Annonce

Réduire
Aucune annonce.

En Algérie, Camus divise toujours.

Réduire
Cette discussion est fermée.
X
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • En Algérie, Camus divise toujours.

    Algérie. Camus divise toujours


    Cinquante ans après sa mort, le 4janvier 1960, dans un accident de voiture en métropole, Albert Camus suscite toujours la polémique en Algérie, son pays d'origine.

    De notre correspondant à Alger.
    Les historiens, les écrivains et les journaux restent partagés sur l'oeuvre d'AlbertCamus et son rôle durant la guerre d'indépendance. Les nationalistes et les conservateurs reprochent à l'écrivain pied-noir de n'avoir pas été à l'avant-garde de la lutte de libération nationale contre la France. Officiellement, l'écrivain avait choisi «sa mère à la justice», en référence à la phrase prononcée par Camus après l'obtention du prix Nobel en 1957: «J'aime la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice». «Cette phrase, on la lui reprochera jusqu'à la nausée, comme si elle avait anéanti tous ses discours et ses prises de positions passées en faveur des Arabes», remarque le journaliste Mustapha Chelfi dans une tribune publiée lundi dernier par le Quotidien d'Oran à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de la disparition d'AlbertCamus. L'historien Belaid Abane estime que Camus était «un colonialiste», un «philosophe à la posture communautariste», qui a assisté «bouche cousue» au martyr du peuple algérien. Camus était «englué dans le cliché raciste de l'Arabe égorgeur», écrit Belaid Abane dans le quotidien francophone ElWatan.

    Oublié au plan national...

    L'auteur de «L'Étranger» et de «La Peste» est complètement ignoré au plan officiel en Algérie. Aucune rue, ni place, ni édifice public ne porte son nom. Aucune indication sur la maison où il avait grandi, chez sa grand-mère maternelle, au 124, rue Belouizdad, à Belcourt, quartier populaire d'Alger. Une partie des archives de l'écrivain se trouve toujours à l'ex-maison d'édition Charlot située rue Hamani (ex-Charas) dans le centre algérois, transformée en médiathèque.

    ... mais des livres qui se vendent

    Les critiques contre AlbertCamus ne font pas l'unanimité en Algérie. L'écrivain y compte des lecteurs et des défenseurs. «On ne peut pas taxer Camus de colonialiste. C'était un humaniste et un enfant de l'Algérie. Il fait partie de notre patrimoine culturel», estime Boussad Ouadi, libraire à Alger et directeur des éditions Inas. Dans les librairies, les livres de Camus se vendent toujours. «Ses livres, notamment ?L'Étranger? et ?La Peste?, sont toujours demandés, mais rien n'a été fait pour sauvegarder les archives et la mémoire de cet écrivain», déplore Boussad Ouadi. Pour l'éditeur Sofiane Hadjadj (éditions Barzakh), Camus fait pourtant partie du patrimoine culturel algérien.

    Par Le telegramme.

  • #2
    Camus, mal-aimé de la presse algérienne.

    L'anniversaire de la mort d'Albert Camus est assez peu présent, ce 4 janvier dans la presse algérienne de langue française, reflétant le malaise, voire le rejet, suscité par l'auteur de L'Etranger auprès des Algériens.


