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Ces “hipsters de l’eugénisme” qui veulent changer l’avenir de l’humanité

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  • Ces “hipsters de l’eugénisme” qui veulent changer l’avenir de l’humanité


    Simone et Malcolm Collins sont persuadés de la supériorité de leurs gènes. Ils veulent avoir un maximum d’enfants pour peser sur l’évolution humaine. Leurs idées aux relents dystopiques sont en vogue dans les milieux américains de la tech, et promues entre autres par Elon Musk, raconte le site new-yorkais “Business Insider”.


    En cette après-midi de septembre, assis dans leur séjour encombré de jouets, Simone et Malcolm Collins doivent parler fort, par-dessus les pleurs de leurs tout-petits, pour nous faire entendre leur grand projet pour le genre humain. “L’humanité n’est pas en très bonne posture aujourd’hui, je trouve. Et je pense que, si personne ne résout le problème, nous pourrions bien disparaître”, hurle quasiment Malcolm, en promenant Torsten, 18 mois, la morve au nez, sur son camion-benne.

    Avec Octavian, son frère de 3 ans, Torsten fait partie sans le savoir d’une expérience pour le moins audacieuse. Selon les calculs de ses parents, si chacun de leurs descendants s’engage à avoir au moins 8 enfants sur 11 générations, la lignée des Collins sera à terme plus nombreuse que la totalité de la population actuelle de la Terre.

    Ce qui signifie qu’en cas de succès “nous changerons l’avenir de notre espèce”, résume Malcolm.

    Malcom, 36 ans, et son épouse, Simone, 35 ans, sont des “pronatalistes”. Pour les tenants de ce mouvement discret mais en plein essor, et bien implanté dans les milieux aisés de la tech et de l’investissement, la baisse de la natalité dans certains pays développés, dont les États-Unis et l’essentiel des pays européens, menace d’éradiquer leur culture, de saborder leur économie et, à terme, d’entraîner l’effondrement de la civilisation. Une théorie reprise par Elon Musk sur son compte Twitter, défendue par [le chroniqueur conservateur] Ross Douthat dans les pages Opinions du New York Times et abordée par Joe Rogan [ancien champion de taekwondo et podcasteur star aux États-Unis] sur un ton badin dans son podcast.

    Mais elle est aussi brandie, de façon inquiétante, pour justifier le suprémacisme blanc un peu partout dans le monde, des manifestants de Charlottesville (en Virginie) qui défilaient torche en main [en 2017] en scandant “Vous ne nous remplacerez pas”, à l’auteur des attentats, en 2019, contre des mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui faisait commencer son manifeste par cette litanie “C’est la natalité. C’est la natalité. C’est la natalité.”

    Des enfants, oui, mais des enfants parfaits


    J’ai contacté les Collins après avoir découvert Genomic Prediction, une société qui a compté parmi ses tout premiers investisseurs Sam Altman, le cofondateur avec Elon Musk d’OpenAI [firme spécialisée dans l’intelligence artificielle]. Altman, qui est homosexuel, finance aussi Conception, une start-up qui planche sur la mise au point d’ovocytes humains à partir de cellules souches, ce qui pourrait permettre à des couples d’hommes d’avoir un enfant génétiquement lié à eux.

    Genomic Prediction est l’une des premières sociétés à proposer le test génétique préimplantatoire PGT-P, un diagnostic très controversé qui vise à permettre aux parents engagés dans une fécondation in vitro (FIV) de sélectionner les “meilleurs” embryons disponibles en fonction de leurs risques de “maladies polygéniques” [le dernier P dans “PGT-P”].

    Les Collins sont devenus des porte-drapeaux de cette technique depuis que leur histoire a été publiée en mai 2022 par [l’hebdomadaire américain] Bloomberg Businessweek sous le titre “The Pandora’s Box of Embryo Testing Is Officially Open” [“C’est officiel : la boîte de Pandore des tests sur les embryons est ouverte”].

