Explosion des coûts pour la Coupe du monde de la FIFA au Canada
Les coûts de modernisation des stades seront plus importants que prévus.

Ouvrir en mode plein écranLe trophée de la Coupe du monde de la FIFA
PHOTO : GETTY IMAGES / PAOLO BRUNO
La présentation à Toronto et à Vancouver de 10 matchs de la Coupe du monde de la FIFA en 2026 est en train de devenir un véritable gouffre financier.
Radio-Canada Sports a appris qu’à elles seules, les prévisions de dépenses du gouvernement fédéral reliées à la présentation de ces 10 matchs avoisinent les 700 millions de dollars.
Si l’on tient compte des contributions des villes et des gouvernements provinciaux concernés, la facture des contribuables canadiens surpassera aisément le milliard de dollars.
Pour comprendre ce qui est en train de se passer, il vaut la peine de rappeler comment la candidature de Montréal a précédemment été gérée par le gouvernement du Québec. Clairement, le gouvernement Legault avait perçu des signaux qui n’ont pas été captés ailleurs au pays.
En juillet 2021, la Ville de Montréal avait causé tout un émoi en annonçant qu’elle renonçait à présenter trois matchs de la Coupe du monde de la FIFA au stade olympique. Cette décision avait été provoquée par le retrait de l’appui financier du gouvernement provincial. À Québec, on s’inquiétait de l’explosion des coûts et du fait que de nombreuses exigences de la FIFA étaient encore inconnues.
En 2018, quand le gouvernement libéral de Philippe Couillard avait donné son appui à l’éventuelle présentation de matchs de la Coupe du monde dans la métropole, les coûts évoqués s’élevaient à quelque 50 millions $ par palier gouvernemental, soit une facture totale de 150 millions $, pour la présentation de six matchs.
Mais en janvier 2021, les exigences de la FIFA avaient déjà fait passer la facture à environ 300 millions $, et ce, même si le nombre de matchs devant être présentés à Montréal avait chuté de moitié. Par ailleurs, ces 300 millions $ ne tenaient pas compte des rénovations onéreuses devant être apportées au stade olympique puisque la FIFA exige, notamment, que les matchs de Coupe du monde soient présentés à ciel ouvert et sur pelouse naturelle. Or, l’histoire des 40 dernières années nous a démontré qu’il n’est jamais simple ou économique de manipuler le toit du stade.

Ouvrir en mode plein écranDes rénovations devaient être apportées au Stade olympique de Montréal pour présenter la Coupe du monde de soccer.
PHOTO : RADIO-CANADA / ALEXANDRE LETENDRE
Dans une lettre adressée à Valérie Plante, la ministre du Tourisme Caroline Proulx avait clairement indiqué en janvier 2021 que le gouvernement du Québec craignait de se retrouver coincé dans un engrenage financier malsain.
En considérant l’importante contribution de 103,4 millions $ attendue de la part du gouvernement du Québec, mais également les nombreux coûts inconnus associés au dossier de candidature d’ici le dépôt d’un cahier de charge final en 2023, je me vois malheureusement dans l’obligation de vous informer que le gouvernement du Québec ne pourra s’engager […], avait signifié la ministre.
Après le désistement de Montréal, la candidature d’Edmonton a été rejetée par la FIFA. Les villes de Toronto et Vancouver ont donc été les seules villes canadiennes sélectionnées, chacune obtenant la présentation de cinq matchs. Outre Toronto et Vancouver, 11 villes américaines et trois villes mexicaines présenteront la centaine de matchs de cette grande compétition.
En juillet 2022, un an après le retrait de la candidature de Montréal, l’administration torontoise avait publié une mise à jour révélant que les prévisions initiales avaient aussi plus que doublé dans la Ville Reine.
Au lieu de devoir allonger entre 30 et 45 millions $ comme cela avait été prévu en 2018, les contribuables torontois avaient appris qu’ils allaient plutôt devoir assumer le tiers d’une facture totale dorénavant estimée à quelque 300 millions $.