    Beaucoup de journaux sont totalement silencieux sur le cinquantième anniversaire de la mort du Prix Nobel. Pas une allusion dansEl Moujahid, le quotidien gouvernemental. Rien non plus dansLe Quotidien d'Oran, premier quotidien francophone du pays.Liberté, quotidien proche du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), mouvement kabyle, se contente d'annoncer les émissions qui seront consacrées à Albert Camus cette semaine... dans les médias français.
    L'Expression, journal proche du président Bouteflika, est le seul à mettre l'anniversaire de la mort de Camus à la une, dans sa rubrique culturelle, mais il ne publie qu'une brève évocation de la vie de l'écrivain signalant que "son appel à la trêve pour les civils lancé en janvier 1956 l'éloigne de la gauche (française), qui soutient la lutte pour l'indépendance algérienne."... sans rien dire de ce qu'en pensent, ou en ont pensé les intellectuels algériens.
    Jusqu'à quel point un écrivain doit-il porter la responsabilité d'un moment de l'histoire, prendre position pour ou contre l'indépendance ?
    Le quotidien populaireLe Soir d'Algérie, tout aussi succintement, rapporte que les intellectuels de gauche en France, dont Simone de Beauvoir, disaient que "Camus s'était rangé «du côté des pieds-noirs», et qu'il avait choisi la colonisation contre la guerre d'Algérie." L'auteur de l'article estime que le non-engagement de Camus en faveur de l'indépendance ne doit pourtant pas "occulter ce que fit l'écrivain au regard de l'oeuvre dimensionnelle et grandiose qu'il a laissée entre philosophie de la vie ou la condition humaine."
    Camus, sa mère et la justice
    Alors qu'il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957 à Stockholm, Albert Camus, interrogé par un étudiant algérien, sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance, il répond : "Si j'avais à choisir entre cette justice et ma mère, je choisirais encore ma mère." Cette phrase, revient comme un leitmotiv dans la presse algérienne.
    Albert Camus vénérait sa mère qui vivait alors à Alger dans un quartier très populaire, particulièrement exposé aux risques d'attentats.
    El Watan ("Le pays"), journal de référence, dont le directeur, Omar Belhouchet, a été condamné plusieurs fois à la prison, est le seul à consacrer un véritable dossier, avec des opinions contrastées, au prix Nobel. Le journal rappelle que jusqu'à sa mort accidentelle le 4 janvier 1960, Albert Camus resta fidèle à la même position, continuant ses interventions discrètes en faveur des condamnés à mort algériens, tout en gardant le silence sur la guerre de Libération.
    El Watan donne la parole à des partisans de l'écrivain comme ce libraire pour qui "Camus fait partie de la littérature algérienne" au même titre que d'autres écrivains pieds-noirs comme Jacques Derrida et Jean Pellegri. "Le procès fait à Camus en Algérie est celui des écrivains et de la littérature. Jusqu'à quel point un écrivain doit-il porter la responsabilité d'un moment de l'histoire, prendre position pour ou contre l'indépendance ?"
    Pour Arezki Tahar, libraire lui aussi, Camus n'est pas un écrivain algérien mais un écrivain français d'Algérie : "Il était un humaniste qui n'avait pas choisi la justice, la justice était du côté de ceux qui voulaient libérer leur pays après 130 ans d'une des pires des colonisations."
    Camus ne s'est jamais débarrassé de ses réflexes primaires bien enracinés dans son inconscient colonial
    Le journaliste Bélaïde Abane, lui, signe un virulent pamphlet contre l'écrivain, "Camus : Entre la mère et la justice". En matière d'introduction, il cite l'écrivain algérien Kateb Yacine : "Je préfère un écrivain comme Faulkner qui est parfois raciste mais dont l'un des héros est un Noir, à un Camus qui affiche des opinions anticolonialistes (sic) alors que les Algériens sont absents de son oeuvre et que pour lui l'Algérie c'est Tipaza, un paysage... " Selon lui, l'écrivain pied-noir ne s'est "jamais débarrassé de ses réflexes primaires bien enracinés dans son inconscient colonial." Il rappelle que Raymond Aron disait de lui que c'était un "colonialiste de bonne volonté". Bélaïde Abane est révolté par les propos qu'aurait tenu Camus dans L'Express en 1958. "Il faut considérer la revendication d'indépendance nationale algérienne en partie comme une des manifestations de ce nouvel impérialisme arabe dont l'Egypte, présumant de ses forces, prétend prendre la tête et que, pour le moment, la Russie utilise à des fins de stratégie anti-occidentale." Le journaliste considère que Camus, qui "ne fait que traduire la propagande du bloc colonialiste en périphrases ampoulées" a fait "preuve d'un aveuglement incurable". (1)
    El Watan publie également un long entretien avec José Lenzini, auteur de plusieurs ouvrages sur l'écrivain né à Mondovi. Camus "ne croyait pas à la possibilité des différentes communautés de se retrouver dans l'harmonie d'une indépendance, qui lui paraissait vouée à de grosses contradictions du fait de son «usurpation» par le FLN." Il rappelle qu'au moment du massacre de Sétif, en mai 1945, Camus écrivait, dans Combat : "Je lis dans un journal du matin que 80% des Arabes veulent devenir Français. Je dirai plutôt qu'ils voulaient le devenir, mais qu'ils ne le veulent plus...".