    Nous ne nous étions même pas encore parlé au téléphone que déjà les Collins m’invitaient à passer quelques jours chez eux à Valley Forge, en Pennsylvanie. Après notre premier appel, lors duquel j’ai dit être célibataire mais vouloir un jour des enfants, Simone m’a aussi proposé de rejoindre leur réseau de rencontres entre individus “ultraperformants”. Je n’ai pas rempli le formulaire pour les rencontres (à la question du nombre d’enfants que je souhaiterais avoir, il y avait parmi les réponses proposées “Quatre et plus” et “Autant que possible”, notamment), mais j’ai accepté l’invitation chez eux, dans leur ferme du XVIIIe siècle.

    Rendre le pronatalisme branché


    Au portail, je suis accueillie par leur corgi brun survolté et par un Malcolm enjoué, à l’allure soignée dans son polo noir. À l’intérieur m’attend Simone, sculpturale à huit mois de grossesse passés, vêtue de son uniforme de femme enceinte – chemise blanche impeccable, longue jupe noire et rouge à lèvres. Tous deux font “biologiquement jeunes”, comme ils disent.

    Simone et Malcolm écrivent des livres ensemble et travaillent en duo dans le capital-risque et l’investissement. S’ils se disent proches de la mouvance anti-institutions du Parti républicain, ils refusent d’être identifiés à ceux qu’ils appellent les “conservateurs cinglés”. Leur priorité, c’est de montrer le pronatalisme comme une démarche branchée, socialement acceptable, et ouverte – ouverte à certains, en tout cas. Ils ont fondé l’année dernière l’association Pronatalist.org.

    Des amis leur ont déconseillé de me parler, m’annoncent-ils en chœur. Il faut dire que, politiquement, le terrain est miné. La dernière figure médiatique en date à avoir été associée au pronatalisme n’est autre que Jeffrey Epstein [homme d’affaires américain inculpé pour trafic de mineures], qui entendait féconder 20 femmes en même temps dans son ranch au Nouveau-Mexique. La sélection par les gènes, qui repose sur la croyance que certains êtres humains naissent supérieurs aux autres, évoque des comparaisons avec la politique eugéniste du régime nazi. Sans compter que la référence culturelle qui nous vient le plus immédiatement aujourd’hui, quand on parle de société nataliste, c’est celle dépeinte dans le monde misogyne ultraviolent de La Servante écarlate [le roman de Margaret Atwood, décliné en série à succès sous son titre anglais, The Handmaid’s Tale].

    Faire naître “les classes dominantes” de demain


    Pour les Collins, des “pragmatiques indécrottables”, selon leurs termes, le jeu en vaut la chandelle. “Ce qui nous frustre dans ce milieu, c’est l’extrême discrétion des gens”, avance Simone. Elle et Malcolm espèrent au contraire, par leur grande transparence, encourager d’autres représentants des classes aisées à faire plus d’enfants, mais surtout ils entendent bâtir toute une culture et toute une économie autour du modèle familial ultranataliste.

    Cela ne paiera pas immédiatement, reconnaît Simone, mais si ce cercle restreint met en place les bons processus, leurs rejetons formeront “les nouvelles classes dominantes dans le monde”, elle en est convaincue.

    Les poids lourds de la tech sont obnubilés depuis des années par la postérité sous toutes ses formes. Dans les années 2010, une lubie de la longévité s’est ainsi emparée de la Silicon Valley, et des titans du secteur, à l’image de Jeff Bezos [le fondateur d’Amazon], [59] ans, de Sergueï Brin [cofondateur de Google], 49 ans, et de Larry Ellison [cofondateur de la firme Oracle], 78 ans, ont injecté des milliards de dollars dans des sociétés de biotechnologies censées les aider à conjurer la mort.

