Algérie France: Sans état d'âme ?
par Ghania Oukazi, 22/09/2010
Le dénouement de l'affaire du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni a provoqué le dégel de la relation algéro- française après l'avoir sclérosée pendant près de deux ans.
L'affaire Hasseni aura défrayé la chronique tant il est vrai qu'elle a été menée par les autorités policières françaises d'une manière tout à fait contraire aux usages universels consacrés aux statuts diplomatiques. En effet, l'arrestation du diplomate algérien à sa descente d'avion, sur le tarmac de l'aéroport de Marseille, en août 2008, était en principe illégale, étant entendu que le mis en cause jouissait de l'immunité diplomatique. Hasseni était, faut-il le rappeler, en fonction au niveau du ministère des Affaires étrangères, un ministère de souveraineté nationale de surcroît, et occupait le poste de directeur du protocole.
C'est en évidence cette affaire qui a paralysé les relations algéro-françaises. Alger avait beau rouspéter sur la manière avec laquelle elle a été diligentée par les Français, en vain, Paris est resté sourd à ces appels qui émanaient des plus hautes autorités du pays, du Palais même d'El-Mouradia. C'est la bévue - une de plus - que la France n'aurait pas dû commettre à l'égard d'un partenaire qu'elle qualifie pourtant «de privilégié et de stratégique».
Juristes et diplomates s'entendent à préciser qu'au cas où un diplomate, de quelque pays qu'il soit, pèseraient sur lui des soupçons d'un délit quelconque, il ne peut être arrêté dans un pays étranger avec une manière aussi cavalière. Les procédures judiciaires dans pareil cas sont claires et se ressemblent toutes à travers le monde. L'on note ainsi, que si Hasseni était coupable d'avoir participé dans l'assassinat en 1987 de maître Mecili, les autorités françaises avaient toute latitude de le déclarer «persona non grata» comme il est d'usage à travers le monde dans une affaire de stature diplomatique. Le dossier aurait été ainsi classé sous le sceau «de la raison d'Etat». Au regard du cheminement qui lui a été tracé, il semble que la France a refusé de recourir à une telle procédure.
Le cas de Hasseni semble assurément une carte que Paris a sortie pour faire pression sur le gouvernement algérien qui a fait savoir officiellement et publiquement qu'il cherchait à diversifier ses partenaires économiques. Une telle annonce à un moment où le président de la République annonçait le dépôt d'une mise de l'Etat algérien de plus de 21.214 milliards de dinars pour l'exécution de son programme quinquennal 2010-2014, soit plus de 286 milliards de dollars, a incontestablement troublé les esprits français qui pensent avoir comme «un droit d'aînesse» sur l'Algérie, de par la longue et douloureuse histoire qui lie les deux pays. L'affaire Hasseni avait donc ouvert un front supplémentaire en plus de ceux attisés par les effets indélébiles et désastreux de la colonisation.
Les mauvais effets d'une désinvolture
Des sources bien au fait de ce lourd contentieux affirment que la France de Sarkozy a agité ainsi l'affaire Hasseni en vue de faire plier les autorités algériennes pour qu'elles cèdent sans trop de contraintes, des parcelles des nombreux marchés économiques nationaux. L'envoi de Hasseni devant la justice française après son arrestation en 2008 a cependant amplement contribué à grossir la discorde entre les deux pays. Paris a ainsi préféré provoquer Alger alors qu'il aurait pu régler cette fâcheuse histoire sans malveillance.
L'on fait remarquer au niveau des sphères décisionnelles algériennes que les autorités françaises n'ont pas véritablement mesuré l'effet de la désinvolture dont elles ont fait preuve vis-à-vis d'un pays qui a toujours nourri une jalousie morbide à l'égard de sa souveraineté.
La contre-attaque d'Alger ne s'est fait ni attendre ni discrète. La loi de finances complémentaire de 2009 a consacré des dispositions qui ont profondément perturbé la présence économique française en Algérie. Le nombre de produits français importés par les Algériens a considérablement baissé. Le branle-bas de combat qui s'est déclaré au port de Marseille dès l'entrée en vigueur de la loi en question a montré le malaise dans lequel ont été plongés les entrepreneurs français. De nombreuses correspondances sont parvenues de la France à l'Algérie pour tenter de faire changer d'avis au gouvernement et lui faire lever le pied sur les restrictions qu'il a décidées. Mais plus les Français insistaient auprès des Algériens pour leur faire réviser leur position, plus ils les affirmaient encore plus. Ceci, tant que l'affaire Hasseni n'était pas encore résolue.