    Par l'Express

    Commentaire


    • #3
      Camus, l'Algérien ou l'étranger ?

      Camus, l'Algérien ou l'étranger ?


      A travers son œuvre et ses discours, Camus a toujours souligné son lien fidèle à sa terre natale, l’Algérie. Rejeté dans un premier temps par les Algériens, lui reprochant de ne pas avoir pris parti pour la libération, il est finalement peu à peu réintégré par la nouvelle génération. Paroles de Yasmina Khadra, Maïssa Bey et Boualem Sansal.


      Yasmina Khadra (Sipa)

      Je ne pourrai pas vivre en dehors d'Alger. Jamais. Je voyagerai car je veux connaître le monde mais, j'en ai la conviction, ailleurs, je serais toujours en exil". Cette phrase qu'Albert Camus a écrite à son ami Claude de Fréminville en octobre 1932 pourrait résumer à elle seule le lien indéfectible qui unit l'auteur de "l'Etranger" à sa terre natale. Camus est mort en 1960. Deux ans plus tard, l'Algérie déclarait son indépendance. On ne saura jamais qu'elle aurait été sa réaction à cette issue, mais tous les Algériens s'accordent à dire que Camus a chanté l'Algérie comme personne ne l'a jamais fait.
      Tout au long de son œuvre, la terre, la mer et le ciel algériens sont décrits avec lyrisme et nostalgie. Mais un décor méditerranéen, aussi chaleureux soit-il, ne peut s’affranchir à ce moment-là du fait colonial et de la guerre d’Algérie. Et malgré la lucidité de Camus sur le sort du peuple "indigène", il ne se fera pas à l'idée que l’Algérie retrouve son indépendance. "Il savait ce qu’il avait à perdre si l’Algérie venait à recouvrer son ‘algériannité’. Il s’accrochait à cette Algérie comme un naufragé à son épave. Il n’avait qu’un seul rivage: que ce pays reste ce qu’il a toujours été pour lui", considère l’écrivain algérien Yasmina Khadra. Ni totalement Français, ni totalement Algérien, Camus était entre les deux, impossible à situer, ni même à définir, suscitant méfiance et admiration à la fois. D'un coté, le respect pour son œuvre et sa fidélité à l'Algérie. De l'autre, une réserve critique à cause de sa discrétion sur la politique française en Algérie. La position de Camus sur le devenir de son pays était pourtant attendue à double titre: d’abord en tant qu’intellectuel, ensuite en tant que Français d’Algérie.

      Peu écouté

      Dans un climat de passions exacerbées, il sera peu écouté et mal compris. Rejeté dans un premier temps par les intellectuels algériens de l’époque, à l'instar de Kateb Yacine "flamme bourdonnante et presque dévastatrice", comme le décrit Yasmina Khadra, il sera finalement réintégré par la nouvelle génération issue des années noires du terrorisme, de Maïssa Bey à Boualem Sansal. Même s'il n'a pas rallié l'idée d'une nation algérienne, il s'est engagé en faveur de la justice et s'est insurgé contre le fait colonial, mais aussi contre les moyens qu’utilisait le FLN dans sa lutte pour l’indépendance.
      Du "Manifeste des intellectuels algériens en faveur du projet Violette", en 1937, qui prévoit une démocratisation de l'Algérie fondée sur l'idée d'assimilation, à l'appel à la trêve civile en 1956 pour un "vivre ensemble" qu'il publie dans l'Express, Camus s'est accroché à une solution difficile à tenir à mesure que la révolte grondait et que la guerre d'Algérie s'engageait. Un pacifisme qu'on lui a reproché, tant du côté algérien que du côté français.
      Son déchirement et son obstination ne seront pas compris. Répondant à un étudiant algérien en 1957 sur son manque d'engagement aux côtés du FLN, comme l'a été Sartre, Camus répond : "Je partage votre malheur […] J'ai toujours condamné la terreur, je dois condamner aussi un terrorisme qui frappe aveuglément, dans les rues d'Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice". Une phrase mal comprise qui lui fera prendre la décision en 1958 d’arrêter de s’exprimer publiquement, laissant son point de vue dans "Chroniques algériennes" où il rassemble tous ces articles sur le sujet.