    Les recherches pour ralentir le vieillissement ont porté quelques fruits dans la lutte contre certaines maladies, mais les Ellison, les Brin et les Bezos de ce monde avancent en âge et voient diminuer leurs chances de voir la vie humaine prolongée de façon spectaculaire de leur vivant. Alors certains se tournent vers cette autre forme de postérité que sont les enfants. Pour qui est profondément convaincu de la transmission héréditaire du caractère, perpétuer son ADN (censément supérieur) peut apparaître comme le summum de l’influence. Les Collins, qui se présentent comme des calvinistes “modérés”, sont particulièrement sensibles au concept de prédestination, selon lequel certains individus sont élus pour être supérieurs aux autres et le libre arbitre est une illusion.
    Obsédés par le taux de natalité


    Or, l’avenir s’annonçant de plus en plus apocalyptique, le pronatalisme apparaît de plus en plus, pour une frange de la population, comme le dévouement suprême. Un projet qui convient particulièrement à l’hubris des membres de la Silicon Valley : puisque l’humanité est au bord du gouffre, et qu’ils sont les seuls à pouvoir nous sauver, ils ont le devoir, au nom de la société, de produire le plus possible de clones d’eux-mêmes.

    “Dans ce courant de pensée, la reproduction est vraiment, pour l’individu, le chemin vers l’immortalité”, résume Simone. À en croire des sources proches du milieu de la tech, c’est une rhétorique qu’on entend de plus en plus dans la bouche de certains puissants – en privé. “Ces idées buzzent pas mal à Austin [la ville texane où s’installent beaucoup d’entreprises du numérique et où Tesla a transféré son siège social et construit une usine]”, confirme Linda Avey, la cofondatrice de la société d’analyse génétique 23andMe.

    Les Collins, eux, ont été encouragés par un ami commun à se rendre à Austin, justement, pour y rencontrer Claire Boucher, connue sur la scène musicale sous le nom de “Grimes”, qui est aussi la mère de deux des enfants d’Elon Musk. De fait, ce dernier, qui a eu 10 enfants de 3 femmes différentes, est le grand pronataliste du secteur de la tech – même si la chose est officieuse. Elon Musk s’est déjà ouvertement exprimé sur sa fascination à l’égard de Gengis Khan, l’empereur mongol dont on retrouverait l’ADN dans les gènes d’une partie non négligeable de l’humanité. Selon un proche collaborateur de Musk, qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat, le milliardaire disait dès 2005 son ambition de “peupler le monde de sa descendance”.


    Le milliardaire Elon Musk et la chanteuse Grimes, le 7 mai 2018, à New York. THEO WARGO/GETTY IMAGES/AFP
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  • #2

    Riches de tous les pays, reproduisez-vous !


    Une cause que plaide de plus en plus Musk sur son réseau social, Twitter, où en deux ans il a publié des dizaines de posts sur la menace du déclin démographique. Mais il ne s’agit pas d’inciter tout le monde et n’importe qui à se reproduire. En août dernier, Errol Musk, le père d’Elon, partageait ainsi avec moi son inquiétude quant à la faible natalité des “nations productives”. Les Collins parlent de la “société cosmopolite. Elon Musk a, quant à lui, évoqué dans un tweet le film Idiocracy [sorti en 2007], dans lequel les élites intelligentes cessent de faire des enfants et laissent les idiots peupler la Terre. “Lui au moins, il n’a pas peur d’être cloué au pilori”, me lâche Malcolm Collins.

    Devant la table du petit-déjeuner, alors que les Collins ont comme tous les jours déposé les enfants à la crèche à 6 heures puis fait leur “morning strategy walk”, Malcolm lit à haute voix un texto de sa mère : Simone et lui envisagent-ils de monétiser leur “hobby” pronataliste ? demande-t-elle. “N’oublie pas : tout est transaction.”

    Né à Dallas dans une famille forte d’une longue histoire et d’une belle fortune, Malcolm me précise qu’il compte parmi ses ancêtres des membres éminents des jayhawkers, qui militaient contre l’esclavage et se sont rebellés contre les Confédérés. Son père, qui s’est marié cinq fois, a dilapidé la fortune familiale.