Ouvrir en mode plein écranLe BMO Field de Toronto accueillera des matchs de la Coupe du monde de soccer 2026, moyennant une facture totale estimée à quelque 300 millions par l'administration de la Ville Reine.
PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK MORRELL
À 60 millions $ de dépenses publiques par match présenté, la manne de retombées économiques (généreusement estimée à 307 millions $ pour Toronto) devenait alors nettement moins intéressante. Or, même à ce moment, l’évaluation des coûts reliés à la présentation de ces matchs était incomplète.
Bien que rédigé dans un langage neutre et technique, le document publié à l’été 2022 par la Ville de Toronto spécifiait que les engagements financiers du fédéral n’allaient être connus qu’au début de 2023, après qu’une évaluation des coûts de sécurité et des dépenses essentielles ait été complétée par Ottawa.
Ces vérifications ont été faites le printemps dernier. Selon nos sources, l’évaluation de la facture fédérale se situe quelque part entre 650 et 700 millions $.
Si l’on ajoute cette somme aux quelque 100 millions $ de dépenses déjà prévues par chacun des autres joueurs concernés (Toronto, Vancouver ainsi que les gouvernements ontarien et britanno-colombien), on parle au bas mot d’une facture totale de 1,1 milliard $.
C’est ahurissant. Et ce n’est peut-être pas fini.
À partir de là, il sera intéressant de voir de quelle manière seront réparties ces dépenses entre les différents paliers de gouvernement.
Car la politique fédérale en matière de présentation d’événements internationaux interdit à Ottawa d’assumer plus de 35 % des coûts directement reliés à la présentation d’un événement sportif. Par ailleurs, les dépenses fédérales ne peuvent excéder 50 % des dépenses publiques engendrées par la présentation dudit événement international.
C’est la ministre des Sports, Carla Qualtrough, qui porte le dossier de la Coupe du monde au sein du cabinet ministériel. Sur le terrain, c’est Emmanuelle Sajous (sous-ministre adjointe responsable du Sport et des événements majeurs) qui coordonne l’effort du fédéral.

Ouvrir en mode plein écranC’est la ministre des Sports, Carla Qualtrough, qui porte le dossier de la Coupe du monde au sein du cabinet ministériel
PHOTO : (VICTORIA ADKINS/THE ASSOCIATED PRESS)
Dans une note interne adressée à la sous-ministre du Patrimoine, Isabelle Mondou, en février 2023, madame Sajous expliquait qu’environ 20 agences gouvernementales allaient être sollicitées en raison de la tenue de la Coupe du monde de 2026. Et puisqu’aucun montant n’avait encore été alloué pour cet événement, madame Sajous demandait l’autorisation d’officiellement demander aux agences et ministères concernés d’établir leurs prévisions de coûts à temps pour le 30 avril 2023.
C’est à ce moment que des éléments comme la gestion de la frontière et l’établissement d’une stratégie de sécurité sont entrés en jeu. La tenue des matchs de la Coupe du monde nécessitera évidemment le déploiement de mesures de sécurité substantielles dans les deux villes. Mais outre la présentation des matchs, on s’attend à ce que certaines équipes nationales débarquent au Canada plusieurs semaines à l’avance afin de compléter leur préparation. Il faudra évidemment assurer leur sécurité.
Les coûts de modernisation des stades (le BMO Field à Toronto et le BC Place à Vancouver) seront aussi plus importants que prévu, indique-t-on. Pour chacun des stades, des frais surpassant les 200 millions $ auraient été évoqués.
À Toronto, le BMO Field ne répond pas aux exigences de la FIFA en matière de capacité d’accueil. On doit notamment y ajouter 17 756 sièges temporaires, avec toute la structure d’encadrement (toilettes, restauration, etc.) que cela comporte. À Vancouver, la surface de jeu doit être convertie de l’artificiel au naturel, sans oublier le fait que la FIFA exige que des loges de prestige supplémentaires soient construites.
Au début des années 2010, le BC Place avait déjà été rénové au coût de 563 millions $. Ces travaux avaient alors permis, notamment, de doter ce stade d’un toit rétractable.
L’été dernier, la Ville de Seattle a publié l’entente contractuelle qui la lie à la FIFA pour la présentation de trois à huit matchs pour la Coupe du monde de 2026. Ces rencontres auront lieu au domicile des Seahawks de la NFL, le Lumen Field. Cette entente donne une bonne idée du genre d’exigences que la FIFA peut formuler, de même que la vitesse à laquelle les coûts peuvent s’accumuler.
Outre la conversion de la surface de jeu de l’artificiel au naturel, la FIFA exigeait des modifications au système d’éclairage du Lumen Field ainsi qu’une modernisation du système de ventilation, des améliorations aux concessions alimentaires et le retrait de 800 sièges près du terrain pour permettre un agrandissement de la surface de jeu. Le comité organisateur doit par ailleurs s’assurer que le stade soit relié à deux systèmes d’alimentation électrique indépendants ainsi qu’un système de secours afin d’assurer qu’aucun match ne soit retardé ou remis en raison d’une panne électrique.
À Seattle, la FIFA exigeait que les rénovations soient complétées à l’été 2025. Si les exigences sont les mêmes pour les stades canadiens, les autorités concernées vont bientôt devoir présenter des budgets et entreprendre les travaux nécessaires
Les coûts de modernisation des stades seront plus importants que prévus.