      Un journaliste conscient

      À l’inverse de ses écrits littéraires dans lesquels il écrivait "une Algérie fantasmée", comme l’affirme Yasmina Khadra, ses écrits journalistiques sont clairs et sans concessions. Dès 1939, alors que peu se souciaient du sort de la population colonisée, Camus décrit dans une série d'articles de l'Alger Républicain intitulé "Misère de la Kabylie", la misère économique de cette population principalement des montagnes et dénonce "le mépris général où le colon tient le malheureux peuple de ce pays". Non seulement il dénonce l’exploitation coloniale, mais il propose des solutions et condamne la répression contre les pionniers de l'anticolonialisme, comme Messali Hadj. Plus tard, ce sont les événements de Sétif en 1945 et la torture de l’armée française que le journaliste de Combat dénonce.
      Aujourd'hui nombre d'Algériens, le pouvoir politique en premier, gardent rancœur et mépris. D'autres revendiquent une filiation, un patrimoine qu'ils s'approprient, admirant son écriture d’enfant du pays. Mais au-delà de la littérature, la politique, liée à la période coloniale, n'est jamais très loin, et avec cela le reproche incessant fait à Camus sur l'absence des Arabes dans ses romans. Aujourd’hui, il ne laisse pas indifférents ni l’Algérie, ni les Algériens. Tantôt haï, tantôt aimé, Camus ravive les douleurs, mais le plus souvent rappelle une Algérie chérie.

      Trois auteurs algériens témoignent de leur rapport à Camus (Cliquez pour accéder directement aux témoignage ) :

      > Yasmina Khadra : "Les Algériens étaient l'excroissance d’une faune locale"

      > Maïssa Bey : "Il ne faisait aucune concession au fait colonial"

      > Boualem Sansal : "Camus a écrit l'Algérie d'une manière charnelle"


      Yasmina Khadra : "Les Algériens étaient l'excroissance d’une faune locale"

      "J'avais 14 ans quand j’ai lu "L’Etranger". C'est ce roman qui m’a donné envie d’écrire en français. "L’Etranger" est une réussite. Chaque fois que je le relis, j’ai le sentiment de découvrir une autre œuvre, toujours plus grandiose. C'est le plus grand roman du XXeme siècle. Je l’ai toujours dit. Ce n’est pas ce que dit Camus qui m’intéresse, mais la façon dont il le dit. J’aime ce côté révolutionnaire qu’il a pour aborder les sujets. J'aime sa façon de domestiquer avec des mots simples l’absurdité des êtres et des choses. Camus écrivait l'Algérie avec un regard d’enfant triste. Il avait un objet de prédilection qu’il ne voulait partager avec personne. Et cet objet c’était l’Algérie. Il le serrait contre lui comme un bien précieux et je crois que cela empêcha son regard d’aller plus loin. C’est quelqu’un qui n’a jamais su dire l’Algérie dans sa pluralité. Il est resté dans un fantasme très personnel et très singulier.
      Je me suis approprié les espaces qu'il n'a pas voulu investir, tout cet espace vierge qu'il a abandonné. L’autre Algérie, le Kabyle, l’Arabe. J'ai essayé de donné un sens et une vie à tous ces territoires qui lui paraissaient dérisoires, insignifiants. Camus m’a laissé tout ce qu’il n’a pas voulu voir. Il a été comme un maraudeur qui s’aventure dans un verger. Il a pris les fruits qui lui paraissent les plus beaux. Et il m'a laissé tout le reste.
      Tout le reste, c'est cette communauté musulmane qu'il ne voyait pas, qu'il ignorait totalement ! Pour lui, c’était l’excroissance d’une faune locale. Des figurants, fantomatiques, qu’il préférait garder au loin. Des petites références géographiques. Je crois que les Algériens d'hier et d'aujourd'hui lui reprochent d’avoir résumé les Algériens en un seul vocable : l’Arabe. Et il y avait dans cet Arabe quelque chose de péjoratif, d’insupportable que les Algériens ont perçu comme une sorte de négation. L’Arabe était générique. C’était le sac dans lequel il mettait tous les autres qui n’étaient pas européens. Dans son fantasme, il assainissait, il élaguait pour ne garder que ce qui comptait à ses yeux. Et l’Arabe ne comptait pas à ses yeux. Il était dans son rêve algérien.
      Cela ne l'a pas empêché, dans son rôle de journaliste, de décrire le quotidien des Algériens avec justesse. Mais pas dans ses romans. J'ai toujours voulu lui répondre. "Ce que le jour doit à la nuit" (Ed. Julliard, 2008) est ma réponse algérienne, fraternelle. J’ai tout simplement voulu lui dire que l’Algérie, ce n’est pas ce type qu’on abat sur une plage parce qu’il fait chaud. J’ai voulu montrer que l’Algérien est une histoire, une épopée, une bravoure, une vaillance, une intelligence, une générosité. Toutes ces belles choses que Camus n’a pas réussies à déceler. J’ai toujours voulu lui dire que malgré la magnificence de ton talent, malgré ton immense génie, tu as été injuste avec l’Algérien !
      En revanche on a eu tort de lui reprocher la fameuse phrase dans laquelle il déclare préférer défendre sa mère avant la justice. Camus était un homme loyal, mais il a préféré le cœur à la raison à mon grand regret. Pour les intellectuels algériens de l'époque, cela a été un coup de poignard dans le cœur. A aucun moment, les Algériens n’ont réussi à situer Camus. Quand il écrivait dans la presse, il était hésitant. Il s’engageait, puis se rétractait, puis revenait… C’était quelqu’un qui n’arrivait pas à choisir. Il s’accrochait à cette Algérie comme un naufragé à son épave. Il n’avait qu’un seul rivage : que ce pays reste ce qu’il a toujours été pour lui. Il aimait atrocement ce pays. Et il était prêt à tous les sacrifices. Et jusqu’à sacrifier son âme pour son Algérie à lui. J’ai toujours dit qu’on ne devait jamais impliquer un écrivain ailleurs que dans son texte. Camus quand il écrit c’est une divinité. Ce qu’il écrit peut blesser, comme moi par exemple, mais je ne peux pas contester son immense génie et son immense talent. On continue de l’aimer. C’est un immense écrivain du patrimoine algérien. C’est notre seul prix Nobel.