    Simone, elle, est née à Alameda, en Californie, de parents hippies, adeptes du taï-chi et du polyamour. “J’étais un peu le mouton noir de la famille, dit-elle. Ils me disaient de sortir, de boire, de faire des expériences, et moi je restais à la maison et je faisais mes devoirs, j’étais une rebelle.”

    Deux drôles d’oiseaux qui convolent


    Avant de rencontrer Malcolm, Simone était convaincue de vouloir rester célibataire, et de ne pas avoir d’enfant. Mais à 24 ans elle a décidé de se faire briser le cœur, juste une fois, pour savoir ce que ça faisait. Comme elle le fait dans tous ses projets, elle a mis au point un système. Elle s’est créé un profil sur [l’application de rencontres] OKCupid, accompagné d’une photo d’elle déguisée en Stormtrooper dans une pose sexy qui ne pouvait que faire un tabac auprès des nerds de la Silicon Valley. Puis elle a donné à chacun de ses dates une note sur 50. Après une série de rendez-vous notés 16, Malcolm fait sensation avec 42. Elle lui fait promettre qu’il la quittera au bout de quatre mois. “Je suis fâchée d’être amoureuse de lui, dit-elle encore aujourd’hui. Ça m’a tellement perturbée de tomber amoureuse de lui.”

    Un an et demi plus tard, Malcolm lui fait sa demande en mariage sur Internet, par une campagne virale qui a les honneurs de la page d’accueil [du forum] Reddit. Après leur mariage, Simone, encouragée par le MBA de son mari à Stanford, décroche un diplôme en technologies et politiques publiques à Cambridge. Et c’est après une mission auprès d’un fonds de capital-risque en Corée du Sud, un pays où le taux de fécondité est tombé à [0,78] enfant par femme, que Malcolm est rentré obsédé par la “catastrophe démographique” à venir.

    Avoir entre 7 et 13 enfants


    Il avait abordé le sujet dès leur deuxième rendez-vous, mais cette fois la décision est prise : ils auront entre 7 et 13 enfants. Étant donné leur âge déjà un peu avancé pour un tel projet, et les problèmes d’infertilité de Simone, le couple doit passer par des démarches de congélation embryonnaire. En 2018, année restée pour eux “l’année de la récolte”, Simone et Malcolm se sont ainsi attelés à la production et à la congélation du plus grand nombre possible d’embryons viables.


    Après la cinquième FIV, Simone tombe sur un podcast où [le physicien américain] Stephen Hsu parle de sa société Genomic Prediction. Si beaucoup de FIV passent aujourd’hui par un diagnostic préimplantatoire visant à détecter des anomalies génétiques, notamment la trisomie 21 ou des maladies monogéniques comme la mucoviscidose, il est beaucoup plus récent de voir certains médecins proposer des dépistages génétiques plus ciblés. Les techniques avancées de génie génétique, notamment celles utilisant l’outil de modification du génome CrispR, ont beau être interdites dans nombre de pays, le criblage génétique préimplantatoire est un champ encore non encadré par la FDA, l’autorité de santé américaine.
    Classer des embryons sur un tableur


    Les Collins décident donc d’entamer une sixième FIV afin de profiter des services de Genomic Prediction. Le dépistage Life View évalue expressément les risques pour 11 maladies polygéniques (ou multifactorielles, dont la schizophrénie et cinq types de cancer), mais le laboratoire se propose aussi de mettre à disposition des Collins l’ensemble des données génétiques brutes. Données que Simone et Malcolm décident de confier à SelfDecode, société spécialisée dans les tests ADN sur des adultes, pour y décrypter ce qu’ils appellent “les trucs marrants”.