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PHOTO : GETTY IMAGES / PAOLO BRUNO
La présentation à Toronto et à Vancouver de 10 matchs de la Coupe du monde de la FIFA en 2026 est en train de devenir un véritable gouffre financier.
Radio-Canada Sports a appris qu’à elles seules, les prévisions de dépenses du gouvernement fédéral reliées à la présentation de ces 10 matchs avoisinent les 700 millions de dollars.
Si l’on tient compte des contributions des villes et des gouvernements provinciaux concernés, la facture des contribuables canadiens surpassera aisément le milliard de dollars.
Pour comprendre ce qui est en train de se passer, il vaut la peine de rappeler comment la candidature de Montréal a précédemment été gérée par le gouvernement du Québec. Clairement, le gouvernement Legault avait perçu des signaux qui n’ont pas été captés ailleurs au pays.
En juillet 2021, la Ville de Montréal avait causé tout un émoi en annonçant qu’elle renonçait à présenter trois matchs de la Coupe du monde de la FIFA au stade olympique. Cette décision avait été provoquée par le retrait de l’appui financier du gouvernement provincial. À Québec, on s’inquiétait de l’explosion des coûts et du fait que de nombreuses exigences de la FIFA étaient encore inconnues.
En 2018, quand le gouvernement libéral de Philippe Couillard avait donné son appui à l’éventuelle présentation de matchs de la Coupe du monde dans la métropole, les coûts évoqués s’élevaient à quelque 50 millions $ par palier gouvernemental, soit une facture totale de 150 millions $, pour la présentation de six matchs.
Mais en janvier 2021, les exigences de la FIFA avaient déjà fait passer la facture à environ 300 millions $, et ce, même si le nombre de matchs devant être présentés à Montréal avait chuté de moitié. Par ailleurs, ces 300 millions $ ne tenaient pas compte des rénovations onéreuses devant être apportées au stade olympique puisque la FIFA exige, notamment, que les matchs de Coupe du monde soient présentés à ciel ouvert et sur pelouse naturelle. Or, l’histoire des 40 dernières années nous a démontré qu’il n’est jamais simple ou économique de manipuler le toit du stade.

Ouvrir en mode plein écranDes rénovations devaient être apportées au Stade olympique de Montréal pour présenter la Coupe du monde de soccer.
PHOTO : RADIO-CANADA / ALEXANDRE LETENDRE
Dans une lettre adressée à Valérie Plante, la ministre du Tourisme Caroline Proulx avait clairement indiqué en janvier 2021 que le gouvernement du Québec craignait de se retrouver coincé dans un engrenage financier malsain.
En considérant l’importante contribution de 103,4 millions $ attendue de la part du gouvernement du Québec, mais également les nombreux coûts inconnus associés au dossier de candidature d’ici le dépôt d’un cahier de charge final en 2023, je me vois malheureusement dans l’obligation de vous informer que le gouvernement du Québec ne pourra s’engager […], avait signifié la ministre.
Après le désistement de Montréal, la candidature d’Edmonton a été rejetée par la FIFA. Les villes de Toronto et Vancouver ont donc été les seules villes canadiennes sélectionnées, chacune obtenant la présentation de cinq matchs. Outre Toronto et Vancouver, 11 villes américaines et trois villes mexicaines présenteront la centaine de matchs de cette grande compétition.
En juillet 2022, un an après le retrait de la candidature de Montréal, l’administration torontoise avait publié une mise à jour révélant que les prévisions initiales avaient aussi plus que doublé dans la Ville Reine.
Au lieu de devoir allonger entre 30 et 45 millions $ comme cela avait été prévu en 2018, les contribuables torontois avaient appris qu’ils allaient plutôt devoir assumer le tiers d’une facture totale dorénavant estimée à quelque 300 millions $.

