La mécanique quantique est-elle fausse ? Un test avec l'inflation
ou peut être du moins son [B]interprétation orthodoxe de dite de Copenhague
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Le journal Nature fait écho d’une proposition de test d’une formulation alternative de la mécanique quantique : la théorie de Bohm-de Broglie. Selon un chercheur du Perimeter Institute, et si la théorie de l’inflation est exacte, il suffirait d’analyser en détails les fluctuations du rayonnement de fond diffus pour, peut-être, invalider l’interprétation orthodoxe de la mécanique quantique.
La théorie quantique a maintenant plus de 80 ans et aucune expérience n’est venue la remettre en cause, bien au contraire. C’est pourtant le destin de toute théories de n’être qu'une approximation provisoire devenant avec le temps un cas particulier d’une théorie plus générale et plus précise. Les tentatives pour dépasser la mécanique quantique sont d'ailleurs aussi vieilles que la théorie elle-même. Dès 1927, Albert Einstein et Louis de Broglie, qui faisaient partie des dix principaux créateurs de la théorie quantique, n’ont pas ménagé leurs critiques envers la théorie et ont proposé différentes manières de la compléter.
Pour eux, l’apparition de probabilités pour décrire l’état d’une particule en mécanique quantique était le signe qu’une description complète d’un tel système physique nous manquait. On devait avoir recours à des distributions de probabilités très probablement pour les même raisons qu’en théorie cinétique des gaz ou en thermodynamique statistique : le manque de connaissance de certaines variables déterminant précisément l’état de la particule.
Pour Louis de Broglie, il devait même y avoir une sorte de thermodynamique cachée de la particule. Le mouvement apparemment aléatoire des électrons dans l’atome d’hydrogène devait être l’analogue sophistiqué du mouvement brownien des grains de pollen dans un liquide. Les électrons devaient avoir une localisation bien précise et un mouvement complètement déterminé mais une sorte d’échange de chaleur entre les particules de matière et un réservoir d’énergie caché devait se produire.
Pour les tenants de l’interprétation orthodoxe de la mécanique quantique, dite de Copenhague, c'est-à-dire Niels Bohr, Werner Heisenberg, Max Born et Paul Dirac il n’y avait rien de tel.
L’emploi des probabilités ne reflétait pas un manque de connaissances précises de certaines variables cachées mais indiquait tout à la fois un indéterminisme fondamental et une inadéquation des concepts d’ondes ou de particules pour décrire complètement les quanta d’énergie sous forme de matière ou de lumière. Les protestations d’Einstein, Schrödinger et de Broglie leur semblaient aussi absurdes que de se plaindre que l’aire d’un disque ne soit pas donnée par le carré de son rayon, comme toute bonne surface en forme de carré.
Des variables cachées locales ou non locales ?
Au début des années 1950, le physicien David Bohm, en utilisant certaines idées de de Broglie, réussit pourtant à construire une formulation non relativiste de la mécanique ondulatoire des particules redonnant exactement les prédictions de la mécanique quantique. John Bell, un physicien séduit par les idées d'Einstein sur la mécanique quantique, s'en est immédiatement réjoui, s'exclamant : « J'ai vu l'impossible se réaliser... ». Tout en maintenant l’existence de particules dans l’espace et le temps, mais guidées d’une façon très subtile par des ondes dépendants d’un « potentiel quantique », la théorie de Bohm-de Broglie reposait sur une vision déterministe de la mécanique quantique où des variables cachées au sens d’Einstein et de Broglie étaient responsables de l’introduction d’amplitudes de probabilités sous forme de fonctions d’ondes.

John S Bell. Crédit : Joachim Reinhardt/Université de Frankfort
Il devenait urgent de proposer des moyens de trancher entre l’interprétation orthodoxe et les interprétations déterministes, comme celle de Bohm. C’est ce que parvient à faire d’un point de vue théorique John Bell. Il montra que toutes les théories déterministes à variables cachées possibles, mais locales, prédisaient certains résultats en désaccord avec la mécanique quantique lorsqu’on les appliquait à une situations dite EPR, acronyme de Einstein, Podolski, Rosen, des noms des physiciens ayant proposé en 1935 une expérience avec des particules censée montrer le caractère incomplet de la théorie quantique.