    Assise dans le canapé, Simone sort un tableur rempli de chiffres rouges et verts. Chaque ligne désigne l’un des embryons de la sixième FIV, tandis que les colonnes listent divers facteurs de risque, de l’obésité aux troubles cardiaques en passant par les maux de tête. Mais les Collins se sont surtout intéressés à des points parmi les plus controversés, ce qu’ils appellent les “traits adjacents de psychologie et de performance”, à savoir le stress, les baisses d’humeur chroniques, le “brouillard cérébral”, les sautes d’humeur, la fatigue, l’anxiété et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

    Les dépistages qu’ils avaient choisis indiquaient également le risque d’autisme mais, un trouble du spectre autistique ayant été diagnostiqué à Simone, le couple a décidé de ne pas en tenir compte. Pour Simone, son autisme s’assimile à “une voiture de course aux réglages subtils”. Elle reconnaît pouvoir se trouver en difficulté dans certaines situations “du monde réel”, mais confie : “Quand je suis lancée, tant que j’ai mon stand de ravitaillement et le bon carburant…”

    “… Elle sème tous ses adversaires”, termine pour elle Malcolm.

    “Je ne suis pas à l’aise avec l’idée de faire de la discrimination contre une particularité mentale un peu extrême, quelle qu’elle soit, poursuit-il. Sauf s’il s’agit vraiment d’une déficience grave.”

    THOM LEACH/SCIENCE PHOTO LIBRARY/AFP

    Une discipline scientifique contestée


    Fort d’un grand nombre de colonnes en vert, l’embryon numéro 3 est choisi pour devenir le troisième enfant des Collins : ce sera Titan Invictus [née à la fin de 2022] – bel exercice de déterminisme onomastique, dira-t-on.

    Malgré toutes ces précautions, il n’est pas garanti pour autant que les Collins tireront avec leur progéniture le gros lot génétique. La génétique comportementale, discipline récente étudiant les interactions entre génotype et comportements, est très contestée, voire rejetée pour les dangers éthiques qu’elle comporte. Et les liens entre patrimoine génétique et capacités cognitives en particulier sont hautement controversés.

    Sur Internet, les Collins eux-mêmes ont été surnommés les “hipsters de l’eugénisme” : “C’est génial !” réagit Simone, quand je le leur apprends. “Malcolm va vouloir nous faire des cartes de visite, c’est sûr : ‘Simone et Malcolm Collins, hipsters de l’eugénisme’”, s’amuse-t-elle.

    “C’est drôle de voir à quel point les gens ont peur de se faire accuser de nazisme”, s’étonne Simone : eux ne cherchent rien de plus qu’à améliorer leurs embryons – en plus, sa propre grand-mère, qui était juive, a dû fuir la France occupée. “Je n’élimine pas des gens. D’accord, je fais des éliminations dans mon propre patrimoine génétique, mais cela ne concerne que Malcolm et moi.”

    Selon la revue médicale The Lancet, d’ici à 2100, 183 des 195 pays du monde devraient voir leur natalité tomber sous le seuil de renouvellement des générations, qui est de 2,1 enfants par femme. Même des pays comme la Chine et l’Inde, longtemps aux prises avec la surpopulation, connaîtront dans les années à venir un retournement de tendance.

    Mais les démographes battent en brèche l’inquiétude des populationnistes, et rappellent que les migrations internationales venues de pays en croissance démographique permettront de stabiliser les choses à l’échelle mondiale. D’autres dénoncent aussi des préoccupations qui détournent l’attention de sujets plus urgents, comme la crise climatique ou les inégalités dans le monde.
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    • #3
      Recul des droits reproductifs


      Pour autant, redoutant les conséquences économiques d’une pyramide des âges qui prend la forme d’un champignon, c’est-à-dire d’une population où les vieux deviennent nettement plus nombreux que les jeunes, certains États ont commencé à prendre des mesures drastiques. “Des pays revoient à la baisse leurs exigences en matière d’accès au planning familial, d’autres restreignent le droit à l’avortement, ou interdisent l’éducation sexuelle à l’école, ou encouragent des stéréotypes de genre qui sapent les libertés des femmes et l’égalité entre les sexes”, écrit Michael Herrmann, conseiller en économie et en démographie au Fonds des Nations unies pour la population.