Paris opte pour «le pragmatisme»
C'était un véritable bras de fer qui s'était installé entre les deux parties. Alger avait refusé un grand nombre de visites d'officiels français. Le président Bouteflika avait annulé sa visite en France. Rares sont les responsables français qui sont passés à travers les mailles du filet du refus algérien de les recevoir, à l'exemple de Guéant, ce décideur au niveau de l'Elysée n'avait eu pour sa première visite à Alger que le Premier ministre comme interlocuteur. Guéant avait demandé à rencontrer Bouteflika mais ce dernier avait refusé catégoriquement. Le chef de l'Etat avait décidé de faire d'Ouyahia le seul interlocuteur des Français alors qu'il savait pertinemment que certains de leurs milieux officiels et d'affaires avaient demandé sa tête. Ouyahia était accusé par Paris d'avoir élaboré une loi de finances qui remettait en cause ses intérêts économiques.
Ce n'est que l'été dernier que l'affaire Hasseni a trouvé son épilogue. Elle a été sortie du dédale de la justice française. Une fois le diplomate blanchi, les esprits semblent devenus sereins. L'effet de la relaxe du diplomate algérien sur les relations entre les deux pays a été instantané. La désignation par le président français de l'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, pour prendre en main le dossier «Algérie» a tout de suite été rendue publique par l'Elysée. La secrétaire d'Etat française au Commerce a passé dimanche et lundi derniers à Alger pour faire part de la volonté de Paris de cautionner d'importants projets d'investissements. La loi de finances 2009 devient subitement un lointain souvenir même si ses dispositions les plus contraignantes ont été confirmées par la loi de finances complémentaire pour 2010. «Les entreprises françaises ne sont pas là pour faire passer un message de récrimination, ni de doléances, encore moins de jugement, c'est un message pragmatique tourné vers les projets», a déclaré Anne-Marie Idrac à ce propos. Le maître-mot de la reprise avec l'Algérie pour laquelle plaide fortement la France est «pragmatisme». Il reviendra souvent dans la bouche de la responsable française.
L'Algérie devrait-elle faire autant en faisant preuve de pragmatisme et en laissant de côté ses imprévisibles états d'âme. Elle devrait notamment s'abstenir de réclamer les excuses de la France coloniale. Elle gardera ainsi intacte la place honorable et prestigieuse qu'occupe la guerre de libération nationale dans l'Histoire des peuples et des nations de l'Humanité tout entière.
par Ghania Oukazi, 22/09/2010
Le dénouement de l'affaire du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni a provoqué le dégel de la relation algéro- française après l'avoir sclérosée pendant près de deux ans.
L'affaire Hasseni aura défrayé la chronique tant il est vrai qu'elle a été menée par les autorités policières françaises d'une manière tout à fait contraire aux usages universels consacrés aux statuts diplomatiques. En effet, l'arrestation du diplomate algérien à sa descente d'avion, sur le tarmac de l'aéroport de Marseille, en août 2008, était en principe illégale, étant entendu que le mis en cause jouissait de l'immunité diplomatique. Hasseni était, faut-il le rappeler, en fonction au niveau du ministère des Affaires étrangères, un ministère de souveraineté nationale de surcroît, et occupait le poste de directeur du protocole.
C'est en évidence cette affaire qui a paralysé les relations algéro-françaises. Alger avait beau rouspéter sur la manière avec laquelle elle a été diligentée par les Français, en vain, Paris est resté sourd à ces appels qui émanaient des plus hautes autorités du pays, du Palais même d'El-Mouradia. C'est la bévue - une de plus - que la France n'aurait pas dû commettre à l'égard d'un partenaire qu'elle qualifie pourtant «de privilégié et de stratégique».
Juristes et diplomates s'entendent à préciser qu'au cas où un diplomate, de quelque pays qu'il soit, pèseraient sur lui des soupçons d'un délit quelconque, il ne peut être arrêté dans un pays étranger avec une manière aussi cavalière. Les procédures judiciaires dans pareil cas sont claires et se ressemblent toutes à travers le monde. L'on note ainsi, que si Hasseni était coupable d'avoir participé dans l'assassinat en 1987 de maître Mecili, les autorités françaises avaient toute latitude de le déclarer «persona non grata» comme il est d'usage à travers le monde dans une affaire de stature diplomatique. Le dossier aurait été ainsi classé sous le sceau «de la raison d'Etat». Au regard du cheminement qui lui a été tracé, il semble que la France a refusé de recourir à une telle procédure.