Une expérience réalisée en 1982 par Alain Aspect montra effectivement que les théories à variables cachées dite locales étaient nécessairement fausses. La mécanique quantique était-elle alors vraie ?
Pas obligatoirement. La théorie de Bohm-de Broglie est justement une théorie non-locale, c'est-à-dire que le comportement d’une seule particule ne peut pas être séparé de l’état des autres particules, même si celles-ci se trouvent à des années-lumière. D’une certaine façon, qui rappelle le comportement des hologrammes, l’information décrivant l’état de l’Univers entier est présente dans chaque particule et une modification de l’état de l’une d’entre elles influence instantanément l’état des autres, même si l’on ne peut se servir de ce phénomène pour téléphoner instantanément à l’autre bout de la Galaxie.
Dans l’état, la théorie de Bohm-de Broglie (BDB), mis à part des problèmes pour la rendre compatible avec la relativité restreinte et surtout la théorie quantique des champs, reste une alternative viable à la mécanique quantique orthodoxe.
Le monde quantique observable au télescope ?
Antony Valentini du Perimeter Institute pense aujourd’hui qu’il est possible de départager ces deux interprétations en étudiant les fameuses fluctuations du rayonnement fossile. Pour cela, il admet que la théorie de l’inflation est correcte. Il suit alors la même ligne d’idée que des chercheurs comme Brian Greene qui ont proposé de se servir du caractère de « super microscope » de l’inflation pour sonder des distances extrêmement courtes à la recherche de signatures d’une nouvelle physique en rapport avec la gravitation quantique.
En effet, selon la théorie de l’inflation, les particules de l’Univers proviennent indirectement de fluctuations d’un champ quantique au tout début de l’histoire du cosmos. L’inflation, une phase courte d’expansion ultra-rapide de l’Univers aurait non seulement amplifié ces fluctuations quantiques en provoquant la matérialisation de particules mais aussi agrandi ces fluctuations de sorte que des détails de la physique à l’échelle de Planck se trouveraient littéralement inscrit dans le ciel sous forme de fluctuations de températures dans le rayonnement de fond diffus.
ou peut être du moins son [B]interprétation orthodoxe de dite de Copenhague
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Le journal Nature fait écho d’une proposition de test d’une formulation alternative de la mécanique quantique : la théorie de Bohm-de Broglie. Selon un chercheur du Perimeter Institute, et si la théorie de l’inflation est exacte, il suffirait d’analyser en détails les fluctuations du rayonnement de fond diffus pour, peut-être, invalider l’interprétation orthodoxe de la mécanique quantique.
La théorie quantique a maintenant plus de 80 ans et aucune expérience n’est venue la remettre en cause, bien au contraire. C’est pourtant le destin de toute théories de n’être qu'une approximation provisoire devenant avec le temps un cas particulier d’une théorie plus générale et plus précise. Les tentatives pour dépasser la mécanique quantique sont d'ailleurs aussi vieilles que la théorie elle-même. Dès 1927, Albert Einstein et Louis de Broglie, qui faisaient partie des dix principaux créateurs de la théorie quantique, n’ont pas ménagé leurs critiques envers la théorie et ont proposé différentes manières de la compléter.
Pour eux, l’apparition de probabilités pour décrire l’état d’une particule en mécanique quantique était le signe qu’une description complète d’un tel système physique nous manquait. On devait avoir recours à des distributions de probabilités très probablement pour les même raisons qu’en théorie cinétique des gaz ou en thermodynamique statistique : le manque de connaissance de certaines variables déterminant précisément l’état de la particule.
Pour Louis de Broglie, il devait même y avoir une sorte de thermodynamique cachée de la particule. Le mouvement apparemment aléatoire des électrons dans l’atome d’hydrogène devait être l’analogue sophistiqué du mouvement brownien des grains de pollen dans un liquide. Les électrons devaient avoir une localisation bien précise et un mouvement complètement déterminé mais une sorte d’échange de chaleur entre les particules de matière et un réservoir d’énergie caché devait se produire.
Pour les tenants de l’interprétation orthodoxe de la mécanique quantique, dite de Copenhague, c'est-à-dire Niels Bohr, Werner Heisenberg, Max Born et Paul Dirac il n’y avait rien de tel.
