Quand je suis arrivé chez elle, Anne sortait la poubelle. Et elle-même sortait de la douche. Elle avait encore les cheveux mouillés. Elle portait des souliers plats, une jupe blanche et un t-shirt noir sans manche. Quand je suis arrivé chez elle, ce matin, aujourd'hui, samedi, il faisait tellement froid. Tellement. Anne est blonde. Ou alors elle est teinte. Je ne sais jamais pour ces trucs-là. Il n'y a que les rouquines qui ne m'abusent pas, à cause qu'elles ont des picots.
-Pourquoi la poubelle ? C'est samedi !
-Je viens de nettoyer la litière et le vivarium.
-Le vivarium ! C'est quoi ?
-Celui de ma salamandre. C'est son espace.
-Ah bon ! C'est quoi une salamandre ?
Anne a 28 ans, un hamster, un chat, une salamandre et un caniche. Je ne le savais pas avant aujourd'hui que Anne avait un hamster, un chat, une salamandre et un caniche. Elle est fleuriste, elle habite St-Donat, une banlieue à quelques trente minutes de Montréal. Voilà...Ah oui, j'allais oublier, je l'ai rencontré dans une discothèque à Laval voilà deux semaines. Et alors, c'est ma première visite chez elle. Parceque voilà deux semaines, c'était sa premiére visite chez moi. On se connaît pas encore. Juste une connaissance intime.
À peine rentré chez elle:
Si ça ne te dérange pas, m'a dit Anne, on va aller au pet-shop, il faut que j'achète des criquets pour ma salamandre ! J'ai dit bien sûr, comme si c'était là la chose la plus banale du monde, comme si Anne me disait ça tous les matins, comme si on vivait ensemble, chéri n'oublie pas de rapporter du lait, des nouilles et des criquets pour nourrir la salamandre.
Nous sommes revenus du pet-shop avec quatre criquets vivants dans un sac de plastique. Quand la salamandre a entendu Anne froisser le sac elle s'est mise à frétiller... Aussitôt les insectes jetés dans le vivarium, la salamandre en a saisi un dans le travers de sa gueule... Le criquet faisait allonger ses pattes tandis que la salamandre le l'avalait lentement. Elle ne le tuait pas, elle le digérait vivant.
Pétrifiant.
Ensuite Anne m'a fait visiter St-Donat qui ressemble un peu à Berlin-Est avant. Ou à Hassi-Messaoud maintenant avec autant de neige que de sable. Nulle vie. Où sont les gens? Au travail? Sûrement. Mais c'est samedi. Chez eux alors, mais à faire quoi ? Anne ne sait pas. Anne sait seulement qu'avant, il y a longtemps, St-Donat était plus mouvementée. Il était une fois.
Les rues sont presque désertes. Les rares promeneurs ont l'air des survivants d'une attaque nucléaire. Locaux à louer. Quelques vitrines borgnes. Même désolation partout.
Nulle vie. Sauf chez elle, la jeune femme à côté de moi. Elle s'assoit, replace une mèche. Elle marche sur ses souliers plats, ses dents sourient, ses seins bougent. Elle vit, et sa jupe blanche vit aussi autour de ses hanches...
Cette jeune femme vivante dans cette banlieue qui meurt, pétrifiant.
Ce matin-là, St-Donat était une salamandre qui tenait dans le travers de sa gueule une jeune femme vivante en jupe blanche. Elle est actuellement en train de la digérer vivante avec son chat, son hamster, son caniche femelle.
Cette nuit, vers minuit, on se reverra encore à la discothèque. Elle viendra avec ses amies. J'ai un doute, j'aime pas les hamsters, ni les chats, encore moins les salamandres. Va pour les caniches... Je vais le dire à Anne, je ne sais pas comment elle va réagir. Je vais le lui dire pareil, avant qu'on se revisite chez moi à l'aube de demain dimanche.
Pourquoi je vous raconte ça ? Comme ça. Juste pour pas penser à la salamandre, ni au hamster, au même temp que j'y pense. J'écris c'est tout.
-Pourquoi la poubelle ? C'est samedi !
-Je viens de nettoyer la litière et le vivarium.
-Le vivarium ! C'est quoi ?
-Celui de ma salamandre. C'est son espace.
-Ah bon ! C'est quoi une salamandre ?
Anne a 28 ans, un hamster, un chat, une salamandre et un caniche. Je ne le savais pas avant aujourd'hui que Anne avait un hamster, un chat, une salamandre et un caniche. Elle est fleuriste, elle habite St-Donat, une banlieue à quelques trente minutes de Montréal. Voilà...Ah oui, j'allais oublier, je l'ai rencontré dans une discothèque à Laval voilà deux semaines. Et alors, c'est ma première visite chez elle. Parceque voilà deux semaines, c'était sa premiére visite chez moi. On se connaît pas encore. Juste une connaissance intime.
À peine rentré chez elle:
Si ça ne te dérange pas, m'a dit Anne, on va aller au pet-shop, il faut que j'achète des criquets pour ma salamandre ! J'ai dit bien sûr, comme si c'était là la chose la plus banale du monde, comme si Anne me disait ça tous les matins, comme si on vivait ensemble, chéri n'oublie pas de rapporter du lait, des nouilles et des criquets pour nourrir la salamandre.
Nous sommes revenus du pet-shop avec quatre criquets vivants dans un sac de plastique. Quand la salamandre a entendu Anne froisser le sac elle s'est mise à frétiller... Aussitôt les insectes jetés dans le vivarium, la salamandre en a saisi un dans le travers de sa gueule... Le criquet faisait allonger ses pattes tandis que la salamandre le l'avalait lentement. Elle ne le tuait pas, elle le digérait vivant.
Pétrifiant.
Ensuite Anne m'a fait visiter St-Donat qui ressemble un peu à Berlin-Est avant. Ou à Hassi-Messaoud maintenant avec autant de neige que de sable. Nulle vie. Où sont les gens? Au travail? Sûrement. Mais c'est samedi. Chez eux alors, mais à faire quoi ? Anne ne sait pas. Anne sait seulement qu'avant, il y a longtemps, St-Donat était plus mouvementée. Il était une fois.
Les rues sont presque désertes. Les rares promeneurs ont l'air des survivants d'une attaque nucléaire. Locaux à louer. Quelques vitrines borgnes. Même désolation partout.
Nulle vie. Sauf chez elle, la jeune femme à côté de moi. Elle s'assoit, replace une mèche. Elle marche sur ses souliers plats, ses dents sourient, ses seins bougent. Elle vit, et sa jupe blanche vit aussi autour de ses hanches...
Cette jeune femme vivante dans cette banlieue qui meurt, pétrifiant.
Ce matin-là, St-Donat était une salamandre qui tenait dans le travers de sa gueule une jeune femme vivante en jupe blanche. Elle est actuellement en train de la digérer vivante avec son chat, son hamster, son caniche femelle.
Cette nuit, vers minuit, on se reverra encore à la discothèque. Elle viendra avec ses amies. J'ai un doute, j'aime pas les hamsters, ni les chats, encore moins les salamandres. Va pour les caniches... Je vais le dire à Anne, je ne sais pas comment elle va réagir. Je vais le lui dire pareil, avant qu'on se revisite chez moi à l'aube de demain dimanche.
Pourquoi je vous raconte ça ? Comme ça. Juste pour pas penser à la salamandre, ni au hamster, au même temp que j'y pense. J'écris c'est tout.
Commentaire