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Grigori Perelman : Le génie qui s'est retiré du monde

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  • Grigori Perelman : Le génie qui s'est retiré du monde

    Maths. Le Russe Grigori Perelman a résolu l'énigme du siècle, mais vit en ermite. Enquête sur un phénomène.

    De nos envoyés spéciaux Marc Nexon et Katia Swarovskaya
    Publié le 30/09/2010 à 15h16

    Pour se rendre chez lui, il faut descendre à la station de métro Kupchino, dans la banlieue sud de Saint-Pétersbourg. Son immeuble est semblable à tous les autres. Une barre de HLM de neuf étages recouverte d'une faïence grise. Des graffitis sont dessinés sur la porte d'entrée. Un vieux matelas traîne dans l'allée. Dans la cage d'escalier, seule sa boîte aux lettres est entrouverte. Des factures s'y entassent. Les marches en ciment mènent au sixième étage jusqu'à la porte de l'appartement n°355. C'est ici qu'il habite. Seul avec sa mère. Dans un trois-pièces de 65 mètres carrés.


    Grigori Perelman, 44 ans, vit en reclus. Une vie qu'il a choisie. Mais qui aurait pu être tout autre.

    Car l'homme est un génie des mathématiques. Parvenu à résoudre l'une des plus grandes énigmes du siècle : la conjecture de Poincaré." Un travail stupéfiant ! Un cadeau extraordinaire fait à l'humanité ", s'extasie le mathématicien français Cédric Villani, lui-même décoré en août de la médaille Fields, l'équivalent du prix Nobel." Il a décroché le Graal capable de nous éclairer un jour sur la forme de l'Univers ", renchérit Michel Boileau, un spécialiste de la géométrie.

    Perelman a bûché seul, enfermé durant huit ans. Avant de livrer sa preuve en 2002... Et de retourner dans l'ombre. Car l'ermite aux cheveux broussailleux, à la barbe hirsute et aux ongles démesurément longs refuse tout. Les honneurs et l'argent.






    Surtout l'argent. Comme le million de dollars offert par la Fondation Clay, un institut américain décidé à récompenser ceux qui perceront les " sept problèmes mathématiques du millénaire ". Dont la conjecture de Poincaré. En juin, Perelman exprime officiellement sa position." Après avoir pesé le pour et le contre, je décline le prix ", dit-il dans un communiqué lapidaire adressé à une agence russe. Une demi-surprise. En 2006, il refuse déjà la prestigieuse médaille Fields." Il est d'une haute exigence morale et rejette le marchandage des théorèmes ", explique Sergueï Roukchine, son ancien éducateur, à la tête de l'un des clubs de maths les plus réputés de Saint-Pétersbourg." Il a gravi l'Everest de la discipline et accompli son rêve, renchérit Valery Ryzhik, son ancien professeur de maths.Il est vidé et veut qu'on le laisse en paix . "

    Liste de courses. Il suffit de l'appeler à son domicile et la réponse tombe comme un couperet." Je ne donne pas d'interview ", dit-il d'une voix rocailleuse." Mais comment allez-vous ? " insiste son interlocuteur." Je vous adresse toutes mes salutations ", conclut-il. Ses voisins n'en savent guère plus." Je suis dans l'immeuble depuis trente ans et je n'ai échangé que des bonjours avec lui ", raconte sa voisine de palier, occupée à faire uriner son pékinois sur un carré d'herbe. Une autre locataire intervient : " Il ne sort presque pas. L'autre jour, je lui ai dit : l'été est chaud, n'est-ce pas ? Il m'a répondu : oui, il est chaud. "" Il est poli et galant, ajoute Maria, l'occupante du huitième étage.J'ai même pensé à lui demander des cours de maths, mais son apparence me fait peur. "

    Il est 16 heures. Et le voilà, soudain, qui sort de l'immeuble. D'un pas boitillant mais rapide, Perelman traverse les rails du tramway. Il porte un pantalon trop court, des baskets noires, un pull à col roulé gris et une veste en laine." Niet, niet... ", répond-il, agacé, face à une nouvelle demande d'entretien. Il entre dans un kiosque à journaux, consulte les unes de deux quotidiens russes puis repart." Depuis deux ans, il ne m'a jamais rien acheté ", confie la vendeuse. Le voilà à présent dans les rayons d'une supérette. Une scène étonnante a lieu. L'homme doté de l'une des plus puissantes capacités d'analyse sort une liste de courses ! Et remplit son panier de six ingrédients : des abricots secs, du thé vert, du pain noir, des graines de sarrasin puis des pommes et des oranges " en promotion ". Il file dans un autre magasin et achète, cette fois, une brique de lait. Tout en veillant à faire l'appoint. Sa dépense de la journée ? 6 euros." Quel dommage de voir un tel savant se nourrir aussi peu ! " lance une caissière habituée à ses passages. Vingt minutes plus tard, le mathématicien regagne son appartement. Celui qu'il a toujours connu...