L’emploi des probabilités ne reflétait pas un manque de connaissances précises de certaines variables cachées mais indiquait tout à la fois un indéterminisme fondamental et une inadéquation des concepts d’ondes ou de particules pour décrire complètement les quanta d’énergie sous forme de matière ou de lumière. Les protestations d’Einstein, Schrödinger et de Broglie leur semblaient aussi absurdes que de se plaindre que l’aire d’un disque ne soit pas donnée par le carré de son rayon, comme toute bonne surface en forme de carré.
Des variables cachées locales ou non locales ?
Au début des années 1950, le physicien David Bohm, en utilisant certaines idées de de Broglie, réussit pourtant à construire une formulation non relativiste de la mécanique ondulatoire des particules redonnant exactement les prédictions de la mécanique quantique. John Bell, un physicien séduit par les idées d'Einstein sur la mécanique quantique, s'en est immédiatement réjoui, s'exclamant : « J'ai vu l'impossible se réaliser... ». Tout en maintenant l’existence de particules dans l’espace et le temps, mais guidées d’une façon très subtile par des ondes dépendants d’un « potentiel quantique », la théorie de Bohm-de Broglie reposait sur une vision déterministe de la mécanique quantique où des variables cachées au sens d’Einstein et de Broglie étaient responsables de l’introduction d’amplitudes de probabilités sous forme de fonctions d’ondes.

John S Bell. Crédit : Joachim Reinhardt/Université de Frankfort
Il devenait urgent de proposer des moyens de trancher entre l’interprétation orthodoxe et les interprétations déterministes, comme celle de Bohm. C’est ce que parvient à faire d’un point de vue théorique John Bell. Il montra que toutes les théories déterministes à variables cachées possibles, mais locales, prédisaient certains résultats en désaccord avec la mécanique quantique lorsqu’on les appliquait à une situations dite EPR, acronyme de Einstein, Podolski, Rosen, des noms des physiciens ayant proposé en 1935 une expérience avec des particules censée montrer le caractère incomplet de la théorie quantique.
Une expérience réalisée en 1982 par Alain Aspect montra effectivement que les théories à variables cachées dite locales étaient nécessairement fausses. La mécanique quantique était-elle alors vraie ?
Pas obligatoirement. La théorie de Bohm-de Broglie est justement une théorie non-locale, c'est-à-dire que le comportement d’une seule particule ne peut pas être séparé de l’état des autres particules, même si celles-ci se trouvent à des années-lumière. D’une certaine façon, qui rappelle le comportement des hologrammes, l’information décrivant l’état de l’Univers entier est présente dans chaque particule et une modification de l’état de l’une d’entre elles influence instantanément l’état des autres, même si l’on ne peut se servir de ce phénomène pour téléphoner instantanément à l’autre bout de la Galaxie.
Dans l’état, la théorie de Bohm-de Broglie (BDB), mis à part des problèmes pour la rendre compatible avec la relativité restreinte et surtout la théorie quantique des champs, reste une alternative viable à la mécanique quantique orthodoxe.
Le monde quantique observable au télescope ?
Antony Valentini du Perimeter Institute pense aujourd’hui qu’il est possible de départager ces deux interprétations en étudiant les fameuses fluctuations du rayonnement fossile. Pour cela, il admet que la théorie de l’inflation est correcte. Il suit alors la même ligne d’idée que des chercheurs comme Brian Greene qui ont proposé de se servir du caractère de « super microscope » de l’inflation pour sonder des distances extrêmement courtes à la recherche de signatures d’une nouvelle physique en rapport avec la gravitation quantique.
En effet, selon la théorie de l’inflation, les particules de l’Univers proviennent indirectement de fluctuations d’un champ quantique au tout début de l’histoire du cosmos. L’inflation, une phase courte d’expansion ultra-rapide de l’Univers aurait non seulement amplifié ces fluctuations quantiques en provoquant la matérialisation de particules mais aussi agrandi ces fluctuations de sorte que des détails de la physique à l’échelle de Planck se trouveraient littéralement inscrit dans le ciel sous forme de fluctuations de températures dans le rayonnement de fond diffus.
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