      ...

      Commentaire


      • #4
        Camus, l'Algérien ou l'étranger ?

        Maïssa Bey : "Il ne faisait aucune concession au fait colonial"

        "Camus fait partie des écrivains qui ont le mieux chanter la terre. En tant qu'écrivain, je puise ma sève dans les mêmes évidences : la lumière, l’ombre, la terre, la mer. Il écrivait l’Algérie comme personne ne l’a jamais écrit. Il a chanté ce pays qui le nourrissait et qui faisait de lui ce qu’il était. L’influence de la terre, sur lui et sur son écriture n’est plus à démontrer. On a souvent reproché à Albert Camus l’absence du peuple algérien qu’il côtoyait. Dans ses textes de fictions et particulièrement dans "L’Etranger" et dans "La Peste", qui se situait l’un à Alger, l’autre à Oran, on constate que les Arabes sont absents ou alors qu’ils ne sont que de vagues allusions. Cela a été retenu à charge contre Camus, disant qu'il niait leur existence. Mais si on essaye de comprendre la présence fugitive des Algériens, il faut se poser la question de la réalité telle qu’elle était vécue à ce moment là. Les Algériens et les Français se côtoyaient, mais il y avait une frontière réelle. Les textes de Camus correspondent exactement à ce qui se passait à ce moment-là. Les passerelles entre les deux peuples étaient rares. Elles étaient le fait d’intellectuels seulement. Il y avait très peu de contacts. Les œuvres des auteurs algériens de l'époque en sont la preuve. Dans "La Grande Maison" de Mohamed Dib par exemple, dans lequel l’auteur revient sur son enfance à Tlemcen, la seule présence des Français est visible seulement quand l’enfant Omar va porter des paniers au marché et entre dans une maison française. C’est la seule fois où il y a un "contact". Ce n’est que le reflet d’une réalité qui était là. Il y avait les quartiers européens et les quartiers algériens et de fait une séparation géographique quotidienne.
        Dans ses "Carnets", véritable mine d'or, on se rend compte que les Algériens étaient beaucoup plus présents qu’on a bien voulu le dire. On y découvre un Camus révolté par l’indignité de la situation des Algériens, surtout lorsqu'il décrit la situation en 1945 juste après les événements de Sétif. Et c’est une analyse qui ne fait aucune concession au fait colonial. Il évoque les tickets de rationnement en période de guerre, en expliquant que la ration de pain octroyé au Français était supérieure à celle d'un Algérien. Il avait une inconscience aigüe de l’injustice de la situation. Et dans son engagement d’homme, d’écrivain et de philosophe, je pense qu’il n’était pas insensible à cela. C’était un homme profondément meurtrie par la violence aveugle de son pays pendant la guerre, et on sait comment Camus condamnait la violence, au contraire de Sartre. Il était déchiré, écartelé. La fameuse phrase retenue à charge contre lui, était un cri du cœur, qui ne résumait pas son engagement, mais l’état dans lequel il était. Aujourd’hui, beaucoup d’Algériens peuvent se reconnaître dans cette phrase. Et ils sont d'ailleurs beaucoup à l’admettre. Mais pendant longtemps, il y a eu une incompréhension. L’écartèlement de Camus était difficile à accepter. Il a été rejeté par ses deux communautés d’appartenances. Les Français et les Algériens lui ont reproché son manque d’engagement pour l’une ou l’autre des deux parties. Et ce qui d’ailleurs l’a conduit à se murer dans le silence, tant il le vivait mal. Et pourtant, quand on lit ses textes, on devine qu’il adhérait totalement aux revendications des Algériens. Ce qui le gênait c’était les méthodes et les moyens.