    Il inquiète sa mère. Car Perelman a grandi dans le quartier, au sein d'une famille juive. Au temps de l'URSS, sa mère, Ludmila, enseigne les maths dans un lycée technique. Son père est ingénieur en électricité et abreuve son fiston de manuels de physique. Dès l'âge de 11 ans, le jeune Grigori excelle dans les sciences. Mais aussi dans le violon. Et dans les autres matières." Je me souviens de l'une de ses interventions sur la crise pétrolière, c'était un exposé d'adulte ", raconte Valentina Berdova, son ancienne prof de géographie. L'élève devient un bourreau de travail. Au point d'inquiéter sa mère." Qu'avez-vous fait avec mon fils ? Il refroidit le thermomètre pour aller à l'école quand il est malade ! " lance-t-elle un jour, furieuse. Seul écart de conduite : sa tenue vestimentaire. " Grisha ", comme on l'appelle, s'en moque. Il boutonne son gilet de travers, ne lace pas ses chaussures et oublie ses chaussettes en hiver.


    A 14 ans, il entre à l'école 239 de Leningrad (aujourd'hui-Saint-Pétersbourg), spécialisée dans les maths. Le miracle continue. Assis au fond de la classe, il se concentre en se balançant d'avant en arrière ou en fredonnant un air." Je ne lui donnais la parole qu'à la fin, car il avait toujours la bonne réponse, explique l'enseignant Valery Ryzhik.Ma récompense, c'était de le voir lever les yeux vers le tableau et s'intéresser à ce que j'inscrivais. " A 16 ans, c'est déjà l'apothéose. Perelman remporte les Olympiades internationales de mathématiques, regroupant trente pays. Grâce à une copie sans fautes." Il était convaincu qu'il les gagnerait ", se souvient Alexandre Abramov, l'un de ses coachs de l'époque. C'est à cette date qu'il décide de se laisser pousser les ongles. Jusqu'à 5 centimètres de longueur." Les gens font bien pousser des oignons sur leurs balcons ! " rétorque-t-il à ceux qui l'interrogent sur son étrange attitude. Au même moment, il enseigne dans les camps d'été des clubs de maths." Il était autoritaire et menaçait de priver de déjeuner les enfants incapables de résoudre un problème ", raconte son mentor Sergueï Roukchine.

    " Des purs ". A l'université de mathématiques et de mécanique de Saint-Pétersbourg, le prodige se surpasse. Avec un domaine de prédilection : la géométrie." Je lui ai demandé un jour de m'aider, mais je n'ai rien compris à ses explications, raconte Sergueï Tokarev, une ancienne connaissance de fac.On le sollicitait seulement si la réponse n'était dans aucun manuel. "" Ce n'était pas la peine de l'inviter à boire une bière, ajoute un autre condisciple, Vassili Slobodinski.son esprit était ailleurs . " " On pouvait passer deux heures sur un quai de métro à mettre au point la meilleure méthode d'enseigner le raisonnement par récurrence ", raconte Evgueni Abakoumov, l'un de ses partenaires des camps d'été. Et les filles ?" Il ne s'y intéressait pas ", ajoute Vassili.

    Arrive ensuite la voie royale : l'Institut de recherche Steklov de Saint-Pétersbourg. Et puis, à 26 ans, Perelman s'envole pour les Etats-Unis. Durant trois ans, il donne des conférences dans les meilleures universités. Toujours vêtu de la même veste de velours brune achetée d'occasion. A New York, il loue un petit studio meublé d'une table et d'une armoire. Et se rend tous les jours à Brooklyn dans un magasin russe pour acheter du pain noir et du lait fermenté. Sa mère finit par le rejoindre. Mais la conjecture de Poincaré le hante. Il est temps de rentrer. A son retour, ses collègues le sondent sur ses travaux. Il entretient le flou." Je réfléchis à des problèmes importants ", dit-il. Il se terre chez lui. Concentré à l'extrême." Dans ces moments-là, on regarde beaucoup son plafond ", confie le mathématicien Gérard Besson.








    Le choc survient en novembre 2002. Perelman énonce sa solution sur Internet dans trois textes de 59 pages. Aux Etats-Unis, Richard Hamilton, un mathématicien de renom, reçoit la nouvelle comme une gifle. C'est lui qui a posé les premières pièces du puzzle de la conjecture de Poincaré, vingt ans auparavant. Mais, depuis, il patine. Or voilà qu'un Russe à peine connu surgit avec une approche révolutionnaire, en partie fondée sur la physique et la thermodynamique. Et ça marche ! En Chine aussi, la découverte dérange. Des équipes s'échinent à déceler la faille. En vain." Il nous a fallu six mois pour comprendre le raisonnement de son premier document, mais il avait pensé à tout ", admet Gérard Besson, membre de l'une des quatre équipes internationales chargées de décrypter les résultats de Perelman. Après quatre ans de vérifications et mille pages de rapports, le verdict tombe : le mystère de la conjecture est levé.

    " Ce qui est fantastique, c'est qu'il a accompli ça tout seul ", souligne Anatoli Verchik, président de la société de mathématiques de Saint-Pétersbourg.