Le cas de Hasseni semble assurément une carte que Paris a sortie pour faire pression sur le gouvernement algérien qui a fait savoir officiellement et publiquement qu'il cherchait à diversifier ses partenaires économiques. Une telle annonce à un moment où le président de la République annonçait le dépôt d'une mise de l'Etat algérien de plus de 21.214 milliards de dinars pour l'exécution de son programme quinquennal 2010-2014, soit plus de 286 milliards de dollars, a incontestablement troublé les esprits français qui pensent avoir comme «un droit d'aînesse» sur l'Algérie, de par la longue et douloureuse histoire qui lie les deux pays. L'affaire Hasseni avait donc ouvert un front supplémentaire en plus de ceux attisés par les effets indélébiles et désastreux de la colonisation.
Les mauvais effets d'une désinvolture
Des sources bien au fait de ce lourd contentieux affirment que la France de Sarkozy a agité ainsi l'affaire Hasseni en vue de faire plier les autorités algériennes pour qu'elles cèdent sans trop de contraintes, des parcelles des nombreux marchés économiques nationaux. L'envoi de Hasseni devant la justice française après son arrestation en 2008 a cependant amplement contribué à grossir la discorde entre les deux pays. Paris a ainsi préféré provoquer Alger alors qu'il aurait pu régler cette fâcheuse histoire sans malveillance.
L'on fait remarquer au niveau des sphères décisionnelles algériennes que les autorités françaises n'ont pas véritablement mesuré l'effet de la désinvolture dont elles ont fait preuve vis-à-vis d'un pays qui a toujours nourri une jalousie morbide à l'égard de sa souveraineté.
La contre-attaque d'Alger ne s'est fait ni attendre ni discrète. La loi de finances complémentaire de 2009 a consacré des dispositions qui ont profondément perturbé la présence économique française en Algérie. Le nombre de produits français importés par les Algériens a considérablement baissé. Le branle-bas de combat qui s'est déclaré au port de Marseille dès l'entrée en vigueur de la loi en question a montré le malaise dans lequel ont été plongés les entrepreneurs français. De nombreuses correspondances sont parvenues de la France à l'Algérie pour tenter de faire changer d'avis au gouvernement et lui faire lever le pied sur les restrictions qu'il a décidées. Mais plus les Français insistaient auprès des Algériens pour leur faire réviser leur position, plus ils les affirmaient encore plus. Ceci, tant que l'affaire Hasseni n'était pas encore résolue.
Paris opte pour «le pragmatisme»
C'était un véritable bras de fer qui s'était installé entre les deux parties. Alger avait refusé un grand nombre de visites d'officiels français. Le président Bouteflika avait annulé sa visite en France. Rares sont les responsables français qui sont passés à travers les mailles du filet du refus algérien de les recevoir, à l'exemple de Guéant, ce décideur au niveau de l'Elysée n'avait eu pour sa première visite à Alger que le Premier ministre comme interlocuteur. Guéant avait demandé à rencontrer Bouteflika mais ce dernier avait refusé catégoriquement. Le chef de l'Etat avait décidé de faire d'Ouyahia le seul interlocuteur des Français alors qu'il savait pertinemment que certains de leurs milieux officiels et d'affaires avaient demandé sa tête. Ouyahia était accusé par Paris d'avoir élaboré une loi de finances qui remettait en cause ses intérêts économiques.
Ce n'est que l'été dernier que l'affaire Hasseni a trouvé son épilogue. Elle a été sortie du dédale de la justice française. Une fois le diplomate blanchi, les esprits semblent devenus sereins. L'effet de la relaxe du diplomate algérien sur les relations entre les deux pays a été instantané. La désignation par le président français de l'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, pour prendre en main le dossier «Algérie» a tout de suite été rendue publique par l'Elysée. La secrétaire d'Etat française au Commerce a passé dimanche et lundi derniers à Alger pour faire part de la volonté de Paris de cautionner d'importants projets d'investissements. La loi de finances 2009 devient subitement un lointain souvenir même si ses dispositions les plus contraignantes ont été confirmées par la loi de finances complémentaire pour 2010. «Les entreprises françaises ne sont pas là pour faire passer un message de récrimination, ni de doléances, encore moins de jugement, c'est un message pragmatique tourné vers les projets», a déclaré Anne-Marie Idrac à ce propos. Le maître-mot de la reprise avec l'Algérie pour laquelle plaide fortement la France est «pragmatisme». Il reviendra souvent dans la bouche de la responsable française.
L'Algérie devrait-elle faire autant en faisant preuve de pragmatisme et en laissant de côté ses imprévisibles états d'âme. Elle devrait notamment s'abstenir de réclamer les excuses de la France coloniale. Elle gardera ainsi intacte la place honorable et prestigieuse qu'occupe la guerre de libération nationale dans l'Histoire des peuples et des nations de l'Humanité tout entière.
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