        Aujourd'hui la place de Camus en Algérie est ambigüe. Ces dix dernières années de violence a fait revenir Camus comme objet d’étude. Beaucoup d’intellectuels algériens le revendiquent comme faisant partie du patrimoine, particulièrement chez les écrivains. Mais j'en doute. Si Camus faisait partie du patrimoine, concrètement cela voudrait dire qu’il y aurait une rue Camus, un lycée Camus, une place Camus. Il n’y en a pas. Je ne crois pas que l'Algérie est prête à le reconnaître. Et pourtant, quand on voit le nombre de titres d’ouvrages qui s’intitulent "Camus l’Algérien", je me dis qu'il y a un désir profond de se réapproprier cette voix, ces mots. Les choses évoluent. Mais comment définir l’algérianité de Camus et surtout celle de tous les Algériens ? Qu’est-ce qu’est être algérien ? C’est une question que nous-mêmes, nous nous posons. Pour moi, Camus est algérien parce que c’est quelqu’un de lié à la terre qui l’a vu naître. C’est une évidence qu’on ne peut pas nier. Camus à été forgé par la lumière de cette terre, par ses contradictions. Et il le dit lui-même dans tous ses textes. On sent qu’il ne peut pas se situer ailleurs. Il disait, et j’aime beaucoup cette phrase : ‘Je ne pourrai jamais vivre en dehors d'Alger. Jamais. […] Ailleurs je serais toujours en exil’ ».

        Boualem Sansal

        "Ce qui saute aux yeux, c'est qu'il écrivait l'Algérie avec beaucoup d'amour. Il a aimé ce pays d'une manière charnelle. Avec des mots, des accents, une musique extraordinaire. Il donne envie d'aimer cette terre, même sans la connaître, même s'il ne parle que de son Algérie à lui. Camus, c'est la nostalgie de l'Algérie, ce qu'elle n'est plus. Quand on lit Camus, on voit une autre Algérie, belle, qui parle à la chair et au corps, qui parle à l'humain.
        On lui a reproché sa discrétion sur le peuple algérien, de ne pas avoir exprimé son empathie d'une manière plus nette, plus directe. Et je pense qu'il a fait ce choix à cause d'un sentiment de culpabilité. Camus était dans le déchirement. Il observait une situation de colonisation qu'il dénonçait. A l'époque l'état d'urgence était d'une complexité incroyable. Tout le monde se posait des questions, même Camus. Et il fallait faire attention à ce qui se disait. Moi qui vit en Algérie aujourd'hui j'ai les mêmes réticences à prendre la parole en public. Sans doute par peur de heurter les sensibilités. Aimés par les uns, détestés par les autres, Camus était dans une situation qui l'obligeait à modérer ses propos. On lui a fait un mauvais procès en lui reprochant sa fameuse phrase sur la mère et la justice. Aujourd'hui les choses ont changées. Le reproche de son ambivalence est de plus en plus compris. Après quinze ans de terrorisme, les Algériens se sont mis à la place de Camus qui avait peur que sa mère ne se fasse emporter par une bombe. La société civile découvre Camus grâce notamment à des écrivains comme Yasmina Khadra et Maïssa Bey qui en font l'éloge. Camus est un enfant du pays. Il a même été question à un moment de baptiser le lycée français du nom de Camus. Ca ne s'est pas fait, le discours officiel reste encore méfiant. Cela aurait été un signe de réconciliation fort entre la France et l'Algérie. Dommage, le traité d'amitié de Bouteflika a pris l'eau. Mais je suis sûr que bientôt, Camus fera partie du programme scolaire. Les choses bougent. L'Algérien commence à ressentir le besoin de rejeter les idéologies, de reprendre leur vie en main et de retrouver leur dignité. Comme Camus. S’il était encore vivant, je lui écrirais tous les jours, en tant que lecteur et lui dirais combien je l'admire et comment il me fascine. »