    Seulement, l'euphorie n'y est pas. Perelman vit mal les tergiversations et les jalousies de ses homologues." Pour lui, les mathématiciens doivent être des purs ", explique Sergueï Roukchine. Alors, de retour à l'institut Steklov, Perelman se replie sur lui-même." On mettait du thé et des biscuits sur la table, mais il préférait rester assis là-bas, au fond ,devant son ordinateur ", raconte un collègue de travail en désignant un petit bureau en Formica.

    Pourtant, le savant phosphore toujours. Il cherche la concentration en faisant rebondir une balle de tennis contre un mur. A d'autres moments, il monte et descend les escaliers sans relâche.

    " Désenchanté ". En 2005, c'est le divorce. Il présente sa démission de l'Institut Steklov. Et annonce son retrait du monde des maths. Il exige que l'on détruise son courrier." Je n'ai pas d'amis et je suis désenchanté ", lance-t-il." Je lui ai dit qu'il pourrait revenir à tout moment, mais il m'a répondu que c'était peu probable ", raconte le directeur, Sergueï Kisliakov.

    Que fait-il aujourd'hui ? Nul ne le sait. Il vit grâce à l'argent gagné aux Etats-Unis au début des années 90." Je peux tenir plusieurs années sans salaire ", a-t-il confié. Le 14 septembre, il est revenu accompagné de sa mère d'un séjour de plusieurs semaines en Suède, où vit sa soeur cadette, Léna, employée dans un organisme de recherche. Le seul déplacement à l'étranger qu'il s'autorise désormais. Il se rend aussi à l'Opéra, une vieille passion, parfois vêtu d'un costume et d'un chapeau noir." Il y a un an, je l'ai appelé pour qu'il m'aide à résoudre un petit problème de géométrie, raconte le prof Valery Ryzhik.Il m'a répondu qu'il ne s'intéressait plus à ça. "

    Valentina Berdova, l'ancienne enseignante, prend aussi de ses nouvelles." Tu étais si gentil autrefois... ", lui glisse-t-elle en juin au téléphone." Je me suis fait avoir ", répond-il laconiquement." On dit que tu as des dettes ? - Je n'ai pas besoin d'argent. "" Tu as la télé ? - Oui. "" Tu as vu les émissions à ton sujet ? - Non. " Elle lui parle aussi d'une jolie femme qu'elle aimerait lui présenter." Sur cette question, je me débrouille très bien tout seul ", coupe-t-il. Elle évoque enfin un homme qui prétend soigner tous les cancers." Je ne traite pas avec les fous ! "



    Reste une interrogation : a-t-il réellement cessé de travailler ? Beaucoup en doutent." Il m'a révélé, il y a trois ans, qu'il " faisait des choses " et qu'il était trop tôt pour en parler ", dit Iakov Eliashberg, qui l'a connu à l'université de Berkeley. Alors, une hypothèse surgit : et s'il s'attelait à résoudre une deuxième énigme du millénaire ? Celle de Navier-Stokes sur l'écoulement des fluides. Un sujet qui l'intriguait. Mikhaïl Gromov, son ancien maître de conférences, est catégorique : " Il en a les capacités. "



    Dernière modification par sako, 04 février 2024, 00h11.

  • #2
    La conjecture de Poincaré

    On savait qu'en dimension 2 une surface à trous ne pouvait être déformée en une surface sphérique. La conjecture de Poincaré, posée en 1904 par le mathématicien français Henri Poincaré, établit cette hypothèse en dimension 3. Grigori Perelman la démontre en expliquant qu'un objet à trous ne peut se transformer en sphère.

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    L'ermite des maths


    Princeton, Berkeley, MIT... Toutes les grandes universités américaines lui ont lancé des offres afin qu'il s'installe définitivement aux Etats-Unis. Grigori Perelman les a toutes refusées." Je l'ai même appelé pour lui demander de m'envoyer un CV, raconte Iakov Eliashberg, un professeur de Berkeley.Sa réponse ? " S'ils connaissent mes travaux, ils n'ont pas besoin de CV. S'ils ont besoin d'un CV, ils ne connaissent pas mes travaux." "






    Le Point . fr
    Dernière modification par sako, 04 février 2024, 00h08.

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    • #3
      Il a répondu une fois pourquoi il a refusé le prix en disant '' Je n'aime pas etre exposé comme un animal dans une zoo''. Il est trés humble et n'aime pas la célébrité.

      Les gens vides cherchent la célébrité par tous les moyens. Des Tik tokeurs font n'importe quoi pour le buzz. Il y en a qui ont craché leur propre avion sur la terre juste pour chercher le buzz.

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      • #4
        Un vrai gâchis,

        Les solitaires ont souvent du mal à gérer la célébrité et l'exposition aux médias, ils s'isolent pour se protéger au risque de tout gâcher.

        il me fait penser à un autre génie , le mathématicien Français d'origine russe, Alexandre Grothendieck, qui a fini sa vie en ...Ermite au sud de la France..





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        • #5
          Ce mathématicien Français , on dirait il portait un Jalaba Maghrébine dans la deuxieme photo.

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          • #6
            En effet, on dirait une Djellaba Algérienne

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