Energy ?", publié en mars 2007. S'appuyant sur une étude de scientifiques néerlandais, les analystes remarquent qu'il faut prendre en compte l'ensemble de la chaîne industrielle permettant la production nucléaire : l'extraction de l'uranium, la construction des centrales, leur démantèlement, génèrent des émissions non négligeables.
Le calcul reste à préciser. Mais il souligne l'utilité qu'il y aurait à soumettre à une contre-expertise les statistiques produites par l'industrie nucléaire.
Personne ne conteste cependant que les émissions du nucléaire sont bien plus faibles que celles de l'électricité issue de la combustion du charbon. Cela permet une réduction déjà notable des émissions : "Le nucléaire représente dans l'approvisionnement mondial autant que la production de pétrole de l'Arabie saoudite", souligne Bertrand Barré, chargé de la communication scientifique d'Areva.
Mais un plus fort développement du nucléaire changerait-il la donne ? En mai dernier, dans son rapport publié à Bangkok, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) a estimé que "l'électricité nucléaire, qui comptait pour 16 % de la production mondiale d'électricité, pourrait en représenter 18 % en 2030". Pour atteindre cette simple stabilisation, il faudrait doubler le parc de réacteurs existant : en effet, en raison du développement des pays du Sud, les experts tablent sur une augmentation importante de la consommation d'électricité, toutes sources confondues.
Pour Francis Sorin, de la Société française d'énergie nucléaire, "si l'on pense que, sur vingt à trente ans, le nucléaire peut connaître un développement raisonnable, c'est-à-dire passer de 440 réacteurs à 880, ce n'est pas toute la solution, mais une part importante du chemin". Il reste que même ce développement "raisonnable" semble incertain. D'abord en raison des risques de prolifération : "Le développement du nucléaire suppose une paix durable, relève l'analyste indépendant Pierre Radanne. Or le siècle risque d'être violent, en raison de la rivalité pour les ressources et pour l'eau." Le cas de l'Iran, qui affirme vouloir se doter d'une industrie nucléaire civile, illustre la difficulté à développer l'électricité nucléaire sans répandre en même temps l'arme atomique.
LA MENACE DE LA SÉCHERESSE
Les spécialistes soulignent aussi le problème de capacité industrielle : "Il n'est pas sûr que l'industrie, et notamment la métallurgie, puisse assurer rapidement un développement important du nucléaire, dit Francis Sorin. On ne peut pas commander du jour au lendemain 200 cuves de réacteurs EPR."
Autre élément surprenant : le nucléaire pourrait être victime du changement climatique. Celui-ci devrait se traduire par une raréfaction des ressources en eau. Or les centrales nucléaires, souvent installées au bord des fleuves, ont besoin de pomper des quantités importantes d'eau pour se refroidir. En cas de sécheresse, elles pourraient manquer d'eau, et donc devoir s'arrêter.
Finalement, si le nucléaire a sa partition à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique, c'est plutôt sur le mode mineur. En France, l'EPR change-t-il la donne ? "Il n'y en a pas besoin en ce moment, observe Pierre Radanne, nous sommes en surcapacité électrique alors qu'il y a un gisement important d'économies d'énergie. Le risque est que l'EPR prenne l'argent nécessaire à ces programmes." Cet arbitrage pourrait faire l'objet de discussions lors du "Grenelle de l'environnement", prévu à l'automne.
Par Le Monde
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