        Par le Nouvel Obs.

        Commentaire


        • #5
          la faune

          Cette faune , qui comprend les faux moudjahidines, les martiens, les incompetents, certains lettrés analphabétes tres proche du pouvoir, et qui ont occultés , etouffés, tous ces algériens d'origine françaises qui ont participé à la guerre de libération nationale, certain d'entre-eux condamné à mort et éxécutés,sont , hélas, toujours mis à l'index .
          Les jeunes d'aujourd'hui ne les connaissent pas, puisque l'omerta est de mise parmi les usurpateurs de la révolution algerienne.
          Camus un algérien, je dirais comme lui, si j'ai à choisir entre ma mére et la justice ou même la patrie, je choisirai ma mére, et je defi quiconque , s'il est sincére de dire le contraire .
          " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

          Commentaire


          • #6
            Et au dela

            des articles de journaux et des appréciations d'écrivains ou d'intellectuels, le connaissez vous, est il lu encore en Algérie ? Il se définissait comme Algérien.

            En essayant s'il vous plait de ne pas le stigmatiser pour la phrase trop répétée "entre la justice et ma mère, je choisirai ma mère" prononcée dans un contexte particulier en réponse à une provocation ?

            Commentaire


            • #7
              Très curieux

              je n'avais pas lu le post d'Iska, nous postons pile au même instant !

              Commentaire


              • #8
                Attarikh

                "Trois auteurs algériens témoignent de leur rapport à Camus (Cliquez pour accéder directement aux témoignage ) : "

                J'ai cliqué et ça ne passe pas, mais ce n'est pas grave puisque tu as eu la gentillesse de mettre ces temoignages en lignes .
                " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

                Commentaire


                • #9
                  Curieux

                  "
                  "je n'avais pas lu le post d'Iska, nous postons pile au même instant !"

                  Je n'avais pas lu le tien non plus, puisque c'était à la même minute, pour ma part j'ai repondu à ton interrogation .
                  " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

                  Commentaire


                  • #10
                    camus ne doit des explications a personne ; je crois que c'est nous qui lui devons le devoir de faire l'effort de le comprendre le le connaitre ..

                    camus c'est surtt sa mere ..son enfance .; sa mere pauvre , analphabete , qui parlait un français aussi cassé que celui des algeriens arabes .. elle été aussi presque incapable de parler , presque muette..

                    l'algerie officielle n'a pas meprisé cammus consciement , elle la fait bêtement , comme elle l'a fait pour les algeriens non musulmans qui se sont sacrifier pour "l'algerie algerienne" et qui n'ont rencontré que l'ingratitude .. la seule consolation est que djamila bouhired l'a été tt aussi .. le FLN de l'été 62 a trahit tt le monde en faite , morts et vivants à la fois , albert camus mort , comme assia djebbar la vivante ..

                    camus est lu en etranger par une jeunesse qui ne lis pas, donc lu tres peu par des algeriens qui ne savent pas qu'ils sont entrain de lire un algerien .
                    en verité ...en verité... je vous le dis .. si un grain de blé tombe en terre et ne meurt pas ,il restera seul , mais s'il meurt ,il donnera beaucoup de fruits . evangile

                    Commentaire

                    Chargement...
                    X