Ouvrir en mode plein écranLe BMO Field de Toronto accueillera des matchs de la Coupe du monde de soccer 2026, moyennant une facture totale estimée à quelque 300 millions par l'administration de la Ville Reine.
PHOTO : RADIO-CANADA / PATRICK MORRELL
À 60 millions $ de dépenses publiques par match présenté, la manne de retombées économiques (généreusement estimée à 307 millions $ pour Toronto) devenait alors nettement moins intéressante. Or, même à ce moment, l’évaluation des coûts reliés à la présentation de ces matchs était incomplète.
Bien que rédigé dans un langage neutre et technique, le document publié à l’été 2022 par la Ville de Toronto spécifiait que les engagements financiers du fédéral n’allaient être connus qu’au début de 2023, après qu’une évaluation des coûts de sécurité et des dépenses essentielles ait été complétée par Ottawa.
Ces vérifications ont été faites le printemps dernier. Selon nos sources, l’évaluation de la facture fédérale se situe quelque part entre 650 et 700 millions $.
Si l’on ajoute cette somme aux quelque 100 millions $ de dépenses déjà prévues par chacun des autres joueurs concernés (Toronto, Vancouver ainsi que les gouvernements ontarien et britanno-colombien), on parle au bas mot d’une facture totale de 1,1 milliard $.
C’est ahurissant. Et ce n’est peut-être pas fini.
À partir de là, il sera intéressant de voir de quelle manière seront réparties ces dépenses entre les différents paliers de gouvernement.
Car la politique fédérale en matière de présentation d’événements internationaux interdit à Ottawa d’assumer plus de 35 % des coûts directement reliés à la présentation d’un événement sportif. Par ailleurs, les dépenses fédérales ne peuvent excéder 50 % des dépenses publiques engendrées par la présentation dudit événement international.
C’est la ministre des Sports, Carla Qualtrough, qui porte le dossier de la Coupe du monde au sein du cabinet ministériel. Sur le terrain, c’est Emmanuelle Sajous (sous-ministre adjointe responsable du Sport et des événements majeurs) qui coordonne l’effort du fédéral.

Ouvrir en mode plein écranC’est la ministre des Sports, Carla Qualtrough, qui porte le dossier de la Coupe du monde au sein du cabinet ministériel
PHOTO : (VICTORIA ADKINS/THE ASSOCIATED PRESS)
Dans une note interne adressée à la sous-ministre du Patrimoine, Isabelle Mondou, en février 2023, madame Sajous expliquait qu’environ 20 agences gouvernementales allaient être sollicitées en raison de la tenue de la Coupe du monde de 2026. Et puisqu’aucun montant n’avait encore été alloué pour cet événement, madame Sajous demandait l’autorisation d’officiellement demander aux agences et ministères concernés d’établir leurs prévisions de coûts à temps pour le 30 avril 2023.
C’est à ce moment que des éléments comme la gestion de la frontière et l’établissement d’une stratégie de sécurité sont entrés en jeu. La tenue des matchs de la Coupe du monde nécessitera évidemment le déploiement de mesures de sécurité substantielles dans les deux villes. Mais outre la présentation des matchs, on s’attend à ce que certaines équipes nationales débarquent au Canada plusieurs semaines à l’avance afin de compléter leur préparation. Il faudra évidemment assurer leur sécurité.
Les coûts de modernisation des stades (le BMO Field à Toronto et le BC Place à Vancouver) seront aussi plus importants que prévu, indique-t-on. Pour chacun des stades, des frais surpassant les 200 millions $ auraient été évoqués.
À Toronto, le BMO Field ne répond pas aux exigences de la FIFA en matière de capacité d’accueil. On doit notamment y ajouter 17 756 sièges temporaires, avec toute la structure d’encadrement (toilettes, restauration, etc.) que cela comporte. À Vancouver, la surface de jeu doit être convertie de l’artificiel au naturel, sans oublier le fait que la FIFA exige que des loges de prestige supplémentaires soient construites.
Au début des années 2010, le BC Place avait déjà été rénové au coût de 563 millions $. Ces travaux avaient alors permis, notamment, de doter ce stade d’un toit rétractable.
L’été dernier, la Ville de Seattle a publié l’entente contractuelle qui la lie à la FIFA pour la présentation de trois à huit matchs pour la Coupe du monde de 2026. Ces rencontres auront lieu au domicile des Seahawks de la NFL, le Lumen Field. Cette entente donne une bonne idée du genre d’exigences que la FIFA peut formuler, de même que la vitesse à laquelle les coûts peuvent s’accumuler.
Outre la conversion de la surface de jeu de l’artificiel au naturel, la FIFA exigeait des modifications au système d’éclairage du Lumen Field ainsi qu’une modernisation du système de ventilation, des améliorations aux concessions alimentaires et le retrait de 800 sièges près du terrain pour permettre un agrandissement de la surface de jeu. Le comité organisateur doit par ailleurs s’assurer que le stade soit relié à deux systèmes d’alimentation électrique indépendants ainsi qu’un système de secours afin d’assurer qu’aucun match ne soit retardé ou remis en raison d’une panne électrique.
À Seattle, la FIFA exigeait que les rénovations soient complétées à l’été 2025. Si les exigences sont les mêmes pour les stades canadiens, les autorités concernées vont bientôt devoir présenter des budgets et entreprendre les travaux nécessaires


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