      Les choses changent aussi du côté des investisseurs, qui, des décennies durant, ont snobé le marché de la femtech [contraction de female et de technology, champ dédié à l’amélioration de la santé des femmes]. Martin Varsavsky, entrepreneur dans le secteur du traitement de la stérilité et lui-même père de 7 enfants, se souvient qu’en 2016 il a eu “beaucoup de mal” à trouver des investisseurs. Mais aujourd’hui, alors que de plus en plus de couples à hauts revenus se rendent compte, à 30 ou 40 ans, qu’il est trop tard pour qu’ils atteignent leurs objectifs reproductifs, les investissements coulent à flots dans tout le secteur, de la FIV aux utérus artificiels. “Le XXe siècle, c’était l’atome et l’informatique”, résume un investisseur de Genomic Prediction.

      “Le XXIe siècle, c’est la biologie et les bébés.”
      Simone et Malcolm ne sont pas très étonnés quand je leur dis qu’à 31 ans je n’ai qu’une seule amie proche déjà maman. Selon les chiffres du Bureau du recensement, l’âge médian des Américaines à la naissance de leur premier enfant a dépassé la barre symbolique des 30 ans en 2019, alors qu’il était encore de 27 ans en 1990. Ce qui inquiète les Collins, ce n’est pas seulement que les couples attendent plus longtemps avant d’avoir des enfants. Ils redoutent surtout qu’avec l’évolution des mentalités et de la société beaucoup décident de ne pas en avoir du tout.

      En 2021, une étude menée dans 10 pays a établi que 40 % des 16-25 ans hésitaient à avoir des enfants en raison du changement climatique. Les Collins redoutent même que ces gens qui ne veulent pas d’enfant soient aussi ceux attachés aux droits des homosexuels, à l’éducation des femmes, à l’engagement dans la lutte pour le climat. Or ces engagements étant à leurs yeux codés génétiquement, ce sont des valeurs qui risquent de disparaître si leurs défenseurs ne se reproduisent pas.

      On pourrait penser que les pronatalistes sont contre l’avortement, pourtant tous ceux rencontrés pour cet article se présentent comme des partisans de l’interruption volontaire de grossesse. C’est que, dans une société où l’avortement serait strictement interdit, la FIV, qui passe forcément par la destruction d’embryons fécondés, serait elle aussi menacée.

      Un élitisme revendiqué


      Mais, attention, les Collins ne veulent pas du tout que n’importe qui, dans les pays à faible natalité, se mette à faire 7 enfants ou plus. Non, ils considèrent plutôt qu’une élite, à laquelle ils appartiennent, doit se charger d’intensifier sa reproduction afin de compenser la natalité insuffisante des autres Américains.

      Simone me fait visiter leur ferme et me montre l’une des nombreuses particularités de la demeure : les toilettes installées dans un coin de son bureau, qui lui ont permis, pendant ses grossesses, en cas de nausées matinales, d’aller vomir discrètement pendant ses réunions en visio. C’est que les Collins ont vu des investisseurs potentiels se retirer quand ils ont su que le couple entendait avoir beaucoup d’enfants. “Les gens qui disent qu’on ne peut pas tout avoir, [Simone] déteste ça”, explique Malcolm.

      Un peu plus d’un mois après mon passage en Pennsylvanie, Simone m’envoie toute une série d’infos et de documents sur la naissance de Titan Invictus, dont un selfie d’elle alitée à la maternité, bébé dans les bras, les lèvres impeccablement maquillées de son rouge préféré. Après un accouchement par césarienne le vendredi, elle avait repris le travail dès le lundi, dans ses horaires habituels.

      Le prochain transfert d’embryon est déjà programmé. “Tout ce que nous faisons, c’est essayer de donner les meilleures chances à nos enfants”, se justifie Malcolm. Il se trouve seulement que lui et Simone sont convaincus que leurs enfants sont aussi la meilleure chance de l’humanité.

      Julia Black

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